
Aujourd’hui, 1er juillet, nous célébrons la fête nationale du Canada. Je vous propose donc la traduction d’un extrait de The Backwoods Of Canada. Il s’agit d’une série de lettres qu’une voyageuse britannique a écrit à sa mère au XIXe siècle. Catharine Parr Traill rédige en anglais dans un style captivant. Dans cette traduction inédite en français, j’ai tâché de rendre toute la description poétique de la nature canadienne… Pour plus d’informations sur l’œuvre, veuillez consulter ce lien.

Traduction de Jean O’Creisren :
Brick Laurel, fleuve Saint-Laurent, le 6 août 1832
Ma chère mère, j’ai arrêté de vous écrire pour cette simple raison : je n’avais rien à dire. Chaque jour n’était en quelque sorte que l’écho de celui qui le précédait ; si bien qu’une page copiée sur le journal de bord du capitaine se serait avérée aussi amusante et tout à fait aussi instructive que mon journal si j’en avais tenu un pendant la dernière quinzaine.
Ce temps a été si vide d’événements que la vue d’un groupe d’hyperoodons, de deux ou trois phoques et d’un marsouin, peut-être en chemin pour un dîner ou un thé au Pôle Nord, a été considérée comme un fait d’une grande importance. Chaque longue-vue a été réquisitionnée dès qu’ils ont fait leur apparition et les monstres marins ont presque été dévisagés à en être décontenancés.
Les côtes de la Terre-Neuve étaient en vue le 5 août, exactement un mois après le jour où nous avons jeté notre dernier regard sur les îles Britanniques. Bien que la côte fût brune, déchiquetée et désolée, j’ai salué son apparition avec ravissement. Rien ne m’a jamais semblé aussi rafraîchissant et délicieux que la brise de la terre qui nous est parvenue, portant, pensai-je, la santé et la joie sur ses ailes (…).
Le 7 août—Ce matin, nous avons reçu la visite d’un joli petit oiseau, guère plus grand que notre roitelet huppé. Je l’ai salué comme un oiseau de bon augure, un petit messager envoyé pour nous souhaiter la bienvenue dans le Nouveau Monde. Et j’ai presque ressenti une joie enfantine à la vue de notre menu visiteur. Il y a dans nos vies des moments joyeux où nous tirons le plus grand plaisir des choses les plus insignifiantes, de même que les enfants sont contents avec le plus simple des jouets (…).
Je peux maintenant apercevoir avec précision le tracé de la berge sur la rive sud du fleuve. Parfois, les hautes terres sont soudainement enveloppées dans de denses nuages de brume en perpétuel mouvement, roulant dans des volutes sombres, tantôt teintes de lumière rosée, tantôt blanches et floconneuses, ou brillantes comme l’argent lorsqu’elles captent les rayons du soleil. Les changements qui se produisent dans le banc de brouillard sont si rapides que, la prochaine fois que je lèverai les yeux, je verrai peut-être la scène transfigurée, comme par magie. Le rideau de brume est lentement tiré, comme par des mains invisibles, et les montagnes sauvages et boisées sont partiellement révélées, avec leurs puissants rivages rocheux et leurs baies aux courbes majestueuses. À d’autres moments, la masse de vapeur se divise, se déplace le long des vallées et des profonds ravins, comme de hautes colonnes de fumée, ou reste suspendue comme des draperies neigeuses parmi les pins sombres de la forêt (…).
Le 8 août —Bien que je ne puisse que demeurer en état d’émerveillement et d’admiration devant la majesté et la puissance de ce fleuve imposant, je commence à me lasser de son immensité et je rêve d’une vue plus proche du rivage ; mais actuellement, nous ne voyons rien d’autre sur la rive sud que de longues rangées de collines revêtues de pins, avec ici et là une tache blanche, qu’on me présente comme des colonies et des villages ; en revanche, sur la rive nord du fleuve, d’immenses montagnes dépouillées de verdure limitent notre vue. Mon admiration pour les paysages montagneux fait davantage pencher mon intérêt vers ce côté-ci du cours d’eau, et je regarde avec un plaisir concluant la progression des cultures le long de ces régions accidentées et inhospitalières (…).
Tandis que j’écrivais ce qui précède, j’ai été surprise par un remue-ménage sur le pont. En montant pour m’enquérir de la cause de tout cela, j’ai été informée qu’un bateau amenant le pilote tant attendu avait appareillé du rivage ; mais après tout ce tapage et toute cette agitation, il s’est avéré qu’il s’agissait seulement d’un pêcheur français accompagné d’un pauvre gamin déguenillé, son assistant. Sans trop de difficulté, le capitaine a persuadé monsieur Paul Breton[1] de nous piloter jusqu’à Green Island, à une distance de quelques centaines de miles en remontant le fleuve, où il nous a assurés que nous devrions rencontrer un pilote confirmé, si cela ne se produit pas avant.
J’ai quelques petites difficultés à comprendre monsieur Paul, car il parle un dialecte particulier ; mais il semble assez accommodant et serviable. Il nous informe que le maïs est encore vert et que les épis sont à peine formés. Il nous dit également que les fruits estivaux ne sont pas encore mûrs, mais que nous trouverons à Québec des pommes et autres fruits en abondance.
D’après Catharine Parr Traill, The Backwoods Of Canada (1836)
Extrait traduit de l’anglais par Jean O’Creisren
[1] « Monsieur Paul Breton » : en français dans le texte.

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