Voyage en Aragon et en Catalogne

Au cours de l’été 2025, j’ai eu la chance de pouvoir effectuer un road trip en Aragon, en Catalogne et dans d’autres régions intéressantes de la péninsule Ibérique. Dans ce carnet de voyage, je vous partage notamment quelques connaissances culturelles intéressantes, de l’histoire maure de Saragosse à l’architecture moderniste de Barcelone, en passant mon expérience d’apprentissage très rudimentaire du catalan…

Valladolid, le dimanche 13 juillet 2025

Si vous connaissez un peu la géographie de l’Espagne, vous vous demandez pourquoi j’ouvre cet article sur la capitale de Castilla y León. Rassurez-vous : ce sera bref. Je compte bel et bien consacrer ce billet à ma visite de l’Aragon et de la Catalogne, qui commencera dans quelques jours. ⏳

Pour l’heure, j’aimerais vous partager mon expérience du trajet aller. En effet, alors que je voyage presque toujours en car de nuit, surtout pour des raisons environnementales, j’ai dû venir cette année en voiture. Sur la fin du périple, vous comprendrez l’utilité de ce véhicule. C’est la deuxième fois de ma vie que je conduis à l’étranger et la première fois que je le fais en Espagne.

J’ai mis quelques heures de plus que ce que prévoyait le GPS en raison de ma politique d’écoconduite radicale. 🌱 Entre Irún et Valladolid, j’ai donc dû mettre 6 ou 7 heures, sans compter les pauses sur les aires de repos.

En quoi la conduite en Espagne diffère-t-elle de ce à quoi nous sommes habitués en France ? Tout d’abord, lorsque j’ai traversé le pont Saint-Jacques, en sortant d’Hendaye, j’ai vu le panneau « Guipúzcoa », puis le panneau « Irún », mais pas le panneau « España »… Un activiste séparatiste basque l’aurait-il fait disparaître ?

J’ai aussi remarqué que les limitations de vitesse sont souvent dix kilomètres/heure en dessous de la norme française. ⭕ L’autoroute est limitée à 120 (ça, je l’avais remarqué depuis longtemps), la quatre-voies à 100, les courbes et les périphéries à 60 et, dans certaines zones où il faut être prudent, on voit assez régulièrement un panneau « 40 ». Par ailleurs, j’ai très souvent vu le panneau « vitesse conseillée » (🔟), alors que celui-ci est extrêmement rare en France (du moins, dans la région plate où je réside). Cet affichage était très fréquent sur les routes sinueuses et montagneuses du Pays basque, mais je l’ai aussi vu dans le paysage légèrement vallonné de la Meseta.

Enfin, les Espagnols m’ont semblé plus nerveux que les Français au volant. Ils ne sont pas plus désagréables, mais ils dépassent plus volontiers les limitations de vitesse et n’hésitent pas à doubler quand vous n’allez pas assez vite. Par conséquent, je me suis laissé entraîner dans leur dynamique. Bien évidemment, j’ai tâché d’être prudent et de ne pas faire d’excès de vitesse, mais mon écoconduite s’est avérée moins radicale après le passage des Pyrénées… 😉

Faro, le mercredi 16 juillet, an de grâce 2025

Après 48h assez tranquilles dans le chef-lieu de la Castille-et-León, j’ai mis le cap sur le Portugal. Cette fois-ci, j’ai opté pour un trajet en car de nuit, dont la faible empreinte carbone est compensée par quelques euros en plus sur le prix du billet, permettant à la compagnie routière d’œuvrer en faveur de notre environnement. Ma bagnole est restée à Valladolid, d’où je partirai dimanche vers Saragosse. J’ai proposé un trajet bon marché sur Blablacar, précisant que la contrepartie de ce tarif plus bas que la moyenne est une heure de route supplémentaire du fait de la mise en œuvre de mes techniques d’écoconduite radicale. 🌻

Après la traversée de la frontière, le trajet jusqu’à Porto s’est avéré assez pénible. Je ne me souvenais pas que le Nord du Portugal était aussi montagneux. Néanmoins, j’ai pu profiter du temps qui m’était ainsi donné pour travailler intellectuellement. J’ai notamment entamé le cours de catalan sur Duolingo.

Une fois arrivé à Faro (chef-lieu de l’Algarve, dans l’extrême Sud du pays), j’ai visité la ville en attendant l’arrivée de Mickaël. C’est la troisième fois que je voyage au sein de la péninsule Ibérique avec cet ami linguiste. Entre autres, l’été dernier, il m’a accompagné sur une partie de mes voyages en Castille et en Andalousie. 🏰💃

J’ai notamment pris quelques clichés de la vieille ville et des collections du musée municipal. J’ai aussi pu visiter un monument magnifique situé en bordure d’un parc (voir vidéo sur ce lien). 🎬 Bien évidemment, tous ces contenus iconographiques et audiovisuels sont publiés avec l’autorisation expresse des autorités compétentes. ⚖

Mickaël est arrivé vers 18h30. Nous avons dîné dans un restaurant typique, puis profité de la beauté du centre-ville une fois la nuit tombée. 🌃

Car Flixbus n°1010, quelque part entre Faro et Lisbonne, le jeudi 17 juillet 2025

Ce matin, Mickaël et moi nous sommes levés de bonne heure pour prendre le bus en direction de l’Île de Faro. 🏝 Là-bas, nous avons passé quelques heures à la plage. Quand l’un se baignait, l’autre surveillait nos affaire. Nous sommes rentrés en ferry. Depuis la poupe du bateau, j’ai pris une nouvelle vidéo, que vous pourrez visionner en cliquant sur ce lien… 🛥🏖🛫

Après un repas très bon et assez sain dans le restaurant qui jouxte l’embarcadère, nous avons pris la route pour Coïmbre, d’où nous nous embarquerons dans un car de nuit en direction de Salamanque… 💀🐸

Salamanque, le vendredi 18 juillet 2025

Arrivés vers 4h30 dans l’une des grandes villes historiques d’Espagne, nous avons somnolé et gardé les affaires à tour de rôle. Lors des plages d’éveil, j’écoutais des podcasts en lien avec un concours que je prépare ou je travaillais mon catalan, mon arabe et mes maths sur l’appli susmentionnée. 🦉

En milieu de journée, nous avons visité certains coins de la plus ancienne université du monde hispanique. 👨‍🎓👩‍🎓 Après avoir un peu flâné dans les locaux de la faculté de traduction et d’interprétation, nous avons trouvé notre bonheur dans les rayons de la librairie universitaire. 📚 Pour ma part, j’ai investi dans des ouvrages qui pourront m’être utiles à l’avenir, en tant que traducteur, enseignant-chercheur et/ou tout simplement pour le plaisir d’étudier les langues et les lettres hispaniques. J’ai ainsi scruté le rayon « traductologie » et sélectionné 4 monographies pertinentes (dont 2 références internationales). J’ai également acheté une grammaire arabe bien faite, ainsi que des œuvres de deux universitaires salmantins qui devinrent de grands noms de la littérature espagnole : le frère Louis de León [fray Luis de León, mystique de la Renaissance] et le philosophe Miguel de Unamuno. 📖 Bien évidemment, j’ai demandé à la libraire d’apposer le cachet de son commerce sur les ouvrages de ces deux grands écrivains, afin que je puisse prouver que je me les suis procuré à Salamanque. 😉

Sur la façade de style plateresque qui fait face à la statue du frère Louis de León, j’ai soumis Mickaël à une tradition pluriséculaire liée à l’intégration des étudiants : trouver où se cache la grenouille parmi ce complexe de bas et de hauts-reliefs. 🐸 Après cette courte soirée d’intégration effectuée en milieu de journée, nous avons visité le musée de l’université. En mode déconnexion à ce moment-là, j’ai pu savourer sur place la beauté des bâtiment et l’intérêt historique des collections. La seule photo (prise par mon compagnon de voyage) que je vous partage est ce facsimilé d’une carte du détroit de Magellan, datant probablement du XVIIe siècle. Certains lecteurs et certaines lectrices bien spécifiques comprendront ce que cette image vient faire au sein de cet article, un certain nombre de lignes avant le récit de la visite de monuments édifiés à Barcelone entre 1888 et 1929… 😉

Comme vous pouvez le constater, la connaissance de cette contrée australe remota n’était pas très précise. Les Autochtones à moitiés nus montrent que ce territoire hostile était le fief de quelques tribus considérées comme des sauvages n’ayant pas encore eu la chance d’être civilisés. Malheureusement, lorsque ces territoires seront conquis, quelques siècles plus tard, par le Chili et l’Argentine, les premiers habitants du Sud de la Patagonie et de la Terre de Feu seront aussi malmenés que les ethnies d’Amérique du Nord lors de la conquête de l’Ouest… ☠ À l’époque de l’édition de cette carte, la topographie relative aux Antilles et au Golfe du Mexique (des zones fortement colonisées à partir des voyages de Christophe Colomb) témoigne d’une connaissance beaucoup plus fine de la géographie de cette région. 🌎

Vers la fin de la visite, une section est consacrée aux sciences naturelles. Dans une vitrine exposant des pièces de paléontologie, on peut observer quatre crânes, ayant appartenu à un hippopotame pygmée, à un tigre à dents de sabre, à un Australopithèque et à un Néandertalien. 💀 Hormis celui du cousin de Lucy, qui provient d’Éthiopie, ces restes d’ossements sont, me semble-t-il, tous issus de la région. Une fois de retour à l’hôtel, j’ai calculé combien de générations de 15 ans (ce qui devait être une moyenne à la préhistoire) pouvaient nous séparer de nos ancêtres d’il y a 3 millions d’années. Selon ces estimations, une chaîne de 200 000 hominidés nous relie à cette créature dont la boîte crânienne était largement plus réduite que la nôtre…

Après le déjeuner, nous avons scruté les médaillons de la Plaza Mayor, qui sont à l’effigie des grands personnages historiques espagnols. Les rois, reines et autres chefs d’État sont de loin les plus nombreux. 👑 Depuis ma dernière visite (fin 2009), le bas-relief représentant Franco a été retiré. Lorsque ce dictateur siégeait aux côtés d’Alphonse X le Sage, des Rois Catholiques, de Charles Quint et de Philippe II, un anonyme avait customisé son portrait en y ajoutant une moustache qui faisait Führer. Actuellement, des allégories personnifient la Première et la Seconde Républiques, tandis que Jean de Bourbon, le père de Juan Carlos Ier, a lui aussi droit à son médaillon, bien qu’il n’ait jamais régné. En effet, il était ouvertement trop démocrate aux yeux du Caudillo, qui a désigné son fils comme successeur, sans se douter que celui qui n’ouvrait pas la bouche et semblait tout acquiescer était loin d’être simplet ; il avait des idées de Transition derrière la tête… 🗳 Outre les politiciens, sont honorés quelques écrivains, à l’instar de fray Luis de León, Cervantès et Unamuno. Entre autres personnages clés, un médaillon représente Antonio de Nebrija, qui publia en 1492 la toute première grammaire de la langue espagnole. 🇪🇸

Saragosse, le dimanche 20 juillet 2025

Après un saut de 24h à Valladolid, où j’ai pu revoir des amis de longue date, j’ai pris la route pour Saragosse, covoiturant Antonio et son fils Rodrigo. Nous avons longé le Douro et traversé la province de Soria, dont les paysages désertiques, vallonnés et calcaires m’ont époustouflé. 😮Antonio m’en a appris un peu plus sur la signalisation espagnole. En effet, j’avais remarqué depuis le Pays basque que certaines routes sont nommées par deux lettres originales, suivies d’un nombre. En fait, il s’agit de l’équivalent de nos départementales, mais, au lieu du D, on trouve les lettres qui identifient la province. Par exemple, les routes relevant de la compétence de la diputación de Valladolid commencent par VA, celles qui sont administrées par la province de Soria s’ouvrent avec les initiales SO, idem pour ZA dans la division administrative de Saragosse (Zaragoza), etc. Cela concerne notamment le périphérique de chaque chef-lieu.

Peu après que nous avons passé le panneau « Aragón », il s’est mis à pleuvoir. Toute référence à un grand film du cinéma français ne serait que coïncidence… 😉 Le paysage était tout aussi beau, tandis que nous nous y enfoncions au coucher du soleil. Nous avons traversé un bourg nommé Borja. D’après Wikipédia (dont la page dédiée en français aurait pu être mieux traduite), cette localité était peuplée dès la période celtibère, connut quelques siècles plus tard une période hispano-arabe, puis fut le berceau des Borgia, une famille de papes pas très catholiques… Du fait de mon écoconduite radicale, nous sommes arrivés à destination à la tombée de la nuit. Demain, je visiterai certains monuments phares et vous en écrirai davantage.

Saragosse, le lundi 21 juillet 2025

Ce matin, je suis parti vers le centre-ville pour visiter la basilique du Pilar. Chemin faisant, j’ai longé San Pablo, une église aux allures de mosquée. En voici quelques clichés :

Un peu plus loin, je suis tombé sur un complexe architectural édifié sur des ruines romaines et abritant notamment l’office de tourisme :

Arrivé vers midi à la basilique-cathédrale Nuestra Señora del Pilar, j’ai pu visiter cet immense édifice construit à la gloire et à la louange de Dieu. ✝️😇 Voici quelques photos de l’intérieur et de l’extérieur de la bâtisse :

Dans l’après-midi, j’ai visité une tout autre merveille architecturale : le palais d’Aljafería. Riche de mille ans d’histoire, ce joyau de l’art hispano-musulman fut le siège de la taïfa de Saragosse, puis, après la Reconquête chrétienne, du royaume d’Aragon. ☪✝ À cette époque, des artisans arabo-musulmans restèrent librement sur leur terre d’origine et participèrent au développement architectural de ce complexe. Appelés mudéjares, ils développèrent un style de construction éponyme. Cette vidéo vous offre un aperçu de la cour centrale. Voici quelques clichés de l’intérieur et de l’extérieur de l’édifice :

Le palais abrite également une collection de peintures de Goya et de certains de ses précurseurs. En effet, le célèbre peintre de la Cour était aragonais d’origine. Comme vous l’avez peut-être remarqué en feuilletant les clichés d’El Pilar, il peignit au moins une fresque sous une coupole de cet édifice. Veuillez trouver ci-après quelques photos d’œuvres et/ou des commentaires en lien avec don Francisco et certains de ses confrères :

Pour conclure le récit de mon bref séjour à Saragosse, voici quelques clichés capturés en ville. Vous y verrez notamment quelques vues de Nuestra Señora del Pilar à la tombée du soir, prises depuis des ponts qui enjambent l’Èbre. Vous pourrez également lire une plaque commémorative honorant les victimes du siège de la ville par les troupes napoléoniennes :

Aire autoroutière sur l’A2, à quelques kilomètres de la frontière entre l’Aragon et la Catalogne, le mardi 22 juillet 2025

Parti plus tard que prévu de Saragosse (j’avais besoin de roupiller un peu), j’ai décidé de ne pas ouvrir le trajet à d’éventuels covoitureurs, pour différentes raisons. Au milieu des paysages tout aussi vallonnés et désertiques que la campagne vallisolétane, j’ai roulé la plupart du temps à 60 km/h, pour des raisons environnementales et budgétaires. Je me suis fait klaxonner deux fois, ce qui m’était peu arrivé depuis que j’ai franchi la frontière. Il faut dire que je n’ai pas encore pris le temps d’imprimer et d’afficher la version espagnole de mon écriteau « Écoconduite : doublez-moi ! », que j’ai placé sur la lunette arrière. Néanmoins, j’imagine que les automobilistes et camionneurs qui me suivent comprennent l’idée de la version française, d’autant plus que la police est en vert. Si ce message leur était vraiment hermétique, je me ferais certainement beaucoup plus klaxonner. 😅

Barcelone, le même jour, tard dans la soirée

Après moult péripéties, je suis enfin arrivé à l’auberge de jeunesse où je resterai cinq jours et cinq nuits. Environ deux heures avant d’arriver, je me suis arrêté dans un petit restaurant de village, dans la province de Lleida. Le barman était très sympathique. Pour m’adapter à la culture de la région qui m’accueille, j’ai commandé une crema catalana et utilisé le peu de mots que je connais dans la langue locale pour échanger avec le personnel et les autres clients. J’ai aussi vérifié quels quartiers de Barcelone craignent le plus. On m’a déjà raconté quelques histoires qui incitent à la prudence. Je ne sais pas dans quelle mesure cela relève de la réalité ou de la légende urbaine. Quoi qu’il en soit, j’ai programmé le GPS de manière à ne pas garer ma voiture dans un endroit où elle ne soit pas en sécurité. 🔒

La raison de cette longue pause et l’un des motifs de ma conduite très tranquille étaient ma volonté d’éviter l’heure de pointe. En effet, la deuxième agglomération des Espagnes est trop petite pour son propre parc automobile et les innombrables cyclomoteurs qui vrombissent en son sein. 🏍 Si j’ai vu de beaux paysages une fois arrivé en Catalogne, notamment les montagnes de roche rougeâtre qui avoisinent l’abbaye de Montserrat, la dernière section n’a pas été de tout repos. À l’approche de la Cité comtale, j’ai roulé au moins sur deux tronçons indiqués comme fortement accidentogènes. J’ai aussi manqué une fois de justesse de me retrouver au milieu d’un carambolage (pourtant en dehors de ces zones à risque). Bien que je me fusse trouvé sur ce réseau routier un mardi estival vers 20h30, la circulation y était encore assez vive. De mon humble point de vue, à la suite de cette brève expérience, la conduite à Barcelone et dans sa périphérie est plus dangereuse qu’en région parisienne. ⚠

Une fois arrivé dans la ville intra-muros, il a été très compliqué de trouver où me garer. Après y être parvenu, j’ai vécu d’autres mésaventures sur lesquelles je ne vais pas m’étendre, jusqu’à enfin pouvoir me poser pour rédiger ce billet. Heureusement, les personnes que j’ai croisées lors de certaines galères se sont montrées très coopérantes, dotées d’une amabilité caractéristique du peuple espagnol. En revanche, le peu de transactions que j’ai eu à effectuer depuis mon arrivée dans la Ville comtale, il y a deux heures et demie, me laisse penser que les Catalans méritent tout à fait leur réputation d’avarice maladive. Mais ils ne savent pas encore qu’à ce jeu-là, je peux, moi aussi, être très bon. Barcelone, à nous deux ! 😉

Barcelone, le mercredi 23 juillet 2025

En milieu de journée, j’ai donné un paseo dans la ville. Voici quelques clichés, dont une vue de la Sagrada Família, ainsi qu’un balcon d’immeuble arborant le drapeau séparatiste :

En début d’après-midi, j’ai visité le Parque de la Ciutadella. Sur cette vidéo, vous pourrez vous mettre au vert avec une prise de vue de l’Umbracle. Voici un pêle-mêle de photos capturées dans cet immense jardin très travaillé :

Après ce long paseo, je me suis rendu sur la place de Catalogne pour une visite guidée à participation libre (free tour). Notre guide, Cristina, nous a d’abord menés sur la fameuse Rambla. Cette avenue qui descend vers la mer était à l’origine un fleuve, que les Arabes ont asséché lors de leur brève occupation de la région (718-801, soit 83 ans, jusqu’à la création de la Marche d’Espagne par Charlemagne). 🕌 Au XIXe siècle, la partie supérieure de la Rambla était habitée par de riches bourgeois. Ceux qui le souhaitaient avaient le droit de louer une place assise avec une licence pour critiquer les passants. Voici quelques images de la fameuse avenue qui sépare le centre historique des quartiers urbanisés à l’époque contemporaine :

Nous avons ensuite vu quelques ruines romaines, comme ce cimetière ou, vers la fin du parcours, ces colonnes du temple d’Auguste au milieu d’un quartier piéton :

La cathédrale gothique revêt un intérêt historique tout particulier. Construite sur plus d’un siècle au Moyen Âge, elle exposait à l’origine un extérieur assez dépouillé. Or, à l’approche de l’exposition universelle de 1888, il fallait montrer aux grands de ce monde une belle image de Barcelone. En l’état, le siège du diocèse n’était pas considéré comme présentable. On lança un appel à projets. Un certain Antoni Gaudí proposa des aménagements originaux, qui ne furent pas retenus. 😥 Un autre architecte fut recruté sur la base d’un état projeté beaucoup plus conforme aux canons de l’art gothique. Un an après avoir essuyé ce refus, Gaudí entreprit l’édification de la Sagrada Família. Cette dernière accueille en moyenne 11 000 visiteurs par jour, quand la cathédrale est seulement fréquentée par 3 000 fidèles au plus fort de son affluence, à savoir, les jours de solennités. Une belle revanche !

Malheureusement, le mécène du projet de restauration de l’église gothique rencontra quelques problèmes financiers et ne put soutenir que l’embellissement de la façade. Sur ces photos, l’on peut voir que la partie cachée par la rue est restée assez sobre :

Au Moyen Âge, la communauté juive revêtait une certaine importance à Barcelone. Elle bénéficiait de la protection des autorités politiques, car, comme les fidèles israélites n’étaient pas assujettis à la dîme, ils payaient aux détenteurs du pouvoir temporel un impôt beaucoup plus fort que les chrétiens. Dans les trois religions abrahamiques, l’usure était considérée comme un péché grave lorsque l’on prêtait ou que l’on empruntait à des coreligionnaires. ✡✝☪ Néanmoins, pour les grosses sommes, l’intérêt était nécessaire pour couvrir les risques. Les chrétiens s’adressaient donc aux juifs, qui s’établissaient sur un banc (banco) au milieu de la rue. De là nous vient le terme « banque » (banco). Lorsqu’un débiteur se trouvait dans l’incapacité de rembourser, notamment car il ne pouvait pas honorer de forts intérêts (dus à un risque élevé), par exemple à cause d’une mauvaise récolte, il venait casser le banc de son créancier juif (« banc cassé » se disait en espagnol médiéval banca rota, ce qui a donné « banqueroute » en français). Entre autres mésaventures des juifs d’Europe à l’époque médiévale, on les accusa de sorcellerie car ils furent largement plus épargnés de la peste que leurs frères chrétiens. L’une des raisons de cette préservation sanitaire était la meilleure hygiène des Israélites, qui se lavaient les mains de manière rituelle avant de prier et de manger. 🧼 Devant le courroux des foules qui saccageaient les juderías, les autorités ecclésiastiques prirent la défense du peuple de la Première Alliance et arguèrent que la peste était un juste châtiment divin, appelant les fidèles à se détourner de leurs péchés. Lorsque le quartier juif de Barcelone fut rasé par des foules en furie, il ne resta qu’un bâtiment sur pied, à savoir, la synagogue. 🕎 Pourquoi le plus juif des édifices du quartier juif fut-il le seul épargné par la haine antijuive ? Eh bien, parce que, vu de l’extérieur, rien n’indique qu’il s’agit d’une synagogue :

En un autre point du centre-ville, une cour témoigne d’autres blessures de l’Histoire. Comme vous pourrez le voir sur les photos suivantes, cette église voit le bas de son mur criblé d’impacts datant de la Guerre civile. Barcelone était un fief républicain. Cristina nous a donc demandé qui avait causé ces dégâts. Naturellement, nous avons pensé que cela était dû à une fusillade de prêtres ou de religieuses par des extrémistes, après un jugement sommaire et en haine de la foi. Elle nous a fait remarquer que les impacts sont bien plus importants que ceux qu’auraient causé de simples balles, d’autant plus que la partie basse du mur d’un édifice aussi haut est nécessairement bâtie avec des pierres très solides. En 1938, Franco voulait prendre Barcelone, qui résistait farouchement. ✊ Il savait que, si la Cité comtale tombait, l’Espagne serait à lui. Aux îles Baléares, ses amis italiens avaient quelques bombardiers qui pouvaient lui permettre de frapper fort. Sur cette place, une institution républicaine constituait une cible parfaite pour les rebelles phalangistes et leurs alliés fascistes. Elle fut donc bombardée, mais il y eut de nombreuses victimes collatérales, notamment les enfants pris en charge par un orphelinat géré par l’Église. 😥 Aujourd’hui, le collège Saint-Philippe-Néri s’est installé à cet endroit, en hommage à ces innocents massacrés pour des intérêts politiques qui leur échappaient. Pour honorer ces martyrs, la joie est l’un des piliers du projet éducatif de cet établissement. Voici quelques clichés de ce lieu tristement chargé d’histoire :

Nous avons également fait halte devant la mairie, où des camions des Mossos d’Esquadra étaient positionnés pour encadrer une manifestation séparatiste, dont certains participants brandissaient des pancartes avec la couronne d’Espagne à l’envers :

Au terme du free tour, nous avons écouté Cristina nous commenter la fabuleuse histoire de Santa María del Mar. Alors que les nobles et les proto-bourgeois construisaient la cathédrale avec de grands moyens, les petites gens ne pouvaient pas facilement s’y rendre pour prier, à la fin de leur journée de travail. Ils devaient payer pour s’y asseoir, ce qui leur était inaccessible. Ils décidèrent donc d’édifier leur propre cathédrale, dans leur quartier. ⛪ Chaque corporation d’artisans fut mise à contribution. Les orfèvres purent apporter des moyens financiers afin d’acheter les matériaux ; les maçons et les charpentiers mirent leurs compétences au service du chantier. Quant aux dockers du port, ils chargeaient sur leur dos les pierres extraites d’une montagne avoisinante. 💪 Et ils le faisaient non pas pendant leurs RTT, leurs vacances ou leurs périodes de chômage, mais à la fin de leur journée de travail, après avoir déchargé des bateaux pendant douze heures. Dans son best-seller La catedral del mar1, le romancier Ildefonso Falcones honore ce monument et ses humbles bâtisseurs qui expédièrent leur chantier en un temps record, bien qu’ils disposassent de bien moins de moyens qui les constructeurs de nos célèbres cathédrales. En 54 ans (1329-1383), le peuple barcelonais réussit ce qui durait plus d’un siècle dans le cas des édifices diocésains. ✝ À titre de comparaison, la Sagrada Família est en construction depuis 1882, soit plus de 140 ans, et devrait voir sa touche finale posée en 2032. Et ce, bien que le projet reçoive d’énormes financements et dispose de grues et d’ordinateurs. Voici quelques clichés de ladite « cathédrale de la mer », en plus de la vidéo que vous pourrez lire en cliquant sur ce lien :

Dans cet édifice religieux, aucun noble n’est enseveli. Les seuls mécènes honorés sont les orfèvres. Voici les armes de leur corporation (gremio) :

De même, la corporation des dockers est dûment reconnue par cette épigraphe :

Sur la route du retour, à la tombée du soir, j’ai pris deux autres photos de monuments qui illustrent bien la facette moderniste de Barcelone :

Vendredi, je suivrai un autre free tour, sur la Barcelone moderniste. En attendant, je vous souhaite de buenas noches !

Barcelone, le jeudi 24 juillet, an de grâce 2025

Aujourd’hui, il fait vraiment un temps de chien. Je me suis donc dit que j’allais privilégier les visites en intérieur, à commencer par la Sagrada Família. 🎅 Malheureusement, je me suis vu refuser l’entrée, car il fallait réserver sur internet et c’est complet jusqu’au 4 août. Sous la pluie, j’ai donc pu réaliser un petit shooting de l’extérieur de la basilique :

Lors de mon trajet pédestre vers le Musée de l’histoire de Barcelone, j’ai eu la chance de passer à proximité de l’arc de triomphe de la ville. Voici quelques clichés de ce monument et des environs :

La visite du musée s’est avérée intéressante, mais je n’y ai pas trouvé grand-chose sur la période de l’histoire contemporaine qui nécessite des recherches particulières de ma part (1888-1929). 🚂 Au début de la visite, le film d’introduction m’a néanmoins enseigné qu’à cette époque, le développement économique de l’agglomération était très inégalitaire et que les autorités ne faisaient que réprimer les manifestations ouvrières. ✊ Cette absence de dialogue social provoqua un développement fulgurant de l’anarcho-syndicalisme. Voici quelques photos prises à l’intérieur du musée ainsi qu’à proximité de ce dernier :

Sur le chemin du retour, j’ai pris deux photos qui reflètent l’histoire contemporaine de la Cité comtale :

Barcelona, el viernes, 25 de julio de 2025

En fin de journée, j’ai eu la chance d’effectuer un free tour sur la Barcelone moderniste, magnifiquement guidé par Juan Pablo.

En guise d’introduction, ce dernier a commencé par circonscrire ce phénomène architectural, en répondant à quelques questions-clés :

Quand ? Grosso modo, pendant la dernière décennie du XIXe siècle et première décennie du XXe siècle.

Quoi ? Le modernisme s’inspire de la nature.

Où ? Ni dans le centre historique ni dans le Raval, qui n’était pas urbanisé à l’époque. Le quartier moderniste est l’Ensanche, qui, comme son nom l’indique, est un espace, périphérique à cette époque-là, où la ville s’élargit. Le style moderniste s’inspire de l’architecture haussmannienne, alors en vogue à Paris. Même si ce nouvel espace urbain visait à accueillir toutes les classes sociales, dans les faits, ce seront surtout les riches qui se feront construire des maisons dans cette zone. 💶

Pourquoi ? La population augmente et ne tient plus à l’intérieur du mur d’enceinte défendu par des canons. Il était jusqu’alors interdit de construire à l’extérieur des remparts, car la périphérie ne pouvait pas être protégée des assaillants. À l’époque de la révolution industrielle, ce système défensif est obsolète. Les alentours déserts (une exception à cette époque) peuvent donc être investis pour le développement urbain.

Sur la Gran Vía, un pavé foulé par les passant est l’œuvre d’Antoni Gaudí en personne :

Ils représentent des motifs des fonds marins. Selon l’artiste, les lignes droites sont l’œuvre des humains, tandis que les courbes sont celle de l’Architecte par excellence, Dieu Créateur.

L’Ensanche commença à être urbanisé dans les années 1850. Les indianos, bourgeois qui avaient fait fortune en Amérique, voulaient attirer l’attention, comme tous les nouveaux riches de toutes les époques. Ils le firent par la construction de demeures originales, comme celle-ci, bâtie pour une famille de producteurs de tabac en Argentine. Elle est l’un des premiers monuments de ce type édifiés dans le quartier. Située sur la Gran Vía, elle témoigne de la transition du style néoclassique vers le modernisme. En voici quelques clichés :

Voici la Casa Lleó i Morera, une œuvre de Lluís Domènech i Montaner, qui fut aussi le créateur du Palau de la Música :

La décoration fait référence à la symbolique familiale (nom et histoire) ou à l’identité nationale naissante, notamment le dragon de saint Georges (Sant Jordi est le patron de la Catalogne) et le griffon. En effet, lleó signifie « lion » en catalan :

Un peu plus loin sur la même avenue, la Casa Amatller était la maison d’un chocolatier, dont le nom signifie « amandier ». De la même manière, l’on y trouve des motifs végétaux liés à cet arbre fruitier :

Le célèbre Antoni Gaudí créa la maison qui jouxte la Casa Amatller, à savoir la Casa Battló. Lorsque cet étudiant en architecture fut diplômé, ceux qui furent ses professeurs lui dirent qu’ils ne savaient pas s’ils remettaient ce bout de papier à un fou ou à un génie. L’histoire allait répondre à cette question. Il commença sa carrière grâce au mécénat d’Eusebi Güell i Bacigalupi, comte de Güell. Sur cette façade, qui a été apposée sur un bâtiment déjà existant, l’on remarque les couleurs de la Méditerranée. 🐟 Encore une fois, le modernisme s’inspire d’éléments naturels. Les balcons évoquent des crânes et les colonnes, des os. Bien qu’il s’agît d’une commande de la part de la famille qui allait vivre dans cet édifice, Gaudí considérait que son seul chef était Dieu. C’est pourquoi la tourelle est couronnée d’une croix en trois dimensions. Sur le fût de la tour apparaît un sigle faisant référence à la Sainte Famille. En effet, la célèbre basilique était LE projet qui importait réellement à l’architecte. Le toit rappelle les écailles du dragon abattu par saint George. 🐲 L’épée de ce dernier est symbolisée par la tour, plantée dans le dos de l’animal légendaire. La façade représente les entrailles de la bête, qui digère des cadavres humains. À l’époque, cette maison causa un véritable scandale dans tout Barcelone. Ses habitants la détestaient et ne parlaient que d’elle. C’était justement ce que voulait Gaudí et ce fut ce qui rendit cet édifice célèbre.

Ci-dessous, vous verrez un cliché d’une autre maison moderniste, de la même époque, non commentée par notre guide à l’ensemble du groupe. J’ai néanmoins demandé à Juan Pablo s’il avait des choses à me dire au sujet de cet édifice. Il s’agit d’un hôtel, construit à la même époque que les bâtisses présentées lors de la visite guidée. L’une des caractéristiques du modernisme est l’usage de matériaux très divers. Entre autres, la brique est une matière pauvre, utilisée pour les constructions modestes. Que dire alors de l’Alhambra, somptueux palais des derniers princes arabo-musulmans de la Péninsule ? ⛲ Eh bien, justement, la dynastie des Nasrides avaient bien conscience que le royaume de Grenade n’en avait plus pour longtemps. Au lieu de bâtir un palais en marbre, que les conquérants chrétiens auraient sans doute détruit à leur arrivée, ils l’édifièrent en briques et en stuc. Cependant, époustouflés par la beauté du château rouge, les Rois catholiques le laissèrent sur pied. Pour faire le lien entre Al-Andalus et la Barcelone d’il y a un gros siècle, Juan Pablo m’a précisé que le modernisme puisait notamment dans l’orientalisme, s’inspirant, entre autres, des civilisations chinoise, indienne et arabe. Voici un cliché de l’édifice en question :

La Casa Milà, également de Gaudí, n’est pas la rénovation d’un bâtiment préexistant, contrairement aux trois autres édifices commentés par notre cher guide. L’architecte la conçut de A à Z. La façade est pétrie de symbolique religieuse, notamment la prière du chapelet. On peut également tracer quelques parallèles entre certains éléments et la série cinématographique Star Wars. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à scruter et à analyser la photo ci-dessous :

Avant de prendre le métro pour le monument le plus visité d’Espagne, nous avons traversé un une rue piétonne assez sympa, qui fait on ne peut plus bobo :

Revenons-en de manière plus académique à la Sagrada Família. Celui qui eut l’idée de construire une église à cet endroit était un libraire, nommé José María Bocabella y Verdaguer. Il fut président de l’Association spirituelle des dévots de saint Joseph, qui visait à « exalter la foi et à embrasser la charité ». Cette organisation eut l’idée de bâtir un temple expiatoire, où, avec l’accord officiel de l’Église, les dons des pécheurs pour son édification permettrait une remise de dette au purgatoire. L’entrée pour la visite de la basilique coûte un certain prix, mais, en compensation, d’après qui y croit, les fautes commises en ce monde sont en partie pardonnées. À la fin du XIXe siècle, le lieu où fut initié le chantier n’était pas encore urbanisé. C’était un village de paysans, notamment chevriers. 🐐 Le premier architecte en charge du projet proposa une église néogothique. Il y renonça et Gaudí prit la relève en 1883, dans un tout autre style qui nous est désormais familier. 😉

La raison de la lenteur et de l’irrégularité de ce chantier plus que centenaire réside dans son caractère expiatoire. Il ne peut avancer que s’il reçoit les financements nécessaires de la part des donateurs et des visiteurs. Mais il y a également d’autres raisons historiques. Tout d’abord, Gaudí mourut soudainement, sans avoir désigné de successeur. Il fut renversé par un tram, et personne ne l’assista pendant plusieurs heures car on le prit pour un clochard. Même si ça avait été le cas, d’où un SDF mérite-t-il la non-assistance à personne en danger ? 😡 Il fut ensuite pris en charge par un guardia civil (équivalent d’un gendarme) qui passait par-là. Sans savoir qui il était, il mena l’homme accidenté à un hôpital pour les nécessiteux (el Hospital de la Santa Creu), où il mourut trois jours plus tard. Ce fut le 10 juin 1926. Le jour de ses obsèques, le 12, un silence de mort régnait dans Barcelone. Cinq mille personnes accompagnèrent le cortège funèbre. L’architecte fut enterré à l’intérieur de la Sagrada Família, à laquelle il avait dédié les 43 dernières années de sa vie. Dix ans plus tard, la Guerre civile freina le chantier, puis la misère qui régna en Espagne lors des premières décennies du franquisme n’arrangea rien. Dans les années 1960, le chantier commença à se poursuivre plus sérieusement. En 1992, les Jeux olympiques de Barcelone donnèrent au projet une visibilité mondiale. Depuis, les visiteurs affluent et les financements aussi.

Gaudí voulut évangéliser en sculptant la Bible dans la pierre. Veuillez trouver ci-dessous la façade de la Passion. Les lignes sont droites et anguleuses, ce qui accentue la violence des histoires relatées. L’on peut voir le baiser de Judas accompagné d’un serpent qui symbolise la trahison (et certainement Satan, l’auteur du péché), mais également sainte Véronique avec le linge où Jésus aurait essuyé son visage pour soulager une partie de ces maux, et où la Sainte Face aurait été miraculeusement imprimée. À côté de cette femme de Jérusalem qui n’apparaît que les dans évangiles apocryphes, des soldats romains portent une armure semblable à celle des clones de Star Wars. Derrière eux apparaît un personnage représentant Gaudí dans sa vieillesse. Il est inspiré de la dernière photo de l’architecte qui nous soit connue. Au-dessus des scènes de la Passion, l’on peut voir une représentation du tombeau vide, et, tout en haut, le Christ glorieux ressuscité. 😃

La façade de la Nativité est la plus ancienne. Gaudí put la voir achevée. Elle est plus arrondie et plus chargée. Elle représente la Naissance de Jésus, mais aussi ce qui vient avant et après dans le récit néotestamentaire, comme l’Annonciation, l’Adoration des bergers et des mages, etc. L’on peut aussi remarquer l’Arbre de vie.

En début de soirée, j’ai marché jusqu’à la Place de Catalogne, dans l’optique d’acheter des produits soldés auprès de deux grandes marques espagnoles. Finalement, à ce stade de l’été, tous les beaux vêtements sont écoulés et il ne restait que des horreurs. Je suis donc rentré bredouille. Néanmoins, j’ai trouvé beaucoup de bâtiments intéressants d’un point de vue architectural. S’ils ne relèvent certainement pas tous du mouvement moderniste, il m’a semblé que tous valaient la peine d’être photographiés et exposés dans le pêle-mêle ci-après :

Barcelone, le samedi 26 juillet 2025

Ce midi, j’ai déjeuné avec Lukas, l’un des autres baroudeurs avec qui j’ai sympathisé à l’auberge de jeunesse. Lorsque ce Tchèque parle anglais, sa voix et son accent slave rappellent un peu la manière dont Volodymyr Zelensky s’exprime dans la langue des Shakespeare. Je le lui ai dit. Il s’en est montré surpris et amusé.

Après m’être restauré et avoir pris congé de mon compagnon, qui était sur le départ pour Dublin, j’ai cheminé jusqu’au Parc Güell. Devant poireauter une heure avant de pouvoir rentrer, je me suis rendu compte que j’avais faim. Ne voulant pas céder aux arnaques des marchands de chucherías qui bordent l’entrée du célèbre jardin, je suis monté vers le quartier populaire qui surplombe cette zone, afin d’y trouver un bar barato. Lors de mon ascension, j’ai pu capturer cette vue sur la Méditerranée, devancée par la Sagrada Família et un building aux allures londoniennes que les Barcelonais surnomment, paraît-il, « le Suppositoire ». Attablé dans un bar-restaurant devant lequel stationne une voiture des Mossos d’esquadra, je commande un sandwich thon-crudités, effectivement à un prix très abordable, et je vérifie où je me trouve. Apparemment, je suis à l’orée du Mont Carmel, le quartier mal famé d’où vient le personnage principal du roman Teresa l’après-midi / Últimas tardes con Teresa, de Juan Marsé.

Je suis ensuite entré dans le parc, quand mon heure était enfin venue. Voici quelques clichés de certains endroits du début de la visite, parfois assortis de panneaux explicatifs :

Après m’être promené dans cet environnement étonnant et fort agréable, j’ai pu visiter la maison-musée d’Antoni Gaudí. Sur cette vidéo, vous pourrez voir une frise de l’histoire du Parc Güell, en lien avec le reste de l’œuvre de cet architecte que l’on ne présente plus. Ce pêle-mêle vous montre quelques éléments du musée, parfois assortis de panneaux explicatifs :

Dans la maison-musée d’Antoni Gaudí, cette vidéo en catalan (sous-titrée en castillan et en anglais) explique l’histoire du Parc Güell

Voici enfin quelques clichés de la seconde partie de la visite du parc :

Après avoir quitté les lieux, j’ai à nouveau marché vers la Sagrada Família pour y vivre la messe dominicale anticipée et découvrir l’intérieur de l’édifice par la même occasion. 🙂 Ayant alors très peu de batterie à ce moment-là, je n’ai pu prendre que quelques photos de la crypte, seul espace qui nous était accessible. Contrairement à mes attentes, la décoration m’a paru, au premier coup d’œil, assez classique, assez semblable à ce qu’on trouve dans une église gothique. Mais, en scrutant davantage, j’ai découvert que les style néogothique et moderniste y sont très élégamment mêlés, produisant à résultat à la louange et à la gloire de l’Artiste par excellence. 🎨 À ce titre, le tabernacle, où repose le Corps du Christ, me semble particulièrement réussi. La lumière rouge signifie que des Hosties consacrées se trouvent à l’intérieur et donc que, pour les croyants, Dieu y est réellement présent :

C’est aussi dans cet espace souterrain de l’édifice que Gaudí est enterré. Il est indiqué qu’il a été reconnu vénérable par l’Église catholique, au terme d’un examen approfondi de sa biographie, à travers les témoignages des personnes qui l’ont fréquenté, la réputation qu’il a laissée après sa mort, ses écrits publics et privés, etc. 🔎 Cette longue investigation, qui a duré plus de vingt ans, a prouvé qu’il a vécu les vertus évangéliques, notamment la charité, de manière héroïque. D’après la religion chrétienne, cela est impossible à un être humain sans la grâce de Dieu. Entre autres, il a beaucoup aidé des personnes défavorisées, donnant et se donnant sans compter. Vivant chichement et chastement, il finança par exemple, grâce à ses économies, l’École de la Sagrada Família, afin que les enfants des ouvriers du chantier et ceux des familles les plus modestes du quartier pussent être scolarisés. 👩‍🏫 Renonçant même sur une période à ses honoraires d’architecte, car le chantier recevait peu de financements, il dut faire preuve d’humilité en demandant l’aumône. Entre autres dévotions, il assistait à la Sainte Messe quotidiennement. Si un miracle est obtenu à son intercession et si une enquête très rigoureuse prouve que les faits constatés sont inexplicable par la science, alors don Antoni sera béatifié par le Pape et recevra le titre de « bienheureux ». Si un second miracle est prouvé au terme d’une enquête tout aussi rigoureuse, il sera ensuite canonisé et les catholiques pourront l’invoquer sous le nom de « saint Antoni Gaudí ». 😇

Pour terminer, voici un pêle-mêle de ce que j’ai pu photographier de la crypte avant que mon téléphone ne se mette tout seul en mode « messe » :

Lors de la célébration de l’Eucharistie, en plusieurs langues, le prêtre a commencé en latin, a poursuivi en espagnol, a consacré les Saintes Espèces en anglais et a, d’après mes souvenirs, prononcé l’envoi en catalan. 🌍 Les lectures étaient en italien, en catalan et en espagnol. L’Évangile était aussi en castillan. Pour la prière universelle, nous avons été plusieurs à être sollicités pour lire dans notre langue maternelle. J’ai donc eu l’honneur de prononcer les seuls mots en français de la célébration.

Monastère de Montserrat, le dimanche 27 juillet, an de grâce 2025

Parti de Barcelone ce matin, je me trouve maintenant dans un autre lieu emblématique de la Catalogne. ✝️😃 Le toponyme catalan Montserrat signifie « le Mont Scie ». En effet, il a été bâti sur un ensemble rocheux tout en longueur, dont les sommets qui se succèdent rappellent les dents de l’outil des bûcherons et des menuisiers. Le paysage est à couper le souffle, comme le montre cette vidéo. De mon point de vue de croyant, le monastère construit il y a mille ans, avec tous les défis que cela devait représenter à cette époque, est une manière de rendre gloire au Créateur de cette nature extraordinaire et bénie. 🌲🌳 Voici quelques clichés de cet endroit magique :

Pour des raisons techniques sur lesquelles je ne m’étendrai pas, je n’ai malheureusement pas pu visiter la basilique. En revanche, j’ai pu filmer une tradition catalane nommée « l’arrivée des géants ». L’un des participants m’a expliqué que, normalement, la chauve-souris était censée cracher du feu, mais que les autorités locales ne leur en ont pas donné l’autorisation. 🦇🔥 Cela est sans doute lié au risque d’incendie, qui menace actuellement les forêts en Catalogne comme dans toute l’Espagne.

Les géants : une tradition catalane

J’ai poursuivi la route vers la frontière, sur laquelle toutes les indications n’apparaissaient qu’en catalan. Quand c’est à l’écrit, j’arrive à comprendre sans problème, puisque ça ressemble beaucoup au castillan et au français. En revanche, à l’oral, j’ai plus de difficultés. Je comprends mieux l’italien que, pourtant, je n’ai jamais étudié très sérieusement. Mais les Ritales parlent lentement et distinctement, alors que la prononciation catalane est assez fermée. Nous verrons bien sur la suite du séjour si je m’acclimate… 😉

Port-Vendres, le lundi 28 juillet 2025

Hier soir, au terme d’une route en écoconduite radicale et pleine de défis, j’ai rejoint mon ami Albert et sa famille. J’y ai commencé la lecture de La crise catalane : une opportunité pour l’Europe. À travers des entretiens avec le journaliste Olivier Mouton, le leader séparatiste Carles Puigdemont explique les fondements du mouvement dont il fait partie. Il le fait de manière très humble, précisant que cette volonté d’indépendance concerne tout un peuple et que lui-même n’est que le serviteur qui était en poste au moment du référendum. Par conséquent, emprisonner les cadres dirigeants qui ont organisé cette consultation inconstitutionnelle n’éteindra en rien le désir d’émancipation démocratique et non-violent de millions de personnes qui se reconnaissent comme une nation à part entière. 🟨🟥🟨🟥🟨🟥🟨🟥🟨 Je poursuivrai ma lecture au cours de cette phase du voyage, qui s’accompagnera des conversations avec mes hôtes. En effet, ces derniers partagent ces convictions idéologiques. Pour ma part, je ne prends pas partie dans ce débat, qui concerne la politique intérieure d’une patrie dont je ne suis pas citoyen. J’essaie juste de comprendre la mentalité des uns et des autres. De même, Carles Puigdemont invite les lecteurs à consulter aussi ce qu’en dit la diplomatie espagnole, afin de tisser leur propre avis, nuancé et libre, sur cette question complexe.

Cet après-midi, j’ai fait quelque chose que je n’avais encore jamais fait : me baigner dans la mer Méditerranée en France. 🐓 Je l’avais déjà fait en Espagne, en Israël et en Algérie. La dernière fois, c’était à Valencia le 1er janvier 2023. Elle était un peu froide, mais pas plus qu’en Bretagne méridionale autour de Pâques. Donc, c’était faisable, mais je ne suis pas resté très longtemps. Aujourd’hui, je me suis baigné avec mon ami Albert et son chien Fila. 🌊🐕 Il y avait beaucoup de vent, donc des vagues d’une intensité peu commune dans cette crique, ce qui a rendu la baignade intéressante. 😉

Sant Miquel de Cuixà, dimarts 29 de juliol del 2025

Aujourd’hui, Albert et sa famille m’ont emmené en un autre haut lieu de l’histoire catalane, l’abbaye millénaire de Saint-Michel de Cuxa. Avant de rentrer dans l’abbaye, mes hôtes ont sympathisé avec une autre famille catalane et ils ont conversé pendant un bon quart d’heure dans leur langue maternelle. J’ai assez bien compris ce qu’ils disaient, notamment lorsqu’ils parlaient de géographie et d’autres sujets techniques. Dans ce cas, la terminologie est assez transparente d’une langue à l’autre. Bien que je ne pusse pas participer dans ce bel idiome, j’ai pu rire à certaines blagues, savourer cette mélodie nouvelle pour mon oreille et je ne me suis absolument pas ennuyé. 😊 Voici quelques photos de l’entrée et du début de la visite :

En arrivant dans le cloître, l’on peut lire ce beau poème en catalan :

Le cloître a été partiellement reconstitué assez récemment. Certaines pièces manquantes se trouvent actuellement dans un musée new-yorkais. En marbre rose, les chapiteaux des colonnes sont tous différents et, bien souvent, n’ont rien à voir avec la religion chrétienne. 🏛 Par exemple, l’un d’entre eux est historié en référence à l’épopée de Gilgamesh ; d’autres exposent des motifs non figuratifs arabes ou perses. Les représentations de lions, griffons et singes symbolisent les dangers qui guettent l’âme en ce monde. Près de l’abbatiale, l’on trouve aussi deux ensembles de colonnes géminées. Voici quelques clichés de cet ensemble riche :

Dans l’église préromane dédiée à saint Michel Archange, on trouve notamment des arcs en fer à cheval, une technique wisigothe reprise par les Arabes :

Voici la pierre tombale d’un abbé (reconnaissable au couvre-chef qui couronne l’écu) :

Après avoir été délaissée et dégradée pendant plusieurs siècles, l’abbaye a été restaurée depuis quelques décennies et remise au service du culte. Les scientifiques, les archéologies et les historiens travaillent également ensemble pour comprendre le passé de ce lieu, le préserver avec respect et le rendre accessible au public.

Voici quelques derniers clichés de l’abbaye, dont la tombe d’un ancien doge vénitien qui s’y fit moine, puis fut canonisé après sa mort :

Eus, mateix dia, a la tarde (Eus, le même jour, dans l’après-midi)

Nous voici dans l’un des plus beaux villages de la Catalogne du Nord, perché dans un magnifique paysage pyrénéen :

Port-Vendres, le jeudi 31 juillet 2025

Ce matin, Albert et moi nous sommes promenés avec notre compagnon canin aux alentour d’une ancienne forteresse nommée « la Mauresque », dont vous pourrez lire l’histoire officielle sur ce lien. Voici quelques clichés du paseo :

Au retour, j’ai donné à mon ami son premier cours de portugais. Pour moi aussi, c’était une première. En effet, j’avais toujours cru que j’étais incapable d’enseigner cette langue que j’ai apprise de manière assez peu académique. En revanche, je peux la traduire sans problème. Cet article fait état d’une partie de mon expérience en la matière. 🌍 Concernant l’arabe, c’est tout l’inverse : je suis capable d’enseigner les bases de cette langue et de son écriture, mais mon niveau (sans doute A2) ne me permet pas de travailler comme traducteur professionnel à partir de cet idiome. Comme support pédagogique pour l’apprenti lusophone, nous nous sommes notamment appuyés sur la dernière vidéo du site Vejo e Acredito.

De mon côté, je continue à progresser, à mon rythme, en catalan, notamment sur Duolingo. Du peu que j’ai étudié pour le moment, j’y trouve beaucoup de similitudes avec la langue de Pessoa, qui ne sont pas partagées par celle de Cervantès. Par exemple, « aide » se dit ajuda en portugais comme en catalan, quand la variante castillane remplace le J par un Y, du fait que le phonème fricatif dorso-palatal sonore [ʒ] n’existe pas dans le système phonétique de cet idiome, du moins dans sa variante dialectale péninsulaire. 🤓 Par ailleurs, l’article défini apparaît devant les prénoms. Il est tout à fait académique de dire o João ou el Joan dans les deux langues périphériques de la péninsule Ibérique, alors que el Juan est beaucoup moins fréquent en espagnol et que le Jean fait très campagnard, ironique et/ou humoristique en français. Enfin, bon dia et bom dia sont tous deux au singulier, tandis que l’espagnol européen saluera formellement le matin par un ¡Buenos días! au pluriel. Si mon nouvel élève souhaite persévérer dans l’apprentissage commencé aujourd’hui, il pourra progresser très rapidement grâce à tous ces liens entre l’une de ses trois langues maternelles et une autre langue romane du même sous-groupe, par ailleurs très proche du castillan par son vocabulaire et sa grammaire, et assez similaire à la langue de Molière quant à son système phonologique… 🙂

Port-Vendres, divendres, 1er d’agost del 2025

Ce matin, nous avons fait une nouvelle promenade tous les trois de l’autre côté de la crique, d’où nous avons pu apercevoir la Mauresque à travers les buissons. Voici une demi-douzaine de clichés y afférent :

Dans l’après-midi, Albert et moi avons fait une longue promenade, notamment sur les hauteurs et sur le rivage. À un stade du parcours, je ne parlais qu’en portugais au nouvel apprenant. Il comprenait sans trop de difficultés.

Port-Vendres, dissabtes, 2 d’agost del 2025

Aujourd’hui, la journée commence à nouveau tranquillement. Mes hôtes m’ont autorisé à vous partager cette photo de deux coussins représentant l’âne des Pyrénées, symbole de la Catalogne, ainsi que l’écu de cette région historique. D’après cette source, les quatre bandes gueules sur fond or évoquent des faits qui remonteraient au IXe siècle, alors que les Francs créèrent la Marche d’Espagne après avoir chassé les Maures de la région. Ces quatre lignes rouges représentent la trace des quatre doigts sanglants de l’empereur carolingien Louis de Pieux (fils et successeur de Charlemagne) qui, blessé en combattant contre les Normands, aurait ainsi marqué le bouclier de Guilfred le Velu, premier comte de Barcelone. Voici le cliché susmentionné :

Collioure, le même jour, en fin d’après-midi

Au terme d’une marche avec mes compagnons humains et canidé, nous voici dans un village régulièrement primé comme l’un des plus beaux de France (tout comme Eus). Veuillez trouver ci-après une première vue de Cotlliure, depuis la bordure du cimetière de Port-Vendres :

Chemin faisant, nous avons pu apercevoir le Fort de Saint-Elme, dont voici une photo en contre-plongée :

À la sortie de Port-Vendres, l’on pouvait distinguer le village côtier que nous allions visiter au terme d’une marche de trois kilomètres. À l’horizon se dessine, d’après l’un de mes hôtes, la Côte d’Azur, notamment la montagne Sainte-Victoire, qui borde Aix-en-Provence. Un internaute doué en géographie et en orientation considère que c’est beaucoup trop loin pour que ce soit le cas. Selon ce lecteur, il s’agirait plutôt des monts du Haut Languedoc, plus proches et plus au nord. Voici lesdites vues dûment capturées et publiées :

Voici quelques clichés du palais du roi de Majorque :

Dans le Pays catalan, une mode est mise à disposition des touristes depuis quelques années. Un marchepied surmonté d’un cadre permet aux personnes qui le souhaitent d’observer une belle vue et éventuellement de la photographier. 📸 Voilà ce que ça donne :

En bordure de la digue, l’église est malheureusement fermée au public, a priori pour éviter les vols d’objets liturgiques, artistiques et cultuels qui ont déjà pu se produire ici ou là. J’ignore pourquoi la devise de la République est inscrite sur le tympan. L’édifice aurait-il été financé par la mairie, comme ce fut le cas pour la basilique d’Argenteuil ?

Voici un pêle-mêle de différents lieux du village, dont la mer bordant le quai, sillonnée par des canards, comme si l’eau y fût douce :

Port-Vendres, el mismo día, por la noche

Au soir de notre journée, une fois en bordure de Port-Vendres, nous avons pu nous extasier devant le magnifique coucher de soleil qui couronnait notre village de provenance :

Cadaqués, el diumenge, 3 d’agost del 2025

Ce matin, Albert et moi sommes allés à la messe dans l’église paroissiale de Port-Vendres. Face à la mer, elle dresse sa façade rose, d’une chaleur pâle hospitalière pour les vacanciers :

Les textes de la liturgie invitaient, entre autres, à ne pas amasser vainement les richesses et les succès, mais à se préoccuper de l’essentiel. 🙂 En effet, les aléas pécuniaires vont et viennent. Tout est vanité. À l’heure où je vous écris, les taux d’intérêts viennent de baisser en réponse à un phénomène macroéconomique lié à l’inflation. Les indices boursiers européens se cassent la figure depuis l’accord douanier annoncé conjointement par la Maison-Blanche et la Commission européenne. 📉 Comme ce dernier prévoit que l’Union consomme une certaine quantité d’armement étatsunien, la chute a été particulièrement à pic concernant les actions Thalès et Dassault. Néanmoins, comme le fou de Washington vient d’annoncer l’envoi de deux sous-marins nucléaires au large des côtes russes, ces deux valeurs pourraient bien remonter en flèche dès demain. 📈 Un technicien peu scrupuleux pourrait s’enrichir sans états d’âme sur ces rumeurs de Troisième Guerre mondiale. Mais tout est vanité. Si l’argent n’est pas mis au service du bien commun (et des plus démunis en particulier), mais n’est considéré qu’à des fins égoïstes, on passe à côté de l’essentiel : la Loi d’amour édictée par Dieu. ✝️❤ Au soir de notre vie, nous n’emporterons rien de ce que nous aurons amassé sur Terre. En revanche, l’amour dont nous aurons fait preuve (ou non) envers notre prochain demeurera pour l’éternité. 😃😰

Voici le texte de l’Évangile dominical, suivi d’une note de bas de page, où vous pourrez consulter les autres textes bibliques (vétérotestamentaires et paulinien, pour faire semblant d’être aussi calé qu’un exégète pédant) lus à la messe d’aujourd’hui :

Évangile

« Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12, 13-21)

Alléluia. Alléluia.
Heureux les pauvres de cœur,
car le royaume des Cieux est à eux !
Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là,
    du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus :
« Maître, dis à mon frère
de partager avec moi notre héritage. »
    Jésus lui répondit :
« Homme, qui donc m’a établi
pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? »
    Puis, s’adressant à tous :
« Gardez-vous bien de toute avidité,
car la vie de quelqu’un,
même dans l’abondance,
ne dépend pas de ce qu’il possède. »
    Et il leur dit cette parabole :
« Il y avait un homme riche,
dont le domaine avait bien rapporté.
    Il se demandait :
‘Que vais-je faire ?
Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’
    Puis il se dit :
‘Voici ce que je vais faire :
je vais démolir mes greniers,
j’en construirai de plus grands
et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens.
    Alors je me dirai à moi-même :
Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition,
pour de nombreuses années.
Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’
    Mais Dieu lui dit :
‘Tu es fou :
cette nuit même, on va te redemander ta vie.
Et ce que tu auras accumulé,
qui l’aura ?’
    Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même,
au lieu d’être riche en vue de Dieu. »

Source : AELF2

En fin d’après-midi, nous avons pris les routes tortueuses de la corniche pyrénéenne qui borde la Méditerranée. Avec Albert, nous avons beaucoup parlé politique dans la langue de Cervantès lors du trajet. 🐍 Après avoir passé la frontière, nous sommes arrivés en « Catalogne du Sud« . Une fois installés dans la maison familiale de mes chers hôtes à Cadaqués, nous avons rejoint des amis d’Albert pour un concert de trompette et de saxophone en l’église Sainte-Marie. 🎺🎷 Comme c’est le jour du Seigneur, je vous partage ces image pieuses du village natal du célèbre peintre Salvador Dalí. Admirez notamment cette statue de Sant Jordi terrassant le dragon et protégé par un écu aux couleurs de la Catalogne :

Vous pourrez visionner un bref enregistrement du concert en question en cliquant sur ce lien et/ou sur celui-ci. Un grand bravo aux artistes, Mireia Farrés et Llibert Fortuny ! 👏🏅👍 N’hésitez pas à faire un tour sur leur site web officiel.

Le parvis se trouve sur une terrasse qui surplombe le port et une partie de la ville. En cliquant ici, vous pourrez visionner une vidéo capturée à la sortie du concert.

Nous avons poursuivi la soirée avec les amis d’Albert, qui sont allemands. 🥨 Bien que nous ayons surtout conversé en castillan, j’ai tout de même pu m’entraîner un peu dans la langue de Goethe, dont je ne maîtrise pour ainsi dire que les bases.

Cadaqués, el lunes, 4 de agosto de 2025

Après une soirée disons festive, je me suis levé vers onze heures et demie, laissant Albert terminer sa nuit. Sentent un besoin d’introversion, j’ai cheminé seul vers le port, le long du chemin côtier. Voici quelques clichés de ma promenade dite matinale :

Une fois en bordure du port de plaisance, j’ai poursuivi la lecture du livre de Carles Puigdemont. ✊ Voici comment il explique le modernisme et les avant-gardes qui se sont développés en Catalogne au début du siècle dernier :

En début d’après-midi, je suis revenu sur mes pas, photographiant le chemin côtier d’un point de vue différent et sous une luminosité légèrement distincte :

Dans la soirée, je suis sorti avec Albert au restaurant Can Rafa (« Chez Rafa »), spécialisé dans les fruits de mer à la catalane. Nous avons notamment mangé du fideu de arroz negro, une sorte de paëlla dont le riz est noirci par une sauce à base d’encre de pieuvre ou d’un autre invertébré marin. 🐙 Nous avons mangé les gambas avec de l’aïoli, une sauce constituée d’ail et d’huile d’olive battue. 🧄

Cadaqués, el martes, 5 de agosto de 2025

Ce matin, Albert et moi avons fait une petite promenade avec son oncle et son grand-oncle en bateau à moteur. Voici quelques images de la sortie de la crique où nous avons embarqué :

À travers les vagues et autres remous, nous avons longé la côté à une certaine vitesse. J’ai savouré l’instant, mais sans pouvoir l’immortaliser, car les terres rares qui composent mon téléphone portable auraient certainement fini par intoxiquer l’écosystème méditerranéen. 🐬 Après cette traversée, nous avons mouillé dans la Cala Bona (la « Bonne crique » en catalan), qui fait partie du parc naturel du Cap de Creus. Ce dernier est le point le plus oriental de toute la péninsule Ibérique. 🧭 Voici quelques clichés de cet endroit magique :

Après cette magnifique virée, nous avons pris un repas en famille, couronné par un dessert typiquement catalan (qui se prend normalement plutôt à Pâques), le pescado de nata (« poisson à la crème ») :

Ressentant le besoin de me dépenser, je me suis promené sur le littoral rocheux en fin d’après-midi. Voici quelques clichés de cette ballade, illuminés par un soleil très occidental :

À la tombée du jour, nous sommes repartis pour une virée paradisiaque. L’oncle d’Albert a jeté l’ancre au bord de l’île Messina. Nous avons pu nous baigner en medio de la nada, entre la colonie de cormorans et les nuées de cendres provenant de l’Aude, où d’immenses étendues boisées sont dévastées par un feu de forêt d’une gravité exceptionnelle… 😥 Voici quelques clichés nous rappelant que la nature est belle et que nous avons le devoir de la protéger :

Plus tard dans la soirée, j’ai pu photographier la lune. Elle est rougeâtre du fait des nuées de cendres chargées par la tramontane. Parfois, leur épaisseur était telle que le satellite de la Terre était tout simplement invisible.

Cadaqués, le mercredi 6 août 2025

Vers midi, Pol, un ami d’Albert, nous a emmenés en bateau à moteur dans un autre coin paradisiaque. 🛥 Au passage, nous nous sommes arrêtés quelques minutes dans une grotte nommée la Cova de l’Infern (« la Caverne de l’Enfer » en catalan). Cette vidéo en montre une vue plus ou moins panoramique. Vous pourrez aussi en avoir un aperçu à travers ces quelques clichés :

Après quelques minutes de navigation, nous avons pu mouiller dans une autre crique du Cap de Creus, nommée Cala Portaló. ✝ Nous y sommes restés plusieurs heures, notamment pour y accomplir quelques défis sportifs. 🏊‍♂️ Voici un pêle-mêle de photos de cet autre espace préservé, qui témoigne du talent du Créateur :

Très familier de cette crique, Pol m’a fait remarquer la forme de deux rochers bien précis. « El oso responde al lobo » [L’ours répond au loup], m’a-t-il dit… 🐺🐻

Il se trouve que Pol Zendrera Agulló est architecte à Cadaqués. Voici l’une de ses réalisations, qu’il nomme arquitectura tradicional moderna del Cap de Creus :

Il ne s’agit pas d’une rénovation. Pol est parti de zéro pour réaliser ce projet moderne, avec des techniques et des matériaux traditionnels, notamment de la céramique naturelle. 🧱⚱

Cadaqués, el jueves, 7 de agosto de 2025

Il est environ 13h et je suis levé depuis peu. Albert dort encore. Il faut dire qu’hier, nous avons fait la fête à l’espagnole, dans un coin de la ville dûment surnommé Carrer del pecat [rue du péché]. Sans doute trouvez-vous que cela est incohérent pour un blogueur catholique… ✝ Pour ma part, je n’ai rien à cacher. Je me suis limité à un chupito et mes excès ont même été en-deçà de la limite que je m’étais fixée. Sans doute que cette sortie assez sobre a été très saine, car mon compagnon et moi avons énormément ri, ce qui est excellent pour la santé mentale et physique. 😅 Nous sommes rentrés un peu après 4h du matin, ce qui n’est pas excessivement tard.

À l’heure où je reprends la plume, il est 16h39. Sentant des effets similaires à ceux d’une légère resaca (certainement davantage dus au manque de sommeil qu’à autre chose), je suis sorti vers 15h. J’ai exploré un chemin côtier qui m’était jusqu’alors inconnu. Il y aurait eu de très belles photos à prendre, mais j’ai décidé de ne pas trop charger cet article. Albert et moi venons de sortir de table, après avoir dégusté du gaspacho, du jambon serrano et quelques autres mets plus ou moins savoureux ou sains. 🍅🧀 Je sens que la fin du séjour sera assez tranquille pour que mon retour en voiture s’effectue prudemment. Une fois arrivé à la maison, je commencerai à préparer la rentrée, ainsi que les défis professionnels qui m’attendront en octobre et peut-être aussi en février-mars et/ou en juin… ✌

Lors de la sobremesa, Albert et moi avons débattu de l’existence de Dieu. M’ayant souvent accompagné à la messe, mon ami m’a confessé ses croyances personnelles : « En Catalogne, on sait très bien que Dieu n’existe pas. Tout a été inventé pour contrôler les hommes. Dans notre histoire nationale, la seule chose que le catholicisme ait apporté est l’Inquisition. » Il a essayé de me convertir à sa vision des choses, mais sans succès. 😉 Chacun est libre de croire ou non, mais moi, j’ai mes propres raisons d’avoir la foi. Bien sûr, le message d’amour de Jésus a souvent été profané par des chrétiens qui contre-témoignaient par leur conduite mauvaise. Moi-même, je suis un grand pécheur à certains niveaux. J’ai donc répondu à mon ami que l’athéisme avait aussi perpétré des horreurs, de la Shoah aux dizaines de millions de morts imputés à Staline et à Mao Zedong, en passant par les génocides arménien et cambodgien, ou encore l’univers totalitaire et concentrationnaire du régime nord-coréen.

Chacun restant sur ses positions, j’ai détendu l’atmosphère en faisant écouter à mon hôte « Casposos » de Ska-P. 🎸🥁🎺 Bien que tout catholique considérerait que certaines paroles de cette chanson sont blasphématoires, elle vise surtout les guérisseurs, magnétiseurs, chamanes et autres rebouteux. Si le point de vue athée de ce grand groupe considère seulement que ce sont des arnaqueurs qui profitent de la faiblesse des personnes malades pour s’enrichir à leurs dépens (en gros, ce qu’Albert reproche à l’Église), le catholicisme voit d’un très mauvais œil ces pratiques dites de « magie blanche », également pour des raisons supplémentaires. En effet, les forces utilisées seraient d’origine démoniaque. 😈 Le mal ne serait pas éliminé, mais déplacé, pouvant surgir de manière plus grave à un autre niveau. Ainsi, d’aucuns considèrent que des personnes estampillées comme des malades mentaux incurables sont en fait infestées ou possédées, et que, si les soins du psychiatre s’avèrent insuffisants, il faudrait peut-être songer à consulter un exorciste en parallèle. C’est le point de vue avancé par certaines branches conservatrices de l’Église catholique, en particulier la Communauté de l’Emmanuel. N’étant pas spécialiste de ces questions, je ne l’ai sans doute pas exprimé de manière aussi précise que le ferait un expert en démonologie. 👨‍🏫 Quoi qu’il en soit, chacun est libre d’adhérer ou non à ce point de vue. Comme beaucoup d’athées, Albert rétorque que les prêtres diffusent de fausses rumeurs sur leurs concurrents pour garder la mainmise sur leur clientèle. Pour ma part, je fais davantage confiance à des personnes qui ont donné leur vie à Dieu et pour les autres, célèbrent, confessent et exorcisent gratuitement, qu’à d’autres personnes qui demandent du pognon pour faire des incantations, en se basant sur des croyances qui se contredisent les unes les autres. Par ailleurs, comme je le suggère dans cet ouvrage, j’ai mes propres raisons sensibles de me méfier de ces choses-là… 🙂

Après ce débat et la lecture de cette piste, puis la répartition de la corvée de vaisselle, mon ami est parti se promener avec une personne de sa famille et son chien. Pour ma part, j’ai avancé sur plusieurs chantiers intellectuels, notamment la lecture de La catedral del mar et le livre de Carles Puigdemont. 📚 En effet, ces deux ouvrages catalan(iste)s reflètent une mentalité athée, ou du moins sécularisée et ouverte. Je suis ravi de me confronter à ce point de vue qui n’est qu’enrichissant pour moi. J’y apprends plein de choses intéressantes, mais, comme tout adulte doté d’esprit critique, je fais la part des choses entre ce que j’ai envie de prendre et ce que j’ai envie de laisser. 😊

Et vous, que pensez-vous de tout cela ? 😉 Vos commentaires sont les bienvenus !

Vers 19h, je suis sorti pour aller voir la maison-musée de Salvador Dalí, dans un village voisin de Cadaqués, nommé Portlligat. Alors que je suivais les indications du GPS, j’ai vu qu’un sentier se perdait sur la droite ; il était indiqué qu’il menait vers ma destination. Je me suis dit que cela promettait de rendre le trajet bien plus intéressant. Je m’y suis donc engagé sans hésiter et je n’ai pas été déçu, comme le montrent cette vidéo et ces quelques photos :

Lors de cette randonnée improvisée, j’ai eu la joie d’apercevoir trois sangliers qui attendaient patiemment que les voitures passent pour traverser la carretera. 🚦 Il s’agissait certainement d’une laie avec deux marcassins déjà adolescents. J’aurais bien aimé pouvoir les photographier, mais j’étais un peu loin et ceux d’entre vous qui me connaissent personnellement savent que la rapidité n’est pas mon point fort. 🐢 Après m’être réjoui de la beauté de la création et de l’aménagement qu’en ont fait les humains, je suis arrivé à Portlligat. En bordure du village, je me suis arrêté à l’ermitage Sant Baldiri, qui jouxte le cimetière :

Après être redescendu vers le port, j’ai atteint la maison où Salvador Dalí et son épouse Gala ont vécu de manière stable jusqu’en 1982. Attiré par le paysage, la lumière et l’isolement, le peintre s’était installé dans ce qui n’était alors qu’une baraque de pêcheur. Pendant quarante ans, il l’aménagea à sa façon, pour la transformer en l’espace le plus propice possible à sa créativité. 🎨⌚🐜 Il y a sans doute réalisé la plupart de ses œuvres mondialement connues… À titre personnel, je suis particulièrement attaché à cet artiste original, sans doute car je suis aussi zinzin et perché que lui. 😜 Malheureusement, je n’ai pas pu visiter le musée en question, car il fallait réserver ; c’est complet jusqu’au 15 août et je regagnerai la Mère Patrie le 9. À défaut, voici un shooting de l’extérieur :

Un peu essoufflé par ma longue marche le soir d’un lendemain de soirée, j’ai regagné la maison par un autre chemin, suivant ce que disait le système de géolocalisation du Pentagone. J’ai longé un paysage de maquis qui, sous le soleil couchant, m’a assez intrigué pour que je prenne quelques photos :

Ça m’a même tellement intrigué qu’à proximité de la destination, j’ai décidé de suivre un sentier de pierres qui filait à travers les broussailles. Au bout de quelques dizaines de mètres, je me suis rendu compte qu’il ne menait nulle part et j’ai donc dû rebrousser chemin. Toutefois, cette fausse piste n’a pas été vaine, car errer à travers la garrigue m’a permis d’en prendre quelques clichés intéressants, que voici :

Cadaqués, el viernes, 8 de agosto de 2025

Après une matinée plutôt calme, que j’ai consacrée en partie à l’organisation de mon voyage de retour et en partie à la préparation de mes concours, Albert et sa famille m’ont invité au restaurant Villa Salvador. Toute l’ambiance y est très catalane, de la langue maternelle du personnel à l’architecture de pierre sèche et de chaux (semblable aux œuvres de notre ami architecte), en passant par les motifs de décoration, inspirés des créations du peintre local éponyme. 🎨 Le jardin est typiquement méditerranéen, simple et composé de plantes endémiques et/ou adaptées au climat de la région. Certains plats servis incluent d’ailleurs des légumes et des herbes cultivés sur place. Les mets servis étaient, pour leur part, soit espagnols, soit des créations originales de la maison. Vers la fin du repas, une cliente très sympa a commencé à converser avec nous dans la langue de Dante. 🍝 Je comprenais à peu près tout ce qu’elle nous disait, mais je peinais à répondre dans un italien correct. Il faut dire que je ne me suis jamais penché très sérieusement sur l’apprentissage de cet idiome, que je considère surtout comme un outil pour communiquer avec des natifs. Beaucoup le trouvent magnifique. Pour ma part, je mets davantage de passion dans les langues plus dures, à l’instar de l’espagnol ou de l’arabe. En revanche, mes trois hôtes catalans arrivaient beaucoup plus spontanément à s’exprimer dans cette langue, que la plupart d’entre eux n’ont sans doute jamais appris très sérieusement non plus. Notre interlocutrice les a même félicités pour leur bonne maîtrise du toscan.

Entre 20h et 21h, avant de despedirme de mes chers hôtes, j’ai pris quelques clichés d’une partie de la côte que je n’avais pas encore photographiée. Je conclus donc la phase catalane de ce long article par des images marines, minérales et végétales de la Costa Brava, illuminées par le soleil couchant :

Quelque part en France, le mardi 12 août, an de grâce 2025

Épilogue

Enfin de retour chez moi, je souhaite tirer quelques conclusions de ce long voyage riche en rencontres, en culture, en nature et en beauté. 😀

Tout d’abord, j’ai bien conscience que tout le monde n’a pas la chance de pouvoir prendre un mois pour voyager autant et vivre ce type d’expériences très intéressantes. J’ai la chance d’avoir eu les moyens de le faire, mais tel n’a pas toujours été le cas. Comme je l’explique dans cet article, j’ai aussi connu certaines périodes difficiles sur le plan matériel. Je me suis battu pour améliorer ma situation, j’ai passé des nuits blanches à plancher sur des traductions ou à corriger des copies. J’ai aussi beaucoup économisé pour avoir les moyens de dépenser mon argent dans des choses qui en valent la peine. ✌ Outre l’écoconduite radicale, vous pourrez découvrir dans l’article susmentionné les sacrifices que je fais au quotidien pour mettre de l’argent de côté en vue de mes vacances et de l’imprévu. Il y a donc une part de mérite derrière ce long périple qui peut sembler très « bourge ».

Mais, soyons honnêtes : je n’ai pas payé mes vacances plein pot. J’ai eu la chance d’être accueilli, invité et aidé à plusieurs reprises, par des personnes que je remercie chaleureusement : des amis, de la famille, des personnes que je venais de rencontrer, voire des inconnus. Un merci tout spécial à Albert et à sa famille ! 👨‍👨‍👦‍👦

Par ailleurs, le fait d’être enseignant et célibataire me donne le temps, la disponibilité et les moyens de vivre ce que j’ai vécu en péninsule Ibérique. Toutes les personnes qui ont déjà enseigné vous diront que c’est un métier difficile. Seuls ceux qui ne l’ont jamais fait de leur vie croient naïvement que c’est un métier de planqués. Il paraît que c’est la même chose pour les fonctionnaires, qui subissent une pression que nous ne soupçonnons pas, malgré la sécurité de l’emploi. Le célibat comporte aussi son lot de difficultés. Lors de mon parcours, j’ai croisé des familles nombreuses qui n’ont pas la possibilité d’effectuer des voyages comme le mien. Ma situation personnelle et professionnelle comporte donc des inconvénients, mais au moins l’avantage de pouvoir vivre ce que je viens de vous partager. 🧭 Par ailleurs, étant donné que je suis traducteur et professeur de langues, il est nécessaire pour moi de pratiquer sur le terrain, dans une optique de formation continue. Le but ultime de ce voyage était d’ailleurs de me préparer à des concours qui me permettront de sortir du statut de vacataire et de développer certaines compétences très utiles pour les enseignants. J’ai l’impression que ces objectifs sont atteints. ✅

Enfin, si j’en suis là aujourd’hui, c’est aussi parce que j’ai eu la chance de naître et de grandir dans d’assez bonnes conditions. J’ai été élevé par une famille aimante, en pleine campagne, avec une éducation authentiquement chrétienne et des conversations édifiantes à table (y compris en anglais). 🙂 J’ai eu la chance de pouvoir pratiquer des activités artistiques, de développer un sens de l’effort et de l’engagement en travaillant à la ferme de mon père, en faisant 10 ans de scoutisme et en voyant mes deux parents et mon grand-père engagés dans des activités paroissiales, syndicales et caritatives. Mes parents ont toujours fait beaucoup pour aider les autres. En contrepartie, les gens les apprécient et ils bénéficient d’un solide réseau de vrais amis. Le réseau familial est aussi très solidaire, même au niveau des cousins issus-de-germain. J’ai d’ailleurs été très bien accueilli par certains d’entre eux, côté maternel, sur la route du retour. 🚗 Si l’aisance relationnelle n’est pas innée chez moi, ces valeurs de solidarité et de service, ainsi que quelques bases de psychologies reçues de ma mère, professionnelle du secteur, et de ma formation d’enseignant, m’ont permis de développer une empathie et une réciprocité grâce auxquelles j’ai développé, au fil du temps, mon propre réseau. Un grand merci à mes parents, à mes défunts grands-parents et à tous ceux sur qui j’ai pu compter jusqu’ici ! 😀

Tout le monde n’a pas eu la même chance que moi et je ne juge personne. Chaque parcours est unique. Nous ne partons pas tous sur un pied d’égalité, mais n’oublions pas la fin de la fable « Le lièvre et la tortue ». J’ai beaucoup d’estime pour ceux qui reviennent de loin et franchissent la ligne d’arrivée après avoir cheminé à leur rythme, souvent hors des sentiers battus. En partie à ce titre, je voudrais vous partager une autre réflexion, à partir d’une théorie de management que j’ai apprise récemment. 💡 D’après un expert en la matière, pour être un bon chef d’équipe, il faut appliquer l’équation suivante : (connaissances + expérience) x attitude. Cela m’a servi notamment pour gérer certains covoitureurs atypiques. Par exemple, l’un d’entre eux, que nous appellerons Jean-Charles, m’a laissé un message vocal qui m’a donné quelques indices sur la personne à laquelle j’avais affaire. En effet, s’agissait de quelqu’un d’expérimenté, en situation précaire et au parcours chaotique (rue, prison, etc.). À peine entré dans la voiture, il a commencé à ouvrir une canette de bière. 🍻 J’ai un peu râlé et il m’a dit qu’il n’en avait que deux. J’ai donc dit « ok », puis j’ai roulé sans aucune inquiétude. Pourquoi ? Il y a quelques années, j’ai eu besoin de faire un stage pour rattraper des points sur mon permis de conduire. Bon, vous vous doutez bien que ce n’était pas pour excès de vitesse ! 😉 J’y ai appris des choses très intéressantes, notamment que les responsables des accidents dus à l’alcool sont, dans la grande majorité des cas, des buveurs occasionnels qui sortent de soirée et ont soumis leur corps à une dose à laquelle il n’est pas habitué. Les piliers de comptoir, eux, ont en permanence un certain grammage d’alcool dans le sang et savent se contrôler sous cette dose qui me mettrait dans le coma éthylique. Jean-Charles était dans un état normal lorsqu’il est monté à bord et, vu le bonhomme, je me disais que deux binouzes n’allaient ni le rendre agressif ni le faire gerber dans ma bagnole. Les connaissances acquises lors d’une formation spécialisée me permettaient donc de ne pas m’inquiéter. Quant à mon expérience, il se trouve que j’ai fréquenté de très près des personnes au profil similaire. Dans Unis par le Camino, le personnage de Scratch est inspiré d’un ami que j’ai vu dans des états que certains ne peuvent peut-être pas imaginer. 🥴 Cette même personne inspirera un autre personnage de mon deuxième roman, qui s’intitulera Un traducteur chez les fous et dont l’intrigue se déroulera à Valladolid. Je sais donc que je suis capable d’interagir avec ce genre de loustic sans me mettre en danger. Je sais aussi qu’ils ont de très bon côtés. Je savais donc qu’avec Jean-Charles, j’allais pouvoir me confier sans filtre, beaucoup rire et bénéficier des conseils d’un homme rendu sage par une expérience hétérodoxe. Il se trouve d’ailleurs que j’avais besoin de me confier à ce moment-là, et la seule personne auprès de qui je pouvais le faire s’est avérée relativement efficace à ce sujet. 🙂 Les connaissances et l’expérience étaient une base, que j’ai multipliée par l’attitude en acceptant d’emblée de faire un détour pour déposer ce passager, en le tutoyant dès notre rencontre physique (un mimétisme qui me mettait très à l’aise), en le traitant d’égal à égal, en acceptant de m’arrêter quand il avait besoin de s’en griller une, ou encore en parlant comme un charretier, sans renier pour autant mes convictions religieuses. Lui aussi a fait preuve d’une attitude exemplaire à certains niveaux : il m’a offert du pain et du vrai fromage bien français avant même que le moteur ne démarre (et il se trouve que j’avais faim à ce moment-là), il a accepté de ne pas fumer dans la voiture et il a agi en bon copilote quand j’en avais besoin.

Concernant les covoiturages, j’aurais quelques remarques à ajouter. Premièrement, les passagers étaient prévenus à l’avance que je roule comme une tortue et que nous arriverions plus tard que ce que prévoyait le site de Blablacar. 🐢 Le trajet a été jalonné de défis : embouteillages annoncés par Bison Futé, canicule qui m’a incité à mettre la clim’ à fond, pas mal de conduite en montagne et un peu de conduite en agglomération. Nous avons fait environ 1285 km à travers la France dans ces conditions, le plus souvent en écoconduite radicale. Combien ai-je consommé ? Seulement l’équivalent d’un plein ! Mon réservoir a une capacité de 50 ou 60 litres, ce qui nous fait donc une moyenne de 3,89 à 4,67 litres au cent. Je trouve que c’est pas mal pour un vieux véhicule diésel classé au niveau 4 par la vignette Crit’Air. J’y vois une preuve que mes techniques d’écoconduite radicale fonctionnent, même si ça nécessite de ne pas être pressé… 🐌

Je terminerai avec une réflexion d’ordre sociologique. Le covoiturage et, dans une moindre mesure, les auberges de jeunesse, permettent à des personnes de différents milieux et d’origine diverse de se rencontrer. Toutes les études montrent que la société française est fragmentée. ⚡ Ce communautarisme multiple (j’y inclus aussi bien des salafistes, des fachos, des antifas, des personnes LGBT+, des véganes, des profs, des chefs d’entreprise, des agriculteurs, des toxicomanes et des cathos) crée des tensions. Comme on ne fréquente que des gens qui nous ressemblent, on a des a priori sur les autres tribus, on vote contre elles, on interprète leurs attitudes à travers un prisme biaisé, puis on s’énerve, ça dégénère en conflit, alors qu’on aurait pu désamorcer la bombe avec une attitude appropriée. 💣 Par exemple, tout à l’heure, j’ai vu une femme de la rue lancer des insultes racistes à un jeune homme de couleur qui lui avait fait une queue de poisson en trottinette. Ce dernier a eu l’intelligence de ne pas lui répondre. Peut-être que cette femme en voulait à la Terre entière parce que sa vie est difficile, mais, objectivement, y a-t-il un lien de causalité entre la manière dont ce jeune conduit et sa couleur de peau ? Moi aussi, il m’arrive d’énerver les autres sur la route. Pourtant, personne ne me traite de « sale Blanc » ! 🥛 De même, certains jeunes endoctrinés par des imams salafistes agressent leurs pairs parce qu’ils portent une croix. Si ces fanatiques avaient l’occasion de sortir de leur cité, de rencontrer des chrétiens qui vivent l’Évangile avec charité, de dialoguer et de fraterniser avec eux, ils verraient sans doute que ce que le christianisme dit de lui-même est plus fiable que certains versets du Coran et leur interprétation par certaines personnes bornées et/ou malintentionnées.

Ma mère psychologue m’a dit un jour que chaque agresseur a d’abord été agressé. Quand on a une vie difficile et qu’on voit d’autres personnes mieux réussir que soi, parfois du seul fait de leur naissance, ou du fait de tout ce qu’on projette sur eux, on peut être tenté de se venger. 👊 De mon côté, comme je l’ai écrit plus haut, je me sens ressourcé par ces vacances, notamment car j’ai vu de très belles choses (dont des paysages à couper le souffle sur la route du retour, même si je ne les regardais que furtivement pour des raisons de sécurité). J’ai aussi été accueilli avec bienveillance, j’ai fait des choses édifiantes, notamment culturelles et sportives, et je me suis bien marré. 😅 Si toutes les personnes qui vont mal avaient la possibilité de vivre ce que j’ai vécu cet été, elles se porteraient mieux et la relation avec leur entourage serait plus apaisée. Bien sûr, la coercition est parfois nécessaire, même si j’ai déjà été témoin que la police réagit parfois de manière violente quand une communication empreinte de finesse psychologique pourrait désamorcer un conflit au lieu de l’attiser. 🌺 Je salue donc le noble métier des travailleurs sociaux et des associations qui font un excellent travail sur le terrain, notamment en permettant à des jeunes qui ont eu moins de chance que d’autres jeunes de partir en vacances et d’y vivre des choses qui les tirent vers le haut.

Sur ce, je vous souhaite une bonne fin d’été et une bonne reprise, pour ceux d’entre vous qui ont la chance d’avoir du travail. Pour les autres, tous mes encouragements dans la recherche d’une activité qui vous convienne et vous épanouisse ! 😃

Saludos gabachos,

Jean O’Creisren


  1. Il se trouve que mon ami Albert m’a prêté ce roman il y a sans doute plus de 6 ans. Je le lis par petits bouts, mais j’avoue que j’ai quelques difficultés à avancer. En effet, j’ai toujours un certain nombre de lectures en cours en même temps, et j’avoue que j’ai un peu de mal avec la violence qui ponctue toute l’intrigue. C’est peut-être pour cela que mon premier roman manque un peu d’action et ne se vend pas beaucoup pour le moment. Pour que mes écrits deviennent des best-sellers, faut-il provoquer une overdose d’adrénaline ou d’une autre hormone stimulante ? J’en prends bonne note… Mes prochains livres seront donc plus pimentés ! 😉 Si l’ouvrage d’Ildefonso Falcones est un bon moyen de connaître l’histoire médiévale de la Cité comtale (notamment en ce qui concerne la communauté juive), l’anticléricalisme diffusé par certains passages me paraît exagéré. Entre autres, le personnage de Joan me semble peu réaliste, en tout cas jusqu’à un certain stade de l’histoire. Comment un enfant qui a grandi dans la rue, au contact d’une dure réalité, puis a eu la chance d’étudier, donc de développer une certaine hauteur de vue, peut-il devenir un clerc légaliste à 100 %, qui applique les règles sans réfléchir, sans rien remettre en question et sans jamais écouter son cœur ? Certes, nous parlons d’une époque où ni l’Humanisme ni les Lumières n’avaient incité les Européens à faire preuve d’esprit critique, mais ce frère lettré au passé mûrissant est bien plus stupide que l’ensemble des autres personnages. Cela ne tient pas debout. Du moins, si je compare aux nombreux prêtres que je connais autour de moi, presque tous empreints d’une sagesse et d’un recul qui incitent à s’appuyer, entre autres, sur leur jugement avant de prendre soi-même une décision libre et mûrement réfléchie. Néanmoins, quand l’Inquisition accuse son frère adoptif Arnau, le religieux fait preuve d’empathie et de stratégie pour le tirer d’affaire, malgré l’épée de Damoclès qui le menace. En revanche, l’Inquisiteur général croit sur parole les nobles qui lui racontent des accusations rocambolesques sur un homme juste qui remet en question des privilèges aussi peu catholiques de le droit de cuissage. Je ne suis pas historien, mais il paraît qu' »Inquisition » a le même sens étymologique qu' »enquête ». Certains médiévistes considèrent donc que ce tribunal ecclésiastique, qui menait une procédure rigoureuse et documentée, était un progrès par rapport à ce qui se pratiquait avant, à savoir le lynchage par les foules de personnes accusées de sorcellerie sans aucune preuve. Certes, l’Inquisition a condamné à mort et torturé, mais à une époque où la justice civile avait beaucoup plus recours à ces pratiques, que personne ne remettait en question. Voici certains discours que j’ai pu entendre de la part d’historiens ou d’influenceurs cathos. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d’accord et de me le faire savoir en commentaire, avec une argumentation fondée. 😊 Quoi qu’il en soit, j’ai emmené La catedral del mar dans mes bagages. Je comptais le terminer lors de ce séjour et le rendre à Albert dans la foulée. Finalement, je me suis arrêté à la page 543, notamment car mon hôte l’a récupéré lors du séjour à Cadaqués pour recommencer cette lecture depuis le début… ↩︎
  2. Première lecture – « Que reste-t-il à l’homme de toute sa peine ? » (Qo 1, 2 ; 2, 21-23) – Lecture du livre de Qohèleth
    Vanité des vanités, disait Qohèleth.
    Vanité des vanités, tout est vanité !
    Un homme s’est donné de la peine ;
    il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi.
    Et voilà qu’il doit laisser son bien
    à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine.
    Cela aussi n’est que vanité,
        c’est un grand mal !
    En effet, que reste-t-il à l’homme
    de toute la peine et de tous les calculs
    pour lesquels il se fatigue sous le soleil ?
    Tous ses jours sont autant de souffrances,
    ses occupations sont autant de tourments :
    même la nuit, son cœur n’a pas de repos.
    Cela aussi n’est que vanité.
        – Parole du Seigneur.
    Psaume
    (Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc)
    R/ D’âge en âge, Seigneur,
    tu as été notre refuge.
    (Ps 89, 1)
    Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
    tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
    À tes yeux, mille ans sont comme hier,
    c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
    Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
    dès le matin, c’est une herbe changeante :
    elle fleurit le matin, elle change ;
    le soir, elle est fanée, desséchée.
    Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
    que nos cœurs pénètrent la sagesse.
    Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
    Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
    Rassasie-nous de ton amour au matin,
    que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
    Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
    Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.
    Deuxième lecture
    « Recherchez les réalités d’en haut ; c’est là qu’est le Christ » (Col 3, 1-5.9-11)
    Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

    Frères,
        si donc vous êtes ressuscités avec le Christ,
    recherchez les réalités d’en haut :
    c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu.
        Pensez aux réalités d’en haut,
    non à celles de la terre.
        En effet, vous êtes passés par la mort,
    et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu.
        Quand paraîtra le Christ, votre vie,
    alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.
        Faites donc mourir en vous
    ce qui n’appartient qu’à la terre :
    débauche, impureté, passion, désir mauvais,
    et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie.
        Plus de mensonge entre vous :
    vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous
    et de ses façons d’agir,
        et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau
    qui, pour se conformer à l’image de son Créateur,
    se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance.
        Ainsi, il n’y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l’incirconcis,
    il n’y a plus le barbare ou le primitif, l’esclave et l’homme libre ;
    mais il y a le Christ :
    il est tout, et en tous.
        – Parole du Seigneur.
    Source : également AELF… 🙂 ↩︎

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Voyage en Andalousie

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Dans la foulée de mon séjour itinérant en Castille, j’ai passé cinq jours en Andalousie, du 14 au 18 août 2024. 💃 Je n’avais pas foulé le sol de cette région de l’Espagne depuis février 2010, soit plus de quatorze ans.

Avec mon ami Mickaël, nous avons quitté Carthagène de bon matin, en direction de Cordoue. 👳‍♂️

À la gare routière, j’ai été assez surpris par le logo de l’armateur de notre car :

Que vous évoque cet acronyme associé à la mairie de Séville ? De prime abord, j’ai pensé aux Noticieros y Documentales (NO-DO). Ces courts-métrages furent diffusés avant chaque film dans l’ensemble des cinémas espagnols pendant une quarantaine d’années. 🎞 Il s’agissait de l’un des principaux outils de propagande du régime franquiste. Par conséquent, pourquoi ce sigle est-il ainsi associé à la capitale de l’Andalousie, près de cinquante ans après la Transition démocratique ? 🗳 La réponse est simple : NO8DO ne fait pas référence au général Franco, mais à d’autres chefs d’État bien plus loin dans l’histoire nationale. En effet, au XIIIe siècle, le roi de Castille Alphone X le Sage fut chassé du pouvoir par son fils Sanche. ⚔ Le souverain déchu trouva refuge à Séville, un fief qui lui resta fidèle. L’accord de paix entre les deux parties permit à Alphonse de vivre en sécurité dans cette ville. L’acronyme NO8DO se lit en fait No me ha dejado (Elle ne m’a pas laissé [tomber]). En effet, le symbole en forme de huit représente un outil servant à filer la laine, nommé en espagnol madeja. 🐑 Plus d’informations sur ce lien.

Lors du trajet vers Grenade, j’ai pris quelques clichés de la fenêtre du car. 🚃 On y voit notamment des oliveraies. Ces paysages se situent pour la plupart dans la province d’Almería :

Nous avons fait une escale d’une heure à la gare routière de Grenade. Cette ville chargée d’histoire fut le dernier bastion arabo-musulman de la péninsule Ibérique. Les princes nasrides savaient que leur temps était compté. 👳‍♂️ C’est pourquoi ils construisirent leur palais, l’Alhambra, avec des matériaux pauvres, tels que la brique et le stuc. Néanmoins, les moulures très fines impressionnèrent les Espagnols lorsque les Rois catholiques prirent la ville en janvier 1492. Cette merveille a donc traversé les siècles. Je n’ai pas eu le temps de la revisiter lors de ce bref passage dans cette ville d’Andalousie. En revanche, je peux vous proposer les photos prises en novembre 2009, lorsque je suis venu y rendre visite à un ami qui y effectuait son séjour Erasmus :

Voici d’autres clichés de Grenade datant de ce voyage d’antan. Vous remarquerez une photo de groupe où l’on ne voit que nos pieds. C’est normal : le passant à qui nous avions demandé de nous photographier n’avait pas bu que de l’eau… 😉

Le jeudi 15 août, an de grâce 2024, nous sommes allés à la mosquée-cathédrale de Cordoue pour assister à une magnifique messe solennelle en l’honneur de la Vierge Marie, dont nous fêtions l’Assomption. 🌸 De fait, l’église baroque construite au milieu de cet ancien lieu de prière musulman est dédiée à la Mère de Dieu, élevée au Ciel avec son âme et son corps, sans que ce dernier n’eût subi la corruption de la mort. 💀 En effet, la mort est une conséquence du péché, or les catholiques croient que Marie n’a jamais fauté, car elle est l’Immaculée conception. Le dogme de l’Assomption a été reconnu officiellement par le Pape il y a moins d’un siècle, après quelque deux millénaires de croyance populaire. La messe, présidée par l’évêque du lieu, était magnifique, chantée par d’excellents choristes, certainement professionnels.

Pour commencer, voici quelques photos de l’extérieur de l’édifice religieux (partie donnant sur la rue, minaret-clocher et cour intérieure plantée d’orangers) :

À partir de 15h, j’ai visité l’intérieur de la mosquée. Pour commencer, voici quelques photos de la salle de prière, avec sa fameuse forêt de colonnes :

Comme vous l’avez remarqué, la religion chrétienne s’est approprié ce qui fut la troisième mosquée du monde par sa taille. 🕌 En effet, Cordoue était une ville califale. Elle était également l’agglomération la plus importante d’Europe à cette époque, forte d’un demi-million d’habitants. Voici quelques photos du chœur baroque de la cathédrale, où j’ai pu assister à un sacrifice humain en début de journée, comme je le fais chaque dimanche, lorsqu’un prêtre renouvelle la mort du Christ en consacrant le pain et le vin sur l’autel :

Comme vous pouvez le constater, un tableau représentant l’Assomption de la Vierge Marie orne la partie supérieure du retable. 🌸

Pour revenir aux éléments propres à l’ancienne mosquée, voici deux clichés du mihrab. Cette niche se situe au milieu du mur de la qibla, qui est orienté vers La Mecque. 🕋 Ce pan indiquait aux fidèles comment se positionner lors de la prière. Le mihrab était l’endroit d’où prêchait le calife omeyyade chaque vendredi. Au niveau acoustique, tout était étudié pour qu’on l’entendît au mieux.

Le soir, nous sommes sortis et, intrigués par une musique de fanfare, nous avons suivi le flot humain pour nous diriger vers la Cour des orangers de la Mosquée-cathédrale. 🎺🍊 Nous avons alors assisté à la magnifique procession organisée à l’occasion de l’Assomption. Vous pourrez visionner une vidéo de cet événement en cliquant sur ce lien.

Voici quelques clichés cordouans pris lors de notre promenade nocturne :

Le vendredi 16 août, Mickaël est parti pour Grenade, d’où il gagnera Paris. Pour ma part, je poursuis mon séjour à Cordoue, où il me reste encore un certain nombre de choses à voir. 👀 Pour commencer, voici quelques clichés pris de jour des ruelles de la cité andalouse :

Voici quelques vues des bords du Guadalquivir capturées vers 15h30, par une chaleur de 37°C :

Dans la soirée, je me suis promené dans une autre partie de la ville, notamment un jardin public tout en longueur, le Paseo de la Victoria :

Entre 21h45 et 23h30, j’ai visité Medinat az-Zahrât. En 711, une armée musulmane a envahi la quasi-totalité de la péninsule Ibérique. En effet, les Arabes avaient conquis l’Afrique du Nord, où la population locale s’était convertie en masse à l’islam. ☪ Or, tout homme musulman avait le devoir de s’enrôler dans l’armée. De nombreuses troupes majoritairement composées de Berbères envahirent alors de royaume wisigoth, qui tomba facilement. La population accepta les nouveaux venus de manière assez docile. À cette époque, l’administration du territoire conquis était assez chaotique et l’on ne pouvait pas parler d’État à proprement parler. Ce n’est qu’en 756 que le prince omeyyade Abd el-Rahmân Ier débarqua sur ces terres et y établit l’émirat de Cordoue. 👑 En 929, son descendant Abd el-Rahmân III se fit proclamer calife, c’est-à-dire commandeur des croyants, soit plus ou moins l’équivalent Pape pour les catholiques. Quelle était sa légitimité pour se valoir d’un tel titre ? Les Omeyyades furent la première dynastie califale, siégeant à Damas dès le VIIe siècle après les quatre califes dits « bien guidés », tous compagnons de Muhammad. Au VIIIe siècle, ils furent presque tous massacrés par une autre famille, les Abbassides, qui s’empara du trône et établit le califat à Bagdad. 🕌 Seul Abd el-Rahmân Ier avait réussi à s’échapper, puis à gagner Al-Andalus, où ses origines familiales lui donnèrent la légitimité pour établir un émirat. Pour aller plus loin avec le titre de calife, son descendant Abd el-Rahmân III s’appuyait donc sur sa noble lignée, mais aussi sur le fait que Cordoue était une ville d’une importance majeure dans le monde d’alors. Par ailleurs, un second califat avait déjà été proclamé par les Fatimides, famille chiite, en Afrique du Nord, par opposition aux Abbassides sunnites. Craignant une invasion de ces ennemis hérétiques, Abd el-Rahmân s’autoproclama troisième calife de l’Oumma. Voici une vidéo en espagnol reconstituant ce que savent les historiens de la cité califale :

Así se cree que era la ciudad califal…

La porte du Nord servait à ravitailler la ville. Cette dernière avait été établie au pied de la Sierra Morena, ce qui permettait à la fois de l’approvisionner en matériaux de construction (en particulier en pierre issues des carrières disponibles à proximité) et de la pourvoir en eau. Des aqueducs faisaient déjà descendre l’eau courante depuis la montagne jusqu’à Cordoue depuis l’époque romaine. Abd er-Rahmân III, qui construisit Medinat az-Zahrât afin d’asseoir son autorité en tant que calife et non comme simple émir soumis à Bagdad, dévia une partie du réseau pour alimenter ce centre de pouvoir. 💧 La photo du portail correspond à la porte du Nord, comme une porte de service où transitait toute la logistique. Elle était gardée par deux soldats qui, dans leur tour, disposaient même de latrines individuelles. Les eaux usées étaient évacuées par un système de tout-à-l’égout, qui se vidait sans difficulté du fait de la pente naturelle du terrain.

Voici quelques clichés des vestiges de la salle somptueuse où attendaient les ambassadeurs venus s’entretenir avec le calife. Ils venaient de différents États de la Chrétienté ou d’Afrique du Nord. Une fois arrivés à Cordoue, ils étaient escortés par la garde califale jusqu’à l’alcázar. Le but était de leur en mettre plein la vue, notamment par un banquet au cours de cette longue attente. Contrairement à d’autres époques et aires géographiques de la civilisation arabo-musulmane, le vin n’a jamais été prohibé en Al-Andalus, du moins avant l’arrivée des courants rigoristes almoravides et almohades. 🍷 Cela était dû au fait que la Bétique, province correspondant au sud de la péninsule Ibérique, avait été fortement romanisée après la seconde guerre punique. Faire disparaître la culture de bonne chère était tout simplement impossible aux conquérants nord-africains fraîchement islamisés. Les convives qui souhaitaient s’entretenir avec le calife pour négocier avec lui se voyaient servir à boire abondamment. On leur faisait aussi fumer du chanvre indien, si bien que, quand ils étaient enfin reçus par le maître des lieux, ils avaient le ventre plein et la raison altérée par certaines substances. Devant un calife qui en imposait par sa majesté, ils ne faisaient donc pas le poids pour défendre les intérêts de leur souverain.

Ces éléments témoignent de l’histoire militaire du site archéologique. Les arcades étaient surmontées par un balcon, d’où le calife révisait ses troupes, qui stationnaient sur une immense place, avant de les envoyer, par exemple, commettre des razzias contre les royaumes chrétiens du Nord de la péninsule. ⚔ Les points noirs dans le sol en marbre sont la preuve que Medinat az-Zahrât a été brûlée. En effet, ils ont été causés par l’impact des clous de la toiture, en fer incandescent, qui sont tombés lors de l’incendie. Seulement trois califes se sont succédés à cet endroit, pendant à peine quatre-vingt ans : Abd er-Rahmân III, Al-Hakam II et Hicham II. Au début du onzième siècle, le vizir Almanzor, dirigeant de fait, a voulu faire succéder son fils à Al-Hakam II. Ce dernier, qui acceptait toujours tout, avait donné son accord et signé, mais les partisans de la dynastie légitime des Omeyyades ne l’entendirent pas de cette oreille et une guerre civile éclata entre les deux partis, débouchant sur la fin du califat et le morcellement d’Al-Andalus en plusieurs royaumes de taïfas.

Voici les deux façades de la maison du prince héritier. Al-Hakam II fut enfermé dans cette prison dorée pendant quarante ans, tant que son père était au pouvoir. Il se consacra principalement à l’étude, ce qui en fit un calife savant et pieux, qui favorisa le développement des arts et des lettres sous son court règne.

Poursuivant notre visite, contemplons et étudions les ruines de la demeure du vizir Jafar. Ce dernier était un esclave qui gagna la confiance du calife au point de devenir son bras droit. Eunuque, il vivait seul, mais ses serviteurs habitaient dans des chambres annexes au logement. Il disposait de latrines privées, ce qui était une innovation et un progrès par rapport à l’époque romaine. Sa vaste maison richement ornée témoigne de l’importance du personnage.

Enfin, terminons avec le four des cuisines de l’alcázar et les habitations des serviteurs :

Le vivre-ensemble pacifique entre les trois religions monothéistes est-il un mythe ou une réalité ? Certains historiens, comme Philippe Conrad, considèrent que c’est une légende inventée au XIXe siècle sur fond de romantisme, d’orientalisme et d’anticléricalisme. Il considère que la discrimination envers les minorités juive et chrétienne était évidente. La dhimmitude se traduisait par une forte pression fiscale (taxe foncière plus élevée, ainsi qu’un impôt par tête), l’interdiction de détenir des armes, l’obligation de porter des vêtements distinctifs et la prohibition du prosélytisme (y compris le son des cloches et les processions dans la rue). ✝️

À l’issue de la visite, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec notre guide, Carmen, qui est également une historienne dûment formée, spécialiste d’Al-Andalus, recherchant l’objectivité, mais avec des convictions idéologiques très différentes des historiens conservateurs. Lorsque je lui ai présenté le point de vue de ces derniers, elle m’a répondu que c’est de toute façon un anachronisme de parler de coexistence pacifique dans l’univers violent du Moyen Âge. 🏰 Il y avait certes des discriminations envers les minorités religieuses dans les États musulmans, mais aussi dans les royaumes chrétiens. Par ailleurs, Al-Andalus est une succession de régimes politiques et de courants idéologico-religieux qui s’étend sur près de huit siècle. La condition des juifs et des chrétiens n’était donc évidemment pas la même sous le califat à la culture florissante au Xe siècle et sous les régimes fondamentalistes des almoravides et des almohades deux cents ans plus tard. 🐪 Par ailleurs, l’archéologie nous montre que les maisons des juifs et des musulmans d’une même classe sociale sont très similaires. D’après Carmen, la vraie différence sociale se situait entre les riches et les pauvres. 📊 Enfin, ce qu’attestent tous les historiens est le jeu des alliances entre États de la péninsule, qui n’avait que faire de la religion officielle. Le calife de Cordoue ressentait une inimitié très profonde à l’encontre de son homologue fatimide, mais a pu s’allier de temps à autre avec des royaumes chrétiens. ☪️✝️ De même, à l’époque des taïfas, un roi chrétien et un émir musulman pouvaient s’allier contre un ennemi commun (en l’occurrence une autre entité politique chrétienne ou musulmane). Quoi qu’il en soit, l’histoire n’est jamais noire ou blanche, mais toujours complexe. Notre guide souligne le fait que les Occidentaux acceptent généralement que les chrétiens sont tous différents, car à leurs convictions religieuses s’ajoutent leur langue, leur pays d’origine, l’éducation qu’ils ont reçue, leur activité professionnelle, leur classe sociale, leurs convictions politiques, etc. 👨🏾‍🦱👨‍🔧👩‍💻👩🏻‍🦰 Pourquoi alors ne pas accepter que les musulmans sont empreints de la même diversité ? Pourquoi avons-nous tendance à tous les mettre dans le même sac ?

Cette discussion a aussi été l’occasion de parler d’épistémologie. 📚 Comme je l’ai évoqué dans un précédent article, à l’heure où j’écris ces lignes, j’étudie le projet de commencer un doctorat en civilisation hispanique. Si tel est le cas, je devrai me pencher sérieusement sur le travail méthodique des historiens. J’aime beaucoup l’histoire, mais il ne suffit pas de connaître plein de dates et d’événements par cœur pour pouvoir prétendre au titre de chercheur en la matière. Un historien digne de ce nom doit être capable d’analyser les documents qui témoignent du passé (principalement les archives et pièces d’archéologie). 📜🏺 Sa compétence revient à analyser ces sources de façon méthodique et rigoureuse afin d’établir les liens idoines, puis de tirer des conclusions logiques et, si possible, irréfutables. Ce métier correspond-il à ma personnalité farfelue, créative et intuitive ? À ce stade, je ne saurais pas répondre et je compte bien poursuivre ma réflexion en prenant conseil auprès des bonnes personnes. 😉

Le samedi 17 août, je me suis embarqué pour Séville, le chef-lieu de la communauté autonome d’Andalousie. 💃 J’avais déjà visité cette ville magnifique début février 2010, et j’avais été assez impressionné par le fait qu’il faisait 18°C et qu’on pouvait presque se mettre en T-shirt. Quatorze ans plus tard, malheureusement, on peut avoir des températures de ce type fin février dans la région de France où j’habite. 😢 Le dérèglement climatique est indéniable et nous sommes tous responsables de prendre soin de notre environnement. 🌱

Veuillez trouver ci-après quelques photos de l’alcázar prises à cette époque. Cette bâtisse imitant l’Alhambra de Grenade était une manière, pour les souverains castillans qui venaient de reconquérir l’ouest de l’Andalousie, de rivaliser avec les princes nasrides. Comme à d’autres endroits, les imitations de calligraphie arabe par les artisans mudéjares ne veulent absolument rien dire.

Voici un cliché du retable de la Virgen de los Mareantes :

Dans le centre-ville se trouve également l’hôtel de luxe Alfonso XIII, en l’honneur du roi d’Espagne à l’époque de la Restauration (monarchie parlementaire qui commença en 1874 et prit fin avec la proclamation de la IIe république en 1931). 🤴 Alphonse XIII a commencé à régner en 1902. Veuillez trouver ci-après des photos de la bâtisse éponyme :

À cette époque, j’étais accueilli dans la capitale de l’Andalousie par une cousine qui effectuait son séjour Erasmus à l’université de Séville, plus particulièrement dans cette belle faculté, qui est une ancienne fabrique de tabac 🚭 :

D’autres photos montrent de beaux éléments d’architecture sévillans, à l’instar de la Place d’Amérique et de la Place d’Espagne (avec une représentation du mariage des Rois catholiques à Valladolid) :

Revenons en 2024. Voici une belle vue du Guadalquivir, avec la Tour de l’or en arrière-plan :

En 2010, j’avais déjà capturé quelques clichés de ce cours d’eau que les Romains nommaient Betis et que les Arabes rebaptisèrent dans leur langue Wad al-kébir (« le grand fleuve ») :

Voici d’autres photos sévillanes, notamment des ruelles qui ne sont pas sans rappeler Cordoue. Parfois, cela me semble assez similaire à l’architecture coloniale, que l’on trouve dans les vieux quartiers de certaines villes d’Amérique hispanique. Qu’en pensez-vous ?

Voici quelques clichés de nuit de la Tour de l’or :

En face de ce monument historique, un bateau à voile dûment gréé reconstitue, paraît-il, l’une des caravelles de Christophe Colomb lors de son premier voyage. 🌎 La taille ne me paraît pas énorme et je me demande combien d’hommes pouvaient tenir dans cet espace clos avec toutes les vivres nécessaires pour un si long voyage…

Enfin, veuillez trouver ci-après quelques photos de jour (datant de 2010) et de nuit (prises pour la plupart en 2024) de la cathédrale de Séville. ⛪ Il s’agit d’une ancienne mosquée, qui conserve son minaret, transformé en clocher et surmonté d’une célèbre girouette, la Giralda. L’édifice a été réaménagé en architecture gothique, mais certains éléments hispano-musulmans (almoravides en ce qui concerne la fameuse tour) ont été conservés. 🕌 De son ancienne fonction, ce lieu de culte conserve également sa Cour des orangers. 🍊 De surcroît, l’église abrite les cendres de Christophe Colomb. À proximité se trouve une statue équestre du Cid.

Vous l’avez compris : Séville est une ville magnifique, avec de très beaux monuments. Pourquoi ? L’histoire nous apprend que la richesse y coule à flot depuis la découverte de l’Amérique. 🧭 En effet, ce port fluvial assurait la liaison principale de la métropole avec les colonies et c’est là que transitaient notamment les métaux précieux provenant des mines de Potosí ou d’autres lieux du Nouveau monde. Lors de ma promenade nocturne, j’étais accompagné de Miguel, un ingénieur originaire de Grenade qui m’expliquait que l’Andalousie est plutôt une terre de gauche, hormis Séville, une ville de droite, catholique et attachée aux traditions telles que la tauromachie. Il m’expliquait que le territoire andalou est détenu en grande partie par de riches propriétaires fonciers, les latifundistas, qui vivent de la rente de la production d’olives, de vin et de céréales. Ces personnes parfois issus de grandes familles aristocratiques vivent généralement à Séville. En revanche, ceux qui travaillent la terre en différents points de l’Andalousie sont beaucoup plus pauvres et votent souvent pour le Parti communiste. ✊ En vous expliquant cela, je ne me positionne pas, mais je ne fais que relayer le point de vue d’un Andalou qui se dit de gauche et qui m’a bien précisé qu’il ne prétend pas avoir la compétence d’un guide-conférencier.

Passant un peu plus de 24h dans la capitale de l’Andalousie, je ne suis pas énormément sorti de l’auberge de jeunesse. En effet, la chaleur était infernale (quelque 40°C). 🥵 En revanche, j’ai pu rencontrer d’autres voyageurs issus de divers pays, discuter avec eux de sujets édifiants dans différentes langues et même échanger quelques numéros de téléphone.

Le 18 août à 20h, j’ai pu assister à la messe dominicale à la cathédrale. 🥖🍇 Voici quelques photos de beaux bâtiments du centre-ville que j’ai prises sur le chemin du lieu du Sacrifice :

Pour clore l’album photo relatif à l’Andalousie, voici quelques prises de vue de la chapelle où j’ai pu oír misa, au sein de la cathédrale :

Ce dimanche 18 août à 23h55, j’ai pris le car pour rentrer en France (avec une correspondance au Portugal). Mes longues vacances de prof dureront encore quelques jours, que je mettrai à profit pour préparer l’année scolaire 2024-2025, après un mois de pratique intensive des différentes matières que j’enseigne. Le trajet d’environ trente heures a été pour moi l’occasion de lire les livres au programme de l’agrégation externe d’espagnol, mais aussi de travailler mon allemand, mon portugais et mon arabe sur Duolingo. À bientôt pour de nouvelles aventures !

Jean O’Creisren


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Visite de la maison-musée de Lope de Vega

Lors de mon voyage culturel en Espagne (été 2024), j’ai visité la maison-musée du dramaturge Lope de Vega. Elle se situe rue Cervantès, car l’auteur de Don Quichotte a également vécu dans ce quartier de Madrid. Voici une photo de la façade de ce lieu emblématique :

Qui était Félix Lope de Vega Carpio ? Cette vidéo en espagnol résume bien sa vie, pleine d’histoires d’amour et de rebondissement :

Quelle fut la vie de Lope de Vega ?

Dans le vestibule d’entrée, vous pouvez lire une plaque à la mémoire de l’écrivain :

Lope de Vega a connu la gloire dès sa jeunesse. En effet, écrire des pièces de théâtre était très lucratif. Le dramaturge était célèbre et riche. Tout Madrid l’admira jusqu’à sa mort. Par certains écrits qu’il a laissés (correspondance et inventaires figurant dans ses différents testaments), nous avons une idée assez précise de la constitution de la maison à l’époque, ainsi que des objets qui s’y trouvaient. Après le petit-fils de Lope, nous perdons la trace de la descendance du Phœnix. Le lieu est habité par différentes familles successives aux cours des siècles, jusqu’à être racheté par la Real Academia Española. Cette institution à l’autorité incontestable dans le domaine des lettres, de la culture et du patrimoine a aménagé un musée dans cette bâtisse imposante pour l’époque. Bien que l’immense majorité des objets exposés n’aient pas appartenu à Lope de Vega, ils reconstituent au mieux ce que nous savons de l’état original de la maison.

Dans la cour intérieure de la maison-musée, un agréable jardin offre un peu de fraîcheur en ce jour caniculaire, notamment à l’ombre d’un figuier. Il s’agit, là aussi, d’une reconstitution du huerto où l’écrivain aimait passer son temps libre. Le choix des plantes restitue fidèlement la manière dont Lope décrivait la botanique originale du lieu, depuis les plantes potagères jusqu’à l’oranger :

Avec ses 23 mètres de profondeur, ce puits déjà présent à l’époque était la seule source d’eau de la maison. Au XVIIe siècle, nos ancêtres se lavaient beaucoup moins que nous. Ils utilisaient juste une cruche pour se nettoyer les parties visibles du corps : tête, visage, cou et mains. Je vous laisse imaginer l’odeur…

La première pièce est un oratoire privé. Comme le succès du dramaturge lui apportait une vie très confortable, la maison était immense pour l’époque. Tout le monde n’avait pas les moyens de disposer d’une chapelle à domicile. Vers la fin de sa vie, Lope de Vega s’est fait ordonner prêtre, en réparation de ses nombreux péchés de luxure. Ses repentirs l’amenèrent aussi à de dures pénitences, comme l’auto-flagellation. Néanmoins, malgré sa décision de consacrer sa vie à Dieu, sa vie amoureuse ne cessa pas pour autant et, vers la fin de son existence terrestre, il eut une amante de trente ans de moins que lui. Ce qui choqua les Madrilènes ne fut pas qu’il eût une relation malgré le sacerdoce, mais que le couple vécût sous le même toit en dehors du sacrement du mariage. Voici quelques photos de l’oratoire où l’abbé Lope de Vega célébrait la messe régulièrement : une statue de saint Isidore le Laboureur (patron de Madrid), auquel l’écrivain vouait une dévotion particulière, des vêtements sacerdotaux semblables à ceux qu’il portait pendant les offices, ainsi que quelques objets religieux lui ayant très probablement appartenu.

La suite de la visite nous a menés vers la salle à manger. À cette époque, disposer d’un comedor était un luxe. La plupart des gens mangeaient dans leur chambre ou sur une planche que la famille montait sur des tréteaux aux heures de repas (d’où l’expression poner / quitar la mesa). Lope de Vega mangeait de la viande tous les jours, ce que ne pouvaient se permettre que ceux qui vivaient dans l’opulence. Par ailleurs, la nature morte décorant la salle montre du jambon de porc. Une telle décoration était pour Lope de Vega et pour les autres cristianos viejos une manière de se vanter de leur « pureté du sang », par rapport aux Espagnols d’ascendance morisque ou juive. Ces derniers s’abstenaient parfois de cette source de protéines considérée comme impure dans la religion de leurs ancêtres, qu’ils ne pouvaient pratiquer qu’en cachette pour échapper à l’Inquisition.

Jouxtant cette pièce, la chambre des filles de Lope a été reconstituée avec du mobilier typique de l’époque, notamment un lit à baldaquin où l’on dormait légèrement assis, pour mieux digérer après ces repas gargantuesques :

La pièce suivante recèle une importance majeure. Il s’agit du bureau où Lope de Vega a écrit beaucoup de ses très nombreuses pièces (plus de 1500, d’après l’auteur lui-même). Il y a donc passé une grande partie de sa vie. Dans un coin salon, il recevait ses amis écrivains, notamment Quevedo. En revanche, il était à couteaux tirés avec Góngora et Cervantès. Ce dernier a connu la gloire bien plus tard dans sa vie et jalousait le succès précoce du dramaturge. L’auteur de Don Quichotte s’était aussi essayé à l’écriture des pièces de théâtre, mais sans grand succès. Lope et Quevedo prenaient d’ailleurs un malin plaisir à se rendre ensemble aux représentations des pièces écrites par le fameux romancier, dans le seul but de lancer des légumes sur les acteurs et d’entraîner l’ensemble du public dans leur chahut. Bien que beaucoup plus riche que Cervantès, Lope de Vega était, lui aussi, jaloux de son illustre rival, car il aurait aimé percer autant que lui dans l’art du roman. De fait, malgré le nombre impressionnant de pièces qu’il a écrites, le Phœnix n’a pas laissé d’œuvre concrète ayant marqué l’histoire de la littérature, à l’instar du Qujiote. Voici donc une reconstitution de l’étude du dramaturge. Tous les livres exposés sont d’époque et lui ont appartenu. Ce n’est là qu’un maigre échantillon d’une bibliothèque qui comportait plus d’un millier d’ouvrages :

Dans cette même salle figurent des portraits de Lope de Vega et de sa fille Marcela, entrée au convent à l’âge de quinze ans. Cette dernière écrivit également, mais la quasi-totalité de son œuvre a disparu. En effet, son père spirituel lui a demandé de détruire ses écrits, car une femme écrivaine était peu habituelle et mal vue par toute la société à cette époque. Or, en plus des vœux de pauvreté et de chasteté, la vie monastique implique le vœu d’obéissance. Un peu plus tôt dans l’histoire de la littérature espagnole, Thérèse d’Avila fut confrontée au même problème. Sur l’ordre d’un prêtre auquel elle devait obéir, elle jeta au feu un journal dans lequel elle avait écrit ce qu’elle aurait reçu lors de visions. Heureusement, une autre sœur, très intéressée par sa prose, l’avait intégralement recopiée. Grâce à elle, nous avons accès à l’œuvre de l’illustre mystique carmélite.

Voici deux photos de la chambre du Phœnix, notamment la fenêtre donnant sur la chapelle. Ainsi, il pouvait assister à une messe dite par un confrère lorsqu’une fièvre le clouait au lit :

Cet autre cliché témoigne de l’ambiance de l’époque où Lope de Vega écrivit des pièces de théâtre, notamment de cape et d’épée :

Voici une maquette de la maison-musée, ainsi que quelques explications sur l’exposition La botica de Lope :

Pour approfondir à ce sujet, voici deux vidéos expliquant ce qu’il faut retenir de l’œuvre de Lope de Vega et de ce qu’en disent les analystes littéraires :

Quelles sont les caractéristiques de l’œuvre de Lope de Vega ?
Comment analyser et classifier les différentes pièces de Lope de Vega ?

Enfin, Carlos Herrera nous lit quelques extraits choisis de l’œuvre de Lope de Vega :

Si vous souhaitez en savoir plus sur le dramaturge, n’hésitez pas à lire cet article.

Pour conclure, la maison-musée de Lope de Vega témoigne de l’écrivain, de sa vie, de son succès et de son époque. Et vous, êtes-vous familier·e de l’œuvre du Fénix de los ingenios ? Que souhaitez-vous partager à ce sujet ?

Jean O’Creisren


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Voyage en Andalousie, sur les traces des émirs et des califes

Voyage en Castille

¡¡Hola tod@s!!

Du 16 juillet au 19 août 2024, j’ai voyagé en différents lieux de la péninsule Ibérique, notamment en Castille. Voici le récit de mon voyage, illustré par quelques photos.

Le matin du mardi 16 juillet, j’ai pris le car (pour des raisons environnementales) afin d’aller, dans un premier temps, à Bercy. Dans le quartier du ministère de l’Économie, nous avons été surpris par une alerte à la bombe. 💣 Sans paniquer, je suis allé le plus loin possible, dans les jardins qui jouxtent la gare. Après avoir expliqué les consignes de sécurité en arabe à une mère de famille qui ne comprenait pas la situation, j’ai discuté en anglais avec une étudiante venue du Belize. J’ai également utilisé la langue de Shakespeare pour communiquer avec une femme turkmène et j’ai conversé en espagnol avec un homme originaire du Pérou. Ce dernier m’a dit qu’il remarquait à quel point les Français n’ont pas l’habitude d’obéir à la police. En effet, nous étions dans le parc, mais la majorité des voyageurs restaient à une dizaine de mètres de la gare qui risquait d’exploser. 💥 Mon interlocuteur andin me parla de la menace terroriste qui avait pesé sur son pays pendant 25 ans, avec des attentats à la voiture piégée. C’est pourquoi, au Pérou, les gens font vraiment confiance aux forces de l’ordre quand ces dernières disent que quelque chose est dangereux. Au bout d’un moment, les policiers ont ordonné à tout le monde de reculer vers le parc. Nous avons attendu un certain temps et, finalement, ils nous ont dit que le problème était résolu. Nous avons tous applaudi. 👏 Bien que l’évacuation fût sereine, le retour en gare était une pagaille stressante, car tout le monde craignait d’avoir manqué son car (le mien aurait dû partir une demi-heure au préalable) et la foule nous empêchait d’accéder à l’écran d’information où étaient affichés les horaires et les quais.

Finalement, je n’ai pas loupé ma correspondance puisque mon car est arrivé avec trois heures de retard. Une fois dedans, je me suis assis à côté d’un monsieur portugais d’environ 55 ans qui n’avait pas l’air très ouvert. Au début, il parlait peu, mais, lorsqu’il m’adressait la parole, il me tutoyait et employait des gros mots avec son fort accent lusophone. À la fin de la première pause, il m’a un peu raconté son histoire : sa femme est décédée d’un cancer il y a deux ans et lui a dû partir en retraite anticipée à cause de problèmes cardiaques. 😥 Il m’a aussi confié ses difficultés avec l’alcool, le tabac et le cannabis (ce que j’avais déjà remarqué car j’avais pu sentir qu’il préparait son pétard lors de la première partie du trajet). Nous avons pu nous entretenir fraternellement. Je lui ai demandé si je pouvais, moi aussi, le tutoyer, et il m’a répondu : « Bien sûr, on est des bonhommes ! » 😊 Par la suite, je me suis rendu compte que ce cher voisin, qui s’appelle José, est en fait très ouvert et très drôle. Il n’arrêtait pas de vanner et il s’est même mis à faire la manche auprès de tous les passagers, sauf moi. Pendant le trajet, j’ai pu entendre une conversation amicale et sur le ton de la blague entre un autre passager lusophone et deux Belges d’origine marocaine qui ne parlaient pas portugais, mais qui maîtrisaient l’espagnol. Ils s’enseignaient les uns aux autres ces deux langues romanes de la branche ibérique, riant en permanence. Je pensai alors à l’atmosphère tendue que traverse notre cher pays après les campagnes électorales. 🐓 Je me dis que mes compatriotes devraient s’immerger dans des lieux où l’ambiance est semblable.

Ma correspondance à Quintana del Puente m’a permis de faire route vers Valladolid, où se sont déroulés mes premiers jours en terre hispanique. Voici un cliché d’un paysage castillan pris à travers la fenêtre du car :

Mon séjour à Valladolid s’est bien passé. Si vous souhaitez en savoir plus sur la capitale de Castilla y León et son architecture, vous pourrez lire cet article, que j’ai écrit il y a un peu moins d’un an, lors de mon passage précédent dans cette ville que j’affectionne tant. Ci-dessous, vous trouverez quelques photos que j’ai prises lors de mon séjour de cette année :

Voici les armes de la ville de Valladolid en format végétal.

Le jeudi 18 juillet, j’ai visité, avec Felipe (un compagnon de chambre chilien), le palais de Santa Cruz. Voici quelques photos de l’intérieur de cet édifice chargé d’histoire :

Sur les murs du cloître sont nommés les docteurs à titre honorifique de l'Université de Valladolid. Vous pouvez y lire le nom du célèbre écrivain d'origine péruvienne Mario Vargas Llosa. Le défi : ajouter le nom de Jean O'Creisren. ;-)
L'horloge de l'université, fabriquée dans le Jura. Je dédicace cette photo à mon ami Nabla...

Le vendredi 19 juillet dans la matinée, j’ai visité le Musée d’Art et d’Histoire de l’université de Valladolid. C’est avec l’accord du guide que j’ai photographié quelques œuvres d’art et que je diffuse les clichés sur ce blog. Vous pourrez notamment voir des tableaux représentants des paysages de Castille et d’autres thèmes :

Jesús Alonso (Bilbao, 1958 -), "S.T. 1321", huile sur toile, 2015.
Gabino Gaona (Valoria la Buena, Valladolid, 1933 - 2007), "Paisaje castellano" [Paysage castillan], huile sur toile, 1956.
Aurelio García Lesmes (1884-1942), "Siega (Valladolid)" [Moisson (Valladolid)], huile sur toile.
Teresa Morán Ortega (Valladolid, 1952-2012), "Homenaje" [Hommage], huile sur toile, sans date.
Antonio Maffei Carballo (La Havane, 1885 - Valladolid, 1961), "Orillas del Pisuerga" [Rives du Pisuerga], huile sur toile, 1944.
Antonio Maffei (La Havane, 1885 - Valladolid, 1961), "Orillas del río Pisuerga" [Rives de la rivière Pisuerga], huile sur toile, 1944.
Antonio Maffei Carballo (La Havane, 1885 - Valladolid, 1961), "Pinos" [Pins], huile sur toile, 1926.
Francisco Galicia (Valladolid, 1895 - Madrid, 1976), "Tordesillas" [Tordesillas], huile sur toile, 1963.

Le vendredi 19 juillet, je suis allé à la piscine avec des amis espagnols de longue date. L’un d’entre eux, Jairo, est féru d’histoire. Il m’a notamment parlé d’une série télévisée de RTVE sur Jeanne la Folle intitulée La corona partida. La suite, Carlos, Rey Emperador, traite de Charles Quint. Ces reconstitutions peuvent servir d’introduction à des événements clés de l’histoire du royaume de Castille, de la naissance de la dynastie des Habsbourg à tous les enjeux géopolitiques de l’Europe et du monde à cette époque-là, en passant par la conquête du Mexique par Hernán Cortés et la révolte des comuneros. Sur le chemin du retour, j’ai eu la bonne surprise d’entendre Pablo et Jairo chanter Tri Martolod, de Nolwenn Leroy. C’est bien la première fois de ma vie que j’entends des Espagnols parler breton ! 😉

Le samedi 20 juillet, je me suis lancé un premier défi sportif : aller à pied à Décathlon pour acheter les équipements nécessaires à la suite de mon séjour : des bâtons de randonnée, une casquette et un bonnet de bain. La marche a duré environ deux heures. Malgré le soleil de plomb, j’ai parcouru les 9 kilomètres sans couvre-chef et sans crème solaire. Heureusement, la plupart du trajet était ombragé car j’ai surtout longé la rivière Pisuerga. 🐊 Au retour (cette fois-ci avec de la crème, ma casquette sur la tête et les bâtons à la main), j’ai fait une pause déjeuner vers 15h15 dans un restaurant américain. J’y ai croisé deux familles d’origine maghrébine qui parlaient français et avaient du mal à communiquer avec le personnel en espagnol. J’imagine que, du fait des grandes vacances, elles traversaient l’Espagne en voiture jusqu’à Algésiras pour passer une partie de l’été au Bled. Dans la soirée, j’ai pris un verre avec Jorge, un ami prêtre d’une cinquantaine d’années ordonné récemment. Avant de recevoir l’appel de Dieu, vers 40 ans, il était joailler. Ayant commencé à travailler à l’âge de 15 ans, il avait atteint un niveau de professionnalisme qui lui permettait de créer de A à Z des pièces uniques, notamment en or blanc et en perles. Il m’a montré des photos de certaines œuvres de sa vie d’avant. ¡Impresionante! 👍

Après un dimanche tranquille, je suis parti à pied, le lundi 22 juillet, de Valladolid à Tordesillas, en longeant le Pisuerga jusqu’à ce qu’il se jette dans le Douro. J’ai ensuite suivi le cours de ce dernier. À vol d’oiseau, Tordesillas de trouve à une trentaine de kilomètres de Valladolid. En suivant les méandres des deux cours d’eau, cela fait un peu plus (peut-être même autour de quarante bornes).

Au petit-déjeuner, en attendant que mon café refroidisse, j’ai écouté quelques chansons en espagnol, dont les paroles transmettent un message assez profond. À ce titre, voici le clip officiel de Retales de una vida, du groupe Celtas Cortos, originaire de Valladolid :

Dans un tout autre genre, « Obsesión » (d’Aventura) explore la question des sentiments amoureux dans une perspective intéressante. Nombreuses sont les personnes qui devraient prêter attention aux paroles 😉 :

Vers 10h, j’ai pris la route vers Tordesillas. Voici quelques photos du bord du Pisuerga :

Au bout d’un moment, je suis arrivé dans un parc qui m’a détourné de la rivière. Souhaitant absolument voir cet affluent se jeter dans le Douro, j’ai suivi quelques sentiers qui traversaient les champs, broussailles et autres terrains vagues. J’ai même coupé à travers champs à un moment. J’ai réussi à apercevoir le Pisuerga du haut d’un précipice, ne pouvant plus le longer car, à cet endroit, la rive est occupée par un terrain protégé par un mur d’enceinte et des caméras de vidéosurveillance. 🏰 S’agit-il d’un terrain militaire, de la résidence d’un ultra-riche, d’une maison d’arrêt ou d’un lieu où des secrets sont jalousement gardés ? Impossible de le savoir. À l’heure où j’écris ces lignes, et est environ 13h, je suis à l’entrée de ce lieu énigmatique et rien n’est indiqué hormis la présence de caméras. Le GPS n’est pas clair non plus à ce sujet. Je sais juste que je suis à proximité du magasin de sport où je me suis rendu récemment. Je sais également que je me trouve à une dizaine de kilomètres de la bordure de Valladolid et à 22 km de Tordesillas, si j’emprunte le chemin le plus court (ce qui n’est pas dans mon programme). Je vais laisser le Pisuerga pour le moment et me diriger vers Simancas. Là-bas, je vais tâcher de trouver un bar pour déjeuner et d’acheter une créanciale en vue du morceau de pèlerinage que j’entreprendrai à partir de cette ville la semaine prochaine. Le Pisuerga se jette dans le Douro en aval de ce pueblo, donc je pourrai descendre tranquillement vers l’affluent une fois repu.

Après avoir partagé ces quelques photos typiques du désert de Castille prises sur le chemin de Simancas, je vous propose une vidéo semi-panoramique filmée depuis une butte située au milieu d’un champ moissonné. Vous y découvrirez ainsi la ville-étape du chemin de Compostelle :

Après une pause-déjeuner bien méritée, je suis redescendu vers le Pisuerga. J’ai pu remarquer que cette rivière permet d’irriguer un type de culture gourmande en eau, que l’on trouve peu en Castille : le maïs. D’ailleurs, en voulant rester le plus près possible du cours d’eau pour les raisons susmentionnées, je me suis retrouvé dans un champ de cette plante que les conquistadores nous ont ramenée de Mésoamérique. 🌽 Là, j’ai eu l’occasion d’entendre, puis de voir, une biche qui bondissait dans la parcelle d’à-côté, où poussaient des pommes de terre. J’ai dû traverser cette pièce cadastrale en faisant très attention : il fallait non seulement regarder où je mettais les pieds pour ne pas écraser les plants et ne pas me fouler la cheville, mais aussi marcher vers un azimut bien calculé (à l’œil) pour éviter de me faire doucher par les arroseurs automatiques. 💧 Une fois sorti de ce champ, j’ai longé des cultures maraîchères. Je m’y connais moins dans ce type de plantes, car mon père n’en a jamais cultivées. Ça ressemblait à des poireaux, mais ça sentait plutôt les oignons ou les échalottes. Quoi qu’il en fût, j’ai rapidement retrouvé un sentier balisé pour me rendre compte, blasé, qu’au bout d’une bonne heure de marche, je me trouvais quelques centaines de mètres après la sortie de Simancas… 😅

Voici un champ de pommes de terres, apparemment sur une parcelle qui a reçu des cultures de tournesol quelques temps auparavant… 🥔🌻

Apercevant une grande étendue bleue au-delà des peupliers et entendant comme un fort bruit de cascade, j’ai suivi mon intuition et coupé à travers champs pour la troisième fois. Après avoir tellement recherché cet endroit, je crois enfin y être ! 😃 C’est certainement ici que le Pisuerga se jette dans le Douro :

Un barrage entrave le cours du Pisuerga au milieu de nulle part.

N’ayant plus d’eau depuis un moment, je lève le camp, priant pour trouver rapidement un lieu habité. En effet, il fait 34°C et je suis au milieu de nulle part, sur un sentier peu ombragé. Heureusement, la Providence me fait entendre un bruit de moteur. Je fais signe à la voiture de s’arrêter, leur expliquant ma situation. Ils m’informent que je peux atteindre un village à trois kilomètres en suivant le fil de l’eau, le chemin étant bientôt couvert par l’ombre des arbres. 🌲🌳 J’en profite pour leur demander si nous longeons toujours le Pisuerga ou déjà le Douro. Ils me répondent : « Todavía es el Pisuerga, pero se juntan muy cerca de aquí. » Revigoré, je reprends la route avec joie, quand la voiture s’arrête à nouveau. Avec le sourire, mon interlocuteur me tend une bouteille d’un litre et demi d’eau : « ¡Toma, está fresquita! » Je ne manque pas de les remercier et de prier pour que Dieu le leur rende au centuple. 😇

En cliquant sur ce lien, vous pourrez visionner une vidéo du lieu où le Pisuerga se jette bel et bien dans le Douro.

Bon, on est d’accord que cette vidéo envoie moins de rêve que la précédente… 😔 Ayant désiré ce lieu toute la journée, j’ai bien sûr été le premier déçu. Néanmoins, comme disait Philippe Pollet Villard, « dans un voyage, ce n’est pas la destination qui compte, mais toujours le chemin parcouru, et les détours surtout ». 😉 Voici une autre vidéo, qui montre que le lit du Douro est bien plus large que celui du Pisuerga :

Sur le chemin vers Tordesillas, je suis passé dans le village de San Miguel del Pino. J’ai passé un très bon moment dans le café-bar El Molino, où le club de foot Real Valladolid est dûment honoré. 😉

Sortant du village vers 21h30, j’avais 7 kilomètres à parcourir pour terminer ma randonnée. Ayant pu recharger la moitié de la batterie de mon téléphone portable au bar et devant économiser mes données, j’ai choisi de ne pas utiliser le GPS tout au long du trajet et de demander des indications aux villageois. 🧭 Voici les dernières photos que j’ai prises, au bord du Douro, avant le crépuscule. Après les avoir réalisées, j’ai éteint mon appareil afin qu’il me reste de la batterie une fois arrivé à Tordesillas.

Poursuivant mon chemin dans une zone de maquis, à proximité du Douro, je vois, en face et à gauche, des panneaux « Propriété privée » et « Chasse gardée ». Je tourne donc à droite où, le soir tombant, je ne tarde pas à trouver le canal sec dont m’ont parlé les villageois. Il court vers l’ouest, donc vers Tordesillas. Sur sa gauche, il est bordé par un chemin de terre. Je m’y engage, longeant, de l’autre côté, un ensemble de propriétés très chics au milieu des bois. 🏡🌲 Sur ma gauche, j’entends des coups de feu. Je me dis que, si ce sont des chasseurs, je ne risque pas de me prendre une balle perdue puisque cela signifierait qu’ils tirent vers les habitations. Je fixe l’horizon doré par le coucher du soleil, escorté de temps à autres par des chauves-souris. Je ne tarde pas à sortir de la forêt de pins et à abandonner le canal, qui tourne vers le sud. Bientôt dans une prairie, je contourne la résidence, entendant parfois des chiens aboyer ou des chouettes hululer, distinguant de temps à autres un ver luisant dans l’obscurité. 🦉🦇 Je marche maintenant vers le Nord, où j’entends des bruits de voitures et de camions, sachant que passe à cet endroit un axe routier majeur. Quand j’y parviens, j’ai la bonne surprise de m’apercevoir qu’un chemin de terre le longe, en direction du couchant, où les couleurs feu se sont changées en une frange bleue ciel de plus en plus fine. Les premières étoiles apparaissent et je tâche de mémoriser les formes des constellations au cas où je doive me repérer de cette manière. ⭐ Je remarque que la Grande Ourse est côté Nord, au-delà de l’autoroute, donc doit en principe rester sur ma droite. Au bout de quelques kilomètres, il m’arrive d’apercevoir les lumières de Tordesillas par-delà les collines. Sur ma gauche, des cultures maraîchères sont irriguées, ce qu’il est effectivement plus intelligent à faire de nuit lorsqu’on est agriculteur. L’obscurité s’installe et je ne suis plus vraiment sûr de marcher dans la bonne direction. Je décide donc d’allumer mon téléphone pour recourir au GPS. Comme un coup de pouce de la Providence, je vois la pleine lune se lever au Midi. 🌕 Je pourrai donc désormais compter sur une puissante lampe naturelle. Au bout de quelques minutes, mon vieux téléphone portable finit enfin par s’allumer. J’ai bien fait de l’avoir sorti à ce moment-là, car le GPS m’indique que je devrai très bientôt tourner à droite (ce à quoi je n’aurais jamais pensé instinctivement), m’engager dans le tunnel qui passe sous l’autoroute, puis cheminer vers le Nord. Une fois que je suis sûr d’être sur la bonne voie (il reste environ deux kilomètres jusqu’à l’hôtel), j’éteins mon téléphone jusqu’à l’entrée de Tordesillas, puis le rallume et utilise mes données pour parvenir à bon port. J’arrive à l’hôtel vers minuit, après une journée d’aventures passionnantes, mais fatigantes.

Ceux d’entre vous qui me connaissent personnellement savent que j’aime manger. 😋 Le mardi 23 juillet, après un lever tardif, j’ai pris mon petit-déjeuner dans le restaurant de l’hôtel où je loge. Étant habitué à commencer ma journée avec du salé, voici ce que j’ai commandé : pincho de tortilla (omelette avec des pommes de terre), ración de morcilla (boudin noir mélangé avec du riz), café con leche (café au lait) et tostada de queso (tartine au fromage de chèvre et au confit d’oignon). ¡Buen provecho! 🍽

En fin de matinée, j’ai visité l’église-musée San Antolín, où la reine Jeanne Ière de Castille, dite « la Folle », assistait à la Messe fréquemment. De nombreuses œuvres provenant de différents édifices religieux de la ville ont été concentrées à cet endroit, à l’origine pour éviter les vols. Voici quelques clichés de l’intérieur du templo :

Ce magnifique retable a été créé par Jean de Juni (1506-1577), un artiste d’origine française qui a beaucoup marqué la sculpture espagnole :

Après avoir gravi un escalier en colimaçon, j’ai surplombé Tordesillas depuis le toit de l’église. J’ai ainsi pu photographier la ville et la campagne sous différents angles :

Après avoir visité l’édifice religieux, je suis passé devant le lieu où se trouvait jadis l’un des trois palais royaux de Tordesillas. C’est dans cette bâtisse détruite au XVIIIe siècle que Jeanne de Castille a été enfermée pendant 46 ans. Officiellement, ce fut parce qu’elle était folle et donc incapable de gouverner. Aujourd’hui, les historiens doutent qu’elle eût souffert d’une quelconque maladie mentale. En effet, l’on sait que, pendant cette longue réclusion, elle a pris des initiatives logiques et sensées. De même, sa longévité était extraordinaire pour son époque, d’autant plus qu’elle eut peu recours aux services de médecins durant sa vie (hormis quand les comuneros le lui proposaient pour gagner les faveurs de la reine-mère contre l’empereur). Il semblerait que les hommes de sa famille (son père Ferdinand le Catholique et son époux Philippe le Beau, puis son fils Charles Quint) l’eussent enfermée car ils entendaient confisquer les rênes du pouvoir à l’héritière légitime du trône de Castille. 🤔 Quoi qu’il en fût, voici le lieu où se trouvait ledit palais il y a encore quelques siècles. Il a été remplacé par un immeuble des plus quelconques, mais une fresque commémorative rend à ce lieu les hommages qui lui sont dus :

Pour terminer sur cette première journée à Tordesillas, voici deux clichés de l’extérieur de l’église San Antolín, de nuit :

Le mercredi 24 juillet, j’ai eu la joie de visiter le monastère royal Sainte-Claire. Pour commencer, voici quelques photos de l’extérieur de la bâtisse :

Voici quelques clichés du vestibule mudéjar, qui date du XIVe siècle. Au Moyen Âge, on appelait mudéjares les musulmans qui vivaient dans des royaumes chrétiens, dont un certain nombre étaient des artisans du bâtiment. En fonction des époques, les communautés juive, chrétienne et musulmane vivaient harmonieusement les unes avec les autres ou se livraient des guerres sans merci. Pendant les périodes de paix, ce qui garantissait la qualité du vivre-ensemble résidait dans le fait que chaque communauté occupait des corps de métier bien précis. Dans les sociétés médiévales de la péninsule Ibérique, chacun avait sa place et les croyants de différentes religions avaient tous besoin les uns des autres. 🕎✝️☪️ Souhaitant rivaliser avec les émirs des États voisins, certains rois chrétiens ont souhaité imiter l’art hispano-musulman en faisant appel à des artisans mudéjares. À l’instar de ce que vous pourrez lire sur les murs de l’Alcázar de Séville, les inscriptions en arabe ci-après ne signifient absolument rien :

La suite de la visite nous a menés dans un magnifique patio, mudéjar lui aussi. Les arcs en fer à cheval datent de l’époque almohade. Les arcs polylobés sont également typiques de l’architecture hispano-musulmane. D’autres éléments, comme le carrelage au sol et les boiseries, datent seulement du XIXe siècle. Voici quelques photos de cet endroit magique :

Nous sommes ensuite restés quelques instants dans la chapelle dorée, elle aussi de style mudéjar et datant du XIVe siècle. Elle fut dans un premier temps l’oratoire privé du roi de Castille Alphonse XI (1340-1350). Les peintures murales ont été réalisées à différentes époques allant du XIVe au XVIe siècle.

Puis nous avons visité le réfectoire de style Renaissance, qui date du règne de Philippe II (fin du XVIe siècle). En voici quelques photos :

Le lieu suivant est un cloître des XVIIe et XVIIIe siècles encadrant un jardin. Son sol en galets trace quelques motifs. Voici quelques clichés y afférents :

La salle suivante est un appelée antecoro (« avant-chœur », si l’on traduit littéralement en français). Y sont exposées des statues polychromes en bois (dont une de saint Pierre, une de saint Jacques le Majeur et une autre de saint François d’Assise). 😇 Le vestibule en bois avec des tiroirs servait à conserver les archives, ce qui était d’autant plus important que les différents rois d’Espagne passaient régulièrement au monastère, parfois dans le cadre d’actes officiels. Les peintures murales, quant à elles, datent du XVIIe siècle.

Jouxtant cette partie de l’édifice, la salle capitulaire est encore utilisée par les moniales aujourd’hui. À l’autre extrémité se trouve un chœur de décoration baroque, frappé aux armes du souverain Jean II de Castille. L’ensemble est appelé « chœur long » (coro largo).

Comme je l’ai suggéré plus haut, le monastère héberge toujours une communauté de clarisses. L’église y est donc toujours un lieu de culte. C’est pourquoi j’ai dûment enlevé ma gapette dans cette partie de l’édifice construite à la louange et à la gloire de Dieu… 😇 La reine Jeanne la Folle se rendait régulièrement à cet endroit au début de son réclusion car son défunt mari Philippe le Beau y fut enterré avant que ses cendres ne fussent transférées à Grenade, auprès du tombeau d’Isabelle la Catholique. En effet, prince flamand avait formulé le souhait d’être inhumé auprès de sa belle-mère, à laquelle il vouait une grande admiration.

Voici quelques clichés de la sacristie, où sont exposées, entre autres, des planches issues d’un ancien retable endommagé par un incendie. Certains éléments sont de style mudéjar, comme la coupole ou l’étoile à huit branches figurant sur le parquet :

De style gothique flamboyant, la chapelle latérale de la maison Saldaña abrite les gisants de plusieurs membres de cette famille noble du XVe siècle, dont le fondateur était étroitement lié au pouvoir royal à l’époque de Jean II de Castille. C’est aussi dans cette chapelle que fut inhumée Jeanne la Folle dans un premier temps, avant que ses cendres ne fussent transférées à l’Escorial, puis à Grenade, auprès de ses parents et de son époux. Ce lieu abrite également un retable narrant des scènes bibliques et peint à une époque où la majorité des gens ne savait pas lire. 📖 Faute de pouvoir méditer le texte des Saintes Écritures, le peuple était ainsi catéchisé par ces supports visuels. Dans cette chapelle latérale, qu’une grille du XVe siècle sépare de la nef, trois statues en pierre représentent des saints ou autres personnages religieux. Le seul qui soit clairement identifié est l’apôtre André, reconnaissable à la croix en forme de X, soit l’instrument de son martyre. Sur le piédestal du retable, un jeu de société a été gravé par des enfants de chœur qui s’ennuyaient pendant les offices. 😉

La visite s’est terminée par un passage dans ce qui constituait autrefois les bains arabes, de style mudéjar. Leur taille est modeste car leur usage était privé et, me semble-t-il, réservé à la famille royale.

Vers le milieu de l’après-midi, j’ai visité l’église paroissiale Sainte-Marie. 😇

Admirez ce magnifique retable, cet orgue baroque richement décoré, cette statue habillée et couronnée de la Sainte Vierge, ces fonts baptismaux surmontés par une représentation de saint Jean-Baptiste, ou encore ce char des processions de la Semaine sainte, représentant l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem (dimanche des Rameaux) ! 😃

Aujourd’hui, il fait 38°C dans cette ville castillane chargée d’histoire. 🥵 En plus de sa beauté, la maison de Dieu constitue un havre de fraîcheur au milieu de la fournaise de la Meseta. 🌻🙂 Ce réel sur Facebook offre une visite globale de l’édifice.

Sur le chemin du retour, j’ai traversé la Plaza Mayor. Regardez-moi tous ces drapeaux ! On se croirait dans une manif algéro-bretonne… 😉

Voici une photo du même lieu, de nuit :

En fin d’après-midi, j’ai visité le musée du Traité de Tordesillas, qui se trouve dans le bâtiment où, en 1494, des représentants plénipotentiaires des couronnes d’Espagne et du Portugal ont tracé entre les deux pôles une ligne imaginaire traversant l’océan Atlantique. 🌊 À l’Est de ce méridien, les terres découvertes et à découvrir appartiendraient au Portugal. En revanche, celles se trouvant côté Ouest seraient à compter de ce jour considérées comme la propriété des couronnes de Castille et d’Aragon. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on parle espagnol au Pérou et portugais au Brésil. 🙂

Ci-après, vous pourrez voir à quoi ressemblaient les trois navires de Christophe Colomb lors de son premier voyage, en 1492. 😃

En effet, la première salle du musée abrite des maquettes de la Pinta, de la Niña et de la Santa María. ⚓

Les deux premières étaient des caravelles, bateaux légers dirigés par les frère Pinzón. La Santa María, quant à elle, était une nao, soit un navire de taille plus importante, commandée par le futur amiral Colombo en personne. 🙂

Christophe Colomb n’a jamais su qu’il était arrivé en Amérique. Mort en 1506 à Valladolid, il pensait avoir accosté en Inde et a nommé indios les personnes qu’il a rencontrées là-bas. Voici comment le Génois se représentait les étendues terrestres qui se trouvent au-delà de l’océan :

Bien que je ne l’aie pas photographiée, une partie du musée explique quelles étaient les connaissances géographiques des Européens au Moyen Âge. Les savants se basaient sur les écrits et les calculs des Grecs, notamment Ptolémée, qui avaient déjà découvert que la Terre est ronde. 🌍 Les récits de Marco Polo permirent également aux Occidentaux d’avoir une vague idée de l’Extrême Orient. Commerçant avec l’Inde et d’Indonésie, prenant le contrôle d’une partie de la Route de la Soie, les Arabes et les Turcs avaient des connaissances bien plus précises quant à la géographie de cette région du monde. 🧭 Entourés par la mer, les royaumes chrétiens de la péninsule Ibérique étaient naturellement poussés à s’aventurer dans les étendues bleues. Les géographes et marins de cette extrémité de l’Europe (dont un certain nombre étaient d’origine juive, donc issus d’une communauté de savants et de voyageurs) utilisaient les astres pour se guider, notamment grâce à des outils comme l’astrolabe, inventé par les Arabes. 🕎✝️☪️ C’est ainsi qu’au XVe siècle, les Espagnols conquièrent les Canaries, tandis que les Portugais explorent les côtes africaines. En 1488, soit 4 ans seulement avant l’arrivée de Christophe Colomb aux Bahamas, l’expédition dirigée par Bartolomeu Dias passe le Cap de Bonne-Espérance. Fernando Pessoa en a fait un célèbre poème, « O Mostrengo » :

À la fin du Moyen Âge, l’approvisionnement en épices est contrôlé par l’Empire ottoman, qui augmente très fortement le prix de ces denrées venues d’Indonésie. 🌶 C’est pour cette raison que Christophe Colomb souhaite accéder à cette source de richesse en passant par un autre chemin. En effet, il n’est pas question de financer un empire qui menace la Chrétienté. Après avoir été envoyé paître par plusieurs souverains, il parvient à convaincre Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les rois dits « Catholiques » dont l’union a fondé le royaume d’Espagne. Ces derniers acceptent de financer le projet du célèbre marin génois. ⚓ Par la suite, les métaux précieux issus des mines américaines permettront à l’Occident de financer sa défense contre les attaques du Grand Turc. ⚔🛡

Une fois que l’expédition de Colomb revient, les Portugais réclament des droits sur les territoires découverts et à découvrir. Ils demandent donc à négocier un traité avec la couronne d’Espagne en vue de se mettre d’accord sur le partage du monde. 🌎

Voici des facsimilés du traité de Tordesillas. L’original en castillan est conservé à Setúbal (ville voisine de Lisbonne) et l’original en portugais se trouve à Séville. 🐟💃

À la suite du traité, et déjà même quelques années avant, les empires espagnol et portugais sont partis à la conquête du monde. 💪 Voici l’expansion maximale des deux puissance péninsulaires, ainsi que de leurs aires d’influence respectives :

Qui sont les personnes physiques qui ont signé le traité au nom des Rois catholiques et de João II ? Cette animation met en scène les différents signataires de l’accord, expliquant qui ils sont. C’est très clair au début, mais une horde de touristes espagnols qui parle en criant est venue parasiter la bande son… 😅

Concentrez-vous davantage sur les images que sur le son ! 😉

À côté du musée du Traité se trouve une exposition permanente de maquettes. Pour commencer, voici une reconstitution du palais royal où Jeanne la Folle a été enfermée pendant quarante-six ans 🤪 :

Voici d’autres représentations miniatures de monuments de la région Castille et León :

Cette maquette représente les Maisons du Traité, qui abrite le musée y afférent.
Château de Simancas, où est préservée une importante quantités d'archives, datant notamment du règne de Charles Quint.
Reproduction de l'église Santa María la Antigua (centre-ville de Valladolid)
Évêché d'Astorga, conçu par le célèbre architecte de la Sagrada Familia (Barcelone), Antoni Gaudí i Cornet.
Voici un château typiquement mudéjar.
Dans ce village de la province de Palencia, un Christ imposant a été érigé à la louange et à la gloire de Dieu fait homme, Sauveur de l'humanité.

Pour conclure au sujet de mon séjour culturel à Tordesillas, voici la photo d’une œuvre signée Vicen, qui représente une vue de la vieille ville (église San Antolín, Maisons du Traité et pont au-dessus du Douro). Je n’en ai pas la certitude, mais il s’agit certainement d’une pyrogravure. Admirez ce travail d’artiste :

Le jeudi 25 juillet, je suis retourné à Valladolid et j’ai assisté à une messe en l’honneur de saint Jacques le Majeur, patron du royaume d’Espagne. Le sermon était, disons, très… patriotique, pour ne pas dire « nationaliste ». Le prêtre interprétait l’histoire à sa manière, analysant la Reconquête chrétienne comme l’accomplissement de la volonté divine et la conquête de l’Amérique comme une récompense donnée par Dieu aux Espagnols pour avoir bouté les Sarrazins hors d’un territoire où ils n’avaient rien à faire. 🏆 Il a mentionné comme une évidence la véracité de la légende de Santiago Matamoros (en français « saint Jacques Matamore »), soit l’Apôtre qui serait apparu lors de certaines batailles aux côtés des chrétiens, tuant des soldats musulmans. En voici une représentation, que j’ai prise en photo dans l’église San Antolín de Tordesillas :

Une fois les conquistadores en Amérique, Santiago Mataindios serait apparu de la même manière, trucidant des Amérindiens. Chacun peut avoir ses convictions, mais je ne suis pas sûr que toutes ces apparitions guerrières soient reconnues par le Vatican au même titre que celles de Lourdes, par exemple. Après, Valladolid est considéré comme la ville la plus réactionnaire d’Espagne, au point que les mauvaises langues l’appellent Fachadolid. Si je suis lié à ce brave prêtre par la foi catholique et si je crois vraiment qu’il était conformé au Christ lors de la consécration, me permettant ainsi de recevoir Dieu tout entier dans l’Hostie, je n’ai pas adhéré aveuglément à son sermon et j’ai même eu l’impression d’être exclu d’une partie de la messe, n’ayant pas reçu de Dieu la grâce d’être membre de cette Patrie hautement supérieure où je m’incruste comme un parasite pendant un mois… 😅

Le vendredi 26 juillet, je suis retourné en car à Tordesillas pour une visite guidée très importante. En effet, souhaitant retenter en 2025 l’agrégation externe d’espagnol, je dois approfondir le plus possible l’ensemble des questions au programme, dont cette thématique de civilisation :

« Les Comunidades de Castille : guerre civile et restauration de l’ordre monarchique au XVIe siècle. » 🏰

De quoi s’agit-il ? En 1516, Charles de Habsbourg arrive en Espagne, un pays dont il vient d’être couronné roi. Sa mère, Jeanne, est considérée comme folle, donc incapable de gouverner. Elle est enfermée à Tordesillas. Bien vite, le jeune souverain est mal perçu par les Castillans : il est habillé de manière trop luxueuse, il s’est fait proclamer roi de Castille alors que sa mère est encore vivante, il nomme ses amis flamands et bourguignons à tous les postes à responsabilité, déclassant l’aristocratie locale, et il ne maîtrise pas la langue espagnole. En 1519, son grand-père Maximilien, alors à la tête du Saint-Empire romain germanique, passe l’arme à gauche. ⚰ Celui qui deviendra Charles Quint se porte candidat pour lui succéder. Son principal rival est François Ier. Le Flamand réussit à l’emporter, notamment en versant des pots-de-vin conséquents aux princes électeurs. Pour ce faire, il a contracté des dettes qu’il faudra rembourser. Il décide alors de lever un impôt spécial sur les villes de Castille. Ce dernier est approuvé par les représentants de ces collectivités, mais cause un grand mécontentement au sein de la population citadine. En effet, pourquoi les Castillans devraient-ils financer les intérêts de leur roi à l’étranger, d’autant plus que les récoltes sont mauvaises et que le marché de la laine désavantage l’intérieur du pays ? Les tensions montent et quelques événements dramatiques font dégénérer la contestation en guerre civile. En 1520, les rebelles se fédèrent et forment un gouvernement parallèle à celui du roi, qui est parti en Allemagne afin de se faire couronner empereur. Le régent Adrien d’Utrecht (cardinal et futur pape Adrien VI) peine à rassembler les troupes royalistes pour mater la rébellion. En effet, les nobles ont été déclassés par les Flamands et ne serviront la Couronne qu’en échange de certains privilèges. 💰 En novembre 1520, la ville de Burgos change de camp et rejoint les royalistes. L’aristocratie s’engage petit à petit aux côtés du régent, notamment car certains soulèvements antiseigneuriaux dans des zones rurales ont été soutenus par les comuneros. À la fin de l’année 1520 et au début de l’an 1521, le mouvement des Comunidades est en difficulté, car il perd du terrain face au pouvoir légitime et fait face à des divisions internes. Fin avril 1521, l’armée comunera est vaincue à proximité de Villalar et ses principaux cadres militaires, Juan de Padilla, Juan Bravo et Francisco Maldonado, sont décapités sur la place de cette ville. 🪓 Cette révolte nationaliste aux revendications démocratiques avant-gardistes pour l’époque est encore bien présente dans l’imaginaire collectif en Castille. Certains voient les comuneros comme des précurseurs de la gauche libérale, tandis que d’autres les considèrent comme des réactionnaires nostalgiques de l’époque médiévale qui résistaient à la modernité européenne et universaliste apportée par Charles Quint. En réalité, les penseurs du mouvement étaient surtout des moines franciscains et dominicains, qui prêchaient la rébellion en s’appuyant sur les thèses de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. 📚 À l’instar de la doctrine sociale chrétienne, la pensée thomiste ne peut être classée ni à droite ni à gauche. D’ailleurs, la tradition catholique est bien plus ancienne que ce clivage, qui date seulement de la Révolution française. Vouloir classer cette révolte de la proto-bourgeoisie castillane sur l’échiquier politique contemporain relèverait donc de l’anachronisme. Par ailleurs, la rébellion était surtout fondée sur un mécontentement social dû à une crise économique et politique. Ce soulèvement a duré trop peu de temps pour développer une idéologie solidement étayée. Néanmoins, il a assez marqué l’histoire pour faire parler de lui et pour être retenu au programme de l’agreg… 😉

La visite guidée s’est avérée très intéressante, mais j’ai peu appris de choses sur la révolte des Comunidades. J’en ai davantage intégré sur les rois et reines de Castille, notamment Jeanne Ière, que notre guide Inés se refusait à qualifier de « Folle ». En effet, elle a surtout été victime de maltraitance psychologique de la part de son mari qui, par exemple, confisquait le courrier que les Rois catholiques envoyaient à leur fille. 😥 Philippe le Beau convoitait le royaume de Castille, dont son épouse était l’héritière légitime. Avant de mourir, Isabelle la Catholique a rappelé sa fille auprès d’elle à Medina del Campo. Elle a ainsi pu se rendre compte de l’emprise dont Jeanne était victime. Dans son testament, la reine a donc nommé sa fille comme seule héritière du royaume et, au cas où elle ne puisse gouverner, son mari Ferdinand assurerait la régence en plus de son règne en Aragon, jusqu’à la majorité du prince Charles. Mais Philippe le Beau ne s’est pas laissé faire et a conclu des alliance avec la noblesse castillane, qui avait perdu beaucoup de pouvoir et de patrimoine face au pouvoir royal. 🏰 Déjà, une crise politique couvait, annonçant la partition en deux de la société quelques décennies plus tard. Impopulaire, Ferdinand a fini par confier la régence du trône de Castille au cardinal Cisneros, un homme d’Église dont l’autorité était incontestable. Ce dernier est décédé quelques temps après la mort du roi, alors qu’il allait à la rencontre du jeune Charles de Habsbourg, récemment couronné, qui venait d’arriver en Espagne. 👑 Quelques années plus tard, les comuneros chercheraient à bénéficier du soutien de la reine Jeanne contre celui qui était désormais l’empereur Charles Quint. Celle que l’on qualifiait de « Folle » leur rétorqua, pleine de bon sens, que le souverain officieux était son fils et qu’elle ne lui retirerait jamais son trône. Ils incitèrent donc la reine-mère à se remarier, afin qu’elle ne soit plus un obstacle gênant entre les rebelles et son protégé. 👩🏼‍🤝‍🧑🏻 Mais la recluse de Tordesillas leur répondit qu’elle avait déjà pleinement accompli son devoir en tant que reine, épouse et mère, ayant obéi à ses parents en épousant à 18 ans Philippe le Beau, dans l’intérêt des royaumes hispaniques, puis ayant eu quatre enfants avant son arrivée dans la villa, alors qu’elle était une jeune veuve de 29 ans. Jeanne passa ensuite 46 ans enfermée dans ce palais, jusqu’à sa mort en 1555. Ce fut donc une vie difficile pour cette femme exceptionnellement instruite pour l’époque et bien plus équilibrée que ne le laisse entendre son surnom. Une vie sacrifiée du début à la fin pour les intérêts du royaume de Castille.

À 15h, j’ai pris le car pour Villalar de los Comuneros, le lieu où les rebelles ont perdu leur dernière bataille et où leurs trois principaux officiers ont été décapités le 23 avril 1521, en présence du cardinal Adrien. Avant de se faire exécuter, Juan de Padilla a dit à l’un de ses compagnons, qui protestait devant la sentence de mort pour trahison : « Señor Juan Bravo, ayer era día de pelear como caballeros, y hoy de morir como cristianos » [Messire Jean Bravo, hier était un jour où il nous incombait de combattre comme des chevaliers et aujourd’hui (est un jour) où notre devoir est de mourir en chrétiens]. Le car m’a déposé exactement à l’endroit où les trois hommes ont été exécutés, soit sur l’ancienne place du marché. Ironie du sort (ou de la Providence), lorsque j’ai allumé mon téléphone pour prendre en photo le monument commémoratif, l’heure affichée était… 15h21 ! 😉

En ce jour où le soleil frappe dur dans ce village rural castillan, j’ai trouvé refuge dans le seul bar du pueblo, où j’ai pu recharger mon téléphone ainsi que mes réserves en eau, mais aussi ingurgiter une dose de caféine me permettant de me stimuler pour le défi que je me suis lancé : marcher 4 bonnes heures jusqu’à Torrelobatón (un autre haut lieu de cette guerre civile du début du XVIe siècle), puis poursuivre jusqu’à Valladolid, à partir de la tombée du soir. 🌙 J’ai demandé à la serveuse si elle ou des clients savai(en)t à quel endroit exact a eu lieu la bataille décisive. Elle m’a orienté vers un senior attablé au comptoir, qui connaît bien l’histoire locale. Padilla et ses hommes avaient conquis Torrelobatón pour couper la route à l’approvisionnement de l’armée royaliste. Mais, le mouvement perdant du terrain, ils ont finalement pris, bien trop tard, la décision d’abandonner cette place forte pour Toro, une ville au sud de l’actuelle province de Valladolid, où ils espéraient renforcer leurs troupes. Néanmoins, les hommes étaient fatigués et la pluie ralentit leur marche. Leurs ennemis les rattrapèrent à deux kilomètres de Villalar, sur la route de Torrelobatón, en pleine nuit. Mon interlocuteur m’a confirmé que le pont où les comuneros ont été vaincus se trouvait sur la route que j’emprunterai à pieds et qu’un monument commémoratif y a été érigé. 🙂

En sortant du bar, vers 17h15, je discute avec des anciens du village et leur fais part de mon projet de marcher vers Torrelobatón, puis de pousser jusqu’à Valladolid. Ils m’annoncent que le chef-lieu de la province est à plus de quarante kilomètres de Villalar et que je ne pourrai pas atteindre le centre-ville avant 5 ou 6 heures du matin. Suis-je assez fou pour marcher toute la nuit ? À l’heure où je vous écris, je n’en sais rien. En revanche, je sais parfaitement que je suis un radin assumé et que je n’ai pas envie de payer une nuitée à Torrelobatón, sachant que j’en ai déjà réglé une à Valladolid. En avant pour l’aventure ! 😃

Deux kilomètres après Villalar et peu après avoir photographié, sous un soleil de plomb, ces paysage typiques du désert de Castille, j’écris ces lignes depuis le lieu où s’est tenue la fameuse bataille. Ici, les troupes royalistes ont pris par surprise l’armée des insurgés, dont les soldats étaient épuisés. Beaucoup ont pris la fuite, paniqués, et ont été décimés par leurs adversaires. Selon les versions, 400 à 1000 cadavres, ainsi qu’une grande quantité d’armes, auraient jonché ces champs où je me trouve, en cette nuit pluvieuse du 22 au 23 avril 1521. Les arcades proviennent certainement du pont qui y enjambait un ruisseau à cette époque. C’est là que Jean de Padilla tomba de son cheval après avoir chargé la cavalerie impériale en criant « ¡Santiago y libertad! » [Saint Jacques et liberté !]. Vous trouverez de plus amples informations (en espagnol) sur ce qu’il s’est produit à Villalar il y a 503 ans, 3 mois et 3 jours en cliquant ici. 🙂

Peu après, j’ai traversé le village de Marzales, où une peinture murale à été inaugurée à l’occasion du cinquième centenaire de la bataille de Villalar. 😀

À l’entrée du village suivant, un monument rend hommage à l’auteur contemporain Miguel Delibes, originaire de Valladolid. L’intrigue de ses romans se déroulait généralement dans la région. 📖 Il est décédé au printemps 2010, soit quelques mois après mon premier séjour dans le chef-lieu de la communauté autonome de Castille et León. Il paraît que 5000 personnes ont assisté à son enterrement, dans la cathédrale.

Vers 19h30, j’ai fait une halte dans le village de Vega de Valdetronco. 🌾🐕🌻 Au cœur de ce pueblo, l’église Saint-Michel offre une belle décoration baroque, avec un retable où l’Archange à la tête de la Milice céleste est bien mis en valeur. ⚔😇🛡 D’autres saints sont représentés, comme Notre-Dame du Rosaire, un saint Augustin Matamore (¿🤔?), ainsi que saint Isiodore le Laboureur, qui vécut à Madrid au Moyen Âge. 🚜🏰 L’analyse du corps miraculeusement momifié de cet agriculteur canonisé a prouvé qu’il avait des traits typiques de l’Afrique subsaharienne, d’où il tirait certainement de nombreuses origines. 👨🏾‍🦱

J’ai ensuite repris la route vers Torrelobatón. Tout d’abord, voici quelques images de Vega de Valdetronco, un village castillan typique. 🙂

Aux dernières heures de soleil, j’ai cheminé 800 mètres jusqu’au village suivant, ayant la bonne surprise de trouver une mue de serpent au bord de la route. 🐍 Longeant des champs de céréales, j’ai aussi pu apercevoir de nombreux rongeurs qui fuyaient vers leur terrier à mon approche. 🐀

Un peu plus loin, alors de le soleil s’approchait de la ligne d’horizon, je me suis introduit dans un champ de tournesols. 🌻 Je ne sais pas pour vous, mais cette fleur intéressante au niveau symbolique me fascine depuis l’été 2022. Si vous voulez savoir pourquoi, une partie de la réponse se trouve dans mon livre Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle… 😉

Le tournesol est, entre autres, un symbole écologiste (bien que sa représentation soit aussi associée à d’autres vertus). Si tout n’est pas eco-frienly en Espagne, ce pays dispose d’assez de soleil et de vent pour produire beaucoup d’énergie à travers les panneaux photovoltaïques et les éoliennes. ☀️🌬

Après avoir parcouru la campagne sous des températures bien plus douces qu’à la sortie de Villalar, je suis arrivé dans le village de Villasexmir. Je ne connais pas l’étymologie de ce toponyme, mais on dirait du castillan médiéval (peut-être même une contraction de deux étymons, l’un d’origine latine en début de mot, puis un suffixe provenant de l’arabe). Une question à creuser… ⛏

À la sortie du pueblo, j’ai été intrigué par une petite construction au milieu d’un champ. Un villageois m’a expliqué qu’il s’agit d’un chozo, soit un abris qu’utilisaient les bergers pour se protéger du soleil et des intempéries tout en surveillant leur troupeau. 🐏

El chozo de Villasexmir

Avant d’arriver à Torrelobatón, j’ai pu prendre les derniers clichés de la campagne castillane avant la tombée de la nuit. 🌌

Vers dix heures du soir, je suis arrivé à Torrelobatón, dont j’appercevais l’imposant château pris par les comuneros en février 1521, au terme de huit jours de siège. 🏰 Avant de visiter le village, je me suis installé dans un bar, où j’ai pu voir la fin de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. 😃 Les journalistes espagnols qui commentaient l’événement n’ont pas caché leur surprise et leur enthousiasme quand Zinedine Zidane a transmis la flamme à Rafa. 🎾😉

Vers 1h30 du matin, après avoir chargé à bloc mon téléphone, je suis sorti du bar pour voir le château de près et le prendre en photo. Que je misse le flash ou non, todo salía fatal. J’ai donc discuté avec deux jeunes du village qui étaient là. Entre autres, ils m’ont fait remarquer qu’à cause des pluies diluviennes qui ont eu lieu ces dernières années, le complexe militaire est infiltré par l’eau et fissuré par endroits. 🏰💧 À terme, cette bâtisse vieille de plus de 500 ans risque de s’effondrer. Une association culturelle locale milite pour que la diputación de Valladolid (équivalent du conseil départemental) finance une étude et des travaux de restauration. Pour le moment, le dossier n’a pas été traité et, un jour, il sera trop tard.

J’avais initialement prévu de marcher toute la nuit pour atteindre Valladolid vers 6h du matin. Notamment pour pouvoir photographier le château de Torrelobatón à la lueur du jour, j’ai décidé de passer ma nuit blanche dans le village. Après avoir discuté pendant 3h20 au téléphone avec une amie panaméenne (c’est pratique d’avoir des amis à 6 ou 7 fuseaux horaires de décalage), je vous écris le samedi 27 avril, alors que l’aurore pointe son nez à l’Est. Je vais me diriger vers la gare routière pour voir quand et comment je pourrai rentrer à Valladolid, puis j’irai faire ma séance shooting. 📸

Finalement, j’ai dû poursuivre à pied car il n’y a pas de car entre Torrelobatón et Valladolid le samedi. 🥾 À l’heure où je vous écris, je suis assis à la terrasse du bar de Wamba. Oui, vous avez bien lu : c’est ainsi que se nomme le village où je me trouve en ce samedi 27 juillet 2024 vers 11h du matin. Ce n’est ni au Kenya ni en Australie, mais bien en Castille, à 18 km de Valladolid. J’ai quitté Torrelobatón vers 7h, suivant les instructions du GPS, puis éteignant mon téléphone une fois qu’il suffisait de continuer toujours tout droit. La batterie était à plat ; c’était vraiment dommage car, lors de la montée vers le plateau des Torozos, il y avait des vues magnifiques qui auraient fait de belles photos. ⛰ Une fois sur le páramo, j’ai pu observer la nature en éveil, notamment des lapins, des rongeurs et des oiseaux qui s’échappaient des buissons en entendant mes pas. Après un premier village très rural dont le bar n’ouvrait qu’à 11h, j’ai longé la route qui court vers l’Est. J’ai été très agréablement surpris d’atterrir dans ce pueblo dont le nom, Wamba, m’intrigue depuis 13 ans que je connais son existence. Là aussi, il y aurait des recherches étymologiques à effectuer… 😉 En poursuivant ma randonnée, j’arriverai à Zaratán, où habite le père de mon amie Ana. C’est par cette commune que j’arriverai dans l’agglomération de Valladolid. Le GPS prévoir 4h de marche. ¡Adelante! 💪

En sortant du village, je découvre deux monuments en l’honneur de l’étrange toponyme. À la vue de la statue du roi Wamba, je crois comprendre l’étymologie du nom de ce lieu. Il s’agit sans doute d’un anthroponyme d’origine wisogothe. 🙂

Vers midi, j’ai pris la route de Zaratán, une voie de circulation rapide en ligne droite, sur une dizaine de kilomètres, en plein cagnard. 🌞 Heureusement, les automobilistes et moi-même disposions d’une excellente visibilité, ce qui nous permettait de garantir ma sécurité. Je marchais face à la circulation et j’avais largement la place de m’écarter sur le bas-côté, tandis que les voitures se mettaient au milieu de la chaussée dès qu’elles m’apercevaient de loin. Sans vous mentir, ce tronçon était monotone et très moche. La seule chose que j’ai mitraillé de photos était l’attroupement de cigognes et de rapaces autour d’un champ en pleine moisson. 🦅🚜 Comme je l’ai déjà observé, de nombreux rongeurs élisent domiciles dans les champs de céréales. Il paraît que certains sont même des nuisibles. 🐭 Or, quand vient la moissonneuse-batteuse, il y a des dommages collatéraux au sein de cette population de petits mammifères. Le sachant bien, les oiseaux carnivores se précipitent sur cette viande fraîche qui leur est servie sur un plateau. 🥩

À l’approche de Zaratán, la route perd énormément en visibilité et devient très dangereuse pour les piétons :

Heureusement, j’aperçois sur la droite un sentier qui monte vers une forêt de pins. Comme m’en informe mon ami Jairo, qui est technicien forestier, ces conifères bien plus petits que ceux que nous avons en France sont originaires d’Alep (Syrie) et se nomment pinus halepensis. 🌲 En Castille, on ne trouvait pas de pins à l’origine. Les arbres endogènes de la région sont le chêne vert (quercus ilex, ou encina en espagnol), ainsi qu’un autre feuillu de la même famille nommé quejigo en castillan (Quercus faginea en latin et « chêne faginé » en français). 🌳 Le pin d’Alep (nommé aussi « pin blanc de Provence ») a été introduit dans la région car il résiste bien à la sécheresse et s’adapte aux sols de mauvaise qualité. Cette essence est souvent plantée au bord des routes car elle permet de lutter contre l’érosion des talus. Jairo complète : le pin le plus fréquent dans la province de Valladolid est le pinus pinea (pin parasol), dont les pignons sont comestibles. 🍽 On y trouve également le pin maritime (pinus pinaster en latin et pino resinero en espagnol), dont on entaille l’écorce pour en extraire la résine. Je m’aventure dans cette région boisée et pentue, ce qui me permet d’être non seulement en sécurité, mais aussi à l’ombre.

Bientôt, l’agglomération de Valladolid s’étend à mes pieds. N’ayant plus de mémoire dans mon téléphone, j’ai dû arrêter de prendre des photos. Suivant le sentier, je finis par comprendre qu’il ne mène pas vers la ville. Je décide de couper à travers champs, traversant une prairie d’herbe haute et sèche. Par cette température de 35°C, je me doute bien que je ne risque pas d’attraper des tiques dans cette végétation on ne peut plus déshydratée. En revanche, j’avance lentement, faisant un maximum de bruit avec mes bâtons et mes pieds. En effet, je suis au beau milieu d’un habitat idéal pour les vipères. 🐍 Si je leur fais peur alors que je me tiens encore à une distance raisonnable de ces reptiles, ces derniers fuiront au lieu de me piquer, en ce lieu isolé et difficile d’accès. J’arrive à Zaratán vers 16h et en sors après 17h, profitant de la fraîcheur d’un bar, puis d’un coin d’ombre, avant de terminer ma route vers Valladolid, une fois que la température a bien baissé. 🌡🧯

Vers 19h, j’arrive à bon port. Si je suis fier d’avoir relevé ce défi, vous imaginez bien que je suis complètement explosé. 💥 Après m’être préparé pour la nuit, je me couche à 19h45, sans mettre de réveil. Demain, j’observerai vraiment le repos dominical et irai à la messe en soirée. 😇 ¡Buenas noches!

Le lundi 29 juillet, j’ai pris le car pour Simancas, en vue de suivre le chemin de Compostelle. Voici la première photo que j’ai prise. Pour ceux d’entre vous qui parlent espagnol, vous comprendrez que le nom de cette rue est tout à fait cohérent avec ce qu’indique le panneau… 😅

Simancas est surtout connue pour son imposant château, comme je l’ai déjà expliqué plus haut. 🏰 Voici quelques photos de l’intérieur et de l’extérieur de l’édifice :

Ce complexe militaire a été construit par des nobles castillans au XVe siècle, mais vite confisqué par les Rois catholiques. 👑 Leur petit-fils, Charles Quint, voyageait beaucoup. Pour ne pas perdre les précieux documents officiels de ses royaumes hispaniques, il les a entreposés dans une tour de ce château. 📜 Son fils Philippe II a été plus loin en centralisant à cet endroit les archives de son empire, sur lequel le soleil ne se couchait jamais. ☀️

Aujourd’hui, le château de Simancas est l’un des centres archivistiques les plus importants d’Europe. Un régal pour les historiens ! 😋

Dans l’exposition ouverte au grand public, voici les photos que j’ai prises des documents qui m’ont semblé les plus intéressants :

Vous l’avez compris : Simancas est une ville chargée d’histoire. C’est notamment ici que deux puissants empereurs ont été vaincus par les Castillans : le calife omeyyade Abd er-Rahmân III en 939 et Napoléon Bonaparte en 1812. ⚔ En 1526, l’évêque Antoine Acuña, un cadre du mouvement comunero qui avait semé la terreur en Castille avec ses 300 hommes, a été exécuté par Charles Quint, qui risquait l’excommunication en mettant à mort un prélat. 💀 Le corps du clerc a été exposé, suspendu à l’une des tours du château de Simancas, où il avait été retenu prisonnier depuis son arrestation. Finalement, le pape Adrien VI, ancien précepteur du roi-empereur, a renoncé à appliquer la sanction fatale, car il avait besoin de pouvoir compter sur le puissant souverain face à la menace de l’invasion turque. ♟ Voici quelques photos de monuments didactiques, qui content ces événements et commémorent d’autres épisodes du passé :

Voici également quelques clichés de l’église de Simancas (paroisse du Très Saint Sauveur), où j’ai eu l’immense honneur de participer à la Sainte Messe :

Le mardi 30 juillet, j’ai commencé à cheminer en direction de Santiago. Peu après être monté sur le páramo (plateau sec) qui surplombe Simancas, j’ai fait un petit détour pour aller voir un tombeau collectif vieux de 6000 ans. ⚰

Au Néolithique, au moins 22 personnes (surtout des adultes mesurant entre 1,55  et 1,65 mètre) furent enterrées dans ce tumulus, où ont été retrouvés, en plus des ossements des défunts, des objets en silex à usage domestique, ainsi que des idoles (dont une taillée dans un radius humain). 💀🗿

À titre personnel, je serais curieux de savoir si des analyses ADN ont pu être menées sur ces squelettes. À quoi les Castillans des années -4000 pouvaient-ils bien ressembler ? 👱‍♂️👨🏾‍🦱👩‍🦰👱🏿‍♀️

Voici quelques photos du monument mégalithique de Los Zumacales :

Et voici une petite vidéo qui montre le vestige préhistorique dans son ensemble :

Après cet écart hors des sentiers battus, je suis revenu sur le Camino. J’ai ainsi pu prendre quelques clichés du páramo avant d’arriver à Ciguñuela :

Après une nuit à Ciguñuela où j’ai été très bien accueilli, notamment par le serveur du bar, qui gérait aussi l’auberge, j’ai poursuivi le Camino, le mercredi 31 juillet. Peu avant Wamba, j’ai à nouveau pris quelques clichés du páramo :

Au même endroit, j’ai longé une plantation de pins, ce que les Espagnols appellent un pinar. 🍷

J’ai ensuite continué ma route, jusqu’au village de Peñaflor de Hornija. Cette place forte entourée d’éoliennes se trouve sur une butte et est protégée par une douve sèche. L’ascension en plein cagnard a été assez sportive. ☀️

Les villageois m’ont très bien accueilli dans ce pueblo. À la fin de mon dîner au bar, j’ai demandé aux autres clients et aux serveuses s’ils connaissent l’histoire locale. En effet, la géographie du lieu en fait naturellement une place forte. D’après ce que j’ai pu lire sur internet, les locaux se seraient rebellés contre leurs souverains au XVe siècle. ✊ En représailles, le mur d’enceinte a été abattu. Ailleurs sur la Toile, j’ai lu que c’est d’ici que serait partie l’armée royaliste réunie par Adrien d’Utrecht, qui poursuivit les troupes comuneras en partance pour Toro, avant de vaincre ces dernières à proximité de Villalar. D’après les serveuses, les campagnes alentours contiendraient des ossements de soldats tombés lors de la guerre civile (1936-1939).

Le jeudi 1er août, j’ai pris la direction de Medina de Rioseco. Avant de monter sur un nouveau plateau, j’ai croisé un berger avec ses brebis. L’élevage ovin est assez répandu en Castille. Le pasteur a accepté que je les prenne en photo et que je publie le cliché en ligne :

Voici quelques vues du plateau. On y voit notamment quelques chênes verts (encinas), un feuillu endémique de Castille, que l’on trouve très fréquemment sur la Meseta :

En échangeant sur WhatsApp avec mon amie Ana, je lui ai fait remarquer combien j’aime la nature des campagnes de Castille, qu’Antonio Machado a si bien valorisées dans son recueil de poèmes Campos de Castilla. Elle m’a alors fait suivre cette chanson, où Serrat met en musique l’un de ses poèmes, qui fait justement référence à la marche :

« Caminante no hay camino » est un poème d’Antonio Machado, ici mis en musique par Serrat.

Vers 14h, je suis arrivé à Castromonte. Ravi de pouvoir faire une pause, car la faim me tiraillait après ces 10 km entrepris suite à un petit-déjeuner très maigre. Je me suis dirigé vers le bar et ai demandé d’emblée si je pouvais payer par carte. On m’a dit que non. C’est un tout petit village, donc partout à cet endroit, on ne peut payer qu’en espèces ou à travers l’application Bizum. 💶 Je télécharge cette appli, qui me demande mon DNI (numéro du Documento Nacional de Identifidad, que tous les Espagnols connaissent par cœur car on le leur demande à toute démarche administrative qu’ils entreprennent – un système de fichage hérité du franquisme, que personne ne remet en question). Je renseigne donc le numéro de ma carte nationale d’identité, et ça beugue ! 😠 Non seulement je ne peux pas payer par carte, mais je ne peux pas payer du tout, car je suis étranger. Étonnant pour un village qui se situe sur le Camino… Heureusement, la propriétaire du bar fait preuve d’empathie (comme tous les villageois rencontrés lors de ce pèlerinage) et m’offre un sandwich au chorizo ainsi qu’un café. Elle me demande, avec le sourire, de prier l’Apôtre pour elle en échange. 😇 Bien évidemment, je n’y manquerai pas !

Voici quelques clichés du village :

Une fois de retour sur le Camino, j’ai longé un ruisseau pendant quelques centaines de mètres, profitant de l’ombre des arbres et d’une certaine fraîcheur, avant de traverser le páramo, où était installé un gigantesque parc éolien. ☀️🌬⚡

À l’approche du village de Valverde de Campos, j’étais invité à descendre du páramo pour m’indroduire dans une plaine fertile. Voici quelques images des vues qui s’offrait à moi :

Le village était presque désert. Je me suis posé à l’ombre du préaut de l’église, mais je n’ai pu ni profiter d’un bar ni recharger mes réserves en eau. 💧

Repartant vers 18h, j’ai suivi ce qui me semblait être le chemin de Compostelle, un peu étonné qu’il me fasse remontrer sur le páramo. Me voilà à nouveau au milieu du parc éolien, sans voir aucune indication sur des panneaux et avec un téléphone complètement déchargé, donc dans l’impossibilité d’avoir recours au GPS. Je prie donc Dieu de me guider, par l’intercession de l’Apôtre et de saint Christophe (patron des voyageurs). 🙏 À un embranchement, il me semble que le Seigneur m’invite à aller tout droit, plutôt que de redescendre dans la plaine par la gauche. Je m’engage donc vers le Nord, ce qui semble logique, puisque ma destination se trouve dans cette direction, selon mes derniers souvenirs de la consultation de Google Maps. Le chemin descend… et je suis dépité, car il s’achève sur une éolienne en plein milieu d’un champ moissonné. Néanmoins, ma déception est vite changée en joie, car j’aperçois en contrebas, sur la droite, une ville qui pourrait bien être Medina. 😃 Je coupe à travers champs. Après une bonne demi-heure à fouler de la paille, un peu de broussailles en terrain pentu, puis un immense champ de tournesols, je retrouve avec joie les chemins de terre. J’arrive bientôt dans l’agglomération et me trouve ravi de lire le panneau « Medina de Rioseco ». ✌

Voici l’albergue donativo, installé dans les locaux d’un ancien couvent de clarisses, où l’hospitalier José Manuel m’a accueilli avec beaucoup de sollicitude :

Après une nuit à peine reposante, je me suis rendu compte que je commençais à accuser le coup. Le vendredi 2 août, j’ai donc décidé de ne pas marcher et de profiter de la journée pour visiter une partie de la richesse culturelle qu’offre cette petite ville. ⛪ J’ai commencé par visiter le musée Saint-François, qui, pour un prix très accessible, vous permet de voir et de comprendre toute la beauté de cet ancien monastère franciscain, notamment à travers des supports audios et vidéos :

Particulièrement intéressé par la révolte des comuneros, j’ai pris une longue vidéo de la chapelle dédiée aux amiraux de Castille, assortie d’explications claires en espagnol. En effet, Medina de Rioseco était le fief de cette noble lignée. Fadrique Enríquez, héritier du titre, fut l’un des deux lieutenants d’Adrien d’Utrecht lors de la seconde phase du conflit. Ainsi, la ville servit de quartier général pour les troupes impériales (plus d’infos sur ce lien). 🏰 Le cardinal Adrien lui-même s’y établit et c’est à partir de cette base que les 2000 cavaliers royalistes purent rattraper l’armée comunera en fuite aux alentours de Villalar, après avoir fait étape à Peñaflor de Hornija. Voici de plus amples explications sur le titre d’amiral de Castille et quant à la lignée qui le porta :

La capilla de los almirantes de Castilla

Voici quelques photos de Medina de Rioseco, dont une d’une extrémité du Canal de Castille :

Le soir, je suis rentré tranquillement à Valladolid. Le samedi 3 août, je me suis reposé et j’ai avancé sur plusieurs chantiers. En me promenant sur la place Zorrilla dans la soirée, je suis tombé par hasard sur une manifestation de citoyens vénézuéliens. En effet, exactement une semaine auparavant, le dictateur Nicolás Maduro a été reconduit à la tête de l’État au moyen d’élections truquées. 😥 Je me suis joint aux manifestants et ai fait part de mon soutien à celui qui était à côté de moi : « Moi, je suis français. Pour mon peuple, la démocratie est quelque chose de très important ! Je suis de tout cœur avec vous ! » 💖

Alors que je faisais du tourisme dans la province de Valladolid, des manifestations anti-touristes faisant rages dans d’autres villes espagnoles. ✊ Les manifestants demandaient aux visiteurs étrangers de rentrer chez eux, notamment car leur présence nuit à l’environnement et accentue l’inflation. 🌻💰 Pour ma part, je ne prétends pas être un touriste parfait, loin de là. Néanmoins, j’essaie de voyager d’une manière respectueuse de ce pays qui m’accueille et de ses habitants. Déjà, je parle leur langue et je m’intéresse en profondeur à leur culture. J’observe également les usages locaux, comme verser des pourboires dans les bars que je fréquente. Enfin, au niveau environnemental, je recycle mes déchets, je consomme parfois en vrac et je tâche de choisir au maximum des produits locaux dans les rayons des supermarchés. 🍯🍑🧀 En revanche, je dois progresser au niveau des économies d’eau lorsque je me douche. Malgré le four que constitue la Castille en été, j’ai tendance à oublier la sécheresse quand ma consommation d’H2O n’a aucun impact sur la facture que je réglerai avec mes propres deniers. 💧

Voici un beau bâtiment que j’ai découvert par hasard à mon retour à Valladolid, à savoir le siège régional de la banque BBVA :

Le mardi 6 août, j’ai fait une excursion à Madrid, principalement pour visiter la maison-musée du dramaturge du Siècle d’Or Lope de Vega. Voici quelques photos en vrac de différents lieux plus ou moins touristiques (dont le Santiago Bernabéu, le stade du Real Madrid) :

En attendant mon train pour rentrer à Valladolid, j’ai croisé une équipe de télévision. J’ai essayé de faire le guignol en direct derrière la journaliste qui s’exprimait, mais je ne suis pas certain que ça ait marché comme prévu… 😉

Le jeudi 8 août, j’ai pris la route vers Ségovie. Cette ville historique est notamment connue pour son aqueduc romain en granit, magnifiquement conservé :

Néanmoins, le principal intérêt historique et touristique de cette ville castillane réside dans son alcázar. Cette vidéo en espagnol montre de belles images de ce complexe architectural, avec des des explications théâtralisées permettant d’accéder à l’histoire du monument :

Voici quelques photos de l’édifice (extérieur, cours intérieures et vues depuis les remparts) :

Voici quelques prises de vues de la première salle, où l’on peut admirer une collection d’armures, y compris équestres :

Voici la salle où trônaient les Rois catholiques :

La salle suivante, dite « de la galère » du fait de sa forme allongée, est un majestueux salon où étaient reçus les ambassadeurs :

Dans une autre salle magnifique, des hauts-reliefs représentent des souverains espagnols du Moyen Âge. Quatre autres personnages importants figurent sous forme de statues, dont le Cid. Cette fresque historique semble dédiée à la Reconquête chrétienne :

Voici un pêle-mêle de photos prises dans d’autres salles et vestibules de l’alcázar. Veuillez pardonner le manque d’explications quant à cet édifice magnifique, mais je n’ai pas payé l’audioguide pour la seule raison qu’il fallait scanner un QR code (ce que je ne sais pas faire avec mon vieux téléphone). Or, contrairement à ce que j’imaginais au préalable, rien ou presque n’était expliqué par écrit sur le parcours de la visite. En attendant, l’aspect visuel revêt déjà un grand intérêt 😉 :

Voici quelques clichés de la chapelle, où l’on peut voir, entre autres, une représentation de saint Jacques Matamore (mais aussi et surtout une adoration de l’Enfant Jésus ainsi qu’une mise au tombeau) :

Enfin, l’alcázar de Ségovie abrite également un musée relatif à l’artillerie. Étant assez fatigué en cette fin de journée et moyennement intéressé par l’histoire militaire, j’ai bombardé l’exposition de photos, mais sans approfondir les explications. Voici donc quelques clichés en vrac. Si le sujet vous passionne et si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à venir à Ségovie pour visiter vous-mêmes ce musée. 😊

Après avoir visité l’alcázar, je suis allé à la messe au sanctuaire de la Vierge de Fuencisla. Là où se situe cette église construite entre la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, un miracle aurait eu lieu au Moyen Âge. Une femme juive nommée Esther fut accusée d’adultère alors qu’elle était innocente. Jetée de la falaise, elle invoqua la Vierge des chrétiens et toucha le sol saine et sauve. 🕎🤍✝

L’intérêt historique de Ségovie réside également dans le rôle important qu’elle joua pendant la révolte des comuneros. En effet, fin mai 1520, après les Cortes de La Corogne, où les procuradores représentant les villes castillanes avaient approuvé, contre l’avis du peuple, l’impôt spécial levé par Charles Quint pour rembourser son accès au trône impérial, une foule en furie lyncha et tua Rodrigo de Tordesillas, le représentant de la cité qui avait trahi ses habitants par son vote. 😠 Peu après, Adrien d’Utrecht envoya des troupes pour enquêter et punir les responsables du meurtre. En août, les militaires se rendirent à Medina del Campo, où une réserve d’artillerie était entreposée. Comprenant très bien qu’elle allait être utilisée contre la population de Ségovie, celle de Medina refusa de livrer ces pièces d’armement. La ville fut donc incendiée par les représentants du pouvoir royal, mais les Medinenses préférèrent laisser brûler leurs maisons plutôt que trahir les leurs. 🔥 Cet événement suscita un grand mécontentement à travers le royaume de Castille et mit, pour ainsi dire, le feu aux poudres. La révolte des Comunidades prit de l’ampleur peu après. Par ailleurs, Juan Bravo et Francisco Maldonado, deux importants chefs militaires de l’armée comunera, étaient originaires de Ségovie. La ville tomba en 1521, après un siège de plusieurs mois et une résistance héroïque. Tous ces événements sont encore bien présents dans l’imaginaire collectif. 🏰

Pour conclure sur la visite de cette belle ville chargée d’histoire, voici un pêle-mêle de photos prises en différents lieux de la cité :

Le vendredi 9 août, je suis retourné à Madrid, où j’ai rejoint mon ami Mickaël pour la suite du voyage. En fin d’après-midi, j’ai fait une petite promenade non loin de notre auberge de jeunesse. Voici quelques clichés de l’extérieur du Palais royal :

En face de l’édifice néo-classique à visée politique se dresse la cathédrale de Madrid, la Almudena. Je l’ai photographiée sous différents angles avant d’aller à la messe, en ce jour où le martyrologe romain fait mémoire de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, une carmélite d’origine juive, morte en martyr à Auschwitz. Cette religieuse issue du peuple de la première Alliance a laissé des écrits théologiques et philosophiques d’une grande profondeur. Elle a été proclamée sainte patronne de l’Europe. Voici un pêle-mêle de photos de l’édifice religieux. Vous pourrez notamment y voir une relique de saint Jean-Paul II (🩸) ainsi que le sarcophage de saint Isidore le Laboureur :

Le samedi 10 août, nous avons pris le car pour nous rendre à Tolède, autre haut lieu historique de la Castille. Concernant la révolte des Comunidades, c’est la ville d’origine de Juan de Padilla et de son épouse María Pacheco. 💞 C’est là que le mécontentement était le plus grand avant l’événement déclencheur de Ségovie. Ce fut aussi le dernier bastion qui déposa les armes. Mais l’intérêt historique de Tolède ne s’arrête pas là. Entre autres, elle fut la capitale wisigothe avant l’invasion des Amazighs et des Arabes en 711. Au Moyen Âge, les communautés juive, chrétienne et musulmane y cohabitaient dans une certaine harmonie. Une école de traducteurs permit à la Chrétienté de redécouvrir des écrits de l’Antiquité grecque, en passant par la langue arabe. Le roi de Castille Alphonse X le Sage eut un rôle prééminent dans cette renaissance médiévale. 📚

Voici les premiers clichés tolédans. On y voit notamment l’arc en fer à cheval, un élément d’architecture typiquement hispano-musulman, bien qu’hérité des Wisigoths. L’on peut aussi apercevoir le Tage, ce fleuve qui traverse la péninsule Ibérique pour se jeter dans l’Atlantique à Lisbonne. 🐟

Voici quelques clichés de l’intérieur et de l’extérieur de la cathédrale :

Le dimanche 11 août, an de grâce 2024, nous avons visité le Puy du Fou España, qui se situe à proximité de la capitale de Castille la Manche. L’intérêt pour moi était bien entendu d’alimenter ma passion pour l’histoire, ainsi que de me délecter de la qualité des spectacles. 🏇 Néanmoins, je suis aussi venu pour voir si le passé des royaumes hispaniques est abordé à travers un prisme catholique et conservateur tel que l’a voulu Philippe de Villiers pour le Grand parc vendéen. Voici un pêle-mêle de photos prises en extérieur en ce jour torride :

Nous avons commencé par le spectacle de fauconnerie, au terme duquel le calife Abd er-Rahmân III donne la main de sa fille à un comte castillan. En islam, il est normalement interdit pour une femme musulmane d’épouser un homme non-musulman. Cela témoigne donc d’une volonté de montrer le visage d’un islam hétérodoxe et ouvert, qui est assez typique d’Al-Andalus. 👳‍♀️

Quelques temps plus tard, j’ai suivi le parcours « Allende en alta mar », qui reconstitue le premier voyage de Christophe Colomb. Admirez cette première photo, où l’on voit la Vierge Marie au-dessus de la shahadda (profession de foi musulmane, prétendant qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah et que Muhammad est son messager), dans un bâtiment imitant l’Alhambra de Grenade :

Lors d’une mise en scène, la reine Isabelle la Catholique accepte de financer l’expédition du futur amiral, sous réserve que ce dernier s’engage à évangéliser les habitants des terres découvertes et à ce que ces derniers ne soient jamais traités injustement. Voici quelques clichés de la travesía :

Voici une photo du décor du spectacle nocturne :

Ce spectacle grandiose retrace l’histoire de Tolède et de l’Espagne, depuis le concile où les Wisigoths ont abandonné l’arrianisme pour embrasser la foi catholique jusqu’à la guerre civile (1936-1939). Cette dernière, qui est un sujet très sensible en Espagne encore aujourd’hui, est abordée de manière délicate, succincte et neutre. Les autres périodes historiques sont traitées avec une certaine objectivité et avec bienveillance, même si, à mon sens, l’accent est beaucoup mis sur le passé chrétien et finalement assez peu sur la période arabo-musulmane. 🕎✝️☪️ Quoi qu’il en soit, le spectacle est d’une grande qualité, comparable à ce que propose le Puy du Fou de Vendée. Je recommande vivement à toute personne qui passe à Tolède de consacrer une journée à ce parc et à ses spectacles magnifiques (dont une interprétation simultanée en français et en anglais est disponible sur l’appli). 🎆

Le lundi 12 août, Mickaël et moi avons pris le train pour Carthagène. Sur le chemin de la gare, j’ai photographié une dernière fois le centre historique de la ville des trois religions :

Arrivé à bon port bien avant Mickaël, j’ai pu discuter en portugais avec deux voyageurs brésiliens pendant une bonne demi-heure. Nous avons parlé, entre autres, des différentes expressions dialectales au sein de leur immense pays lusophone et des quiproquos qui peuvent en résulter, par exemple, entre les Cariocas et les habitants de Fortaleza. L’attente a aussi été agréable du fait de l’architecture travaillée de ce lieu imitant le style hispano-musulman. Honnêtement, avec celles de La Rochelle et de Porto, je classe la gare ferroviaire de Tolède dans le top 3 des plus belles estaciones de trenes que j’ai jamais visitées. 🥇🥈🥉 Voici quelques clichés dûment choisis :

Le trajet vers la région de Murcie s’est bien passé. J’ai notamment beaucoup discuté, dans le car entre Albacete et Cartagena, avec ma voisine, nommée Begoña. Nous avons surtout parlé politique et économie. Entre autres, elle m’a appris que les serveurs et serveuses des très nombreux bars espagnols sont très mal payés, à la limite de ce qu’autorise le droit du travail. 😥 D’où l’importance de laisser des pourboires, même si la meilleure solution serait bien évidemment d’augmenter les salaires.

Voici quelques clichés de la ville de Carthagène. Vous me direz que la région de Murcie n’est pas la Castille. Et bien, je vous répondrai qu’historiquement, si ! En effet, lors de la Reconquête chrétienne, ce sont les rois castillans qui ont (re)pris Murcia aux Maures. À l’époque des Rois catholiques ainsi qu’à l’avènement de Charles Quint sur les trônes hispaniques, ce territoire, de même que l’Andalousie, était rattaché à la Couronne de Castille et non à celle d’Aragon. 👑

Voici quelques clichés du centre-ville :

Le mardi 13 août, Mickaël et moi sommes allés nous baigner dans la Méditerranée. Voici quelques photos du port et du littoral :

Vers 16h30, j’ai visité le Musée national d’archéologie sous-marine. Avant d’attaquer les collections, le visiteur est invité à lire les explications sur les méthodes de fouilles sous les mers et leur évolution depuis le XVIIe siècle. 🤿 À titre personnel, j’ai planifié toutes ces visites de musées et de monuments historiques lors de mon voyage en Castille car, à l’heure où j’écris ces lignes, j’espère commencer un doctorat en civilisation hispanique en septembre 2025. 🏰 Le problème est que je n’ai pas encore défini le sujet et que je ne suis pas (encore) formé aux méthodologies utilisées par les historiens. Je profite donc de ce temps de préparation pour approfondir mes connaissances du passé si riche de l’Espagne. Au Puy du Fou, j’ai d’ailleurs acheté deux pavés sur des chapitres qui m’intéressent particulièrement : Al-Andalus et la découverte/conquête du Nouveau monde. 📚 Je prends aussi conseil auprès de docteurs (un certain nombre de mes bons amis le sont, dont Mickaël), notamment en ce qui concerne l’acquisition d’une méthodologie appropriée. N’étant pas historien de formation, il est certainement bien trop ambitieux de vouloir devenir chercheur en archéologie. ⚱ En revanche, m’initier à la paléographie constitue une piste intéressante, étant donné que je serai certainement amené à consulter des archives. 📜 Voici donc quelques clichés relatifs à l’introduction méthodologique et épistémologique du Musée national d’archéologie sous-marine :

La collection du musée comprend en grande partie des pièces d’archéologie trouvées au large des côtes de la Région de Murcie. 🌊 Si l’on a pu trouver des preuves que des homo sapiens sapiens naviguaient sur la Méditerranée dès la fin du paléolithique et le mésolithique, ce sont les Phéniciens qui, au VIIe siècle avant Jésus-Christ, ont permis l’essor du transport maritime dans cette partie du monde, bientôt suivis par certaines cités grecques. ⚱ Les colons sémites venus du Liban commerçaient avec les Ibères et autres peuples de la péninsule. Ils y trouvaient des métaux et certainement des esclaves ; ils y apportaient de l’ivoire et des objets raffinés, qui provenaient notamment d’Égypte. 🐘🪔 Lorsque les Assyriens ont conquis le Levant, les Phéniciens ont perdu leur indépendance et leur contrôle sur les routes commerciales, qui s’étendaient jusqu’au Portugal et jusqu’à la côte atlantique du Maroc. En revanche, l’une de leurs colonies a pris la relève : Carthage. C’est elle qui a fondé la ville de Cathagène après avoir perdu la première guerre punique (264 – 241 avant Jésus-Christ). Les conditions de reddition lui avaient fait payer à Rome un lourd tribut et la cité nord-africaine avait dû céder à la république du Latium certains territoires. 🍰 Cherchant à compenser ces pertes, les Carthaginois ont donc créé une place forte en Ibérie, soumis par la diplomatie ou par les armes les peuples autochtones et exploité les ressources naturelles de ces terres. ⚒ La péninsule Ibérique fut un champ de bataille majeur de la deuxième guerre punique (218 – 201 avant Jésus-Christ). Scipion (que l’on surnommerait plus tard « l’Africain ») parvint à faire tomber Carthagène. La terre qui deviendrait l’Hispanie fut conquise par les Romains, puis colonisée par des vétérans. 🦅 Cela explique que le latin s’y soit solidement implanté, jusqu’à évoluer vers l’espagnol contemporain.

Voici les pièces d’archéologie et les supports de méditation culturelle relatifs à l’Antiquité qui ont retenu mon attention :

Enfin, voici d’autres clichés (complètement en vrac) relatifs à la suite de l’histoire navale (donc médiévale, moderne et contemporaine), ainsi que sur les aspects institutionnels du musée et l’importance de protéger le patrimoine [historique et archéologique] sous-marin :

De retour près de l’auberge de jeunesse, j’ai visité avec Mickaël le musée de la muraille punique, dernier vestige d’un complexe défensif très développé pour l’époque. 🧱 En prenant Cathagène, les Romains sont parvenus à percer ce mur d’enceinte grâce à leurs machines de guerre. Malgré leur résistance héroïque, les Carthaginois ont fini par céder, notamment car, en plus de l’attaque par voie terrestre, les forces navales de la république ont pris par surprise les troupes puniques déjà bien occupées à tenter de repousser l’ennemi sur le chemin de ronde. ⚔ Néanmoins, lorsque la ville de Cartago Nova a été romanisée, les colons ont restauré les remparts, dont la qualité défensive était indéniable. 🛡 Voici un pêle-mêle de photos du dernier vestige de la muraille, des principaux supports de médiation culturelle, des objets trouvés lors des fouilles sur ce lieu (notamment des éléments numismatiques de différentes périodes), mais aussi du cimetière de la cofradía de san José, qui fut établi à cet endroit à l’époque moderne :

Lors de notre voyage avec Mickaël à travers la moitié sud de l’Espagne, nous avons rencontré, dans une auberge de jeunesse, un entrepreneur européen avec qui nous avons discuté en anglais. 📈 Nous l’appellerons Luigi. Il nous a dit qu’il venait de passer un certain nombre d’années en République populaire de Chine, dont la période de la COVID-19. 🧪 Il a récemment fermé la boutique, réglé toutes les taxes qu’il devait à cet État tout-puissant, puis s’est réfugié en UE tant qu’il pouvait encore s’échapper de la RPC. 🕊 En effet, il a clairement senti que les récents amendements de la constitution, la propagande, les politiques économiques et l’ensemble de la gouvernance annoncent très clairement une offensive à l’encontre de Taïwan à court ou moyen terme. 🪓 Luigi a également vécu à Singapour. D’après lui, cette cité-État n’est pas une démocratie, contrairement à ce que croient les Occidentaux. La communauté chinoise y représente la majorité de la population et la totalité des forces armées. 🛥✈ Or l’Allemagne leur a vendu récemment des sous-marins à la pointe de la technologie.

Le mercredi 14 août, nous avons pris le car en direction de l’Andalousie. 💃 Si vous souhaitez en savoir plus sur la suite du périple, cliquez ici.

Jean O’Creisren


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Que dit la Bible sur les questions migratoires ?

Il y a quelques jours, j’ai pris un verre avec une amie. C’est une personne que j’apprécie, avec qui je partage la foi catholique et de nombreuses valeurs, malgré de réelles divergences au niveau politique. Nous appellerons cette jeune femme « Camille ».

Attablé à cette terrasse, un jeune homme que nous appellerons « Argan » se restaurait tandis que je commandai un jus de tomate. La conversation a vite tourné vers les préoccupations de tous les Français en ce moment, à savoir les élections législatives. Sachant que j’allais susciter des réactions, j’ai avoué que j’avais voté pour le Nouveau Front Populaire au premier tour car, pour moi, l’écologie est une priorité. J’ai néanmoins rassuré mes interlocuteurs en expliquant je n’étais pas d’accord avec tout ce que dit l’union de la gauche, particulièrement en ce qui concerne les questions bioéthiques.

Argan m’a alors dit :

– Ne penses-tu pas qu’une véritable écologie reviendrait à renvoyer tous les Noirs en Afrique ?

– Pourquoi dis-tu cela ?

– Dieu l’a voulu ainsi.

– Ah bon ?

– Oui, dans la Bible, on parle de « races » et de « nations ». Dieu l’a voulu et chacun devrait rentrer chez soi.

– La Bible parle aussi de mouvements migratoires voulus et orchestrés par Dieu…

– Moi, je suis contre le métissage ! Dieu nous a voulus blancs, noirs, jaunes. Nos corps sont différents et, si nous nous hybridons, nos âmes seront des mélanges dégénérés. C’est une simple question de biologie. Ce que je te dis là est tout à fait catholique.

– Pas de mon point de vue, mais je ne vais pas m’avancer dans ces débats pseudo-scientifiques. Je vais juste te dire que j’ai donné des cours de français à des migrants pendant 3 ans par le biais d’une association. Là, une dame originaire de RDC m’avait fait remarquer que les multinationales occidentales exploitent les ressources minières d’un pays qui pourrait être la 8e puissance mondiale si elle y avait accès. Les Français, les Chinois et d’autres grandes puissances vendent des armes aux différentes ethnies de ces pays-là pour qu’elles s’entretuent, ce qui leur permet de piller leurs ressources. Ainsi, cette dame considère qu’il serait juste que la France, qui s’enrichit par ce vol, donne un visa et du travail d’emblée aux migrants congolais qui arrivent sur son sol.

– Dans ce cas, je veux bien qu’on fasse un échange : on part de chez eux avec nos moyens de production et ils reprennent leurs ressortissants. De toute façon, sans nous, ils seront dans la merde, car les Noirs ne sont pas assez intelligents pour s’organiser et exploiter eux-mêmes leurs ressources.

Voilà ce qu’est capable d’expliquer un militant d’extrême droite qui se dit catholique. Pour moi, ça n’a rien de chrétien. J’ai cru comprendre que cet énergumène qui se prétend membre de l’Église est en fait proche de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, qui, canoniquement, ne fait pas partie de l’Église catholique. Mais passons ces détails.

Quant à ce discours raciste, capillotracté et complètement incohérent, qu’a-t-il de catholique ? Si, heureusement, de nombreux électeurs du RN et de Reconquête ! (dont mon amie Camille) ne sont pas aussi extrémistes qu’Argan, peut-on se dire chrétien et tenir de tels propos ? Qu’enseigne réellement la Bible sur les questions migratoires ?

En tant que blogueur et écrivain catholique, j’ai mûrement réfléchi à la question, notamment en lisant Ce que dit la Bible sur l’étranger, du père Yves Saoût, bibliste et missionnaire au Cameroun pendant de nombreuses années. Sur le même sujet, vous pouvez lire, par exemple, l’entretien de Mgr Pontier paru dans La Vie. Pour ma part, je ne suis pas prêtre, mais j’ai lu la Bible en entier (dont le Nouveau Testament deux fois), je vais à la messe plusieurs fois par semaine et je lis les textes de la liturgie au quotidien. J’ai aussi beaucoup voyagé, je parle plusieurs langues et j’ai de très bons amis issus d’horizons sociaux, ethniques et religieux très divers.

Sur la base de mes lectures et de mes expériences, j’ai écrit le livre Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle. Je vous propose d’en lire un passage, où Jonaz, le personnage principal, débat avec des catholiques polonais d’extrême droite et démontre quelle est vraiment la vision chrétienne des questions migratoires :

Photo de Ahmed akacha sur Pexels.com

Jonaz discute avec ces Slaves très loyaux envers leur gouvernement. S’il ne partage pas toutes leurs idées, il est ravi d’en débattre sereinement, de manière constructive.

Pourquoi avez-vous refusé d’accueillir des réfugiés syriens en 2015 ?

Nous avons accepté d’accueillir les chrétiens, mais pas les musulmans. Notre pays sort d’un demi-siècle de communisme. Avant, notre élite intellectuelle avait été décimée par les nazis, qui avait aussi massacré nos concitoyens juifs, soit un tiers de notre population. Autrefois, nous étions l’un des rares endroits en Europe où les Israélites pouvaient vivre en paix. Depuis 1939, les totalitarismes ont cherché à tuer la Pologne, ses habitants et sa culture. Depuis la chute du rideau de fer, nous pouvons enfin nous reconstruire, et nous avons besoin de fermer nos frontières pour renforcer notre identité nationale et, peut-être, être capables de bien accueillir plus tard.

C’est vrai que je ne sais pas quoi dire. Je sais que votre peuple a beaucoup souffert et une telle souffrance invite à la compréhension et au respect. Mais en France, il me paraît normal d’accueillir les migrants. Nous sommes le pays des droits de l’homme, et nous avons aussi une dette envers les Africains. Nous pillons leurs ressources naturelles tout en créant chez eux des conflits interethniques par la vente d’armes. Par exemple, la République démocratique du Congo dispose d’un sous-sol extrêmement riche en or et en diamants. Ce pays pourrait être l’une des premières puissances mondiales, mais nous volons ses richesses en le livrant aux massacres. Une demandeuse d’asile congolaise m’a un jour dit qu’étant donné ces pillages, la France devrait compenser en donnant d’office un visa et du travail dans l’Hexagone à tous les Congolais qui veulent s’y installer.

C’est sûr : la France a une dette envers ces peuples. Mais pas la Pologne. Nous ne volons aucun pays en développement et nous ne leur devons rien. Nous fermons la frontière aux ressortissants de ces nations, mais nous sommes prêts à leur envoyer de l’argent pour les aider à rester chez eux. Sais-tu que beaucoup de Polonais sont en faveur de l’indépendance du Kurdistan ?

Ah bon ?

Eh oui, car le peuple kurde vit ce que nous vivions au XIXe siècle. Aujourd’hui, il ne dispose pas de son propre État, mais reste divisé entre l’Iraq, la Syrie, l’Iran et la Turquie. De même, notre pays était écartelé entre l’Autriche-Hongrie, la Russie et la Prusse. C’est pourquoi nous nous sentons proches d’eux.

Eh bien, tu m’apprends quelque chose !

Mais avec l’immigration, la France prend un mauvais chemin. Je prédis qu’à terme, une guerre civile éclatera chez vous !

Ça fait au moins vingt ans que les militants d’extrême-droite me prédisent cette guerre civile imminente. Je l’attends toujours ! J’ai vécu plusieurs années dans des cités, mon meilleur ami est arabo-musulman, et je peux t’assurer que le vivre-ensemble est non seulement possible, mais bien réel.

As-tu lu Le camp des saints, de Jean Raspail ? C’était un Français très visionnaire sur cette question. Il n’était pas croyant, mais il avait un grand respect pour la foi et la tradition catholiques…

Voilà un discours qui m’énerve : ce sont souvent les non chrétiens, quelles que soient leurs convictions, qui disent que nous devons voter comme eux ! J’ai déjà entendu des gens athées dire : « Pour moi, un chrétien cohérent doit voter à gauche », « Pour moi, tout catholique devrait être royaliste », « Jésus était le premier communiste » ou encore « Ça existe, les chrétiens de gauche ? Moi, je ne suis pas chrétien, mais quitte à l’être, autant voter à droite ! » Dieu n’est ni de droite ni de gauche ! L’Église n’est pas un parti politique ! Elle donne juste des orientations pour éclairer notre conscience politique. Si elle appelle à protéger la vie de sa conception à son terme naturel, si elle est proche des chrétiens persécutés, si elle défend la famille, le travail, le principe de subsidiarité et la propriété privée, elle appelle aussi à donner la priorité aux plus pauvres, à protéger l’environnement, à redistribuer équitablement les richesses, à dialoguer avec les autres religions, à accueillir les étrangers et elle condamne fermement le racisme ainsi que toute sorte de discrimination.

On peut vouloir contrôler l’immigration sans être raciste…

Bien sûr que tous les militants d’extrême droite ne sont pas nazis. Bien sûr que certains défendent leurs idées tout en respectant les personnes différentes d’eux qui croisent leur chemin. Et heureusement, d’ailleurs ! Mais, de mon point de vue, ce discours alarmiste sur les flux migratoires n’a rien de chrétien, et je vais te le prouver. Du début à la fin de la Bible, l’immigration est promue. Au jardin d’Eden, Dieu crée l’homme et la femme, puis leur dit : « remplissez la terre et soumettez-la »[1]. Après le déluge, Dieu réitère sa demande auprès des fils de Noé : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. »[2]

Justement, coupe Jan Marian, dans ce passage, il est dit que Sem, Cham et Japhet ont peuplé trois parties différentes du monde. Ainsi, Dieu dit clairement qu’il a voulu que les Blancs restent en Europe, les Jaunes en Asie et les Noirs en Afrique.

Écoute bien la suite, et tu verras que cette théorie ne tient pas debout ! En interprétant à sa manière un passage isolé de la Bible, on peut lui faire dire n’importe quoi. L’histoire sainte ne s’arrête pas avec Noé ! Plus tard, Abraham quitte son pays à la demande du Seigneur pour s’installer en Canaan. Puis son petit-fils, Jacob, vient s’installer avec sa famille en Égypte. Après y avoir été traités comme des esclaves, les Hébreux émigrent à nouveau vers la Terre promise. Dans la Loi que leur transmet Moïse de la part de l’Éternel, il leur est clairement dit d’accueillir correctement les immigrés, car eux-mêmes ont été des immigrés en Égypte. L’arrière-grand-mère du roi David était d’ailleurs une étrangère nommée Ruth. Le roi Salomon vit une histoire d’amour avec la reine de Saba, une Éthiopienne à la peau noire. La suite de l’Ancien testament parle d’échanges pacifiques ou guerriers avec d’autres nations. Avec l’exil à Babylone, le peuple juif fonde des communautés dans de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Tout cela est voulu par Dieu. Dans le Nouveau testament, l’Enfant Jésus doit fuir en Égypte pour échapper à la persécution d’Hérode. La Sainte Famille se compose donc de trois réfugiés politiques. Lors de sa vie publique, le Christ ne fait aucune différence entre les Juifs et les autres. Il traverse la Samarie et quelques terres païennes, il s’émeut de la foi d’un centurion romain et d’une femme syro-cananéenne. Après sa mort et sa résurrection, les apôtres émigrent pour annoncer la Bonne Nouvelle. Ils évangélisent de l’Espagne à l’Inde. Pour ce faire, ils s’appuient sur la Diaspora juive disséminée dans tout le monde connu. Si ton peuple et le mien connaissent le nom de Jésus, c’est grâce à ces mouvements migratoires. Enfin, l’Apocalypse mentionne la migration finale des vivants et des morts vers la Jérusalem céleste. Je ne suis pas hostile à l’idée de patrie et de nation ici-bas. Je me considère même comme patriote. Néanmoins, ces concepts s’évanouiront le jour où tous les humains n’auront plus qu’une seule patrie : le Royaume de Dieu.

Jean O’Creisren (2023)
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Saint Ouen, Les Éditions du Net, chapitre 3.


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L’ingérence et la corruption dans l’histoire politique de l’isthme de Panama (1501-1941)

Entre l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, l’isthme de Panama est un territoire à l’histoire passionnante. Depuis sa découverte par les Espagnols au début du XVIe siècle, cette fine bande de terre interocéanique a toujours été convoitée tant pour sa position stratégique que pour ses richesses. Il n’est donc pas étonnant que son histoire politique soit jalonnée d’épisodes d’ingérence et minée par la corruption… À l’heure où la République du Panama élit son nouveau président et doit relever des défis de taille, intéressons-nous à son passé captivant ! 😀

Au Panama se trouve la plus grande mine de cuivre d’Amérique centrale, qui génère près de 4 % du PIB et 65 % des recettes des exportations. Elle est exploitée par le consortium canadien First Quantum Minerals. Le 20 octobre 2023, le contrat entre celle-ci et l’État panaméen a été adopté pour 20 ans renouvelables. Des manifestations ont commencé à partir de cette date. Des associations écologistes, des corps de métiers, des syndicats, des groupes amérindiens et des étudiants, entre autres, ont exigé l’annulation de cet accord. Ils ont dénoncé la corruption y ont voulu protéger les ressources naturelles. Ils ont également considéré que cette mesure ne respecte pas la souveraineté nationale, estimant que l’exploitation de cette mine est un vol envers le peuple panaméen. Afin de mieux comprendre les racines de ce conflit, nous pouvons nous pencher sur l’histoire de l’Isthme

Avant d’approfondir ce sujet, il convient de définir les concepts clés. D’après le Larousse (version numérique disponible sur ce lien), l’ingérence est, entre autres, l’« intervention d’un État dans la politique intérieure d’un autre État. » Dans cet article, nous nous baserons sur la définition retenue par le droit international, à savoir le fait qu’un État ou une organisation internationale intervienne dans la politique intérieure d’un État souverain sans l’accord de ce dernier (vous trouverez une définition plus complète de ce concept sur le site Internet de l’ENS de Lyon). Nous pouvons considérer comme la personnalité morale d’un État souverain soit la majorité de ses citoyens soit ses dirigeants, en principe élus démocratiquement par le peuple. Concernant la corruption, le Dictionnaire de l’Académie française définit, entre autres, ce concept emprunté du latin classique corruptio (« altération », « séduction ») de la manière suivante : « Le fait de détourner une personne de son devoir, de la soudoyer, de la suborner. User de corruption pour parvenir à ses fins. Recourir sans scrupule à la corruption. DROIT. Corruption active de fonctionnaire, délit consistant à solliciter d’un fonctionnaire un acte contraire à son devoir, en faisant appel à ses intérêts propres. Corruption électorale, pratique consistant à acheter les suffrages lors d’une consultation électorale. La corruption électorale est punie de la privation des droits civiques. Corruption passive, le fait de se laisser détourner de son devoir par de l’argent ou tout autre moyen de subornation. Le trésorier de cette association a été soupçonné de corruption passive. »

Compte tenu des éléments ci-avant, nous pouvons nous demander : Quels rôles jouèrent l’ingérence, d’autres types d’influence étrangère légitime et illégitime, ainsi que la corruption et les autres formes de manipulation de la part d’acteurs extérieurs, dans l’histoire politique de l’Isthme de Panama depuis l’ère coloniale jusqu’au milieu du XXe siècle ?

Pour répondre à cette question, nous suivrons le cours de l’histoire de cette région, en commençant par la phase qui s’étend de la conquête espagnole au projet de canal français (1501-1868). Nous nous intéresserons ensuite au rôle de l’influence étrangère dans la construction du canal et l’indépendance du Panama (1879-1914). Pour finir, nous terminerons notre étude chronologique en considérant ce qui se produisit entre la fin des travaux du canal de Panama et la Seconde Guerre mondiale (1914-1941).

  1. De la conquête espagnole au projet de canal français (1501-1868)

Entre deux océans et deux sous-continents, l’isthme de Panama est situé dans un lieu stratégique et naturellement ouvert à l’influence de plusieurs peuples. Nous verrons que cela est déjà documenté bien avant avant le projet de canal interocéanique.

D’après ce que savent les historiens, nous pouvons affirmer avec certitude que le début de l’ingérence sur le territoire de l’isthme de Panama remonte à 1501, quand les Européens mirent pour la première fois le pied sur cette terre. Christophe Colomb visita lui-même ces contrées lors de son quatrième voyage en 1502 et écrit au roi Ferdinand le Catholique qu’il s’agissait des terres les plus fertiles du monde. Ce fut alors que les Espagnols s’y installèrent ; ils y furent immédiatement harcelés par les autochtones. Vasco Núñez de Balboa leur imposa son autorité et se lia d’amitié avec quelques puissants chefs tribaux. Ces derniers lui révélèrent l’existence d’une autre mer, au bord de laquelle prospéraient des royaumes très riches en or. En 1513, l’expédition dirigée par le conquistador atteignit l’océan Pacifique, où les Amérindiens lui confirmèrent l’existence d’un grand empire au midi, c’est-à-dire l’Empire inca. Ainsi, la ville de Panamá la Vieja fut construite, servant de base pour conquérir l’Amérique du Sud.

Pendant l’époque coloniale, les Espagnols durent faire face à l’ingérence d’autres puissances européennes ainsi qu’aux pirates des Caraïbes. En effet, Portobelo était la ville dans laquelle étaient entreposés les trésors provenant des colonies méridionales. Le célèbre corsaire Francis Drake essaya de prendre la région pour y établir une base anglaise dans les Caraïbes et mettre en échec l’empire colonial espagnol. Il fut vaincu et mourut en 1596 face à Portobelo. Cette ville fut également attaquée par le pirate Morgan, qui incendia ensuite Panamá la Vieja, dont il ne reste aujourd’hui que des décombres. En 1663, la ville actuelle fut établie sur un lieu plus facilement défendable. Plus tard, des Écossais fondèrent des colonies dans le Darién, avec l’intention de relier par un chemin les deux océans. Après des conflits avec les Espagnols, la paix fut signée en 1700, puis les Britanniques abandonnèrent ce projet. Le XVIIIe siècle marqua le début du déclin de l’empire colonial espagnol en Amérique. À cette époque, la zone de l’isthme dut faire face aux attaques constantes des pirates des Caraïbes, ainsi qu’aux conflits contre les Amérindiens du Nicaragua et du Darién, qui détruisirent de nombreux villages. En 1746, les Anglais portèrent le coup de grâce à Portobelo. Les Espagnols arrêtèrent donc d’y entreposer des richesses. Les familles aisées avaient déjà commencé à déserter la bande de terre, qui commença à péricliter.

Par conséquent, le Panama commença le XIXe siècle sous l’aspect d’une petite province oubliée d’un empire en pleine décadence. Les révolutions américaine et française constituèrent d’autres influences étrangères, qui diffusèrent des idées indépendantistes sur le continent. Profitant de l’affaiblissement de couronne espagnole du fait de l’invasion napoléonienne, Simón Bolívar prit la tête de la révolte dans la zone qui englobait notamment le territoire qui nous intéresse. Il vainquit les armées royales lors de la bataille décisive de Boyacá (actuelle Colombie) le 7 août 1819. L’isthme de Panama quitta donc la domination de la métropole pour être rattaché au nouvel État de Grande Colombie. Autour de l’an 1835, les États-Unis manifestèrent pour la première fois un certain intérêt pour cette région. En effet, ils avaient déjà acheté la Louisiane aux Français, s’ouvrant ainsi un accès à la mer des Caraïbes. Le territoire de l’Isthme est une bande de terre très fine, qui permet de passer facilement d’un océan à l’autre. Or, en 1848, commença ce qu’on appelle la « ruée vers l’or ». Des mines étaient exploitées en Californie et le Panama était la route la plus sûre pour que les minerais fussent transportés jusqu’à la côte orientale des États-Unis. En effet, le Middle West était marqué par les conflits avec les Indiens ; ces peuples massacrés et affamés volontairement par les étasuniens ne perdaient aucune occasion de prendre en embuscade les diligences et les trains chargés de marchandises et de matières premières de valeur. De ce fait, l’or transitait par le Panama. Les navires étaient déchargés sur la côte Pacifique, puis la cargaison était transportée en canoë le long du fleuve Chagres. Enfin, elle était acheminée à dos d’âne jusqu’à la mer des Caraïbes. Le président américain Andrew Jackson (1829-1837) avait déjà en tête l’idée d’un canal interocéanique. Dans les années 1850, un traité fut signé entre les États-Unis et la Colombie afin d’utiliser l’isthme en tant que route commerciale. En 1855 fut inaugurée la ligne ferroviaire qui marqua la fondation de la compagnie des chemins de fer du Panama. La ville de Colón fut construite à cette époque, en tant que terminal de cette liaison sur la côte atlantique, mais aussi afin d’assumer la fonction de port pour des grands navires à vapeur. Après l’inauguration de cette ligne, l’isthme était constamment traversé par des milliers de personnes.

En somme, bien avant le projet français de canal interocéanique, le Panama était considéré par tous comme une zone stratégique et riche en ressources. C’est pour cela que toutes les puissances militaires et économiques de la région convoitaient cette bande de terre. Entre le XVIe et le milieu du XIXe siècle, les uns et les autres essayaient de la conquérir par les armes. Nous verrons qu’à l’époque contemporaine, d’autres moyens furent utilisés pour s’approprier ce lieu désiré par tant de monde…

Quelle est l’histoire de la construction du canal de Panama ?

II. La construction du canal et l’indépendance du Panama (1869-1914)

Le grand tournant dans l’histoire de l’isthme fut indubitablement la construction du canal, qui conduisit à l’indépendance de la République du Panama. Quel fut le rôle de certaines puissances étrangères dans le déroulement de ces événements ? Quelles armes utilisèrent-elles pour que tout se produisît selon leur volonté dans cette bande de terre si convoitée ?

En 1869, le commandant étasunien Thomas Oliver Selfridge dirigea une expédition à travers l’isthme afin de vérifier la faisabilité d’un canal interocéanique à cet endroit. Presque tous ses hommes moururent d’une fièvre mystérieuse. Par conséquent, les États-Unis apportèrent leur soutien à un autre projet, au Nicaragua. De son côté, le célèbre diplomate français Ferdinand de Lesseps envoya sur les mêmes lieux l’ingénieur Lucien Napoléon Bonaparte-Wyse, qui ambitionnait de marquer l’histoire, comme con grand-oncle Napoléon Ier. De façon similaire, les hommes tombèrent les uns après les autres. L’explorateur avança donc à marche forcée pour atteindre la côte pacifique avant d’être touché par la fièvre en question. Après y être parvenu, il prépara rapidement un contrat avec le gouvernement colombien afin de construire un canal à travers l’isthme. Le comte de Lesseps soutint ce projet, cachant la réalité tragique de l’expédition de Wyse. En mai 1879, une réunion fut convoquée, rassemblant les meilleurs ingénieurs du monde, afin qu’ils décidassent quel projet choisir entre les deux canaux, à savoir le nicaraguayen et le panaméen. Thomas Oliver Selfridge et Ferninand de Lesseps se faisaient face. Ce dernier sut vendre du rêve et proposa un canal à niveau, comme il l’avait fait avec prestige à Suez. Il ne parla pas de la mystérieuse fièvre et partait gagnant car la plupart de des votants étaient français. Son projet fut approuvé avec une très faible majorité. Le gouvernement français ne lui apporta pas son soutien. La société chargée de la construction du canal chercha des fonds privés, acheta la presse et attira des actionnaires en diffusant l’idée que le Panamá était synonyme de « progrès ». En 1881, les travaux commencèrent sous la direction d’Henri Bionne. Des milliers d’ouvriers arrivèrent sur les lieux, originaires pour la plupart de Jamaïque ou de la Nouvelle-Orléans. Finalement, la fièvre jaune et le paludisme tuèrent des milliers d’ouvriers et d’ingénieurs. En 1882, un tremblement de terre causa la mort de plusieurs travailleurs et détruisit de nombreuses infrastructures. Les travaux n’avançaient pas aussi vite que prévu et les ouvriers, qui voyaient mourir leurs camarades, étaient démoralisés. En France, l’opinion publique et les actionnaires commencèrent à perdre confiance. Après la mort de Bionne et le départ de Jules Dingler, qui avait perdu toute sa famille à cause de la fièvre jaune, Lesseps nomma Philippe Bunau-Varilla à la tête du chantier. À la suite d’un cyclone aux conséquences tragiques (50 employés y trouvèrent la mort et la société y enregistra de nombreux dommages matériels), le jeune ingénieur en chef déclara au comte qu’il fallait abandonner l’idée d’un canal à niveau pour en réaliser un fonctionnant à l’aide d’écluses. Lesseps convoqua plusieurs ingénieurs (dont Gustave Eiffel) afin de concevoir ce nouveau projet, mais il était déjà trop tard. Las actions de la société chutèrent sans cesse et, après une tentative de financement au moyen d’une loterie frauduleuse, la faillite se produisit sans attendre. Beaucoup d’investisseurs, dont un grand nombre étaient de condition modeste, perdirent tout leur avoir, ce qui provoqua une crise économique en France. Ferdinand et Charles de Lesseps y furent jugés pour malversation. Il fut prouvé que des législateurs avaient reçu des pots-de-vin pour que le parlement autorisât la loterie. La France avait tenté d’influer sur l’histoire de l’Isthme à l’aide de nouvelles armes, à savoir l’argent et la corruption. Cela devait se solder par un échec aux conséquences dramatiques. Toutefois, le projet allait se poursuivre à travers une autre puissance étrangère qui sut utiliser à sa manière des ressources financières et stratégiques.

En 1889, la faillite de la société française ruina de nombreux Français, mais l’un d’entre eux voulut récupérer sa mise : le dernier ingénieur en chef du projet, Philippe Bunau-Varilla. Ce dernier se mit en relation avec Theodore Roosevelt, élu président des États-Unis en 1901, qui voulait transformer son pays en une puissance mondiale et avait pour projet de contrôler les deux océans. Le Sénat étasunien soutenait l’idée d’un canal interocéanique passant par le Nicaragua, mais le président apprit que la société française en liquidation voulait céder pour 40 millions de dollars (soit environ 1 000 000 000 $ en valeur actuelle), 12 000 hectares de propriété foncière, le chemin de fer, du patrimoine immobilier (hôpitaux, bureaux et logements pour les salariés), ainsi qu’une immense quantité de machines (pelleteuses, grues, locomotives, wagons, etc.). Bunau-Varilla essaya de corrompre un membre clé du Sénat, chef de file des soutiens au canal nicaraguayen, mais sans succès. Quelques jours avant le vote, une éruption explosive dévasta la Martinique. En ce triste jour de 1902, le Mont Pelée fit disparaître environ 30 000 personnes et la panique des volcans s’étendit à toute la région. Le Français profita de cet événement tragique pour envoyer à chaque sénateur une lettre avec un timbre du Nicaragua, sur lequel apparaissait l’image d’un volcan. Dans ces missives, il expliqua qu’un ne pouvait pas construire un canal dans des lieux foisonnant de volcans. Par conséquent, le Sénat des États-Unis d’Amérique approuva, avec une très faible majorité, l’achat du chantier au Panama. Néanmoins, pour pouvoir opérer à cet endroit, il fallait bénéficier de l’accord de Bogotá. John Hay, qui était à cette époque secrétaire d’État de la puissance montante du continent américain, commença à dialoguer avec le gouvernement colombien, qui devait alors faire face à la guerre des Mille Jours. Le conflit entre conservateurs et libéraux s’avéra particulièrement violent au sein de l’isthme. Pour Roosevelt, il était impossible de commencer les travaux sans sécuriser la zone au préalable. Il y envoya donc des troupes. Ce débarquement, effectué sans avoir demandé au préalable l’autorisation du gouvernement conservateur, fut considérée comme une ingérence. De ce fait, la situation se tendit énormément entre les deux pays. Après le retrait des troupes américaines, la Colombie refusait toute négociation.

L’isthme de Panama était toujours une province très isolée du reste de la Colombie. À l’extrémité orientale de cette zone, la région appelée « le bouchon du Darién » est une forêt tropicale épaisse et dangereuse qui a toujours empêché le passage à pied de l’Amérique centrale à l’Amérique du Sud. À cette époque, la seule manière de se déplacer du territoire de l’actuel Panama à Bogotá était un trajet en bateau jusqu’à Cartagena, puis un voyage à dos de mule jusqu’à la capitale. Ce périple durait deux semaines. Au sein de l’isthme, beaucoup de personnes souffraient de la pauvreté et de la faim, manquant également de médicaments. Le projet de canal constituait une aubaine pour que la région sortît la tête de l’eau. Après la faillite de la compagnie française, le traité Herrán-Hay incarnait un nouvel espoir. Ce dernier s’évanouit quand le Sénat colombien s’opposa à ce texte juridique, qui avantageait beaucoup la puissance étrangère qui venait de faire preuve d’ingérence sur son territoire national. Il octroyait aux États-Unis des droits souverains pendant 100 ans sur une bande de terre de 6 milles à travers l’isthme. Par conséquent, le traité fut rejeté avec une large majorité. Dans la province reculée, cette nouvelle déception était inacceptable. Le médecin Manuel Amador Guerrero, que travaillait à l’hôpital du chemin de fer, voulut offrir un meilleur accès à la santé à la population locale. Il s’associa à José Agustín Arango, un avocat de la même compagnie fondée par les États-Unis. En collaboration avec d’autres cadres, ils organisèrent dans la clandestinité un mouvement révolutionnaire visant l’indépendance de l’isthme de Panama. Pour parvenir à leurs fins, ils avaient besoin du soutien de Washington, en contrepartie d’un permis de construire pour le canal interocéanique. En octobre 1903, le Dr Amador Guerrero partit aux États-Unis, où il prit contact avec le seul homme qui à la fois connaissait le Panama et pouvait lui ouvrir les portes de la Maison Blanche : Philippe Bunau-Varilla. Ils se réunirent pendant 15 jours dans la chambre 1162 de l’hôtel Waldorf Astoria. En bonne posture pour négocier, le Français imposa beaucoup de conditions au Panaméen. Entre autres, il exigea d’être nommé ambassadeur plénipotentiaire du Panama une fois l’indépendance proclamée. L’ingénieur français avait les contacts à Washington et parlait anglais, ce que peu de Panaméens pouvaient faire à cette époque. Le médecin n’eut pas d’autre choix que d’accepter et retourna vers l’isthme avec le soutien de la puissance américaine, mais aussi une liste de conditions, dont beaucoup furent rejetées par les autres cadres du mouvement. Le 2 novembre, un cuirassé étasunien se présenta face à la côte de Colón en même temps qu’un navire de guerre colombien venu écraser la rébellion. María Ossa de Amador, l’épouse de Manuel Amador Guerrero, imagina un stratagème pour séquestrer les officiers des troupes colombiennes. Les 500 hommes restèrent donc sous le commandement du colonel Torres et sans protection entre les insurgés et les marins américains. Les cadres du mouvement séparatiste corrompirent le colonel avec une quantité d’or d’une valeur de 8 000 $. Torres accepta leur proposition et la révolution triompha sans qu’une seule goutte de sang ne fût versée. Après la lutte sanglante entre libéraux et conservateurs, Arango et Amador Guerrero avaient conclu des alliances avec les figures importantes des deux camps sur le territoire de l’Isthme. Le drapeau du Panama symbolise cette union à travers les couleurs bleue et rouge, associées au blanc, qui représente la paix. Les jours suivants, plusieurs navires de guerre étasuniens arrivèrent sur les côtes de l’isthme afin d’en garantir l’indépendance et la sécurité. Bunau-Varilla, à qui était donc réservé le poste d’ambassadeur plénipotentiaire du Panama auprès des États-Unis, méprisa les directives du nouveau gouvernement panaméen et négocia avec Hay, avant l’arrivée des délégués, un traité qui n’était pas à l’avantage de la jeune république. Entre autres, il céda une zone de 10 milles de large sur laquelle Washington disposerait de droits souverains. L’ingénieur français leur accorda ces avantages de manière perpétuelle au nom du peuple panaméen. Furieuse, la délégation envoyée par le gouvernement panaméen exigea un amendement de la convention, mais Bunau-Varilla leur mentit, prétendant que Roosevelt était disposé à abandonner la jeune république ainsi qu’à négocier directement avec la Colombie. Par conséquent, le gouvernement provisoire finit par remettre ledit traité dûment ratifié au consul des États-Unis, si bien que les travaux purent commencer.

La priorité du projet de canal mené par Washington était d’empêcher une nouvelle hécatombe. L’excellent ingénieur John Frank Stevens fut nommé à la tête du chantier. Il fit confiance au Dr William Crawford Gorgas, qui avait compris que les vecteurs de la fièvre jaune et de la malaria étaient les moustiques. Une grande campagne de fumigation fut donc mise en œuvre afin de tuer les insectes. L’on plaça des moustiquaires dans les maisons, les rues des villes de Panama et de Colón furent pavées, l’on canalisa toutes les eaux et les deux premières stations de potabilisation furent construites. Toutes ces mesures donnèrent lieu à une efficacité inattendue. Les travaux purent se poursuivre et s’achevèrent en 1914. Du fait de la Première Guerre mondiale, le canal fut inauguré plus tard, en 1920.

En définitive, la construction du canal et l’indépendance de la jeune république se concrétisèrent à travers l’intervention de puissances étrangères qui n’hésitèrent pas à manipuler, à mentir et à corrompre pour que ces projets débouchassent sur un résultat à leur avantage. Bien que la population panaméenne ne parvînt pas à obtenir une juste rétribution, les Français et les Américains leur offrirent des infrastructures et des conditions sanitaires qui améliorèrent un peu leur situation.

Photo de Michael D. Camphin sur Pexels.com

III. De la fin des travaux pour la construction du canal à la Seconde Guerre mondiale (1914-1941)

Toutefois, avec les dispositions prévues au titre du Traité Hay-Bunau-Varilla, l’isthme de Panama ne pouvait pas sortir de la pauvreté. Voyons comment, du début au milieu du XXe siècle, l’histoire politique du nouvel État souverain resta un conflit d’intérêts, entre négociations, ingérence, usage de la force, corruption et coups d’État.

La constitution de la jeune République du Panama permettait aux États-Unis d’intervenir militairement sur son territoire national. Cet article fut ratifié à la suite de débats entre conservateurs et libéraux afin de garantir la sécurité intérieure du pays. En effet, son application permit d’empêcher une tentative de coup d’État au début du siècle. Après la fin des travaux du canal en 1914, des altercations se produisirent entre des soldats américains et certains éléments des forces de l’ordre panaméennes. Le gouvernement des États-Unis demanda donc au président libéral Belisario Porras Barahona de désarmer la police. Porras protesta, mais Washington l’obligea à prendre cette mesure humiliante. En 1916, le président Valdés fut élu. Il mourut en 1918. Son premier adjoint, le Dr Ciro Luis Urriola Garrés, se vit confier le pouvoir et reporta plusieurs fois les élections. Toute la classe politique protesta et les soldats américains le déposèrent. En 1921, l’armée costaricienne envahit la République du Panama à cause d’un différend territorial concernant une région frontalière revendiquée par les deux pays depuis le XIXe siècle. Lors de la guerre dite du Coto, les Panaméens étaient convaincus de pouvoir compter sur le soutien des États-Unis, qui s’étaient engagés à défendre leur intégrité territoriale. Pourtant, non seulement ils ne les aidèrent pas, mais ils leur demandèrent de se soumettre à la décision de la Cour Suprême du géant américain, qui donnait raison au Costa Rica. Le président Warren G. Harding envoya même une flotte de guerre au Panama afin que cet État retire ses troupes de la zone disputée. Mécontents, les Panaméens voulurent renégocier les contrats du canal, par l’intermédiaire du diplomate Ricardo Joaquín Alfaro. À la suite de l’élection du candidat libéral Rodolfo Chiari en 1924, les Indiens emberá se révoltèrent, incités par un citoyen étasunien. Après de longues négociations, ils finirent par déposer les armes. En octobre 1925, des émeutes se produisirent du fait de l’augmentation des loyers. Le gouvernement panaméen demanda aux États-Unis d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre. Le 28 juillet 1926, Panama signa avec Washington le Traité Alfaro-Kellogg. Un nouveau groupe nationaliste appelé Acción Comunal protesta contre cette convention, considérant qu’elle cédait la souveraineté nationale aux forces armées des États-Unis. Par conséquent, ce nouvel accord ne fut jamais appliqué. En somme, les prérogatives militaires dont disposaient les États-Unis au Panama en vertu de la constitution de cette jeune république leur permit plusieurs fois de garantir l’ordre et la démocratie au sein de l’isthme. Néanmoins, à d’autres moments, ils utilisèrent ces droits d’une manière qui peut être considérée comme une forme d’ingérence.

Comme nous l’avons vu ci-avant, la population de la bande de terre interocéanique prit son indépendance et approuva le projet de canal pour sortir de la pauvreté. En 1928, le nouveau président Florencio Harmodio Arosemena (Parti libéral réformé) présenta un plan de développement ambitieux, mais la dépression économique des années 1930 obligea le gouvernement à modifier presque tous ses projets. Acción Comunal échafaudait des plans pour le renverser. Ce groupe se composait de militants nationalistes et de professionnels mécontents de la direction que prenait la politique nationale.  Au cours de la nuit du 31 décembre 1930 au 1er janvier 1931, Arnulfo Arias, membre de l’organisation et gendre d’un ami intime du président, enivra les soldats de la garde présidentielle, puis attaqua la résidence du chef de l’État. Acción Comunal prit le contrôle de la ville de Panama et l’ambassadeur des États-Unis convainquit Arosemena de démissionner. Ce dernier signa son dernier décret en nommant ministre Harmodio Arias Madrid (frère d’Arnulfo Arias). Les instances compétentes désignèrent Ricardo Joaquín Alfaro comme président jusqu’à la fin du mandat. Cet événement marqua un tournant dans l’histoire politique du Panama, puisque la lutte nationaliste voulait mettre fin à l’ingérence étasunienne, contrôler le canal et éradiquer la pauvreté du territoire de l’isthme. Arias Madrid bénéficia du soutien du gouvernement lors des élections de 1932 et fut élu président. Il renégocia les traités avec son homologue Franklin D. Roosevelt. Voici la traduction d’un paragraphe extrait du journal La Estrella de Panamá et relatif au traité Arias-Roosevelt :

« Dans ce traité, la redevance annuelle était revalorisée et s’élevait désormais à 430 000 balboas. En outre, des mesures furent mises en œuvre pour contrôler la contrebande de biens dans la zone du canal, une activité illégale qui portait préjudice à l’économie panaméenne. Concernant les terres contrôlées par les États-Unis, la convention limitait l’expropriation de biens fonciers, mais ne prévoyait aucune restitution. Enfin, cet accord engageait le Panama en tant qu’allié militaire du géant américain. »

Le mandat d’Harmodio Arias Madrid se poursuivit jusqu’en 1936. Lorsqu’éclata la Seconde Guerre Mondiale, son frère Arnulfo présidait la République du Panama. En tant que nationaliste, le nouveau chef de l’exécutif admirait les régimes de l’Axe et refusa d’aider la marine américaine quand les États-Unis s’engagèrent dans le conflit. Un officier de police nommé Ricardo Adolfo de la Guardia dirigea un coup d’État orchestré par la puissance occidentale montante. Dès lors, la police allait jouer un rôle important au niveau de la politique nationale. Peut-on considérer cette intervention américaine comme un cas d’ingérence légitime du point de vue géopolitique ? Avant de la définir de la sorte, il convient d’interroger la légitimité du gouvernement d’Arias, qui avait accédé à la présidence par la force, étant donné que ses militants avaient poussé Alfaro à la démission par la violence. En octobre 1941, Ricardo Adolfo de la Guardia honora les requêtes des États-Unis et leur permit d’armer des navires marchands. Cela fut un autre exemple de l’influence étrangère (et principalement américaine) dans l’histoire politique du Panama, du commencement à nos jours.

Pour conclure ce que nous pouvons raisonnablement avancer sur cette période historique, les avantages que les textes juridiques octroyaient aux États-Unis en matière d’accès à la politique intérieure de la République du Panama leur permirent d’intervenir par la force à plusieurs reprises, parfois au bénéfice des intérêts du peuple panaméen. Dans d’autres cas, leur action pouvait clairement être qualifiée d’ingérence. Quoi qu’il en fût, la plus grande résistance à laquelle dut faire face la puissance nord-américaine fut le parti nationaliste Acción Comunal, qui s’appuyait sur le mécontentement d’une population peinant à sortir de la pauvreté car elle ne bénéficiait pas des recettes occasionnées par l’exploitation du canal. Grâce aux négociations menées par plusieurs politiciens, la République du Panama parvint à défendre ses intérêts légitimes et obtint la résiliation d’un contrat que John Hay lui-même avait considéré comme inégalitaire en son temps.

Photo de Benjamin Achrainer sur Pexels.com

En définitive, depuis l’époque coloniale, l’isthme de Panama a toujours été une terre convoitée tant pour ses richesses que pour sa position stratégique. C’est pourquoi les Espagnols durent se battre contre les pirates et les Britanniques, puis les Colombiens furent expulsés de la région par les Américains après que les Français eussent échoué dans le premier projet de construction d’un canal interocéanique. Après l’indépendance, les États-Unis n’hésitèrent ni à faire preuve d’ingérence ni à jouer la carte de la corruption pour parvenir à leurs fins, comme l’avaient fait d’autres puissances à d’autres moments de l’histoire. Comme le monde entier transite par cette zone, l’isthme de Panama est depuis longtemps ouvert à l’influence étrangère, ce qui fait partie intégrante de son identité. Ce fait récurrent bénéficie souvent au peuple panaméen. Par conséquent, on ne peut pas le considérer comme une ingérence. Celle-ci existe à certaines occasions pour des raisons stratégiques et du fait d’intérêts économiques, de même que la corruption. Ces deux phénomènes semblent intimement liés à l’histoire de l’Amérique latine en général.

Néanmoins, comme à plusieurs reprises par le passé, le peuple panaméen n’accepte pas la tournure que prennent ces concepts récurrents, qui s’incarnent aujourd’hui dans le projet minier. Les élections présidentielles se tiendront le 5 mai prochain. Le peuple votera-t-il de manière souveraine et libre ou pouvons-nous craindre que l’ingérence d’une puissance étrangère et la corruption d’acteurs de poids, comme certains cartels de narcotrafiquants, influent sur les résultats ?

Jean O’Creisren

Auto-traduction d’un article initialement écrit en espagnol (« La injerencia y la corrupción en la Ha política del Istmo de Panamá ») et publié sur le blog Délires de linguiste le 29 février 2024.

Sources :


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Comment rouler écologiquement ? Comment limiter son empreinte carbone lorsqu’on est obligé de prendre le volant ? L’écoconduite classique suffit-elle ? Souhaitant à la fois moins polluer et moins dépenser, Jean O’Creisren a développé des techniques d’écoconduite dite radicale, qu’il vous partage dans cet article…

Comment être écologiste quand la vie professionnelle vous oblige à prendre la voiture régulièrement ? En effet, l’une de mes activités professionnelles consiste à donner des cours particuliers dans la campagne à des horaires bien spécifiques. Impossible donc d’y aller en transports en communs. Quand j’ai vraiment le temps et quand il fait beau, il arrive que je prenne mon vélo pour faire l’aller-retour dans la journée. Mais, la plupart du temps, je suis obligé de prendre la voiture… 🚗

La planète se réchauffe et nous en sommes tous responsables. On entend souvent qu’on ne peut rien y faire car 100 entreprises sont responsables à elles seules de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. C’est vrai, mais sachant que parmi ces groupes figurent d’importantes compagnies pétrolières, nous participons tous à leur empreinte carbone lorsque nous faisons vroum-vroum…

Par ailleurs, le prix des carburants au beaucoup augmenté ces dernières années, pour différentes raisons. Comme beaucoup de Français, je ne roule pas sur l’or. Aussi, quand je fais 40 kilomètres pour donner 2 heures de cours, j’aime autant être économe. Non seulement pour l’environnement, mais aussi pour mon pouvoir d’achat.

Lors de ces trajets, les frais kilométriques sont remboursés et ne sont pas imposables. De toute façon, l’État touche une large part à chaque fois qu’un litre de carburant est acheté. Ce dernier coûte de plus en plus cher et en consommer le moins possible est déjà une question de bon sens économique. Une première façon de le faire est d’optimiser les trajets, en essayant de dispenser des cours le même jour aux élèves qui se trouvent dans la même zone. 😉

Une autre manière de réduire les coûts et l’empreinte carbone est l’écoconduite radicale. Sur internet, on trouve parfois des techniques d’écoconduite qui ont fait leurs preuves : bien gonfler ses pneus, rouler mollo, utiliser le frein moteur plutôt que la pédale du milieu, garder une vitesse constante, etc. Nous pourrions ajouter l’usage de certains carburants plus chers, mais moins polluants, disponibles à certaines pompes. Bon, je ne vais pas faire ici la publicité de deux compagnies pétrolières qui font partie du top 20 des 100 entreprises susmentionnées… L’écoconduite permettrait de réduire considérablement votre consommation par rapport à une conduite classique. Suivant les sources que j’ai consultées, cette diminution irait de 7 à 25 %. Cela dépend certainement du type de véhicule concerné.

C’est déjà un bon début, mais je vous propose d’aller encore plus loin. Comme je travaille à temps partiel, j’ai moins de revenus et davantage de temps. Il se trouve qu’au-dessus de 70 km/h, vous déplacez deux fois plus d’air, donc vous consommez beaucoup plus de carburant. Par ailleurs, l’accélération est très gourmande en essence ou en gazole. Quand les prix ont commencé à flamber, j’ai donc décidé de rouler en 4e à 60 km/h, au moins sur les tronçons qui le permettent. Bien évidemment, je ne le fais pas sur les voies limitées à 110 ou à 130 (dans ce cas, je roule à 80 ou à 90 et les gens derrière peuvent me doubler sur la voie de gauche). 🙂 Mais, sur les routes de campagne, notamment entre deux ronds-points ou villages séparés par une distance de moins de 2 kilomètres, cela permet de garder une vitesse constante plutôt que d’accélérer et de freiner à répétition. Évidemment, les gens derrière ne sont pas toujours contents, mais je leur permets à eux aussi d’économiser et de moins polluer. Je fais juste une exception quand un véhicule prioritaire se trouve dans la file. Avant, je me faisais beaucoup klaxonner. Mais cela m’arrive beaucoup moins depuis que j’ai affiché, sur la lunette arrière, un écriteau en police verte expliquant ma démarche : « Écoconduite : doublez-moi ! » 🌱🌻

Pour moins polluer, nous pouvons aussi choisir d’accélérer davantage dans les descentes que dans les montées. Nous pouvons aussi éviter de mettre le chauffage et la climatisation ainsi que d’ouvrir les fenêtres.

Cette écoconduite radicale me permet d’économiser 20 à 25 % de carburant par rapport à une écoconduite standard. Bon, il faut dire que mon véhicule n’est pas très aérodynamique car je n’ai pas les moyens de m’acheter une voiture mieux conçue. Cet écart serait sans doute plus réduit sur d’autres types de modèles. Ainsi, je vous encourage à tester cette manière de conduire pour calculer la réduction de votre consommation.

Quand on est fauché comme moi, la société vous renvoie que votre action ne change pas grand-chose. Vous aimeriez soutenir plein d’associations défendant des causes qui vous tiennent à cœurs, mais vous n’avez pas les moyens d’effectuer des dons conséquents. Vous aimeriez investir dans la finance éthique, mais le peu d’argent que vous avez doit d’abord vous servir à manger. En revanche, il existe une façon très efficace d’exercer un pouvoir vertueux pour l’environnement. En pleine heure de pointe, quand je roule une demi-heure pour rentrer de mon cours d’une heure et demie qui m’a fait gagner à peine 30 €, je peux rouler à 60 km/h entre les différents ronds-points qui jalonnent le trajet. Les gens ne sont pas contents ? 😡 Ils ont, pour la plupart, la chance de rentrer de leur travail à plein temps. Contrairement à moi, leur trajet est largement rentabilisé après une journée de 8 heures. Ce n’est pas dramatique s’ils arrivent à la maison 5 minutes plus tard. En revanche, moi, j’augmente un peu mon faible pouvoir d’achat. Et surtout, je réduis non seulement mon empreinte carbone, mais celle de dizaines d’autres conducteurs qui pestent de ne pas pouvoir me doubler. Ainsi, par mon geste écolo-radin, j’ai un impact très positif sur l’environnement et j’exerce un pouvoir non négligeable, même si je me situe en bas de l’échelle sociale. 😊

Petit bémol néanmoins : en roulant en sous-régime, vous risquez d’encrasser et d’abîmer le moteur. Les frais que vous économisez en carburant risquent de vous rattraper plus tard chez le garagiste. Parfois, je laisse donc de côté mes principes d’écoconduite radicale pour faire une petite pointe en surrégime et décrasser le moteur.

Considérant tout ce que vous venez de lire, pourquoi ne pas transformer l’écoconduite radicale en norme du code de la route ? 🚦 Pour moi, les hommes politiques devraient s’inspirer de cela pour réduire drastiquement l’empreinte carbone des Français. Pourquoi ne pas limiter à 70 tous les tronçons de moins de 2 km entre deux ronds-points, deux agglomérations ou entre un rond-point et une agglomération ?

Que pensez-vous de tout cela ? Quels gestes faites-vous déjà pour que le monde soit plus vert ? Êtes-vous disposés à vous convertir à l’écoconduite radicale ? Si oui, au boulot !

Jean O’Creisren

PS : depuis l’époque où j’ai rédigé cet article, mon activité professionnelle s’est développée et mon pouvoir d’achat a augmenté. Entre autres succès dont je suis fier, vous pourrez découvrir du pur Jean O’Creisren sur ce lien. 😉

Crédits image : Création de Jean O’Creisren à partir d’une photo trouvée sur la version espagnole du site de la BBC (Source : GETTY IMAGES)


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Après un long voyage au Portugal, j’ai séjourné dans la ville espagnole de Valladolid du 14 au 21 août 2023. Loin de l’agitation des JMJ, j’ai apprécié la tranquillité du chef-lieu de la région Castilla-y-León.

Peu après la publication de mon livre Unis par le Camino, je planifie d’écrire un deuxième roman, dont l’intrigue se déroulera majoritairement à Valladolid. Vous en saurez plus le moment venu… 😉

Voici l’Hôtel de Ville (Ayuntamiento), qui trône sur la Plaza Mayor :

À proximité de la Plaza Mayor de Valladolid, la Fontaine dorée (Fuente Dorada) sert souvent de point de ralliement aux personnes qui se donnent rendez-vous pour sortir en centre-ville :

Et voici d’autres prises de vue de la Plaza Mayor de Valladolid :

De style gothique flamboyant, l’église Saint-Paul (San Pablo) est l’un des joyaux de Valladolid :

Juste à côté se trouve le monastère Saint-Grégoire (San Gregorio), qui abrite le musée national de sculpture. Au milieu du XVIe siècle, c’est à cet endroit qu’a eu lieu la fameuse controverse de Valladolid, au terme de laquelle l’Église catholique a reconnu officiellement que les Amérindiens ont une âme. Par conséquent, ils devaient être évangélisés en vue de leur salut et en aucun cas réduits en esclavage. Vers la même époque, le pape a condamné toute forme d’esclavage (y compris celui des Africains), mais, malheureusement, rares furent les chrétiens qui l’écoutèrent… 😥

Voici la faculté de droit de l’Université de Valladolid. Elle est située à côté de la cathédrale, sur la Place de l’Université :

Le Collège de la Sainte-Croix (Colegio de Santa Cruz) abrite le rectorat de l’Université de Valladolid, ainsi que des expositions temporaires très intéressantes. Je me souviens en avoir visité une passionnante sur l’art médiéval en Afrique subsaharienne. Comme la traduction en français laissait à désirer, j’ai écrit dans le livre d’or un retour critique avec mon adresse e-mail professionnelle. Évidemment, je n’ai jamais reçu de réponse… 😅

Près de la Plaza Mayor de Valladolid, l’ancienne église de la Passion (La Pasión) est désormais une salle municipale qui accueille des expositions artistiques temporaires.

Voici quelques clichés de la cathédrale de Valladolid. Conçue au XVIe siècle par l’architecte Juan de Herrera, elle ajoute au style propre de ce génie quelques éléments baroques. L’une de ses caractéristiques est qu’elle est inachevée. Au sommet, une statue de Jésus montrant son Sacré-Cœur surplombe la ville. En effet, en 1733, le Jésuite Bernardo Francisco de Hoyos aurait bénéficié à Valladolid d’apparitions du Christ promettant que son Cœur régnerait sur l’Espagne. Que l’on y croie ou non, les théologiens disent que l’Emmanuel souhaite combler d’amour nos cœurs blessés par le péché. Le Cœur de Jésus est lui aussi blessé par nos péchés, mais de ses blessures jaillit l’Amour dont nos cœurs blessés sont assoiffés.

En 2023-2024, l’archidiocèse de Valladolid vit une année jubilaire autour du Sacré-Cœur de Jésus. Les fidèles sont invités, entre autres, à accueillir la miséricorde de Dieu en allant se confesser. Ils sont aussi incités à communier, à adorer le Saint-Sacrement, à se réconcilier avec les personnes avec qui ils sont en froid, ainsi qu’à annoncer l’Évangile autour d’eux. Vous trouverez de plus amples informations sur ce lien.

Voici l’église Santa María la Antigua. C’est l’un des plus beaux édifices religieux de Valladolid et de nombreux mariages y sont célébrés :

Voici l’académie militaire de Valladolid :

Quelques photos de la rue Saint-Jacques (Calle de Santiago, où passe le Chemin de Compostelle), de la Plaza Zorrilla et du Campo Grande (Valladolid) :

Dans la calle de Santiago, l’ancienne église dite des Françaises accueille des expositions temporaires. Lors de mon séjour, j’ai pu voir Cartografías silenciadas / De trabajos forzados. Il s’agit d’une série de photos prises par l’artiste Ana Teresa Ortega. Elles représentent des lieux où le régime franquiste a réduit aux travaux forcés des prisonniers de guerre républicains. Ces photographies ne font apparaître que les murs, sans vie, comme des lieux hantés. N’ayant pas osé prendre de photos de l’exposition pour des questions de droits d’auteur, je vous partage la belle façade néo-classique de l’église des Françaises (rue Saint-Jacques – Valladolid) :

Voici quelques clichés de l’église Saint-Benoît (San Benito) :

Un peu plus excentrés, l’église Sainte-Marie-Madeleine (iglesia de Santa María Magdalena) et le Monasterio de las Huelgas Reales se situent à proximité de différentes facultés de l’Université de Valladolid :

Tout près de la faculté de commerce de l’Université de Valladolid, le centre civique Esgueva met à disposition une bibliothèque municipale :

Voici quelques clichés de la Faculté de philosophie et de lettres (Facultad de Filosofía y Letras) de l’Université de Valladolid :

En face de ce bâtiment, vous pouvez voir la Faculté de commerce (Facultad de Comercio) de l’Université de Valladolid :

Enfin, voici les locaux techniques de l’Université de Valladolid :

Derrière les locaux de l’université, la rivière Esgueva apporte un peu de verdure et de tranquillité à ce quartier résidentiel de Valladolid :

Pour continuer avec la verdure en mode plus classe, éloignons-nous de l’université, retraversons le centre-ville et redescendons la calle de Santiago depuis la Plaza Mayor. Au bout de la rue Saint-Jacques, nous retrouvons l’académie militaire et la Plaza Zorrilla. Derrière la fontaine se trouve le plus beau parc de Valladolid, le Campo Grande. Nul besoin de commentaires, car les photos parleront d’elles-mêmes… 🙂 Je vous propose néanmoins un petit jeu : saurez-vous retrouver l’écureuil qui apparaît sur l’un des clichés ?

Derrière le Campo Grande, vous pouvez visiter le musée oriental de Valladolid. On y trouve de très belles collections, notamment concernant les Philippines, colonisées par les Espagnols à la Renaissance et indépendantes depuis 1898.

Non loin du Campo Grande et de la rivière Pisuerga, le théâtre Lope de Vega expose sa belle façade en faïence :

Chargée d’histoire, Valladolid est notamment la ville où est mort Christophe Colomb en 1506, sans savoir qu’il avait découvert un continent jusqu’alors inconnu des Européens. Voici un musée qui lui est dédié :

Ces photos vous donnent-elles envie de visiter Valladolid ? Voulez-vous étudier dans son université, vous promener dans ses jardins, vous cultiver dans ses musées et prier dans ses églises ? Ce site vous présente toutes les sorties culturelles proposées, y compris une visite guidée gratuite des monuments phares. N’attendez pas ! Sautez sur la première occasion pour découvrir cette ville merveilleuse ! 😊

Jean O’Creisren

PS : Pour terminer, je vous propose un clip en espagnol en hommage à cette ville particulière qu’est Valladolid. Je vous informe néanmoins qu’elle s’adresse aux initiés qui connaissent très bien cette ville et sa culture, et ayant un niveau d’espagnol suffisamment élevé pour comprendre l’argot et les variantes dialectales péninsulaires.

Une chanson subtile en hommage à Valladolid

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Olá!!

De mi-juin à mi-août 2023, je suis allé au Portugal pour un voyage de longue durée. J’ai principalement séjourné à Lisbonne, où j’étais volontaire pour préparer les Journées Mondiales de la Jeunesse. Ce fut un événement d’une importance majeure. 1 à 1,5 million de personnes était attendu et c’est effectivement le nombre qui a été atteint.

Je suis donc arrivé le 16 juin, après environ 20 heures de car. En effet, comme je l’explique dans cet article, j’évite de prendre l’avion lorsque je voyage en Europe, par conviction écologique. 🌱 À mesure que je vieillis, j’arrive de mieux en mieux à dormir lors de ces trajets nocturnes. J’ai eu la joie de me réveiller alors que nous roulions parmi les paysages castillans, qui me rappellent tant de bons souvenirs. Pour que vous ayez une idée de ce à quoi cela ressemble, voici une photo prise sur le chemin de Compostelle en 2021 :

Quoi qu’il en soit, j’ai tâché de communiquer le plus possible en portugais dès que j’ai passé la frontière. Cela fait un an que je me suis remis à cette langue sur Duolingo. Comme lors de mon premier voyage à Lisbonne en 2015, j’arrive à peu près à me débrouiller. On me dit même que je parle bien, alors que j’ai l’impression d’avoir seulement un niveau intermédiaire. Il faut dire que j’ai commencé à apprendre la langue de Pessoa alors que je maîtrisais déjà très bien l’espagnol. Comme ces deux idiomes sont assez proches, cela m’a grandement facilité la tâche. Il y a huit ans, mon séjour à Lisbonne m’avait fait très bonne impression. Les Portugais sont un peuple très sympa, ouvert et accueillant. Je n’avais donc que des a priori positifs avant de commencer mon voyage et cela s’est confirmé sans cesse tout au long de mon séjour dans ce beau pays. 😊

Depuis mon arrivée, j’ai logé dans un couvent désaffecté avec d’autres volontaires. Ce monument est classé. Il est l’un des rares édifices à avoir survécu au tremblement de terre qui a ravagé Lisbonne en 1755. Voici deux belles photos de l’entrée :

Comme vous pouvez le voir, l’intérieur de cet édifice est décoré d’une belle faïence bleue, typique du Portugal. Maciel, le gardien de notre collocation, est très fier de l’histoire de son pays. Il m’a notamment fait découvrir le poème « Mar português », de Fernando Pessoa. ⛵ Un véritable joyau, que je pourrais éventuellement traduire lors d’une mise à jour de cet article.

Le dimanche 25 juin, nous sommes allés à Fátima, où la Vierge Marie serait apparue à trois enfants en 1917. 😇 Chacun est libre d’y croire ou non. Si vous souhaitez connaître cette histoire en détail, je vous invite à regarder ce film. Entre autres révélations, Marie aurait prédit qu’une lueur étrange dans le ciel annoncerait la Seconde Guerre mondiale. Pendant la nuit du 25 au 26 janvier 1938, le firmament était teinté d’une couleur inhabituelle. Née le 3 octobre 1929, ma grand-mère s’en est souvenue toute sa vie. Sœur Lucie, la dernière survivante des visions, a révélé deux des trois secrets confiés par la Vierge aux pastorinhos. 🐏 Elle ne divulguait le troisième secret qu’au Pape. Vers la fin de sa vie, Jean-Paul II a annoncé qu’il s’agissait de la prédiction de l’attentat dont il a été victime en 1981. La balle qui l’a traversé ce jour-là est aujourd’hui incrustée dans la couronne de la statue d’A Nossa Senhora. Voici quelques photos du sanctuaire :

Une semaine plus tard, je vous partage une autre merveille du Portugal : le pastel de nata ! 😋

Comme l’esprit et l’âme ont tout autant besoin de nourritures que le corps, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt le témoignage de sœur Lucie ainsi qu’un livre brésilien proposant des prières au Sacré-Cœur.

Ces deux ouvrages viennent de la librairie officielle du sanctuaire de Fátima, dont voici la photo :

Au Portugal comme ailleurs, on raconte certaines blagues. Un Lisboète m’a raconté celle-ci :

  • Quel est le meilleur monument à Porto ?
  • Réponse : la route vers Lisbonne.

D’après celui qui m’a raconté cette boutade, les Portuans disent la même chose en inversant le nom des deux villes… 😉

En marchant dans les rues de Lisbonne, de jour comme de nuit, j’ai pris quelques photos, notamment de bâtiments typiques du Portugal. Les voici :

Ci-dessous, vous pourrez voir la façade du musée national de la faïence. Un bel édifice de style gothique flamboyant, à 10 minutes à pied du couvent où je suis logé. 😊

La faïence est typique du Portugal. Voici donc ce à quoi ressemblent tous les trottoirs de Lisbonne :

Voici le parlement de la République du Portugal, le dimanche 23 juillet 2023 vers 1h30 du matin :

Je suis passé près de l’ambassade politique de l’Espagne auprès du Portugal. N’ayant pas le droit de la prendre en photo, je vous propose celle de l’ambassade économique de l’Espagne auprès du Portugal :

Le dimanche 9 juillet, j’ai visité le Panthéon, où se trouve la tombe de certains grands hommes de l’histoire du Portugal. Voici la façade de l’édifice :

Parmi les sépulcres, voici ceux de trois Portugais très illustres :

Nous avons aussi pu observer de belles vues sur Lisbonne et sur le Tage depuis la coupole de l’édifice.

Comme le 9 juillet était un dimanche, nous sommes allés à la messe dans l’église du Mosteiro dos Jerónimos (quartier de Belém). Vous pourrez admirer ci-dessous une photo du chœur de cet édifice religieux de style gothique flamboyant. Après ce rendez-vous avec Jésus, nous avons rejoint des volontaires de Shalom, qui célébraient les 41 ans de cette communauté brésilienne.

Le samedi 15 juillet, je me suis promené le long du Tage et dans le quartier de Belém. Voici quelques photos du fleuve qui se jette dans l’Atlantique à Lisbonne. Vous y verrez notamment le Pont du 25 avril, un viaduc impressionnant conçu par les architectes qui ont fait construire, plus tard, le Goden Gate :

Sur la photo suivante, vous pouvez voir un Christ rédempteur semblable à celui de Rio de Janeiro (en plus petit)…

Voici deux photos du Monastère des Hiéronymites, prises par Audrey, une volontaire philippine. Véritable joyau de Lisbonne, le Mosteiro dos Jerónimos se situe dans le quartier emblématique de Belém.

Voici d’autres photos de monuments incontournables de Belém, dont sa fameuse Tour :

Le lendemain, je me suis promené au Parc Eduardo VII avec Micaela, volontaire argentine et artiste professionnelle. Comme mon telemóvel n’avait plus de batterie, c’est elle qui a pris les photos des lieux où se tiendront les événements centraux des JMJ. Et quelles photos !

À la tombée de la nuit, nous avons marché dans les rues piétonnes, jusqu’à la Praça do Comercio, où nos chemins se sont séparés. Voici quelques photos du centre-ville de Lisbonne prises par Mica chemin faisant :

Le samedi 22 juillet, je suis resté à Lisbonne car j’avais reçu un gros projet de traduction à traiter dans l’urgence. Si je suis ravi d’avoir du travail, je n’ai malheureusement pas pu me joindre à Kariny et à Andrés, deux volontaires latino-américains (respectivement brésilienne et colombien), qui se sont rendus à Óbidos où s’est tenu un marché médiéval. Néanmoins, ils ont accepté de m’envoyer leurs plus belles photos, que je partagerai sur ce blog dès qu’elles me seront parvenues. 😊 Deux ans après, j’attends toujours…

Voici deux photos de l’église Nossa Senhora da Estrela (centre-ville de Lisbonne). Le dimanche 23 juillet peu après minuit, je m’y suis rendu pour la veillée de prière autour des symboles des JMJ.

Les JMJ ont commencé le 1er août. Les rues se sont remplies de centaines de milliers de pèlerins festifs et joyeux venus de monde entier. 😃 Quand on travaille depuis plus d’un mois pour préparer les JMJ, c’est un vrai bonheur que de voir les jeunes heureux et pleins de vie. Sans le savoir, leur joie est pour les volontaires une belle marque de gratitude pour tout ce que nous avons mis en place pour que les pèlerins soient bien accueillis. 😊

Je vais tout de même nuancer mes propos en vous montrant que les clichés qu’on peut avoir sur tel ou tel peuple se vérifient dans de tels rassemblements. Comme je viens de l’écrire, la quasi-totalité des pèlerins qui j’ai croisés dans les rues de Lisbonne était remplis de joie. Néanmoins, les rares que j’ai vus de mauvaise humeur étaient français. Mais c’était moins d’une demi-douzaine parmi mes nombreux compatriotes que j’ai rencontrés. J’ai trouvé qu’ils étaient plus civilisés que ce que j’ai l’habitude de voir lorsque je voyage. J’ai même vu une bande en marinière chanter une acclamation à Vitor, le serveur d’un bar qui s’était bien occupé d’eux. Pour continuer dans les clichés, les seuls groupes de pèlerins que j’ai vus gueuler et taper des mains lorsqu’ils voyaient leur drapeau brandi par un autre groupe étaient des Italiens. C’est une constante aux JMJ. D’habitude, je m’entends très bien avec les ressortissants de ce peuple dont une partie de ma famille est issue. Ils sont presque toujours fun et les Français devraient apprendre de leur joie de vivre. Mais, aux JMJ, c’est le seul endroit où je peux les trouver insupportables. Enfin, les seuls groupes de pèlerins que j’ai trouvés assis en cercle au milieu du trottoir étaient des Espagnols. Ceux d’entre vous qui ont vécu en Espagne comprendront la référence à la culture du botellón. 😉 Comme les Italiens, ils étaient particulièrement joyeux, mais en plus calmes. De manière générale, on peut observer que ces trois peuples latins aiment chanter fort et crier leur joie lorsqu’ils sont en groupe. En revanche, cette habitude ne se retrouve pas chez les Portugais, latins d’Europe à la mentalité bien différente.

Travaillant lors de la quasi-totalité des événements centraux, j’ai pu me rendre à celui qui était organisé le vendredi 4 août au Parc Eduardo VII. Lors du Chemin de Croix qui s’y déroulait, j’ai eu la chance d’être bien placé et de voir le Pape François. Voici une vidéo en espagnol de la 11e station, qui médite sur le crucifiement de Jésus. Je suis sûr que vous apprécierez le spectacle et la musique qui accompagnent ces réflexions sur ce Dieu fait homme qui nous rejoint dans nos souffrances et nos misères.

Chemin de Croix – 11e station – Lisbonne – 04/08/2023

Avec le peu de mémoire qu’il restait sur mon téléphone, j’ai pu filmer une partie de la 12e station, à savoir la mort de Jésus sur la Croix. La méditation de ce don inestimable de Dieu pour notre salut était proposée en français.

Chemin de Croix – 12e station – Lisbonne – 04/08/2023

À la fin des JMJ, j’ai pu me rendre à la messe finale. Un très bel événement international ! Comme plus d’un million d’autres personnes, j’ai pu recevoir la bénédiction du Pape François après avoir eu la joie de communier et j’ai demandé à Dieu qu’elle bénéficie également à une personne qui m’est très chère, mais qui n’était pas présente.

L’après-midi, j’ai pu me rendre à la rencontre du Saint-Père avec les volontaires. Arrivé à la dernière minute après avoir galéré pour y parvenir, je n’ai malheureusement pas pu voir de près cet évêque de Rome pour qui j’ai tellement d’admiration. En revanche, j’ai pu voir passer le cortège des VIP sous haute sécurité à la fin de l’événement. Le Pape était dans l’une des voitures, mais je n’ai pu ni le voir en vrai ni le filmer de sorte qu’on puisse le reconnaître… Voici néanmoins la vidéo que j’ai pu faire :

Le cortège papal – Lisbonne – 06/08/2023

Après les JMJ, je suis parti dans le nord du Portugal avec une amie pour faire du tourisme. Les 10 et 11 août, nous avons eu la joie de visiter Coïmbre, une ville absolument magnifique. Voici quelques photos du jardin botanique de l’université :

L’université de Coïmbre date de la fin du XIIIe siècle, ce qui en fait l’une des plus vieilles d’Europe. Le bâtiment principal a été construit par les Maures et a rempli la fonction de palais royal avant d’être le nouveau siège de l’université. Autour, le dictateur Salazar a construit au XXe siècle plusieurs facultés dans un style qui rappelle l’architecture fasciste, franquiste et soviétique. Comme les étudiants de Coïmbre constituaient la première force d’opposition au régime, Salazar a tenu à regrouper toutes les facultés au même endroit pour mieux contrôler ses adversaires.

Voici la faculté de l’université de Coïmbre qui rencontre le plus de succès : la faculté de la bière… 😁

Nous avons aussi eu la joie de visiter de belles églises, comme Santa Cruz :

Nous avons aussi visité l’ancienne cathédrale, qui date du XIIe siècle. Crénelée, elle ressemble à un château fort. En effet, elle avait aussi un rôle défensif. La population s’y réfugiait quand la ville était attaquée et les défenseurs situés sur le chemin de ronde pouvaient contrôler depuis cette hauteur ce qui se passait en bas.

Nous avons également eu la chance d’être logés au grand séminaire, dont voici quelques photos :

Voici le Parc de la Sirène, situé près de la Place de la République :

Voici enfin la façade de la nouvelle cathédrale, ainsi que quelques beaux bâtiments de la ville de Coïmbre :

Malgré son léger tumulte touristico-universitaire, Coïmbre reste une ville à taille humaine, calme et verte. Voici quelques vues fluviales, de jour et de nuit :

Du 11 au 14 août, nous avons visité Porto. Voici quelques photos du début de notre séjour dans cette ville magnifique :

Ce bar que je ne nommerai pas aurait mieux fait de sous-traiter un traducteur professionnel digne de ce nom… 😉

L’église Nossa Senhora da Lapa :

Un camion de Betel (association caritative chrétienne), avec le slogan « Aidez-vous à aider ». 😊

Un message écrit sur un mur, qui se traduit par « Dans les mains de Dieu ». 😇

Porto est une ville bourgeoise, où la noblesse n’avait pas sa place à l’époque de la monarchie. D’où ces belles demeures, très hautes :

Voici quelques photos de la cathédrale, qui dispose notamment d’un magnifique cloître gothique en faïence :

Le dimanche 13 août, an de grâce 2023, nous avons fait une petite excursion à Braga, autre ville du nord du Portugal. Voici quelques photos de la cathédrale, où nous avons participé à la messe dominicale. Il s’agit du siège épiscopal le plus ancien du pays. Ainsi, quand quelqu’un a une voiture complètement défoncée ou fait une blague très ringarde, on lui dit : « c’est plus vieux que la cathédrale de Braga ».

Une chapelle richement décorée de la cathédrale de Braga

Voici la châsse renfermant les reliques de saint Barthélémy des Martyrs, archevêque de Braga, qui fut l’un des principaux contributeurs du Concile de Trente. Récemment canonisé par le Pape François, il était l’un des saints patrons des JMJ Lisbonne 2023.

Voici une statue à l’effigie du saint en question :

À proximité de cette statue, voici une belle tour dédié à la Vierge Marie. Elle a été érigée suite au tremblement de terre qui a détruit Lisbonne au XVIIIe siècle. Sur la banderole, on peut lire le nom de Pie XII, le pape qui a sauvé de nombreux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale :

Voici d’autres photos prises à Braga :

Le lundi 14 août, l’amie avec qui j’ai visité le nord du Portugal est repartie pour Lisbonne tandis que j’ai pris le car pour Valladolid. Cette ville espagnole me tient particulièrement à cœur et j’écrirai très certainement quelque chose à son sujet prochainement…

Si vous souhaitez découvrir la beauté de Lisbonne, je vous invite à vous délecter des images proposées dans le clip de l’hymne officiel des JMJ :

Hymne officiel des JMJ Lisbonne 2023

Si cette chanson vous a plu et si vous souhaitez en connaître les paroles en portugais, vous trouverez tout ce qu’il vous faut sur ce lien. 😊

Bom verão e até logo!!

Jean O’Creisren

Crédits images :

Primeira imagem:

Outras imagens: Jean O’Creisren, Audrey Criscille e Micaela Segovia Baldi.


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Qu’y a-t-il de commun entre Albane, Jonaz, Maëlwenn, Hakam, Scratch et Girolamo ?

Apparemment, tout les différencie : une jeune femme au cœur d’or qui parle aussi bien anglais que russe, deux Bretons aussi têtus l’un que l’autre, un chirurgien algérien qui a tout abandonné pour commencer une licence de droit, un SDF alcoolique, ainsi qu’un traducteur italien à la fois fervent catholique et fan du groupe anarchiste Ska-P. 😉

Pourtant, ils vont cheminer ensemble vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils vont affronter les mêmes épreuves sur un pied d’égalité. Avec les autres pèlerins, ils formeront une communauté très hétérogène, mais solidaire. Tous marchent pour une raison singulière, qu’ils en aient conscience ou non. Trouveront-ils ce qu’ils recherchent en cours de route ? 🌻

Photo de Guduru Ajay bhargav sur Pexels.com

Vous aimez lire les articles de « Délires de linguiste » ? 🙂 Quatre ans après avoir lancé ce blog, je publie Unis par le Camino. Ce roman original se développe autour du Chemin de Compostelle. Différents personnages évoluent au cœur de cette Espagne que j’aime tant. Ce voyage initiatique leur permet de soulever de grandes questions dans des dialogues constructifs, de se connecter à leur for intérieur et de se recentrer sur leurs aspiration les plus profondes. Vous retrouverez dans cet ouvrage ma passion pour les langues, mon goût de l’aventure et une bonne dose d’humour. 😉

Entre autres retours sur ce roman, un lecteur m’a dit que l’intrigue est bien construite, avec autant de suspense que vous êtes en droit de l’attendre. 😎

Cette idée de lecture vous intéresse ? Vous pouvez commander mon livre sur le site de l’éditeur.

Vous pouvez également vous le procurer dans la librairie de votre choix ou sur une plate-forme en ligne. Voici les références bibliographiques à fournir à votre libraire :

O’CREISREN, Jean. Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle. Saint-Ouen : Les Éditions du Net, 2023.

Bonne lecture et ultreïa ! 😉

Jean O’Creisren