Vous aimez les langues ? Vous aimez jouer avec les mots, rigoler, refaire le monde ? Délires de linguiste est fait pour vous ! Bienvenus sur le blog de Jean O'Creisren !
Qu’y a-t-il de commun entre Albane, Jonaz, Maëlwenn, Hakam, Scratch et Girolamo ?
Apparemment, tout les différencie : une jeune femme au cœur d’or qui parle aussi bien anglais que russe, deux Bretons aussi têtus l’un que l’autre, un chirurgien algérien qui a tout abandonné pour commencer une licence de droit, un SDF alcoolique, ainsi qu’un traducteur italien à la fois fervent catholique et fan du groupe anarchiste Ska-P.
Pourtant, ils vont cheminer ensemble vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils vont affronter les mêmes épreuves sur un pied d’égalité. Avec les autres pèlerins, ils formeront une communauté très hétérogène, mais solidaire. Tous marchent pour une raison singulière, qu’ils en aient conscience ou non. Trouveront-ils ce qu’ils recherchent en cours de route ?
Vous aimez lire les articles de « Délires de linguiste » ? Quatre ans après avoir lancé ce blog, je publie Unis par le Camino. Ce roman original se développe autour du Chemin de Compostelle. Différents personnages évoluent au cœur de cette Espagne que j’aime tellement. Vous retrouverez dans cet ouvrage ma passion pour les langues, mon goût de l’aventure et une bonne dose d’humour.
Un jeune père de famille qui a lu la première version m’a confié que c’est le genre de lecture que l’on peut recommander à des adolescents. D’après lui, ce roman les hisse vers le monde des grands, avec des réflexions intéressantes d’un point de vue culturel et philosophique, ainsi qu’un idéal sain concernant le goût de l’effort, les relations humaines et les questions affectives.
Cette idée de lecture vous intéresse ? Vous pouvez commander le livre sur le site de l’éditeur.
Vous pouvez également vous le procurer en librairie. Voici les références bibliographiques :
O’CREISREN. Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle. Saint-Ouen : Les Éditions du Net, 2023.
Il était une fois un royaume nommé Nahouaille-Aquart, dont la capitale était Ydoum-Agnet. Ce pays chrétien vivait en paix avec ses voisins, le royaume de Wassa-Nédy à l’est et l’émirat de Kordoura au sud.
À la cour du roi Patrice VII de Nahouaille-Aquart, tout le monde vivait dans la sobriété et le respect les uns des autres. En effet, le monarque n’aimait pas que les nobles fassent étalage de leurs richesses, et exigeait que tout le monde ait sa place dans le château. Aussi montrait-il l’exemple en vivant simplement, partageant sa fortune avec les plus pauvres. Tout le monde aimait ce bon souverain.
Une fois par an, le roi Patrice VII convoquait vingt-quatre jeunes gens des quatre coins du royaume pour les faire chevaliers. La cérémonie d’adoubement avait lieu le jour de la fête nationale et se poursuivait par un grand banquet.
Ce jour-là, toute la cour était réunie pour l’événement, et les vingt-quatre jeunes gens, agenouillés les uns à côté des autres, recevaient à tour de rôle les coups de l’épée royale sur leurs épaules, puis l’évêque leur imposait sur la tête pour les bénir. Attendant son tour, Habib, de nature assez distraite, regardait les convives. Son regard s’arrêta sur une jeune femme d’une éblouissante beauté. Elle avait le teint clair et les yeux d’un bleu aussi gai qu’un ciel d’été. Sa chevelure blonde rappelait les rayons du soleil. Cette demoiselle avait l’air paisible et son sourire rayonnant rassurait le jeune homme.
Physiquement, Habib n’avait pas le même aspect que cette inconnue. Fils d’immigrés originaires de Kordoura, il était brun, au teint basané. Subjugué par cette sublime beauté, il n’écoutait plus les paroles du cérémonial. Soudain, la jeune femme tourna le regard vers lui. Intimidé, Habib baissa les yeux et fixa le sol. La voix du monarque lui fit relever la tête :
̶ Alors, vous dormez, jeune homme ?
̶ Euh… Non, j’étais juste pensif…
̶ Que voulez-vous ?
̶ Je veux devenir chevalier.
̶ Pourquoi ?
̶ Pour servir Dieu et mon pays, pour défendre les faibles contre l’oppresseur et pour protéger mon peuple.
̶ Au nom de la maison royale de Nahouaille-Aquart, dit le roi en posant la lame de son épée sur les deux épaules de Habib, je te fais chevalier !
̶ Et moi, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, je te bénis, ajouta l’évêque. Que Dieu te garde dans ce noble devoir qui t’incombe !
Et c’est ainsi que Habib entra dans la chevalerie. La fête continua avec un joyeux banquet. Alors que le jeune homme piochait quelques victuailles sur le buffet, une voix féminine l’interpella :
̶ Voici le chevalier distrait…
Se retournant, il se trouva face à la jeune femme qu’il avait vue pendant la cérémonie.
̶ Bonjour, répondit-il. Je m’appelle Habib el-Kordourawi, pour vous servir ! Et vous ?
̶ Enchantée ! Je m’appelle Églantine. Vous portez donc un nom arabe. D’où venez-vous ?
̶ Je suis né dans le royaume de Nahouaille-Aquart, mais mes parents sont originaires de Kordoura. Ils ont émigré juste après leur mariage. Et vous, êtes-vous de la famille de l’un de mes compagnons, qui ont été adoubés comme moi aujourd’hui ?
̶ Non, répondit Églantine avec un sourire bienveillant. Je suis la fille du roi.
̶ Oh ! Mais vous êtes donc une princesse ! Je ne savais pas…
̶ N’ayez crainte, il n’y a aucun souci ! Si vous avez accepté la bénédiction de l’évêque, j’imagine que vous êtes chrétien.
̶ Certes. Toute ma famille est chrétienne. Mes parents vivaient en bons termes avec nos voisins juifs et musulmans au pays. Mais ils sont partis pour tenter l’aventure à l’étranger.
*
* *
Ainsi commença une belle amitié entre Habib et Églantine. Il découvrit combien cette jolie jeune femme avait également une belle âme. Il l’aimait en secret, mais n’en parlait à personne. Dans sa prière quotidienne, il la confiait sans cesse au Seigneur. Un soir cependant, il se risqua à aborder le sujet avec l’abbé Nathan, son confesseur.
̶ Merci pour la confiance que tu me fais, répondit le prêtre. Tes sentiments sont beaux, purs, altruistes et désintéressés. Mais n’y croie pas trop…
̶ Comment ça ?
̶ La princesse Églantine est promise en mariage au prince Féhout-Cho, le fils cadet du roi de Wassa-Nédy. C’est ainsi, les princesses ne peuvent épouser que des princes, et non pas d’humbles chevaliers.
̶ Mais… A-t-elle déjà rencontré ce prince ? L’aime-t-elle ? Est-elle d’accord pour l’épouser ?
̶ Elle le rencontrera le jour des fiançailles. Ce mariage n’est pas une question de sentiments. Il s’agit d’une affaire politique, pour assurer la paix entre les deux royaumes. Et comme Patrice VII n’a pas de fils, il compte sur Féhout-Cho pour lui succéder. Quant à toi, oublie Églantine et prépare-toi à servir le futur roi Féhout-Cho Ier, dans convoiter sa future femme.
̶ Mais j’aime Églantine ! Comment pourrais-je l’oublier ? Nous sommes de très bons amis. Je prie pour elle à longueur de journée et…
̶ Eh bien, continue le prier pour elle, mais demande également au Seigneur de t’aider à accepter la réalité. Prie pour Églantine, pour qu’elle soit heureuse auprès de Féhout-Cho et qu’elle soit une bonne reine. Mais toi, ton bonheur ne sera pas auprès d’elle. Donc tu peux d’ores et déjà prier pour celle qui sera vraiment ta femme.
Ces paroles étaient difficiles à entendre pour Habib, mais il fit ce que lui avait dit son confesseur. Après tout, s’il aimait vraiment Églantine, il lui souhaitait d’être heureuse.
Quelques mois plus tard, le jour des fiançailles arriva. Un beau carrosse apparut sur la route de l’est, escorté par des gardes, et s’arrêta sur la place principale d’Ydoum-Agnet. Le peuple et la cour étaient présents pour accueillir l’héritier du trône. Soudain, la porte du carrosse s’ouvrit, et le prince apparut.
En le voyant, tous furent stupéfaits. En effet, il était d’une laideur effrayante, et la princesse Églantine fut prise de dégoût en apercevant son futur mari. Mais elle se dit qu’un corps laid peut cacher une belle âme, et qu’elle découvrirait certainement les vertus de ce jeune homme.
La cérémonie de fiançailles se déroula, et de loin, Habib voyait que son amie avait l’air triste et perdue. Il pria pour elle durant toute la messe :
« Seigneur, je vois bien qu’elle n’a aucune envie d’épouser cet homme. Pourquoi permettez-vous cela ? Je sais que vous aimez Églantine et que vous la voulez heureuse. Si elle peut être heureuse avec ce type, faites naître de l’amour entre eux. Sinon, faites que ce mariage n’ait pas lieu… »
Lors du repas, les deux fiancés étaient assis l’un à côté de l’autre. Le prince Féhout-Cho monopolisait la conversation, faisant montre de son savoir et de son humour. En effet, il était intelligent, bon orateur et très drôle. Il faisait rire Églantine et les autres.
Après le dessert, les valets débarrassèrent, et les fiancés se retirèrent. Une fois qu’ils étaient seuls, Féhout-Cho saisit violemment la princesse et tenta de l’embrasser. Dégoûtée, elle se débattit et cria.
̶ Mais enfin, ma mie ! s’indigna le prince, nous serons un jour mari et femme ; nous pouvons donc nous embrasser !
En effet, il sentit sous sa gorge une lame froide.
̶ Lâche-la ! dit Habib, qui se tenait derrière le prince.
Tremblant, Féhout-Cho leva les mains au ciel et laissa partir Églantine. Habib baissa son arme et le prince se retourna. Les yeux noirs et expressifs du chevalier lançaient à son adversaire un regard accusateur. Pour sa défense, celui-ci rétorqua :
̶ Qui es-tu, toi, traître de Sarrasin ? Comment oses-tu m’interrompre quand je courtise ma fiancée ? Ne sais-tu pas que je suis ton futur roi ?
̶ Je ne permettrai pas qu’un porc comme toi règne sur Nahouaille-Aquart et tu n’épouseras certainement pas la princesse Églantine. Elle mérite bien mieux qu’un enfant gâté comme toi !
̶ Ça ne se passera pas comme ça ! répliqua Féhout-Cho avec fureur. Mon père n’acceptera pas qu’on me traite ainsi !
Pendant ce temps, Églantine s’en alla tout raconter au roi, et celui-ci en fut terriblement attristé. Une fois que Féhout-Cho fut retourné à Wassa-Nédy, Patrice VII y envoya un courrier pour annoncer que le mariage n’aurait pas lieu. Quelques jours plus tard, Wassa-Nédy déclara la guerre au royaume de Nahouaille-Aquart.
Dès qu’il apprit la nouvelle, le roi Patrice convoqua Habib.
̶ Tu te doutes bien de la cause de ce conflit, dit le monarque.
̶ Oui, Votre Majesté. Je sais que tout est ma faute, mais je n’ai pas toléré qu’on traite ainsi votre fille.
̶ Tu as très bien fait, Habib. Je te félicite de l’avoir défendue. Il est hors de question qu’elle épouse un type pareil et que mon bon royaume soit administré par cet énergumène. Si je t’ai fait venir ici, c’est parce que je compte sur toi pour une mission spéciale. En effet, je te demande d’aller à Kordoura pour négocier avec l’émir un traité d’alliance. Les troupes de Wassa-Nédy sont bien plus nombreuses et puissantes que les nôtres et nous ne tiendrons pas longtemps sans l’aide de nos voisins du sud. Comme ta famille est originaire de ce pays et comme tu parles sa langue, tu es certainement le mieux placé pour diriger cette ambassade.
̶ Vous pouvez compter sur moi, Votre Majesté !
Le lendemain, dès l’aube, Habib partit avec quelques cadeaux et une escorte. Depuis une fenêtre du donjon, Églantine regarda les voyageurs se diriger vers le midi. Depuis ces beaux yeux clairs, des larmes coulaient sur ses joues blanches. « Mon Dieu, pria-t-elle, protégez ce preux chevalier ! Faites qu’il ne lui arrive rien ! »
Après un voyage qui se déroula sans incident majeur, Habib et ses compagnons furent bien accueillis au palais de l’émir. Celui-ci leur déclara :
« Mes chers amis, c’est sans hésiter que j’entrerai en guerre contre Wassa-Nédy aux côtés du bon roi Patrice. Cela fait des années que ces barbares menacent nos frontières et terrorisent notre population. J’avais justement envie de les attaquer, mais mon armée est moins puissante que la leur. En m’alliant avec Nahouaille-Aquart, je suis sûr que nous les vaincrons ! »
Le jeune chevalier s’en alla porter la nouvelle au monarque, et les hostilités commencèrent. Les ennemis se livrèrent bataille dans la plaine de Mouwal-Jiza, à la frontière entre les trois pays. Les chevaliers de Nahouaille-Aquart se tenaient prêts sur leurs destriers, tandis que les moudjahidines de Kordoura surplombaient le champ de bataille du haut de leurs dromadaires. Habib était chargé de faire l’interprète entre les uns et les autres afin de coordonner les actions communes. Soudain, on entendit un grand vacarme.
Une armée gigantesque apparut à l’autre bout de la plaine. Des soldats armés jusqu’aux dents marchaient au pas, leurs armures provoquant un bruit métallique à faire frissonner les plus braves des guerriers. Bien que preux chevalier, Habib avait peur. Il pria ainsi :
« Mon Dieu, je vais peut-être mourir aujourd’hui. Que Votre volonté soit faite. Je suis chevalier ; je dois me battre pour mon pays jusqu’à la mort. Je le ferai. Je défendrai ma patrie pour la belle Églantine, pour qu’elle puisse vivre dans un pays en paix. »
Puis la bataille commença. Les troupes des deux camps se lancèrent dans un combat sans merci, et Habib luttait avec force, comme porté par une puissance qui lui était inconnue. Le simple fait de penser à son amie lui donnait une vigueur insoupçonnée, jusqu’à ce que sa poitrine fût traversée par une flèche ennemie…
*
* *
Raphaël Ben David changea les pansements du blessé. Cela faisait trois jours que Habib était entre la vie et la mort.
̶ Va-t-il s’en sortir ? demanda l’abbé Nathan.
̶ Il y a vraiment très peu d’espoir, répondit le médecin. Mieux vaut commencer à prier pour le salut de son âme.
̶ Je vais donc lui donner les derniers sacrements…
Le prêtre avait à peine dit ces mots que Habib ouvrit les yeux, toussa et demanda :
̶ Où suis-je ?
̶ Dans le monastère Saint-Lazare, tout près de la plaine de Mouwal-Jiza.
̶ Nous l’avons gagnée, reprit le prêtre en souriant. Wassa-Nédy s’est rendu et un traité de paix a été signé.
Habib se leva, puis commença à chanter et à danser de joie.
̶ Mais… C’est impossible ! lança le docteur Raphaël. Il y a deux minutes, il était à l’agonie, et maintenant, il est en pleine forme, à croire que sa blessure est complètement cicatrisée.
En effet, le jeune homme enleva son pansement, et tout le monde put constater qu’il était pleinement guéri.
̶ C’est un miracle ! s’émerveilla le l’abbé Nathan. Cher Habib, je pense qu’une bonne âme a beaucoup prié pour toi…
̶ Je le pense aussi, s’écria une voix féminine qui venait de derrière le chevalier.
Le jeune homme se retourna et aperçut la princesse Églantine. Il courut vers elle, et s’agenouilla, lui tenant la main.
̶ Églantine, ô ma chère Églantine ! J’ai vu la mort de près, j’ai vu un tunnel au bout duquel luisait une lumière éblouissante, mais je sentais qu’une force me retenait sur Terre. Et cette force, c’était toi ! Oui, je t’aime ! C’est grâce à toi que je suis en vie, grâce à ta prière et grâce à l’amour que j’ai pour toi.
̶ Moi aussi, je t’aime, ô mon beau chevalier Habib ! Tu n’imagines pas combien j’ai prié, pleuré, jeûné pour que tu vives… Je t’aime de tout mon cœur et je suis prêt à te donner ma vie.
̶ Quelle bonne nouvelle ! C’est le plus beau jour de ma vie ! Mais… ton père ? Acceptera-t-il qu’une princesse comme toi épouse le modeste chevalier que je suis ?
̶ Qui a dit que tu n’étais qu’un « modeste chevalier » ? interrogea une voix forte.
Les amoureux se retournèrent et virent le roi Patrice qui avançait avec sérénité.
̶ Tu ne sais pas encore, reprit le souverain, que c’est grâce à toi que nous avons gagné la bataille, mon cher Habib…
̶ Comment ça ? répondit le chevalier, tout étonné.
̶ Comment ça ? Eh bien, premièrement, c’est grâce à toi que nous avons pu établir une alliance avec l’émir de Kordoura, ce qui a doublé nos effectifs. Et d’autre part, tu t’es battu avec une telle force que les chevaliers et les moudjahidines se sont sentis encouragés, tandis que les soldats de Wassa-Nédy ont pris peur. Ils ont même fini par abandonner le champ de bataille. Tu nous as donc fait gagner la guerre. Aussi, pour te récompenser, je t’offre ce que tu désires le plus, à savoir la main de ma fille, ce qui signifie également que tu me succéderas sur le trône de Nahouaille-Aquart après ma mort.
̶ Majesté, je ne sais comment vous remercier !
̶ Moi, je sais : en étant un bon époux pour ma fille, un bon père pour mes petits-enfants et un bon roi pour mes sujets.
̶ Mais un bon roi chrétien, reprit l’abbé Nathan, doit aussi aimer et respecter ses adversaires. Il doit également prier pour eux. Ainsi, cher Habib, chère Églantine, je vous demande de prier pour votre ennemi Féhout-Cho, qui est malheureux. Priez pour qu’il découvre la joie d’être aimé et se convertisse.
̶ Nous vous le promettons ! répondirent en cœur les deux amoureux.
*
* *
Et c’est ainsi que le modeste chevalier, fils d’étrangers et sauveur de son pays, épousa la belle princesse Églantine. Ils eurent de nombreux enfants, et le règne de Habib Ier de Nahouaille-Aquart fut une période de paix, de prospérité et de bonheur pour tout le royaume.
Quant au prince Féhout-Cho, il épousa Jamila, la fille de l’émir de Kordoura. Elle le trouvait beau, intelligent et drôle, et cet amour était réciproque. La défaite lui avait appris à devenir humble, et son échec lui apporta beaucoup. Il signa un traité de paix avec l’émirat, et c’est à cette occasion qu’il rencontra la princesse. Avant de se fiancer, il se rendit à Ydoum-Agnet pour demander pardon à Églantine, à toute la famille royale et à tous les habitants de Nahouaille-Aquart. Ce pardon lui fut accordé et il se convertit. À la mort de son père, il monta sur le trône de Wassa-Nédy, et administra son royaume avec justice. Sous le règne de Habib Ier et de Féhout-Cho IX, toute la région vécut en paix, pour le plus grand bonheur de ses habitants.
S’il ne s’agit que d’une histoire, une chose est vraie : l’amour et la prière peuvent faire des miracles. J’en suis témoin. Parfois, nous avons l’impression que le mal triomphe et que nous ne pouvons rien y faire. Mais quand on aime et quand on prie, Dieu nous donne toujours ce dont nous avons besoin pour être heureux. Il nous aime et veut notre bonheur, et si nous lui faisons confiance, il fera de grandes choses, même au-delà de ce que nous pouvons espérer, même changer les cœurs les plus endurcis.
Il y a quelques mois, je me suis fait avoir par un commercial sans scrupules. Après être tombé dans le panneau, je me suis vengé d’une manière digne d’un traducteur de documents juridiques…
En effet, l’un de mes amis est un excellent commercial. Dans cet article, nous l’appellerons Aurélien Baratin. Il y a quelques mois, il a réussi à me faire avaler une énormité. Tout a commencé quand il m’a envoyé une photo de lui en robe d’avocat…
Jean O’Creisren : Oui. Tu es devenu avocat ? (NDLR : je n’étais absolument pas sérieux en posant cette première question)
Aurélien Baratin : Oui. Cela fait 8 ans que je travaille sur le concours du barreau dans l’ombre, et la récompense est enfin tombée.
Jean O’Creisren : Si c’était vrai, tu serais le seul mec que je connaisse qui soit devenu avocat sans suivre au préalable un cursus de droit. 😉
Aurélien Baratin : J’en ai suivi [sic]. Mon diplôme à l’École des Baratineurs m’a fait valider des UE de droit et j’ai complété avec une formation à distance. Très peu de personnes autour de moi le savaient. Tu n’as pas remarqué dans la bibliothèque de l’appart pas mal de manuels de droit ?
Jean O’Creisren : Peut-être. C’est donc vrai ? Si oui, félicitations ! Mais je te croirai à 100 % quand tu auras mis à jour ton profil LinkedIn… et je serai ravi de recommander ta compétence « droit ». 😊
Aurélien Baratin : Merci, mais je ne compte pas exercer tout de suite.
Jean O’Creisren : C’est vrai que tu dois d’abord suivre 18 mois de cours et de stage dans une école d’avocats… Où suivras-tu ta formation ? Au fait, pourrais-tu me montrer ton attestation de réussite au concours du barreau ?
Aurélien Baratin : J’ai tout fait à distance, Jean.
Jean O’Creisren : Montre-moi une preuve que tu es reçu !
Aurélien Baratin : Pour le stage, je me suis arrangé avec maître Rilleul-Esteyte, un ami avocat sur Angers spécialisé en droit immobilier. Mon diplôme à l’École des Baratineurs m’avait déjà fait valider plein de choses en droit immo et de la construction.
Jean O’Creisren : Ok. Je vois que cet avocat existe et que tu es bien en lien avec lui sur LinkedIn. Comme tu es du genre à essayer de me faire marcher et comme je n’étais absolument pas au courant que tu souhaitais devenir avocat, j’ai quand même du mal à te croire. Mais si c’est vrai, chapeau !
Aurélien Baratin : J’allais t’envoyer un message salé car j’ai eu l’impression que tu commençais à me sous-estimer et à penser que c’était impossible pour moi. Tu peux demander à maître Rilleul-Esteyte. Je vais faire une soirée l’an prochain et il y sera, bien entendu. Tu peux également en parler avec Yves Carré quand tu le verras puisqu’on a le projet de s’associer.
Là-dessus, j’ai fini par céder et j’ai félicité ledit Aurélien. J’ai vu Me Yves Carré à une soirée chez des amis communs et je suis passé pour une andouille devant tout le monde car lui n’était au courant de rien. Je me suis donc vengé en envoyant ce message au commercial malhonnête. Je me suis permis de revisiter et de complexifier une blague bien connue pour piéger les juristes :
« Salut Aurélien ! Comment vas-tu ? Je rentre d’une soirée où j’ai vu Yves Carré. Il m’a donné plus de détails sur votre cabinet d’avocats. Beau projet ! 😊 Je suis ravi de savoir que tu te spécialises dans les questions de fiducies immobilières.
D’ailleurs, il se trouve que j’ai un ami qui est concerné et je serais preneur de tes précieux conseils à ce sujet. Son père est constituant d’une fiducie familiale et il détient notamment cinq maisons dans un lotissement. Mon ami (dont je dois taire le nom pour des raisons de confidentialité) est fiduciaire et gère ce patrimoine pour l’ensemble de la fratrie. Ils sont donc 5 frères et sœurs voisins. Mon ami est le cadet, mais comme l’aînée est une fille, c’est lui que le notaire a nommé fidéicommissaire en vertu de la loi salique. Ledit ami est donc voisin de sa sœur aînée et il se trouve qu’un œuf de requin-marteau halicorne a été retrouvé sur le muret qui sépare les deux jardins. Comme tu peux le vérifier sur Internet, cet animal est menacé. Ainsi, un œuf de ce poisson est d’une extrême rareté et constitue un vrai trésor. Toutefois, l’inventeur dudit trésor n’est pas l’un quelconque des voisins, mais leur neveu de 9 ans. Comme ce dernier est mineur, le trésor en question revient-il aux responsables légaux de l’inventeurs susmentionné, au constituant de la fiducie, au fiduciaire ou à sa sœur voisine et aînée ? »
Notre baratineur préféré a répondu avec humour en me disant que, comme avocat, il facturerait ses précieux conseils à prix d’or. Certes, le commercial peu scrupuleux qu’il est s’y connaît mieux que moi en techniques de manipulation. Mais le linguiste rêveur que je suis le bat en rédaction juridique. Voici la réponse à mon énigme :
« Effectivement, un œuf de requin-marteau halicorne constitue un trésor d’une extrême rareté. En effet, ce poisson est vivipare et ne pond donc pas d’œufs. La rareté d’un tel trésor n’a d’égal que celle des dragons et des licornes. »
Bref, tout cela pour dire que mon ami est un excellent commercial. S’il n’eut été mon ami, je l’aurais envoyé promener au même titre que les vendeurs, colporteurs et autres arnaqueurs qui essaient de temps à autres de me voler mon pognon.
El martes, 3 de mayo de 2016, Jeanne Larghero habló a los estudiantes del tema de la afectividad y de la sexualidad. Este asunto no es en absoluto un tabú en la Iglesia Católica. Se abordó con benevolencia y la conferenciante nos enseñó cuánto la mirada de Dios sobre nuestro cuerpo es bella.
¿Cuál es realmente el punto de vista católico sobre el sexo?
¿Qué dice la Iglesia sobre la sexualidad? El martes, 3 de mayo de 2016, Jeanne Larghero impartió una conferencia para los estudiantes que frecuentaban la capellanía de Cergy-Pontoise, cerca de París. El tema era: «Mi cuerpo bajo la mirada de Dios». La conferenciante es filósofa, escritora y formadora de educación afectiva y sexual. Publicó un libro titulado Quand la philosophie se mêle de sexe (Desclée De Brouwer, 2014). En español, la traducción del título sería «Cuando la filosofía se mete con el sexo». En nuestra sociedad, este tema es omnipresente. Así que esa aclaración sobre el punto de vista de la Iglesia Católica cautivó al auditorio.
En efecto, la sexualidad es un asunto del cual se habla muchísimo. Sin embargo, resulta difícil articular un discurso justo y adecuado al respeto. Jeanne Larghero nos recuerda que Dios, nuestro Creador, se interesa con nuestro cuerpo. No es indiferente al hecho de que un@ tenga un cuerpo de hombre o de mujer. Nos mira y nos dice: «¡Qué hombre tan estupendo!» «¡Qué chica tan guay!» Y es más: ¡Dios tiene sentimientos por nosotros!
Además, nuestro cuerpo sexuado está llamado a la vida eterna. En el día de nuestra resurrección, veremos a Dios en nuestra propia carne, después de buscarlo durante toda nuestra existencia terrenal.
Cuando un@ lee el libro del Génesis, se entera de que el Señor crea al hombre «macho y hembra», si se traduce literalmente. Es el primer relato de la historia en el cual se afirma que el hombre y la mujer tienen el mismo origen y la misma dignidad. Antes de tratar de Adán y Eva, el texto menciona la creación de los animales y su reproducción, pero sin abordar directamente el tema de la sexualidad. A las bestias, Dios no les dice: «Sean fecundos y multiplíquense» (Gn 1, 22). En cambio, solo a la hora de crear una realidad a su imagen, el Señor le otorga la existencia a la pareja humana, dotada de una sexualidad y de una fecundidad. «Y Dios creó al hombre a su imagen; lo creó a imagen de Dios, los creó varón y mujer» (Gn 1, 27). En otros términos, la sexualidad humana no tiene nada que ver con la sexualidad animal, ya que refleja la gloria de Dios. Asimismo, no puedo separar mi forma de vivir la sexualidad y la propia mirada sobre el hombre o la mujer que soy. En efecto, no hay nada más concreto que mi masculinidad o mi feminidad. Si soy un hombre, cuánto más bella sea mi manera de mirar a las mujeres, más bella será mi forma de considerar la propia masculinidad.
Querido por Dios, mi cuerpo sirve a la relación; está enteramente hecho para relacionarse con los demás. No es diferente de mí. En efecto, un@ no «tiene» un cuerpo, sino que «es» un cuerpo. Cuando alguien me dice «te quiero», esto significa que le gusta mi cuerpo. La relación sexual es la forma cumplida de la relación amorosa; por eso la Iglesia pide que no se viva a la ligera, sino que implique un auténtico compromiso de amor.
Aunque el cuerpo del hombre produce espermatozoides sin cesar, el de la mujer sólo es fértil durante unos diez días del ciclo menstrual. Esto significa que la sexualidad humana no es el lugar del instinto y de la reproducción, a diferencia de lo que pasa con los animales. Es algo profundo y sagrado.
Cuando el acto sexual engendra un ser humano, los padres lo crean «para siempre»; le dan vida a un ser llamado a la eternidad.
Después de la conferencia, algunos estudiantes formularon preguntas sobre lo que la Iglesia permite y prohíbe en materia de moral sexual. Jeanne Larghero contestó que moralizar no tiene sentido en sí mismo. Sin embargo, la religión cristiana enseña que el amor y la sexualidad deben vivirse en la verdad, queriendo realmente el bien de la persona con la cual un@ se une, y dándose plenamente. Esto es la propia definición del matrimonio.
La tarde terminó con debates entre los estudiantes, sobre esta hermosa cuestión que preocupa a todo el mundo.
Vous aimez la science-fiction ? Découvrez « Terra Botanica », une nouvelle originale écrite par Jean O’Creisren…
Leonardo se pose beaucoup de questions. Ce travail a-t-il vraiment du sens ? Certes, il gagne bien sa vie. Oui, mais après ? Cette activité très lucrative le rend-il vraiment heureux ? Est-elle au service du bien commun ? Leo est indispensable à son entreprise. Contrairement aux autres, il a eu la chance de faire des études à Agrocampus, à Angers, tandis que son futur employeur finançait le développement de son haut potentiel. Bien sûr, il n’en parlait pas à ses camarades de promotion. Il disait juste qu’il voulait travailler dans la recherche en botanique, mais le reste de son parcours était top secret. D’ailleurs, depuis qu’il est retourné dans son pays, il n’a plus aucun lien avec ces étudiants français. Et c’est sans doute mieux ainsi.
Oui, ce travail si bien rémunéré dans ce laboratoire lui pose question. Quinze ans après son retour, il est en pleine crise de la quarantaine. Mettre au point des plantes de plus en plus psychotropes et addictives pour ce cartel latino-américain lui paraît vide de sens. Toute cette délinquance, tous ces massacres, toutes ces vies gâchées… Mais s’il dit mierda à son employeur, c’est la gâchette à coup sûr…
Le marché s’épuise, les drogues classiques ne se vendent plus tellement ; il faut innover. Une étude de marché fait ressortir une nouvelle demande de la part des consommateurs : une plante euphorisante, dégageant un gaz ou une énergie qui les mettrait dans une joie dynamique et qu’ils pourraient avoir chez eux. Il y travaille avec professionnalisme, mais sans grande conviction. Il est résigné, comme un esclave, comme un robot.
Dans ce bidonville de San Porro del Mono, le cartel local règne en maître. L’État a déserté les lieux depuis longtemps et la population fait confiance à ces bandits qui sortent les pauvres gens de la misère par le clientélisme. Le seul contre-pouvoir sérieux est l’Église catholique. Les prêtres, les religieux et les religieuses, qui vivent pauvres parmi les pauvres, sont aux côtés des toxicomanes, des enfants des rues et des prostituées. Ils ne cautionnent pas la mainmise des narcotrafiquants, mais ils sont bien obligés de fermer les yeux s’ils veulent rester en vie. Même certains dealers se montrent très croyants et arrosent généreusement la quête du dimanche avec leur argent sale. Le curé de la paroisse, le père Francisco, est un homme très respecté. Il est d’une très grande cohérence : généreux, bienveillant et franc, il vit sobrement et se met toujours au service d’autrui. Sa prédication est toujours remplie de sagesse et il s’adresse de manière accessible aux paroissiens qui, pour beaucoup, ne sont jamais allés à l’école. Croyants ou non, tout le monde l’admire et l’appelle ElSanto, « le saint ».
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Latif est désespéré. Et il n’est pas le seul. Dans le royaume de Dar ez-Zoulm, une grande partie de la population déprime. Tout va très bien pour les Zoulmites. Leur vie est paradisiaque : villas, piscines, voyages à l’étranger, festins réguliers. Mais pour les travailleurs originaires d’Asie du Sud-Est, c’est l’enfer. Venus pour pouvoir envoyer de l’argent à leur famille, ils sont payés misérablement. Ils sont entassés dans des logements insalubres, travaillent comme des bêtes et n’ont aucun moyen pour protester. Certains préfèrent se suicider pour que leurs familles puissent toucher l’argent des assurances. Quant aux jeunes filles, elles sont forcées à la prostitution.
L’Occident est complice de cette monarchie injuste. La richesse du royaume vient de ses nombreux gisements de pétrole, exploités par la multinationale Petroflouz. Latif et ses compagnons travaillent sur les puits d’extraction. Ils y font les métiers les plus dangereux et nombre d’entre eux sont tombés malades à cause de la pollution. Les Zoulmites habitent loin de ces bagnes et ne sont donc pas exposés à ces problèmes. D’ailleurs, se rendent-ils vraiment compte de ce que subissent les populations « accueillies » sur leur territoire ?
Latif marche seul dans le désert. Il se sent comme une victime. Il se croit beaucoup trop gentil pour résister aux injustices et prie Allah de lui venir en aide. Dans son Pakistan natal, on adore le même Dieu qu’ici. Pourquoi les croyants de Dar ez-Zoulm agissent-ils de la sorte ? Le Coran ne dit-il pas que tous les musulmans sont frères ?
Soudain, il trébuche et tombe à plat ventre. Il regarde quelle pierre l’a fait choir. À son grand étonnement, il s’agit d’une lampe, exactement comme celle d’Aladin. Incrédule, il la frotte pour voir quel sera le résultat…
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Adila pleure sur ses enfants. Elle les aime. Elle connaît tous les trésors qui se cachent en eux. Mais la vie ne les a pas aidés. C’est comme si le sort s’était acharné sur toute la famille. Abbas, l’aîné, est devenu chef de bande. Il a rapidement compris qu’il aurait plus d’avenir dans le trafic de drogue qu’en tentant de suivre les cours dans ces établissements de ZEP où les professeurs sont dépassés.
Abra, la deuxième de la fratrie, est beaucoup plus raisonnable. Elle a toujours été studieuse et a toujours montré le bon exemple à ses frères et sœurs. Mais elle souffre d’asthme sévère à cause de l’environnement dans lequel se trouve la cité. En effet, Tutiroutupointes est coincée entre une bretelle d’autoroute et une raffinerie de pétrole tenue par Petroflouz, dans la banlieue nord de Marseille. Et les ferries à quai n’arrangent rien ! De nombreux problèmes de santé touchent ces populations qui n’ont pas les moyens de vivre ailleurs : maladies respiratoires, cancers, problèmes psychiques, voire malformations des fœtus et déficiences intellectuelles.
Dakwan, le troisième enfant de Badreddine et Adila, est très intelligent. Petit, il était curieux et s’intéressait à tout. Mais la crise d’adolescence fait des dégâts. Au collège de Tutiroutupointes, il ne fait pas toujours bon être un « intello ». Les enseignants voient que ce jeune a du potentiel, mais il préfère rester légitime auprès de ses copains que passer pour le « fayot de service », même si son grand frère est tellement craint que personne n’oserait le toucher. D’ailleurs, Dakwan s’identifie plus à Abbas qu’à son père. Ce dernier est âgé et il ne parle même pas français. Il ne travaille pas et c’est l’aîné caïd qui fournit l’argent à la maison.
Les deux derniers, Bahij et Faïda, font la consolation de leurs parents. Ils vivent encore de la fraîcheur de l’enfance, mais pour combien de temps ? Bahij est enjoué, et son sourire radieux emplit la maison. Il fait souvent le clown et apporte un peu de rire dans cette ambiance morose. Faïda est pleine de bienfaits pour sa famille. À quatre ans et demi, elle est déjà coquette, elle bute sur les mots et attendrit tout le monde, du terrible Abbas à la sérieuse Abra, du Dakwan peu assuré aux deux parents angoissés par leurs trois aînés.
Cette famille est un exemple type de ce qui se passe dans cette cité : chômage, discrimination, pollution, maladies, manque d’avenir, délinquance, mais aussi solidarité et vie. À Tutiroutupointes, tout le monde souffre de ces injustices. Mais, comme dans chaque cité de France et de Navarre, tout le monde se connaît. Donc s’ils veulent s’unir pour faire la révolution, ils en ont les moyens. Le tout est de la faire intelligemment…
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Le père Francisco se lève. L’évangile est lu, il va enchaîner avec son homélie. On vient de lui diagnostiquer un cancer en phase terminale, mais il ne l’a dit à personne. Il n’a donc rien à perdre. Tout le monde attend avec impatience ce qu’il va dire. Après un long silence, il commence enfin son prêche :
« Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ? »
Il s’arrête. Toute l’assemblée retient son souffle. Que va-t-il tirer de cette citation de l’évangile de Matthieu ?
« Mes amis, que signifie cette phrase pour nous aujourd’hui ? »
Pas de réponse.
« San Porro del Mono est remplie de gens bien. Vous êtes des gens bien. Vous êtes des enfants de Dieu et vous avez été créés pour faire le bien. »
Silence.
« Mais malgré cela, San Porro del Mono est remplie de violence, de misère et d’injustice. Pourquoi ? »
Silence.
« Eh bien parce que le démon y fait son œuvre ! Il y a, dans ce bidonville, des gens qui ont vendu leur âme au diable. Ils gagnent des milliers de pesos, ils ont des piscines, des femmes à volonté, parfois ils vont à l’église et donnent leur argent sale à la quête ou aux plus pauvres. Ils gagnent le monde entier, mais ils sont sur le chemin de l’enfer. Et vous, vous êtes complices ! Vous acceptez cette servitude ! Or Dieu nous a créés pour l’amour, pour la liberté, pas pour cette complaisance avec le mal ! Dieu est plus fort que le diable ! L’amour est plus fort que la mort ! N’ayez pas peur et osez résister aux narcotrafiqu… »
Le sermon du padre est interrompu. Une balle vient de s’encastrer au milieu de son front. Personne ne sait d’où ça vient, mais le tireur a un message implicite pour l’assemblée : « Si vous faites ce qu’il vous a dit, il vous arrivera la même chose ! »
Dans ce bidonville, violence et religion sont omniprésentes. Les habitants en ont assez de la violence et la religion est leur seul refuge — avec la drogue, pour beaucoup. Les paroles d’El Santo ont retenti. Si tous les prêtres ne sont pas irréprochables, celui-ci était très aimé car il était très cohérent. Il a témoigné de ses convictions jusqu’au don de sa vie. Alors il est temps de reprendre le flambeau et de faire la révolution…
Le soir même, un groupe de personnes se réunit dans le plus grand secret. Les leaders de tous les groupes sont représentés : les syndicalistes, les religieux, les enfants des rues, les prostituées, les colporteurs… Seuls les trafiquants manquent à l’appel. Le conseil secret réfléchit à la manière dont il peut renverser ce régime narcocrate.
– Il faut faire table rase du passé, annonce Felipe, un leader syndical d’âge mûr. Il faut prendre les armes pour renverser ce régime impérialiste ! Barricadons-nous ! ¡¡El pueblo unido jamás será vencido!![1]
– La violence ne résout rien, rétorque sœur Teresa. Pensez à Jésus, qui a sauvé le monde sur la croix. Pensez au pasteur Martin Luther King qui a fait changer les États-Unis par la non-violence…
– Je ne crois pas à votre Bon Dieu des Bisounours, ma p’tite dame ! Est-ce qu’Hitler est tombé de cette manière-là ? Nous avons affaire à des tarés ! Contre le fascisme et la dictature capitaliste, seule la révolution peut changer les choses !
– Et que pensez-vous d’une révolution non-violente ?
Tous se tournent vers Miguelito. De sa petite voix, le chef de bande des enfants des rues vient d’intriguer l’ensemble du conseil.
– Explique-toi, reprend María Magdalena, directrice de la maison clause du quartier.
– Eh bien, nous pourrions lancer une grève du manque !
– Une quoi ? répondent-ils tous en chœur.
– Une grève du manque ! C’est le même principe que la grève de la faim, mais avec la drogue. Tous les toxicomanes du bidonville arrêteraient de consommer jusqu’à ce que les narcos dégagent…
Devant les explications de l’enfant, tous éclatent de rire.
– Tu es jeune et sans expérience, Miguelito, reprend jovialement Melquíades, le porte-parole des colporteurs. Mais tu apprendras avec la vie qu’un toxico ne peut pas se passer de drogue comme ça. C’est une maladie et on n’en sort que très rarement à coups de bonne volonté.
– J’ai peut-être l’air jeune, mais j’ai bien plus d’expérience que vous ne le croyez. Nous, les enfants des rues, nous ne sommes pas du tout naïfs. Nous sommes des experts en matière de délinquance et de défonce. Et d’ailleurs, je ne suis même pas un enfant, mais un extraterrestre !
Devant cette nouvelle remarque, c’est un fou rire incontrôlable qui saisit toute l’assemblée. C’est à croire que le garçon vient de dévorer un space cake ! Mais tout à coup, les rires se transforment en cris de peur. En effet, ce n’est plus un enfant qui se dresse devant eux, mais un cloporte vert géant, avec des tentacules à la place des pattes. Il disait donc vrai !
– Ça vous fait peur ? Rassurez-vous : je vais vous effrayer encore davantage !
À la place de l’alien, les conseillers voient un jeune homme d’une trentaine d’années, l’air introverti. Ils crient en effet de plus belle, car c’est l’une des dernières recrues des narcotrafiquants. C’est Judas, l’assistant de Leonardo au laboratoire.
– N’ayez pas peur ! J’ai beau avoir un nom de traître, ce sont les narcos que je trahis. Si vous m’écoutez bien sagement, je vous indiquerai comment mener votre révolution. Mon vrai nom est Ra-Rho. Je viens d’une planète nommée Terra Botanica, qui est à un million d’années-lumière de la vôtre. D’ailleurs, ce nom est aussi celui d’un parc à thème dans l’ouest de la France, mais les responsables politiques locaux n’ont pas fait exprès de copier sur nous. Ils ne connaissaient pas l’existence de ma terre natale, donc nous ne pouvons pas les accuser de plagiat. Sur ma planète, la vie animale et végétale est foisonnante. On y trouve notamment une multitude d’espèces de plantes magiques. Avec deux collègues, j’ai été envoyé en mission pour aider les Terriens. Mon camarade Ra-Rib a été parachuté au Moyen-Orient, où il se fait passer pour un génie dans une lampe. Quant à Zarbi, il s’est déguisé en chômeur qui profite du système dans la banlieue de Marseille, en France. Nous communiquons par télépathie pour coordonner des insurrections qui changeront la face du monde. Donc ce qui se joue ici, à San Porro del Mono, servira toute l’humanité. Ça vous va ?
Tous acquiescent en silence.
– Bien, reprend Ra-Rho. Alors, la première plante que je vous propose est la tripa gerba. Elle agit sur l’ADN et provoque une mutation génétique ainsi qu’un profond dégoût pour tout type de drogue. En même temps, elle supprime tous les symptômes liés au manque et répare toutes les lésions dues à la consommation. Depuis mon recrutement au labo, j’en ai mis dans toutes les marchandises exportées à l’étranger. C’est pour cela que le marché s’essouffle et que les narcos sont de moins en moins généreux envers les pauvres du quartier. Cette situation nous aidera à gagner le soutien des habitants. Nous allons donc donner de la tripa gerba à tous les toxicos qui veulent en finir avec leurs tortionnaires. En échange, ils feront savoir haut et fort qu’ils entament la grève du manque. Ça vous va ? Vous avez des questions ?
– J’espère que nos cris de rire et de peur ne nous ont pas fait repérer, s’inquiète María Magdalena.
– Pas de problème, répond Ra-Rho. J’ai brouillé les ondes pour que cette maison semble déserte à toute personne extérieure à notre groupe.
– J’ai une autre question, demande Felipe. Comment as-tu fait pour venir jusqu’ici si ta planète est aussi loin ?
– Bah ! Enfin ! Par téléportation ! Quelle question !!!
*
* *
Ra-Rib a réuni les ouvriers d’Asie du Sud-Est dans un endroit secret. Sans leur dire, lui aussi a agi sur les ondes pour que personne ne puisse les y trouver.
– Alors, vous en avez marre de cette exploitation de la bourgeoisie pétrolière ?
– Ouais ! Aux chiottes les Zoulmites !
– À Dar ez-Zoulm, on va tous les bouffer comme des loukoums !
– Je comprends votre colère, camarades ! Mais attention : nous allons agir de manière non-violente. Souvenez-vous de Gandhi, qui a réussi à libérer la plus grande démocratie du monde sans armes. Combien parmi vous sont indiens ? Bien, je vois beaucoup de mains levées ! Je vous propose de faire grève. Petroflouz sera bien emmerdée si les puits n’extraient plus rien, et les Zoulmites aussi !
– Mais comment veux-tu qu’on fasse grève de manière non-violente sans se faire taper dessus ? interroge un ouvrier au fort caractère originaire d’Indonésie.
– Eh bien avec ça, répond Ra-Rib en sortant de sa poche un petit pot, le corpus diamantis !
– Le quoi ?
– C’est une plante magique. Vous en mangez et personne ne pourra vous blesser. Votre corps deviendra si dur que ce sera l’arme qui cèdera.
Devant cette déclaration, tous éclatent de rire. Ça leur fait du bien : ces hommes n’ont pas ri comme ça depuis des mois, voire des années. Au bout d’un moment, Ra-Rib prend son apparence bleuâtre de génie et s’amuse à entrer dans la lampe, puis à en ressortir par intermittence.
– Mâ shâ’ llâh ! s’écrient les ouvriers en chœur.
– Ça vous épate, hein ! Alors ? On croit aux plantes magiques, maintenant ? Bon, dit-il après avoir repris son apparence humaine, Latif, prends ce couteau à viande et coupe-moi le bras !
– Non, je ne pourrai jamais faire ça !
– Femmelette ! répond l’Indonésien en lui arrachant l’arme des mains. C’est un génie, ça va rien lui faire !
Et l’homme tranche d’un coup sec le bras de Ra-Rib, qui part à l’autre bout de la salle. Le sang gicle à flots, mais le membre repousse sur-le-champ.
– Pourquoi le bras est-il parti ? Parce que je n’avais pas pris de corpus diamantis ! J’en mange donc une bouchée… Mmmh… Ch’est bon ! Et là, tranche-moi le bras pour voir !
L’Indonésien recommence, mais c’est le couteau qui vole en éclats. Alors, tout le monde se rue vers le génie pour pouvoir se gaver de la plante magique.
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* *
Les sages du quartier fument la chicha sur la place principale de Tutiroutupointes.
– Ah, mon bon vieux Hakim… La vie n’est plus ce qu’elle était ! Nous, on essayait de s’intégrer. Mais pour nos petits-enfants, c’est bien plus difficile…
– Comment veux-tu t’intégrer quand la police te contrôle tout le temps, quand l’école n’est plus une garantie de réussite, quand l’air est trop pollué pour que tu puisses te développer normalement ?
– Salam calikoum, mes oncles !
– Abbas ! Comment vas-tu, mon grand ?
– Pas fort ! Les affaires ne marchent plus trop, en ce moment… Quand il s’agit des clients qui ne fument que du shit marocain, il n’y a aucun problème. Mais ceux qui touchent à la came latino-américaine nous lâchent complètement ! Il y en a même qui dégueulent sur mes dealers ! J’ai dû arrêter de travailler avec mes fournisseurs de San Porro del Mono. C’est à croire que leur marchandise est maudite !
– Salut la compagnie !
– Tiens ! Salut Kevin ! Ça roule ?
– Putaing, oui ! Toujoure la frite !
– Bah t’as de la chance ! T’es bien le seul ici… Tiens, v’là Amady !
Un homme de type subsaharien se dirige vers eux. Avec ses 140 kilos, il a du mal à se déplacer. Il arrive en sueur pour saluer les uns et les autres.
– Alors, j’ai l’impression que ça va pas fort !
– Ce n’est pas qu’une impression !
– Et si on changeait tout ça ?
– Comment veux-tu que ça change ?
– Ben… En faisant la révolution !
– T’es sérieux ?
– Très sérieux ! On est pauvres, on souffre de la pollution. Donc ce qui marche, aujourd’hui, c’est de foutre le bordel pour se faire entendre. Il y a eu les Gilets jaunes, il y a eu la Marche pour le climat. Je vous propose donc « la Marche des pauvres pour le climat ». Nous bloquerons les ronds-points avec des gilets verts fluorescents 100 % naturels…
– Attends, Amady ! T’es mignon, mais depuis qu’on te connaît, tu passes ta vie devant la télé à bouffer des chips et à fumer des pétards, tu profites de toutes les allocs possibles et tu nourris la réputation des étrangers qui profitent du système. Donc tu vas arrêter avec tes idées à la con ! Déjà, on n’est pas assez riches pour financer un truc pareil, et en plus, des gilets fluorescents 100 % naturels, ça n’existe pas !
– Bon, déjà, je n’y suis pour rien si je ne trouve pas de boulot. Les employeurs ne sont pas nécessairement racistes, mais quand on s’appelle Amady Coulibaly, c’est vachement plus dur d’avoir un job !
– Rien ne t’empêche de changer de nom !
– En France, c’est un handicap, mais au Bled, c’est un atout. Je peux être ami sur Facebook avec tous les Coulibaly que j’y trouve. J’en ai même invité un qui a lancé des plantations de coton bio au Mali. On pourrait s’en servir pour tisser nos gilets tout en favorisant le commerce équitable…
– Et avec quoi tu vas financer tout ça ? Avec ton RSA, tes APL et ton AAH basée sur ton handicap fictif ?
– Je peux trouver des financements, interrompt Hakim. Je suis parent avec le rappeur Karim Kif-Edderim. Il est très riche et très généreux. En plus, il ferait certainement une chanson pour soutenir notre mouvement.
– Bien, reprend Abbas. Et la teinture fluorescente naturelle ?
– Regarde-moi ça ! Cette poignée d’herbes nous changera la vie ! C’est de la stabylota verda. Tu teins du coton avec ce truc et tu as de beaux gilets verts…
– Je te croirai quand tu m’auras fait une démonstration.
– Très bien, cher Abbas ! Viens chez moi et je te montrerai. Tu peux me croire. Demande aux gens du quartier ! J’ai l’habitude de tromper l’État français, mais pas mes frères de la cité. D’ailleurs, je suis l’un de tes clients les plus fidèles et je t’ai toujours payé comptant.
– Pas faux ! Montre-moi ça, qu’on puisse enfin changer la vie de tous les banlieusards !
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Pablo est désespéré. San Porro del Mono s’est complètement retourné contre son clan. La grève du manque a bien pris. Plus personne n’achète sa marchandise, ni ici ni ailleurs dans le monde. Son personnel se met en grève et refuse de massacrer les rebelles. À la télévision, il voit que l’entreprise Petroflouz est, elle aussi, en difficulté. Les ouvriers sont en grève à Dar ez-Zoulm et les Zoulmites plient devant eux depuis que le monde entier a vu les corps invincibles des esclaves brisant les armes de la répression. Ça fait le buzz, tout comme les manifestations des Gilets verts en France. Il y a différentes insurrections, mais pour quel résultat ? Partout, la situation est bloquée. Si on se soulève, il faut que ça serve à quelque chose. Pour l’instant, Petroflouz et les narcotrafiquants sont dans une situation critique, sans que rien ne s’améliore pour les insurgés. Ces derniers protestent, mais ne proposent aucune alternative concrète. Pablo sort son revolver, le charge et met le canon dans sa bouche.
« Boum ! »
Le dirigeant du cartel se retourne. Leonardo vient de frapper un grand coup sur la porte.
– J’ai une bonne nouvelle, patron !
– Ça existe encore, les bonnes nouvelles ?
– Vous vous souvenez de cette plante euphorisante que vous m’aviez demandée il y a quelques mois ? Judas m’a aidé à…
– Qu’est-ce que j’en ai à foutre, maintenant ? La drogue, ça ne marche plus ! Il faut innover, se reconvertir, et nous n’avons plus le moindre peso à investir là-dedans !
– Justement, Judas a trouvé un truc pas mal : le cactus ecologicus. Si on dépose un brevet, on peut sauver la compagnie, le bidonville et le monde entier avec !
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Cinq ans se sont écoulés. En partenariat avec Petroflouz, le cartel de San Porro del Mono a développé des plantations de cactus ecologicus dans le désert de Dar ez-Zoulm. Les ouvriers agricoles d’Asie du Sud-Est sont très bien payés et envoient des biodollars qui participent largement au développement de leur pays d’origine. Le cactus ecologicus absorbe le dioxyde de carbone en grande quantité. Il peut même en attirer à des milliers de kilomètres. Une partie du carbone sert à la photosynthèse. Une énorme quantité de dioxygène est recrachée dans l’atmosphère, ce qui a un effet euphorisant. Les ouvriers sont donc très heureux et dynamiques au travail. Une autre partie du carbone est stockée dans le sol. Mais avec le cactus ecologicus, on fait surtout du biocarburant non polluant et du plastique biodégradable. Cela est notamment fabriqué dans des usines situées dans les quartiers sensibles. À Tutiroutupointes, la raffinerie Petrovert (anciennement Petroflouz) est devenue une usine éthique, qui emploie la main-d’œuvre locale dans des conditions de travail rêvées. Le jeune Dakwan vient d’obtenir son baccalauréat avec mention très bien. Après la classe préparatoire et une école d’ingénieur, il espère intégrer cette société dans laquelle son grand frère est manager. À San Porro del Mono, le cartel vit grassement du brevet lié au cactus ecologicus. Le bidonville n’en est plus un. C’est un quartier où il fait bon vivre, comme à Tutiroutupointes, à Dar ez-Zoulm et partout ailleurs. La Terre est moins polluée et les Terriens ont enfin compris que c’est par la justice et l’équité qu’ils peuvent réellement être heureux.
[1] « Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! » Slogan marxiste très souvent utilisé dans le monde hispanique.
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Jour après jour, nous faisons beaucoup dans un seul but : être heureux. Mais souvent se produit quelque chose qui modifie les critères : nous confondons le bonheur avec le succès.
Nous voulons que nos actions donnent du résultat, et en donnent immédiatement. Si cela ne se réalise pas, nous avons l’impression d’avoir perdu notre temps et nous essayons autre chose. Il doit bien être possible d’acquérir la gloire !
En cherchant à atteindre nos buts par cette allée et venue constante, nous finissons par être doublement angoissés : nous ne remplissons pas nos objectifs et, pire encore, nous ne sommes pas heureux.
ALORS, DANS LES MOMENTS OÙ VOUS SENTEZ QUE RIEN DE CE QUE VOUS ENTREPRENEZ NE PORTE SES FRUITS ET QUE LA VIE DEVIENT TRÈS DIFFICILE, QUAND VOUS AVEZ ENVIE DE RENONCER À TOUT PARCE QUE CELA N’A AUCUN SENS, SOUVENEZ-VOUS DE LA FABLE DE LA FOUGÈRE ET DU BAMBOU.
Il était une fois un menuisier qui semblait mener une vie comblée. Il gérait son atelier ; il vivait auprès d’une femme qu’il aimait et avait deux enfants. Mais un jour, il commença à recevoir moins de commandes. Des problèmes économiques se déclarèrent donc pour lui et pour sa famille.
Cet homme voulait prendre soin de son activité professionnelle. Pour ce faire, il commença à essayer plusieurs méthodes afin de relancer son atelier, mais aucune ne produisait un quelconque résultat. Ses problèmes économiques commencèrent à générer des soucis avec sa femme. Les voyants tristes et en conflit, les enfants se mirent à rencontrer des difficultés à l’école.
Le menuisier se sentait découragé : rien de ce qu’il entreprenait ne semblait avoir du sens, étant donné que les choses allaient de pire en pire. Un jour, sur le point de jeter l’éponge, il décida d’aller dans les bois pour discuter avec un vieux sage.
Après avoir marché pendant une demi-heure, il rencontra ce dernier. Le vieil homme vivait dans une humble maison. Voyant le menuisier, il l’invita à passer prendre un thé. Il remarqua l’inquiétude sur son visage et lui demanda ce qui lui arrivait. L’artisan conta ses mésaventures au sage, qui l’écouta avec attention et sérénité.
Quand ils eurent fini de boire le thé, le vieil homme invita son hôte à l’accompagner vers un jardin magnifique qui se trouvait derrière la maison. La fougère et le bambou trônaient au milieu de dizaines d’arbres. Le sage demanda au menuisier d’observer les deux plantes et lui annonça qu’il devait lui raconter une histoire.
« Il y a huit ans, j’ai pris quelques graines et j’ai semé la fougère et le bambou au même moment. Je voulais que ces deux végétaux croissent dans mon jardin, car tous deux me sont d’un grand réconfort. J’ai mis tout mon cœur à prendre soin de l’un et de l’autre comme s’il s’agissait d’un trésor. »
« Peu après, j’ai remarqué que la fougère et le bambou répondaient à mes soins de manière différente. La fougère a commencé à éclore et, en à peine quelques mois, elle est devenue une plante majestueuse qui ornait l’ensemble du jardin par sa présence. En revanche, le bambou restait sous terre, sans donner signe de vie. »
« Une année entière s’est écoulée, au cours de laquelle la fougère continuait à se développer, mais pas le bambou. Néanmoins, je n’ai pas baissé les bras. J’ai continué à m’en occuper avec plus grand soin. Malgré cela, une autre année s’est écoulée et mon travail n’a porté aucun fruit. Le bambou refusait de se manifester.
Je n’ai pas non plus baissé les bras après la deuxième année, ni après la troisième, ni après la quatrième. Au bout de cinq ans, j’ai enfin vu qu’un jour une brindille timide émergeait delaterre. Le lendemain, elle était beaucoup plus grande. En quelques mois, elle a poussé sans s’arrêter et est devenue un prodigieux bambou de 10 mètres. Sais-tu pourquoi ce dernier a mis tant de temps à sortir de terre ? »
Après avoir écouté l’histoire, le menuisier n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle le bambou avait tant attendu pour se manifester. C’est alors que le vieil homme lui déclara :
« Il a mis cinq ans car, pendant ce temps, la plante était occupée à développer ses racines. Elle savait qu’elle devait croître jusqu’à atteindre cette hauteur impressionnante. C’est pourquoi elle ne pouvait pas sortir de terre avant de disposer d’une base ferme qui lui permette de s’élever de manière satisfaisante. Comprends-tu ? »
Alors le menuisier comprit que toutes ses luttes étaient destinées à développer ses racines. Par ailleurs, le fait de ne pas voir les fruits de son travail pour le moment ne signifiait pas qu’il perdait son temps, mais qu’il devenait plus fort.
Avant de le laisser partir, le sage fit part à son hôte d’un dernier message :
« Le bonheur te permet de rester doux. Les tentatives te permettent de rester fort. Les peines te permettent de rester humain. Les chutes te permettent de rester humble. Le succès te permet de rester brillant. »
Cette histoire doit vous rappeler que peu importe le temps que mettent les choses à porter leurs fruits. Dans les moments difficiles, le plus important n’est pas de chercher à voir les résultats à tout prix.
En revanche, il est fondamental de travailler avec ardeur au développement de vos racines. En effet, c’est seulement grâce à elles que vous pourrez croître et devenir la meilleure version de vous-même.
Source : “La fábula del helecho y del bambú que deberías leer cuando pases por un momento difícil”, conte écrit par Rocío Belén Suárez et publié sur La mente es Maravillosa ainsi que sur le site internet de Bioguia [consulté le 27 mars 2021 ; mis à jour le 10 décembre 2020]
Cet été, j’ai marché de Burgos à Saint-Jacques-de-Compostelle. Pendant trois semaines, j’ai cheminé tous les jours, depuis les plaines infernales de Castille jusqu’aux montagnes pluvieuses de Galice. En sortant de Carrión de los Condes (province de Palencia), j’ai rencontré une personne incroyable.
Ce jour-là correspondait à l’une des étapes les plus difficiles du Camino. En effet, entre Carrión et le village suivant, il n’y a rien, sauf des champs de céréales parsemés de rares arbres et le soleil qui cogne dur, pendant 17 kilomètres.
Parmi mes nombreux défauts, je suis entre autres dépendant à la caféine. Et comme j’étais sorti très tôt de Carrión, aucun bar n’était ouvert. Le seul petit-déjeuner que j’avais pu prendre était un sac de cacahuètes, que m’avait gentiment donné Jérôme, un autre pèlerin français.
Après avoir marché environ 8 kilomètres, nous nous sommes assis sur une aire de repos. J’étais épuisé et je savais pourquoi : j’étais en manque. J’ai alors dit à mon compagnon de route qu’il pouvait poursuivre son chemin s’il le souhaitait, car j’allais me coucher sur l’herbe pour dormir.
Sur cette aire, un Espagnol se promenait à vélo. Il nous a salués. J’en ai profité pour lui demander s’il y avait un bar à proximité. Il m’a répondu que non, mais m’a dit qu’il était hospitalier. Il m’a donc proposé de l’attendre, le temps qu’il fasse un aller-retour sur Carrión de los Condes afin de m’apporter du café. Fernando Santos Urbaneja travaille à Cordoue. Néanmoins, pendant l’été, il revient dans sa Castille natale pour veiller sur les pèlerins. Quand il était petit, le chemin de Compostelle n’était pas aussi bien balisé et les auberges étaient plus rares. Sa mère lui enseignait que le pèlerin est un être sacré. Sur le paysage tout plat de la Meseta, il voyait arriver de loin ces voyageurs et allait à leur rencontre pour les conduire vers le logis familial. Aujourd’hui, sa mère est très âgée et il a repris le flambeau.
Il est revenu me voir au bout d’une heure. Jérôme était déjà parti. Un pèlerin italien nommé Luca s’était arrêté et nous discutions ensemble. Fernando m’apporta du café, mais aussi beaucoup de biscuits et une clé USB. En effet, en parallèle de ses études de droit, il suivait des cours de chant et de guitare au conservatoire de Valladolid. L’appareil, que j’ai lu dès mon retour en France, regorge de trésors sur le chemin de Compostelle : des liens vers des vidéos de concerts, des partitions et autres trouvailles… Eh oui, mon bienfaiteur n’est pas seulement procureur, mais aussi troubadour ! Il compose, joue et chante de belles chansons sur le Camino et sur d’autres thématiques.
Pour moi, sa plus belle chanson est la Bénédiction des pèlerins. Écoutez-la ; ça vaut vraiment le coup ! Il s’agit d’un sujet religieux, mais tout le monde peut apprécier le son relaxant de la voix d’or du chanteur.
Outre son rôle de troubadour et son métier, Fernando est écrivain. Pour plus d’informations à ce sujet, vous pouvez regarder cette vidéo :
Enfin, je vous propose d’assister au spectacle suivant, où vous pourrez vous délecter de sons, de mots et d’images magnifiques sur le Chemin de Compostelle :
Este verano, caminé desde Burgos a Santiago de Compostela. Durante tres semanas, anduve todos los días, del infierno de la Meseta a la lluvia de las montañas gallegas.
Al salir de Carrión de los Condes (Palencia), encontré una persona estupenda. Aquel día hice una de las etapas más difíciles del Camino. En efecto, entre Carrión y el pueblo siguiente, no hay nada, excepto campos con escasos árboles y el sol que pega duro, durante 17 kilómetros.
Entre mis numerosos defectos, soy dependiente de la cafeína. Y como salí de Carrión temprano, ningún bar estaba abierto. Lo único que pude tomar como desayuno fue una bolsa de cacahuetes que me había dado Jérôme, otro peregrino y compatriota mío.
Caminamos unos 8 kilómetros y nos sentamos en un área de descanso. Me sentía harto y sabía que era por el mono. Le dije a mi compañero que no podía caminar más y que necesitaba echarme un rato en la hierba.
Por el área, un español estaba paseando con su bici. Nos saludó y yo le pregunté si había un bar cerca de allí. Me dijo que no, pero que él era hospitalero y que podía ir a Carrión para traerme café. Fernando Santos Urbaneja trabaja en Córdoba. No obstante, durante el verano, regresa a su Castilla natal para cuidar a los peregrinos, como hacía su madre cuando él era un niño.
Regresó al cabo de una hora. Jérôme ya se había ido. Luca, un peregrino italiano, se había parado y estaba hablando conmigo. Fernando me trajo café, pero también muchas galletas y una clave USB. En efecto, además de estudiar Derecho, también siguió lecciones de canto y de guitarra en el conservatorio. Así que hoy, además de su profesión, es trovador. Compone, toca y canta hermosas canciones sobre el Camino o sobre otros temas.
Para mí, su canción más preciosa es la Bendición del peregrino. Realmente, merece la pena escucharla. El tema es religioso, pero cada un@ puede apreciar el sonido calmante de la voz de oro del cantante:
Comme toute bonne mère, quand Diana sut qu’elle attendait un bébé, elle fit tout ce qu’elle pouvait pour aider Luisito, son fils de trois ans, à se préparer à cette nouvelle étape dans sa vie.
Ils savaient que le nouvel enfant serait une fille. Jour et nuit, Luisito chantait et chantait encore pour sa petite sœur qui était dans le ventre de sa mère. Il s’attendrissait à son sujet avant même de la connaître… Il voulait déjà jouer avec elle et la protéger.
La grossesse de Diana se déroula normalement, et au bout des neuf mois, l’accouchement s’annonça. Bientôt, les contractions se produisaient toutes les cinq minutes, puis toutes les trois minutes… Et finalement toutes les minutes… Diana dut passer plusieurs heures en salle d’accouchement quand soudain, une complication se présenta.
Les médecins dirent qu’il fallait faire une césarienne… Après de longues heures de combat, la petite sœur de Luisito vint au monde, mais dans de très mauvaises conditions. On l’emmena immédiatement dans une ambulance au service de réanimation néo-natale de l’hôpital de la ville. Les jours passèrent et l’état de santé de l’enfant empira. Les pédiatres durent finalement annoncer aux parents cette terrible nouvelle : « Il y a très peu d’espoir, attendez-vous au pire. » Diana et son mari contactèrent alors le cimetière local afin de réserver un emplacement pour leur petite fille.
Ils avaient aménagé une nouvelle chambre pour leur bébé et ils étaient maintenant en train de faire les préparatifs pour des funérailles. Toutefois, Luisito suppliait ses parents de le laisser voir sa petite sœur, en leur répétant :
« Je veux chanter pour elle comme quand elle était dans le ventre de maman… »
Cela faisait deux semaines qu’elle était en thérapie intensive et il semblait que l’enterrement viendrait avant la fin de la semaine entamée. Luisito continuait à dire avec insistance qu’il voulait chanter pour sa petite sœur, mais ses parents lui expliquaient que les enfants n’étaient pas autorisés à entrer dans le service des soins intensifs. Cependant, Luisito ne pouvait pas comprendre et insista jusqu’à ce que sa maman se décide…
Diana emmènerait Luisito voir sa petite sœur, qu’on le lui permette ou non ! S’il ne la voyait pas à ce moment-là, peut-être ne la verrait-il jamais vivante. Elle le vêtit d’une énorme barboteuse et l’emmena aux soins intensifs. Luisito était caché dans un immense panier de linge sale. Mais l’infirmière en chef s’en aperçut et devint rouge de colère…
« Sortez-le d’ici tout de suite ! Les enfants ne sont pas admis dans ce service ! »
Le fort caractère de Diana se révéla. Oubliant ses bonnes manières de dame bien éduquée qui l’avaient toujours caractérisée, elle fusilla l’infirmière du regard, ses lèvres ne formant qu’une seule ligne. Puis elle lui dit fermement :
« Il ne s’en va pas avant d’avoir vu sa petite sœur et d’avoir chanté pour elle ! »
Ensuite, elle prit Luisito et le conduisit jusqu’au lit du bébé. Il regarda ce tout petit être qui perdait déjà la bataille pour garder la vie… Au bout d’un moment, il commença à chanter, avec la voix qui sort du cœur d’un enfant de trois ans :
« Tu es mon soleil, ma seule lumière,
Tu me rends heureux quand le ciel n’est pas bleu… »
Tout de suite, le bébé parut répondre à la voix stimulante de Luisito. Son pouls commença à redevenir normal.
« Continue, mon fils ! », lui demandait désespérément sa mère, les larmes aux yeux.
Et l’enfant continua sa chanson :
« Tu ne sais pas, ma petite sœur, combien tu remplis mon cœur.
Aujourd’hui, je voudrais que tu viennes, s’il te plaît… »
Tandis que Luisito chantait pour la fillette, celle-ci remuait et sa respiration était maintenant aussi douce que celle d’un chaton que l’on caresse.
« Continue, mon chéri ! », lui disait sa maman.
Et il continuait, comme lorsque sa petite sœur était encore dans le ventre de sa mère.
« L’autre nuit, petite sœur, quand je dormais, j’ai rêvé que je t’embrassais… »
Tandis que le garçon continuait à chanter, le bébé commençait à se relâcher et à entrer dans un sommeil réparateur, qui semblait le rétablir à vue d’œil.
« Continue, Luisito ! »
C’était maintenant la voix de l’infirmière grognon qui, les larmes aux yeux et la gorge nouée, n’arrêtait pas de demander à l’enfant de poursuivre sa chanson.
« Tu es ma lumière, ma seule amie ; comme je t’aime !
S’il te plaît, je voudrais que tu viennes… »
Et le lendemain… la petite fille était presque en assez bonne santé pour rentrer à la maison. Les journaux et les informations ne se lassèrent pas de relater « le miracle de la chanson d’un frère ».
Les médecins appelèrent tout simplement cela « un miracle ». Diana l’appela « le miracle de l’amour et de la miséricorde de Dieu ».
Voici une belle histoire, celle du pouvoir de l’amour, en toutes circonstances. Ne te décourage pas et bats-toi pour ceux que tu aimes : l’amour est incroyablement puissant ! (…)
D’après une chaîne de prière en espagnol reçue par courriel. Source inconnue.
Un beau matin, une femme bien habillée s’arrêta devant un homme délaissé, qui leva les yeux lentement… et regarda franchement cette femme qui paraissait habituée aux bonnes choses. Son manteau était neuf. Il semblait qu’elle n’avait jamais manqué un repas de toute sa vie. La première pensée de cet homme fut : « Elle veut seulement se moquer de moi ». Tant d’autres l’avaient fait…
À sa surprise, la femme resta face à lui. Elle souriait, ses dents blanches renvoyaient des éclats éblouissants.
– As-tu faim ? lui demanda-t-elle.
– Non, répondit-il sarcastiquement, je reviens tout juste d’un dîner avec le Président… Maintenant, va-t-en !
Le sourire de la femme se fit plus grand encore. Soudain, l’homme sentit une main douce sous son bras.
– Que faites-vous, madame ? demanda l’homme, irrité. Je vous dis de me laisser tranquille !!!
Juste à ce moment-là, un policier s’approcha.
– Il y a un problème, madame ? demanda l’agent.
– Il n’y a aucun problème, officier, répondit la femme. Je suis juste en train de l’aider à se lever. Voulez-vous me donner un coup de main ?
L’officier se gratta la tête.
– Bien sûr ! Ces dernières années, le Vieux Juan n’a pas arrêté de nous gêner par ici. Que lui voulez-vous ? demanda-t-il.
– Vous voyez la cafétéria, là-bas ? demanda-t-elle. Je vais lui donner quelque chose à manger et le sortir du froid un petit instant.
– Êtes-vous folle, madame ? résista le pauvre laissé-pour-compte. Je ne veux pas y aller !
Il sentit alors deux mains fortes qui le saisirent par les bras et le soulevèrent.
– Laissez-moi partir, officier ! Je n’ai rien fait…
– Allons, mon vieux, c’est une bonne opportunité pour toi ! lui susurra le policier à l’oreille.
Finalement, et non sans difficulté, la femme et l’agent de police emmenèrent le Vieux Juan à la cafétéria et l’assirent à une table dans un coin de la salle. Il était presque midi, la plupart des gens avait déjà pris leur encas du matin et le groupe du déjeuner n’était pas encore arrivé.
Le gérant s’approcha et leur demanda :
– Qu’est ce qui se passe, officier ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Cet homme a un problème ?
– Cette dame l’a amené ici pour qu’il mange quelque chose, répondit le policier.
– Oh, non ! Pas ici ! répondit le gérant en colère. Avoir quelqu’un comme ça ici, c’est mauvais pour mon commerce !!!
Le Vieux Juan esquissa un sourire presque édenté.
– Madame, je vous l’avais dit. Maintenant, allez-vous enfin me laisser partir ? Moi, je ne voulais pas venir ici depuis le début…
La femme s’adressa au gérant de la cafétéria et sourit.
– Monsieur, connaissez-vous Hernández y Asociados, la banque qui est à deux rues d’ici ?
– Bien sûr que je les connais, répondit-il avec impatience, leurs réunions hebdomadaires ont lieu dans l’une de mes salles de banquets.
– Et vous gagnez beaucoup d’argent en les nourrissant lors de ces réunions hebdomadaires ?
– Et en quoi ça vous regarde ?
– Moi, monsieur, je suis Penélope Hernández, présidente et propriétaire de cette société.
– Oh, pardon !!! s’écria le gérant.
La femme sourit à nouveau.
– Je pensais bien que ça pouvait faire la différence et changer votre attitude.
Elle s’adressa au policier, qui essayait tant bien que mal de réprimer un éclat de rire :
– Voulez-vous prendre une tasse de café avec nous, ou peut-être un repas, monsieur l’agent ?
– Non, merci, madame, répliqua l’officier. Je suis de service.
– Alors peut-être une tasse de café à emporter ?
– Oui, madame. Ce serait mieux.
Le gérant de la cafétéria tourna sur ses talons, comme s’il eût reçu un ordre.
– Je vous apporte un café immédiatement, monsieur l’agent !
L’officier le vit s’éloigner et livra sa pensée.
– Vous l’avez bien remis à sa place, dit-il.
– Ce n’était pas mon intention, répondit la dame. Que vous le croyiez ou non, j’ai une bonne raison de faire tout cela.
Elle s’assit à table, face à son invité. Elle le regarda fixement.
– Juan, te souviens-tu de moi ?
Le Vieux Juan regarda le visage de son hôte de ses yeux chassieux.
– Je crois que oui. Enfin, vous me dites quelque chose…
– Regarde, Juan, peut-être suis-je un peu plus grande, mais regarde-moi bien, dit la dame. Peut-être me vois-tu plus enrobée maintenant, mais quand tu travaillais ici, il y a de nombreuses années, j’y suis venue une fois, par cette même porte, morte de faim et de froid.
Quelques larmes coulèrent sur ses joues.
– Madame ? interrogea l’agent. Il ne pouvait pas croire ce à quoi il assistait, ni même penser que cette femme eût pu connaître la faim.
– Je venais d’être diplômée de l’université de ma région, commenta-t-elle. J’étais arrivée dans cette ville à la recherche d’un emploi, mais je ne trouvais rien.
La voix brisée, elle poursuivit :
– Mais quand il ne me restait plus que mes derniers centimes et qu’on m’avait expulsée de mon appartement, je déambulais dans les rues. C’était en février, il faisait froid et j’étais presque morte de faim. Alors j’ai vu cet endroit et je suis entrée avec l’infime espoir de pouvoir obtenir quelque chose à manger.
Les yeux baignés de larmes, la femme continua à parler :
– Juan m’a reçue avec un sourire.
– Maintenant, je me souviens, dit Juan. J’étais de service, derrière le comptoir. Vous vous êtes approchée et vous m’avez demandé si vous pouviez travailler en échange de quelque chose à manger.
– Tu m’as dit que ce n’était pas conforme à la politique de la maison, continua la femme. Alors, tu m’as fait le sandwich à la viande, le plus gros que j’avais jamais vu… Tu m’as donné une tasse de café et je suis allée dans un coin pour profiter de ma nourriture. J’avais peur que tu t’attires des ennuis. Ensuite, quand je t’ai vu payer de ta poche le prix du repas dans la caisse, alors j’ai su que tout allait bien se passer.
– Oui, j’ai trouvé du travail le jour même. J’ai travaillé très dur, et j’ai gravi les échelons avec l’aide de Dieu, mon Père. Plus tard, j’ai monté ma propre entreprise, qui a prospéré, avec l’aide de Dieu.
Elle ouvrit son sac à main et sortit une carte de visite.
– Quand tu auras terminé, je veux que tu ailles faire une visite à monsieur Martínez. C’est le DRH de mon entreprise. J’irai lui parler et je suis sûre qu’il te trouvera quelque chose à faire au bureau.
Elle sourit.
– Je crois même que je pourrais t’avancer de l’argent, suffisamment pour que tu puisses t’acheter un peu de vêtements et trouver un endroit où vivre jusqu’à ce que tu retrouves une vie stable. Si une fois ou l’autre, tu as besoin de quelque chose, ma porte est toujours ouverte pour toi, Juan.
Il y eut des larmes dans les yeux du vieillard.
– Comment puis-je vous remercier ? demanda-t-il.
– Ne me remercie pas, répondit la femme. Rends gloire à Dieu. C’est Lui qui m’a amenée jusqu’à toi.
Hors de la cafétéria, l’agent et la femme s’arrêtèrent et, avant de s’en aller chacun de son côté, ils échangèrent :
– Merci pour toute votre aide, officier, dit madame Hernández.
– Au contraire, répondit l’agent, merci à vous ! Aujourd’hui, j’ai vu un miracle, quelque chose que je n’oublierai jamais. Et… et merci pour le café !
Que Dieu te bénisse toujours ! Et n’oublies pas que, quand tu lances ton pain sur l’eau, tu ne sais jamais quand tu le retrouveras… Dieu est si grand qu’Il peut abriter tout le monde de Son amour. Et en même temps, Il est assez petit pour entrer dans ton cœur.
Quand Dieu t’emmène au bord de la falaise, aie pleinement confiance en Lui et laisse-toi porter ! Seulement l’une de ces deux choses se passera : soit Il te soutiendra dans ta chute, soit Il t’apprendra à voler !
(…)
D’après une chaîne de prière en espagnol reçue par courriel. Source inconnue.