Aujourd’hui est une date importante en Bretagne. En effet, nous fêtons la Sainte-Anne. Alors bonne fête à toutes les Anna, Annaïg, Naig et Anaëlle !
Le breton est un idiome passionnant. Il s’agit d’une langue celtique à l’orthographe bien singulière. Si certains mots ou expressions comme « Blaovezh mat ! »[1], « Nedelec laouen ! »[2] ou « Yec’hed mat ! »[3] ne font aucun doute, d’autres vocables semblent venir d’autres langues.
Voici quelques exemples :
Ac’h : si l’orthographe est bien bretonne, la phonétique fait penser à la réaction d’un Allemand surpris. En breton, ac’h ! signifie « beurk ! » Ça veut donc dire que vous êtes surpris par quelque chose de dégoûtant…
Amzer : ça sonne hébreu ou arabe, mais c’est bien du breton. Cela signifie « temps », aussi bien d’un point de vue temporel que météorologique.
Bara : on dirait de l’espagnol, mais ce terme est bien breton. Dans la langue de Cervantès, ce mot existe avec deux R. Barra signifie notamment « barre » (de chocolat, de métal ou autre), « comptoir de bar » (terme très utile en Espagne) \ou encore « baguette de pain ». Je ne sais pas si cela a un lien avec le dernier sens du mot castillan, mais bara signifie « pain » en breton. D’ailleurs, l’expression bara ha gwin (« du pain et du vin ») est peut-être à l’origine du verbe français « baragouiner ». En effet, d’après certaines sources, les Bretons demandaient ces denrées dans leur langue maternelle lorsqu’ils faisaient une halte dans une auberge française (plus d’informations à ce sujet sur ce lien).
Butun : de prime abord, ce mot semble arabe. D’ailleurs, بُطُن [buṭun] signifie « ventre » ou « abdomen » dans la langue du Ḍād. Mais là, rien à voir ! En breton, butun signifie « tabac ». Un conseil : évitez de manger du tabac, vous risqueriez d’avoir mal au ventre…
Deus : eh oui, cela signifie bel et bien « Dieu » en latin et en portugais. Mais ça veut aussi dire « viens ! » en breton. Et si Dieu vous disait : « Viens en Bretagne et apprend le breton ! »
Dirak : ce terme aux consonnances turques signifie « devant » en breton. Devant nos yeux, les langues celtiques sont menacées… En avant pour leur sauvegarde !
Hepken : on pourrait croire que c’est de l’allemand ou du néerlandais. En réalité, hepken est un mot breton qui signifie « seulement » ou « sans plus ».
Labour : ce terme est commun à plusieurs langues. En français, il s’agit d’un vocable agricole, joliment défini par le Larousse : « Retournement de la terre à l’aide de la bêche, de la houe, de l’araire ou de la charrue, pour l’ameublir, enfouir ce qu’elle porte en surface, et préparer ainsi son futur ensemencement. » Mais en anglais et en breton, labour signifie « travail ».
Lakaat : on dirait un mot finnois, n’est-ce pas ? Il n’en est rien : il s’agit du verbe « mettre » en breton.
On : en anglais, cela veut dire « sur ». Mais en breton, on se traduit par « je suis ». À l’heure où je rédige cet article, je suis en train de taper sur mon ordinateur. Et vous, où êtes-vous ? Pelec’h out ?[4]
Ostaleri : non, non, ce n’est pas du basque ! En breton, ostaleri signifie « bistrot ». Il y a certainement une étymologie commune avec le français « hôtel ». Pour bien appuyer sur les clichés, ce terme peut être d’une grande utilité si vous voyagez en Bretagne. 😉
Out : en anglais, cela signifie « dehors ». Mais en breton, out se traduit par « tu es ».
Penaos : non, non, ce n’est pas du grec ! En breton, penaos ? signifie « comment ? »
Prest : ce terme s’écrit pareil que le mot anglais signifiant « prêtre ». Mais en breton, ça se prononce [prêst] et ça veut dire « prêt ». Êtes-vous prêt à prêter votre prestige à un prêtre ?
Serret : ce terme semble catalan. Et effectivement, serret signifie « colline » dans cette langue. En revanche, en breton, on traduit ce mot par « fermé ». Notons la ressemblance avec l’espagnol « cerrado » (fermé) et le français « serrure ».
Ul loa : eh non, rien à voir avec un ukulélé ! S’il paraît tiré d’une langue polynésienne, ce groupe nominal signifie « une cuillère » en breton. On peut certes faire de la musique avec, mais c’est quand même moins joli !
Yaouank : non, non ! Ce mot ne vient ni du russe ni d’une quelconque langue amérindienne du Canada. C’est bel et bien du breton et ça signifie « jeune ». En revanche, l’orthographe du lexème signifiant « vieux » ne trahit pas son appartenance celtique : kozh.
Et voilà pour la leçon de linguistique d’aujourd’hui ! Cet article était plutôt sérieux. Si vous voulez rire un bon coup sur les clichés liés au peuple breton, je vous propose de regarder ce clip :
Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas vous mettre, vous aussi, au breton ? Je vous recommande une méthode bien faite et gratuite sur ce lien. Pour l’avoir testée, je peux vous assurer que la méthode ASSIMIL est encore plus efficace, mais elle est payante. Si cela vous intéresse, n’hésitez pas à consulter ce lien.
À bientôt pour de nouveaux délires de linguiste !
Kenavo !
Jean O’Creisren
Vous aussi, vous aimez les langues ?
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[1] Bloavezh mat : Bonne année !
[2] Nedelec laouen : Joyeux Noël !
[3] Yec’hed mat : Santé ! (très utile en Bretagne)
[4] Pelec’h out ? : où es-tu ?