Voyage en Castille

¡¡Hola tod@s!!

Du 16 juillet au 19 août 2024, j’ai voyagé en différents lieux de la péninsule Ibérique, notamment en Castille. Voici le récit de mon voyage, illustré par quelques photos.

Le matin du mardi 16 juillet, j’ai pris le car (pour des raisons environnementales) afin d’aller, dans un premier temps, à Bercy. Dans le quartier du ministère de l’Économie, nous avons été surpris par une alerte à la bombe. 💣 Sans paniquer, je suis allé le plus loin possible, dans les jardins qui jouxtent la gare. Après avoir expliqué les consignes de sécurité en arabe à une mère de famille qui ne comprenait pas la situation, j’ai discuté en anglais avec une étudiante venue du Belize. J’ai également utilisé la langue de Shakespeare pour communiquer avec une femme turkmène et j’ai conversé en espagnol avec un homme originaire du Pérou. Ce dernier m’a dit qu’il remarquait à quel point les Français n’ont pas l’habitude d’obéir à la police. En effet, nous étions dans le parc, mais la majorité des voyageurs restaient à une dizaine de mètres de la gare qui risquait d’exploser. 💥 Mon interlocuteur andin me parla de la menace terroriste qui avait pesé sur son pays pendant 25 ans, avec des attentats à la voiture piégée. C’est pourquoi, au Pérou, les gens font vraiment confiance aux forces de l’ordre quand ces dernières disent que quelque chose est dangereux. Au bout d’un moment, les policiers ont ordonné à tout le monde de reculer vers le parc. Nous avons attendu un certain temps et, finalement, ils nous ont dit que le problème était résolu. Nous avons tous applaudi. 👏 Bien que l’évacuation fût sereine, le retour en gare était une pagaille stressante, car tout le monde craignait d’avoir manqué son car (le mien aurait dû partir une demi-heure au préalable) et la foule nous empêchait d’accéder à l’écran d’information où étaient affichés les horaires et les quais.

Finalement, je n’ai pas loupé ma correspondance puisque mon car est arrivé avec trois heures de retard. Une fois dedans, je me suis assis à côté d’un monsieur portugais d’environ 55 ans qui n’avait pas l’air très ouvert. Au début, il parlait peu, mais, lorsqu’il m’adressait la parole, il me tutoyait et employait des gros mots avec son fort accent lusophone. À la fin de la première pause, il m’a un peu raconté son histoire : sa femme est décédée d’un cancer il y a deux ans et lui a dû partir en retraite anticipée à cause de problèmes cardiaques. 😥 Il m’a aussi confié ses difficultés avec l’alcool, le tabac et le cannabis (ce que j’avais déjà remarqué car j’avais pu sentir qu’il préparait son pétard lors de la première partie du trajet). Nous avons pu nous entretenir fraternellement. Je lui ai demandé si je pouvais, moi aussi, le tutoyer, et il m’a répondu : « Bien sûr, on est des bonhommes ! » 😊 Par la suite, je me suis rendu compte que ce cher voisin, qui s’appelle José, est en fait très ouvert et très drôle. Il n’arrêtait pas de vanner et il s’est même mis à faire la manche auprès de tous les passagers, sauf moi. Pendant le trajet, j’ai pu entendre une conversation amicale et sur le ton de la blague entre un autre passager lusophone et deux Belges d’origine marocaine qui ne parlaient pas portugais, mais qui maîtrisaient l’espagnol. Ils s’enseignaient les uns aux autres ces deux langues romanes de la branche ibérique, riant en permanence. Je pensai alors à l’atmosphère tendue que traverse notre cher pays après les campagnes électorales. 🐓 Je me dis que mes compatriotes devraient s’immerger dans des lieux où l’ambiance est semblable.

Ma correspondance à Quintana del Puente m’a permis de faire route vers Valladolid, où se sont déroulés mes premiers jours en terre hispanique. Voici un cliché d’un paysage castillan pris à travers la fenêtre du car :

Mon séjour à Valladolid s’est bien passé. Si vous souhaitez en savoir plus sur la capitale de Castilla y León et son architecture, vous pourrez lire cet article, que j’ai écrit il y a un peu moins d’un an, lors de mon passage précédent dans cette ville que j’affectionne tant. Ci-dessous, vous trouverez quelques photos que j’ai prises lors de mon séjour de cette année :

Voici les armes de la ville de Valladolid en format végétal.

Le jeudi 18 juillet, j’ai visité, avec Felipe (un compagnon de chambre chilien), le palais de Santa Cruz. Voici quelques photos de l’intérieur de cet édifice chargé d’histoire :

Sur les murs du cloître sont nommés les docteurs à titre honorifique de l'Université de Valladolid. Vous pouvez y lire le nom du célèbre écrivain d'origine péruvienne Mario Vargas Llosa. Le défi : ajouter le nom de Jean O'Creisren. ;-)
L'horloge de l'université, fabriquée dans le Jura. Je dédicace cette photo à mon ami Nabla...

Le vendredi 19 juillet dans la matinée, j’ai visité le Musée d’Art et d’Histoire de l’université de Valladolid. C’est avec l’accord du guide que j’ai photographié quelques œuvres d’art et que je diffuse les clichés sur ce blog. Vous pourrez notamment voir des tableaux représentants des paysages de Castille et d’autres thèmes :

Jesús Alonso (Bilbao, 1958 -), "S.T. 1321", huile sur toile, 2015.
Gabino Gaona (Valoria la Buena, Valladolid, 1933 - 2007), "Paisaje castellano" [Paysage castillan], huile sur toile, 1956.
Aurelio García Lesmes (1884-1942), "Siega (Valladolid)" [Moisson (Valladolid)], huile sur toile.
Teresa Morán Ortega (Valladolid, 1952-2012), "Homenaje" [Hommage], huile sur toile, sans date.
Antonio Maffei Carballo (La Havane, 1885 - Valladolid, 1961), "Orillas del Pisuerga" [Rives du Pisuerga], huile sur toile, 1944.
Antonio Maffei (La Havane, 1885 - Valladolid, 1961), "Orillas del río Pisuerga" [Rives de la rivière Pisuerga], huile sur toile, 1944.
Antonio Maffei Carballo (La Havane, 1885 - Valladolid, 1961), "Pinos" [Pins], huile sur toile, 1926.
Francisco Galicia (Valladolid, 1895 - Madrid, 1976), "Tordesillas" [Tordesillas], huile sur toile, 1963.

Le vendredi 19 juillet, je suis allé à la piscine avec des amis espagnols de longue date. L’un d’entre eux, Jairo, est féru d’histoire. Il m’a notamment parlé d’une série télévisée de RTVE sur Jeanne la Folle intitulée La corona partida. La suite, Carlos, Rey Emperador, traite de Charles Quint. Ces reconstitutions peuvent servir d’introduction à des événements clés de l’histoire du royaume de Castille, de la naissance de la dynastie des Habsbourg à tous les enjeux géopolitiques de l’Europe et du monde à cette époque-là, en passant par la conquête du Mexique par Hernán Cortés et la révolte des comuneros. Sur le chemin du retour, j’ai eu la bonne surprise d’entendre Pablo et Jairo chanter Tri Martolod, de Nolwenn Leroy. C’est bien la première fois de ma vie que j’entends des Espagnols parler breton ! 😉

Le samedi 20 juillet, je me suis lancé un premier défi sportif : aller à pied à Décathlon pour acheter les équipements nécessaires à la suite de mon séjour : des bâtons de randonnée, une casquette et un bonnet de bain. La marche a duré environ deux heures. Malgré le soleil de plomb, j’ai parcouru les 9 kilomètres sans couvre-chef et sans crème solaire. Heureusement, la plupart du trajet était ombragé car j’ai surtout longé la rivière Pisuerga. 🐊 Au retour (cette fois-ci avec de la crème, ma casquette sur la tête et les bâtons à la main), j’ai fait une pause déjeuner vers 15h15 dans un restaurant américain. J’y ai croisé deux familles d’origine maghrébine qui parlaient français et avaient du mal à communiquer avec le personnel en espagnol. J’imagine que, du fait des grandes vacances, elles traversaient l’Espagne en voiture jusqu’à Algésiras pour passer une partie de l’été au Bled. Dans la soirée, j’ai pris un verre avec Jorge, un ami prêtre d’une cinquantaine d’années ordonné récemment. Avant de recevoir l’appel de Dieu, vers 40 ans, il était joailler. Ayant commencé à travailler à l’âge de 15 ans, il avait atteint un niveau de professionnalisme qui lui permettait de créer de A à Z des pièces uniques, notamment en or blanc et en perles. Il m’a montré des photos de certaines œuvres de sa vie d’avant. ¡Impresionante! 👍

Après un dimanche tranquille, je suis parti à pied, le lundi 22 juillet, de Valladolid à Tordesillas, en longeant le Pisuerga jusqu’à ce qu’il se jette dans le Douro. J’ai ensuite suivi le cours de ce dernier. À vol d’oiseau, Tordesillas de trouve à une trentaine de kilomètres de Valladolid. En suivant les méandres des deux cours d’eau, cela fait un peu plus (peut-être même autour de quarante bornes).

Au petit-déjeuner, en attendant que mon café refroidisse, j’ai écouté quelques chansons en espagnol, dont les paroles transmettent un message assez profond. À ce titre, voici le clip officiel de Retales de una vida, du groupe Celtas Cortos, originaire de Valladolid :

Dans un tout autre genre, « Obsesión » (d’Aventura) explore la question des sentiments amoureux dans une perspective intéressante. Nombreuses sont les personnes qui devraient prêter attention aux paroles 😉 :

Vers 10h, j’ai pris la route vers Tordesillas. Voici quelques photos du bord du Pisuerga :

Au bout d’un moment, je suis arrivé dans un parc qui m’a détourné de la rivière. Souhaitant absolument voir cet affluent se jeter dans le Douro, j’ai suivi quelques sentiers qui traversaient les champs, broussailles et autres terrains vagues. J’ai même coupé à travers champs à un moment. J’ai réussi à apercevoir le Pisuerga du haut d’un précipice, ne pouvant plus le longer car, à cet endroit, la rive est occupée par un terrain protégé par un mur d’enceinte et des caméras de vidéosurveillance. 🏰 S’agit-il d’un terrain militaire, de la résidence d’un ultra-riche, d’une maison d’arrêt ou d’un lieu où des secrets sont jalousement gardés ? Impossible de le savoir. À l’heure où j’écris ces lignes, et est environ 13h, je suis à l’entrée de ce lieu énigmatique et rien n’est indiqué hormis la présence de caméras. Le GPS n’est pas clair non plus à ce sujet. Je sais juste que je suis à proximité du magasin de sport où je me suis rendu récemment. Je sais également que je me trouve à une dizaine de kilomètres de la bordure de Valladolid et à 22 km de Tordesillas, si j’emprunte le chemin le plus court (ce qui n’est pas dans mon programme). Je vais laisser le Pisuerga pour le moment et me diriger vers Simancas. Là-bas, je vais tâcher de trouver un bar pour déjeuner et d’acheter une créanciale en vue du morceau de pèlerinage que j’entreprendrai à partir de cette ville la semaine prochaine. Le Pisuerga se jette dans le Douro en aval de ce pueblo, donc je pourrai descendre tranquillement vers l’affluent une fois repu.

Après avoir partagé ces quelques photos typiques du désert de Castille prises sur le chemin de Simancas, je vous propose une vidéo semi-panoramique filmée depuis une butte située au milieu d’un champ moissonné. Vous y découvrirez ainsi la ville-étape du chemin de Compostelle :

Après une pause-déjeuner bien méritée, je suis redescendu vers le Pisuerga. J’ai pu remarquer que cette rivière permet d’irriguer un type de culture gourmande en eau, que l’on trouve peu en Castille : le maïs. D’ailleurs, en voulant rester le plus près possible du cours d’eau pour les raisons susmentionnées, je me suis retrouvé dans un champ de cette plante que les conquistadores nous ont ramenée de Mésoamérique. 🌽 Là, j’ai eu l’occasion d’entendre, puis de voir, une biche qui bondissait dans la parcelle d’à-côté, où poussaient des pommes de terre. J’ai dû traverser cette pièce cadastrale en faisant très attention : il fallait non seulement regarder où je mettais les pieds pour ne pas écraser les plants et ne pas me fouler la cheville, mais aussi marcher vers un azimut bien calculé (à l’œil) pour éviter de me faire doucher par les arroseurs automatiques. 💧 Une fois sorti de ce champ, j’ai longé des cultures maraîchères. Je m’y connais moins dans ce type de plantes, car mon père n’en a jamais cultivées. Ça ressemblait à des poireaux, mais ça sentait plutôt les oignons ou les échalottes. Quoi qu’il en fût, j’ai rapidement retrouvé un sentier balisé pour me rendre compte, blasé, qu’au bout d’une bonne heure de marche, je me trouvais quelques centaines de mètres après la sortie de Simancas… 😅

Voici un champ de pommes de terres, apparemment sur une parcelle qui a reçu des cultures de tournesol quelques temps auparavant… 🥔🌻

Apercevant une grande étendue bleue au-delà des peupliers et entendant comme un fort bruit de cascade, j’ai suivi mon intuition et coupé à travers champs pour la troisième fois. Après avoir tellement recherché cet endroit, je crois enfin y être ! 😃 C’est certainement ici que le Pisuerga se jette dans le Douro :

Un barrage entrave le cours du Pisuerga au milieu de nulle part.

N’ayant plus d’eau depuis un moment, je lève le camp, priant pour trouver rapidement un lieu habité. En effet, il fait 34°C et je suis au milieu de nulle part, sur un sentier peu ombragé. Heureusement, la Providence me fait entendre un bruit de moteur. Je fais signe à la voiture de s’arrêter, leur expliquant ma situation. Ils m’informent que je peux atteindre un village à trois kilomètres en suivant le fil de l’eau, le chemin étant bientôt couvert par l’ombre des arbres. 🌲🌳 J’en profite pour leur demander si nous longeons toujours le Pisuerga ou déjà le Douro. Ils me répondent : « Todavía es el Pisuerga, pero se juntan muy cerca de aquí. » Revigoré, je reprends la route avec joie, quand la voiture s’arrête à nouveau. Avec le sourire, mon interlocuteur me tend une bouteille d’un litre et demi d’eau : « ¡Toma, está fresquita! » Je ne manque pas de les remercier et de prier pour que Dieu le leur rende au centuple. 😇

En cliquant sur ce lien, vous pourrez visionner une vidéo du lieu où le Pisuerga se jette bel et bien dans le Douro.

Bon, on est d’accord que cette vidéo envoie moins de rêve que la précédente… 😔 Ayant désiré ce lieu toute la journée, j’ai bien sûr été le premier déçu. Néanmoins, comme disait Philippe Pollet Villard, « dans un voyage, ce n’est pas la destination qui compte, mais toujours le chemin parcouru, et les détours surtout ». 😉 Voici une autre vidéo, qui montre que le lit du Douro est bien plus large que celui du Pisuerga :

Sur le chemin vers Tordesillas, je suis passé dans le village de San Miguel del Pino. J’ai passé un très bon moment dans le café-bar El Molino, où le club de foot Real Valladolid est dûment honoré. 😉

Sortant du village vers 21h30, j’avais 7 kilomètres à parcourir pour terminer ma randonnée. Ayant pu recharger la moitié de la batterie de mon téléphone portable au bar et devant économiser mes données, j’ai choisi de ne pas utiliser le GPS tout au long du trajet et de demander des indications aux villageois. 🧭 Voici les dernières photos que j’ai prises, au bord du Douro, avant le crépuscule. Après les avoir réalisées, j’ai éteint mon appareil afin qu’il me reste de la batterie une fois arrivé à Tordesillas.

Poursuivant mon chemin dans une zone de maquis, à proximité du Douro, je vois, en face et à gauche, des panneaux « Propriété privée » et « Chasse gardée ». Je tourne donc à droite où, le soir tombant, je ne tarde pas à trouver le canal sec dont m’ont parlé les villageois. Il court vers l’ouest, donc vers Tordesillas. Sur sa gauche, il est bordé par un chemin de terre. Je m’y engage, longeant, de l’autre côté, un ensemble de propriétés très chics au milieu des bois. 🏡🌲 Sur ma gauche, j’entends des coups de feu. Je me dis que, si ce sont des chasseurs, je ne risque pas de me prendre une balle perdue puisque cela signifierait qu’ils tirent vers les habitations. Je fixe l’horizon doré par le coucher du soleil, escorté de temps à autres par des chauves-souris. Je ne tarde pas à sortir de la forêt de pins et à abandonner le canal, qui tourne vers le sud. Bientôt dans une prairie, je contourne la résidence, entendant parfois des chiens aboyer ou des chouettes hululer, distinguant de temps à autres un ver luisant dans l’obscurité. 🦉🦇 Je marche maintenant vers le Nord, où j’entends des bruits de voitures et de camions, sachant que passe à cet endroit un axe routier majeur. Quand j’y parviens, j’ai la bonne surprise de m’apercevoir qu’un chemin de terre le longe, en direction du couchant, où les couleurs feu se sont changées en une frange bleue ciel de plus en plus fine. Les premières étoiles apparaissent et je tâche de mémoriser les formes des constellations au cas où je doive me repérer de cette manière. ⭐ Je remarque que la Grande Ourse est côté Nord, au-delà de l’autoroute, donc doit en principe rester sur ma droite. Au bout de quelques kilomètres, il m’arrive d’apercevoir les lumières de Tordesillas par-delà les collines. Sur ma gauche, des cultures maraîchères sont irriguées, ce qu’il est effectivement plus intelligent à faire de nuit lorsqu’on est agriculteur. L’obscurité s’installe et je ne suis plus vraiment sûr de marcher dans la bonne direction. Je décide donc d’allumer mon téléphone pour recourir au GPS. Comme un coup de pouce de la Providence, je vois la pleine lune se lever au Midi. 🌕 Je pourrai donc désormais compter sur une puissante lampe naturelle. Au bout de quelques minutes, mon vieux téléphone portable finit enfin par s’allumer. J’ai bien fait de l’avoir sorti à ce moment-là, car le GPS m’indique que je devrai très bientôt tourner à droite (ce à quoi je n’aurais jamais pensé instinctivement), m’engager dans le tunnel qui passe sous l’autoroute, puis cheminer vers le Nord. Une fois que je suis sûr d’être sur la bonne voie (il reste environ deux kilomètres jusqu’à l’hôtel), j’éteins mon téléphone jusqu’à l’entrée de Tordesillas, puis le rallume et utilise mes données pour parvenir à bon port. J’arrive à l’hôtel vers minuit, après une journée d’aventures passionnantes, mais fatigantes.

Ceux d’entre vous qui me connaissent personnellement savent que j’aime manger. 😋 Le mardi 23 juillet, après un lever tardif, j’ai pris mon petit-déjeuner dans le restaurant de l’hôtel où je loge. Étant habitué à commencer ma journée avec du salé, voici ce que j’ai commandé : pincho de tortilla (omelette avec des pommes de terre), ración de morcilla (boudin noir mélangé avec du riz), café con leche (café au lait) et tostada de queso (tartine au fromage de chèvre et au confit d’oignon). ¡Buen provecho! 🍽

En fin de matinée, j’ai visité l’église-musée San Antolín, où la reine Jeanne Ière de Castille, dite « la Folle », assistait à la Messe fréquemment. De nombreuses œuvres provenant de différents édifices religieux de la ville ont été concentrées à cet endroit, à l’origine pour éviter les vols. Voici quelques clichés de l’intérieur du templo :

Ce magnifique retable a été créé par Jean de Juni (1506-1577), un artiste d’origine française qui a beaucoup marqué la sculpture espagnole :

Après avoir gravi un escalier en colimaçon, j’ai surplombé Tordesillas depuis le toit de l’église. J’ai ainsi pu photographier la ville et la campagne sous différents angles :

Après avoir visité l’édifice religieux, je suis passé devant le lieu où se trouvait jadis l’un des trois palais royaux de Tordesillas. C’est dans cette bâtisse détruite au XVIIIe siècle que Jeanne de Castille a été enfermée pendant 46 ans. Officiellement, ce fut parce qu’elle était folle et donc incapable de gouverner. Aujourd’hui, les historiens doutent qu’elle eût souffert d’une quelconque maladie mentale. En effet, l’on sait que, pendant cette longue réclusion, elle a pris des initiatives logiques et sensées. De même, sa longévité était extraordinaire pour son époque, d’autant plus qu’elle eut peu recours aux services de médecins durant sa vie (hormis quand les comuneros le lui proposaient pour gagner les faveurs de la reine-mère contre l’empereur). Il semblerait que les hommes de sa famille (son père Ferdinand le Catholique et son époux Philippe le Beau, puis son fils Charles Quint) l’eussent enfermée car ils entendaient confisquer les rênes du pouvoir à l’héritière légitime du trône de Castille. 🤔 Quoi qu’il en fût, voici le lieu où se trouvait ledit palais il y a encore quelques siècles. Il a été remplacé par un immeuble des plus quelconques, mais une fresque commémorative rend à ce lieu les hommages qui lui sont dus :

Pour terminer sur cette première journée à Tordesillas, voici deux clichés de l’extérieur de l’église San Antolín, de nuit :

Le mercredi 24 juillet, j’ai eu la joie de visiter le monastère royal Sainte-Claire. Pour commencer, voici quelques photos de l’extérieur de la bâtisse :

Voici quelques clichés du vestibule mudéjar, qui date du XIVe siècle. Au Moyen Âge, on appelait mudéjares les musulmans qui vivaient dans des royaumes chrétiens, dont un certain nombre étaient des artisans du bâtiment. En fonction des époques, les communautés juive, chrétienne et musulmane vivaient harmonieusement les unes avec les autres ou se livraient des guerres sans merci. Pendant les périodes de paix, ce qui garantissait la qualité du vivre-ensemble résidait dans le fait que chaque communauté occupait des corps de métier bien précis. Dans les sociétés médiévales de la péninsule Ibérique, chacun avait sa place et les croyants de différentes religions avaient tous besoin les uns des autres. 🕎✝️☪️ Souhaitant rivaliser avec les émirs des États voisins, certains rois chrétiens ont souhaité imiter l’art hispano-musulman en faisant appel à des artisans mudéjares. À l’instar de ce que vous pourrez lire sur les murs de l’Alcázar de Séville, les inscriptions en arabe ci-après ne signifient absolument rien :

La suite de la visite nous a menés dans un magnifique patio, mudéjar lui aussi. Les arcs en fer à cheval datent de l’époque almohade. Les arcs polylobés sont également typiques de l’architecture hispano-musulmane. D’autres éléments, comme le carrelage au sol et les boiseries, datent seulement du XIXe siècle. Voici quelques photos de cet endroit magique :

Nous sommes ensuite restés quelques instants dans la chapelle dorée, elle aussi de style mudéjar et datant du XIVe siècle. Elle fut dans un premier temps l’oratoire privé du roi de Castille Alphonse XI (1340-1350). Les peintures murales ont été réalisées à différentes époques allant du XIVe au XVIe siècle.

Puis nous avons visité le réfectoire de style Renaissance, qui date du règne de Philippe II (fin du XVIe siècle). En voici quelques photos :

Le lieu suivant est un cloître des XVIIe et XVIIIe siècles encadrant un jardin. Son sol en galets trace quelques motifs. Voici quelques clichés y afférents :

La salle suivante est un appelée antecoro (« avant-chœur », si l’on traduit littéralement en français). Y sont exposées des statues polychromes en bois (dont une de saint Pierre, une de saint Jacques le Majeur et une autre de saint François d’Assise). 😇 Le vestibule en bois avec des tiroirs servait à conserver les archives, ce qui était d’autant plus important que les différents rois d’Espagne passaient régulièrement au monastère, parfois dans le cadre d’actes officiels. Les peintures murales, quant à elles, datent du XVIIe siècle.

Jouxtant cette partie de l’édifice, la salle capitulaire est encore utilisée par les moniales aujourd’hui. À l’autre extrémité se trouve un chœur de décoration baroque, frappé aux armes du souverain Jean II de Castille. L’ensemble est appelé « chœur long » (coro largo).

Comme je l’ai suggéré plus haut, le monastère héberge toujours une communauté de clarisses. L’église y est donc toujours un lieu de culte. C’est pourquoi j’ai dûment enlevé ma gapette dans cette partie de l’édifice construite à la louange et à la gloire de Dieu… 😇 La reine Jeanne la Folle se rendait régulièrement à cet endroit au début de son réclusion car son défunt mari Philippe le Beau y fut enterré avant que ses cendres ne fussent transférées à Grenade, auprès du tombeau d’Isabelle la Catholique. En effet, prince flamand avait formulé le souhait d’être inhumé auprès de sa belle-mère, à laquelle il vouait une grande admiration.

Voici quelques clichés de la sacristie, où sont exposées, entre autres, des planches issues d’un ancien retable endommagé par un incendie. Certains éléments sont de style mudéjar, comme la coupole ou l’étoile à huit branches figurant sur le parquet :

De style gothique flamboyant, la chapelle latérale de la maison Saldaña abrite les gisants de plusieurs membres de cette famille noble du XVe siècle, dont le fondateur était étroitement lié au pouvoir royal à l’époque de Jean II de Castille. C’est aussi dans cette chapelle que fut inhumée Jeanne la Folle dans un premier temps, avant que ses cendres ne fussent transférées à l’Escorial, puis à Grenade, auprès de ses parents et de son époux. Ce lieu abrite également un retable narrant des scènes bibliques et peint à une époque où la majorité des gens ne savait pas lire. 📖 Faute de pouvoir méditer le texte des Saintes Écritures, le peuple était ainsi catéchisé par ces supports visuels. Dans cette chapelle latérale, qu’une grille du XVe siècle sépare de la nef, trois statues en pierre représentent des saints ou autres personnages religieux. Le seul qui soit clairement identifié est l’apôtre André, reconnaissable à la croix en forme de X, soit l’instrument de son martyre. Sur le piédestal du retable, un jeu de société a été gravé par des enfants de chœur qui s’ennuyaient pendant les offices. 😉

La visite s’est terminée par un passage dans ce qui constituait autrefois les bains arabes, de style mudéjar. Leur taille est modeste car leur usage était privé et, me semble-t-il, réservé à la famille royale.

Vers le milieu de l’après-midi, j’ai visité l’église paroissiale Sainte-Marie. 😇

Admirez ce magnifique retable, cet orgue baroque richement décoré, cette statue habillée et couronnée de la Sainte Vierge, ces fonts baptismaux surmontés par une représentation de saint Jean-Baptiste, ou encore ce char des processions de la Semaine sainte, représentant l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem (dimanche des Rameaux) ! 😃

Aujourd’hui, il fait 38°C dans cette ville castillane chargée d’histoire. 🥵 En plus de sa beauté, la maison de Dieu constitue un havre de fraîcheur au milieu de la fournaise de la Meseta. 🌻🙂 Ce réel sur Facebook offre une visite globale de l’édifice.

Sur le chemin du retour, j’ai traversé la Plaza Mayor. Regardez-moi tous ces drapeaux ! On se croirait dans une manif algéro-bretonne… 😉

Voici une photo du même lieu, de nuit :

En fin d’après-midi, j’ai visité le musée du Traité de Tordesillas, qui se trouve dans le bâtiment où, en 1494, des représentants plénipotentiaires des couronnes d’Espagne et du Portugal ont tracé entre les deux pôles une ligne imaginaire traversant l’océan Atlantique. 🌊 À l’Est de ce méridien, les terres découvertes et à découvrir appartiendraient au Portugal. En revanche, celles se trouvant côté Ouest seraient à compter de ce jour considérées comme la propriété des couronnes de Castille et d’Aragon. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on parle espagnol au Pérou et portugais au Brésil. 🙂

Ci-après, vous pourrez voir à quoi ressemblaient les trois navires de Christophe Colomb lors de son premier voyage, en 1492. 😃

En effet, la première salle du musée abrite des maquettes de la Pinta, de la Niña et de la Santa María. ⚓

Les deux premières étaient des caravelles, bateaux légers dirigés par les frère Pinzón. La Santa María, quant à elle, était une nao, soit un navire de taille plus importante, commandée par le futur amiral Colombo en personne. 🙂

Christophe Colomb n’a jamais su qu’il était arrivé en Amérique. Mort en 1506 à Valladolid, il pensait avoir accosté en Inde et a nommé indios les personnes qu’il a rencontrées là-bas. Voici comment le Génois se représentait les étendues terrestres qui se trouvent au-delà de l’océan :

Bien que je ne l’aie pas photographiée, une partie du musée explique quelles étaient les connaissances géographiques des Européens au Moyen Âge. Les savants se basaient sur les écrits et les calculs des Grecs, notamment Ptolémée, qui avaient déjà découvert que la Terre est ronde. 🌍 Les récits de Marco Polo permirent également aux Occidentaux d’avoir une vague idée de l’Extrême Orient. Commerçant avec l’Inde et d’Indonésie, prenant le contrôle d’une partie de la Route de la Soie, les Arabes et les Turcs avaient des connaissances bien plus précises quant à la géographie de cette région du monde. 🧭 Entourés par la mer, les royaumes chrétiens de la péninsule Ibérique étaient naturellement poussés à s’aventurer dans les étendues bleues. Les géographes et marins de cette extrémité de l’Europe (dont un certain nombre étaient d’origine juive, donc issus d’une communauté de savants et de voyageurs) utilisaient les astres pour se guider, notamment grâce à des outils comme l’astrolabe, inventé par les Arabes. 🕎✝️☪️ C’est ainsi qu’au XVe siècle, les Espagnols conquièrent les Canaries, tandis que les Portugais explorent les côtes africaines. En 1488, soit 4 ans seulement avant l’arrivée de Christophe Colomb aux Bahamas, l’expédition dirigée par Bartolomeu Dias passe le Cap de Bonne-Espérance. Fernando Pessoa en a fait un célèbre poème, « O Mostrengo » :

À la fin du Moyen Âge, l’approvisionnement en épices est contrôlé par l’Empire ottoman, qui augmente très fortement le prix de ces denrées venues d’Indonésie. 🌶 C’est pour cette raison que Christophe Colomb souhaite accéder à cette source de richesse en passant par un autre chemin. En effet, il n’est pas question de financer un empire qui menace la Chrétienté. Après avoir été envoyé paître par plusieurs souverains, il parvient à convaincre Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les rois dits « Catholiques » dont l’union a fondé le royaume d’Espagne. Ces derniers acceptent de financer le projet du célèbre marin génois. ⚓ Par la suite, les métaux précieux issus des mines américaines permettront à l’Occident de financer sa défense contre les attaques du Grand Turc. ⚔🛡

Une fois que l’expédition de Colomb revient, les Portugais réclament des droits sur les territoires découverts et à découvrir. Ils demandent donc à négocier un traité avec la couronne d’Espagne en vue de se mettre d’accord sur le partage du monde. 🌎

Voici des facsimilés du traité de Tordesillas. L’original en castillan est conservé à Setúbal (ville voisine de Lisbonne) et l’original en portugais se trouve à Séville. 🐟💃

À la suite du traité, et déjà même quelques années avant, les empires espagnol et portugais sont partis à la conquête du monde. 💪 Voici l’expansion maximale des deux puissance péninsulaires, ainsi que de leurs aires d’influence respectives :

Qui sont les personnes physiques qui ont signé le traité au nom des Rois catholiques et de João II ? Cette animation met en scène les différents signataires de l’accord, expliquant qui ils sont. C’est très clair au début, mais une horde de touristes espagnols qui parle en criant est venue parasiter la bande son… 😅

Concentrez-vous davantage sur les images que sur le son ! 😉

À côté du musée du Traité se trouve une exposition permanente de maquettes. Pour commencer, voici une reconstitution du palais royal où Jeanne la Folle a été enfermée pendant quarante-six ans 🤪 :

Voici d’autres représentations miniatures de monuments de la région Castille et León :

Cette maquette représente les Maisons du Traité, qui abrite le musée y afférent.
Château de Simancas, où est préservée une importante quantités d'archives, datant notamment du règne de Charles Quint.
Reproduction de l'église Santa María la Antigua (centre-ville de Valladolid)
Évêché d'Astorga, conçu par le célèbre architecte de la Sagrada Familia (Barcelone), Antoni Gaudí i Cornet.
Voici un château typiquement mudéjar.
Dans ce village de la province de Palencia, un Christ imposant a été érigé à la louange et à la gloire de Dieu fait homme, Sauveur de l'humanité.

Pour conclure au sujet de mon séjour culturel à Tordesillas, voici la photo d’une œuvre signée Vicen, qui représente une vue de la vieille ville (église San Antolín, Maisons du Traité et pont au-dessus du Douro). Je n’en ai pas la certitude, mais il s’agit certainement d’une pyrogravure. Admirez ce travail d’artiste :

Le jeudi 25 juillet, je suis retourné à Valladolid et j’ai assisté à une messe en l’honneur de saint Jacques le Majeur, patron du royaume d’Espagne. Le sermon était, disons, très… patriotique, pour ne pas dire « nationaliste ». Le prêtre interprétait l’histoire à sa manière, analysant la Reconquête chrétienne comme l’accomplissement de la volonté divine et la conquête de l’Amérique comme une récompense donnée par Dieu aux Espagnols pour avoir bouté les Sarrazins hors d’un territoire où ils n’avaient rien à faire. 🏆 Il a mentionné comme une évidence la véracité de la légende de Santiago Matamoros (en français « saint Jacques Matamore »), soit l’Apôtre qui serait apparu lors de certaines batailles aux côtés des chrétiens, tuant des soldats musulmans. En voici une représentation, que j’ai prise en photo dans l’église San Antolín de Tordesillas :

Une fois les conquistadores en Amérique, Santiago Mataindios serait apparu de la même manière, trucidant des Amérindiens. Chacun peut avoir ses convictions, mais je ne suis pas sûr que toutes ces apparitions guerrières soient reconnues par le Vatican au même titre que celles de Lourdes, par exemple. Après, Valladolid est considéré comme la ville la plus réactionnaire d’Espagne, au point que les mauvaises langues l’appellent Fachadolid. Si je suis lié à ce brave prêtre par la foi catholique et si je crois vraiment qu’il était conformé au Christ lors de la consécration, me permettant ainsi de recevoir Dieu tout entier dans l’Hostie, je n’ai pas adhéré aveuglément à son sermon et j’ai même eu l’impression d’être exclu d’une partie de la messe, n’ayant pas reçu de Dieu la grâce d’être membre de cette Patrie hautement supérieure où je m’incruste comme un parasite pendant un mois… 😅

Le vendredi 26 juillet, je suis retourné en car à Tordesillas pour une visite guidée très importante. En effet, souhaitant retenter en 2025 l’agrégation externe d’espagnol, je dois approfondir le plus possible l’ensemble des questions au programme, dont cette thématique de civilisation :

« Les Comunidades de Castille : guerre civile et restauration de l’ordre monarchique au XVIe siècle. » 🏰

De quoi s’agit-il ? En 1516, Charles de Habsbourg arrive en Espagne, un pays dont il vient d’être couronné roi. Sa mère, Jeanne, est considérée comme folle, donc incapable de gouverner. Elle est enfermée à Tordesillas. Bien vite, le jeune souverain est mal perçu par les Castillans : il est habillé de manière trop luxueuse, il s’est fait proclamer roi de Castille alors que sa mère est encore vivante, il nomme ses amis flamands et bourguignons à tous les postes à responsabilité, déclassant l’aristocratie locale, et il ne maîtrise pas la langue espagnole. En 1519, son grand-père Maximilien, alors à la tête du Saint-Empire romain germanique, passe l’arme à gauche. ⚰ Celui qui deviendra Charles Quint se porte candidat pour lui succéder. Son principal rival est François Ier. Le Flamand réussit à l’emporter, notamment en versant des pots-de-vin conséquents aux princes électeurs. Pour ce faire, il a contracté des dettes qu’il faudra rembourser. Il décide alors de lever un impôt spécial sur les villes de Castille. Ce dernier est approuvé par les représentants de ces collectivités, mais cause un grand mécontentement au sein de la population citadine. En effet, pourquoi les Castillans devraient-ils financer les intérêts de leur roi à l’étranger, d’autant plus que les récoltes sont mauvaises et que le marché de la laine désavantage l’intérieur du pays ? Les tensions montent et quelques événements dramatiques font dégénérer la contestation en guerre civile. En 1520, les rebelles se fédèrent et forment un gouvernement parallèle à celui du roi, qui est parti en Allemagne afin de se faire couronner empereur. Le régent Adrien d’Utrecht (cardinal et futur pape Adrien VI) peine à rassembler les troupes royalistes pour mater la rébellion. En effet, les nobles ont été déclassés par les Flamands et ne serviront la Couronne qu’en échange de certains privilèges. 💰 En novembre 1520, la ville de Burgos change de camp et rejoint les royalistes. L’aristocratie s’engage petit à petit aux côtés du régent, notamment car certains soulèvements antiseigneuriaux dans des zones rurales ont été soutenus par les comuneros. À la fin de l’année 1520 et au début de l’an 1521, le mouvement des Comunidades est en difficulté, car il perd du terrain face au pouvoir légitime et fait face à des divisions internes. Fin avril 1521, l’armée comunera est vaincue à proximité de Villalar et ses principaux cadres militaires, Juan de Padilla, Juan Bravo et Francisco Maldonado, sont décapités sur la place de cette ville. 🪓 Cette révolte nationaliste aux revendications démocratiques avant-gardistes pour l’époque est encore bien présente dans l’imaginaire collectif en Castille. Certains voient les comuneros comme des précurseurs de la gauche libérale, tandis que d’autres les considèrent comme des réactionnaires nostalgiques de l’époque médiévale qui résistaient à la modernité européenne et universaliste apportée par Charles Quint. En réalité, les penseurs du mouvement étaient surtout des moines franciscains et dominicains, qui prêchaient la rébellion en s’appuyant sur les thèses de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. 📚 À l’instar de la doctrine sociale chrétienne, la pensée thomiste ne peut être classée ni à droite ni à gauche. D’ailleurs, la tradition catholique est bien plus ancienne que ce clivage, qui date seulement de la Révolution française. Vouloir classer cette révolte de la proto-bourgeoisie castillane sur l’échiquier politique contemporain relèverait donc de l’anachronisme. Par ailleurs, la rébellion était surtout fondée sur un mécontentement social dû à une crise économique et politique. Ce soulèvement a duré trop peu de temps pour développer une idéologie solidement étayée. Néanmoins, il a assez marqué l’histoire pour faire parler de lui et pour être retenu au programme de l’agreg… 😉

La visite guidée s’est avérée très intéressante, mais j’ai peu appris de choses sur la révolte des Comunidades. J’en ai davantage intégré sur les rois et reines de Castille, notamment Jeanne Ière, que notre guide Inés se refusait à qualifier de « Folle ». En effet, elle a surtout été victime de maltraitance psychologique de la part de son mari qui, par exemple, confisquait le courrier que les Rois catholiques envoyaient à leur fille. 😥 Philippe le Beau convoitait le royaume de Castille, dont son épouse était l’héritière légitime. Avant de mourir, Isabelle la Catholique a rappelé sa fille auprès d’elle à Medina del Campo. Elle a ainsi pu se rendre compte de l’emprise dont Jeanne était victime. Dans son testament, la reine a donc nommé sa fille comme seule héritière du royaume et, au cas où elle ne puisse gouverner, son mari Ferdinand assurerait la régence en plus de son règne en Aragon, jusqu’à la majorité du prince Charles. Mais Philippe le Beau ne s’est pas laissé faire et a conclu des alliance avec la noblesse castillane, qui avait perdu beaucoup de pouvoir et de patrimoine face au pouvoir royal. 🏰 Déjà, une crise politique couvait, annonçant la partition en deux de la société quelques décennies plus tard. Impopulaire, Ferdinand a fini par confier la régence du trône de Castille au cardinal Cisneros, un homme d’Église dont l’autorité était incontestable. Ce dernier est décédé quelques temps après la mort du roi, alors qu’il allait à la rencontre du jeune Charles de Habsbourg, récemment couronné, qui venait d’arriver en Espagne. 👑 Quelques années plus tard, les comuneros chercheraient à bénéficier du soutien de la reine Jeanne contre celui qui était désormais l’empereur Charles Quint. Celle que l’on qualifiait de « Folle » leur rétorqua, pleine de bon sens, que le souverain officieux était son fils et qu’elle ne lui retirerait jamais son trône. Ils incitèrent donc la reine-mère à se remarier, afin qu’elle ne soit plus un obstacle gênant entre les rebelles et son protégé. 👩🏼‍🤝‍🧑🏻 Mais la recluse de Tordesillas leur répondit qu’elle avait déjà pleinement accompli son devoir en tant que reine, épouse et mère, ayant obéi à ses parents en épousant à 18 ans Philippe le Beau, dans l’intérêt des royaumes hispaniques, puis ayant eu quatre enfants avant son arrivée dans la villa, alors qu’elle était une jeune veuve de 29 ans. Jeanne passa ensuite 46 ans enfermée dans ce palais, jusqu’à sa mort en 1555. Ce fut donc une vie difficile pour cette femme exceptionnellement instruite pour l’époque et bien plus équilibrée que ne le laisse entendre son surnom. Une vie sacrifiée du début à la fin pour les intérêts du royaume de Castille.

À 15h, j’ai pris le car pour Villalar de los Comuneros, le lieu où les rebelles ont perdu leur dernière bataille et où leurs trois principaux officiers ont été décapités le 23 avril 1521, en présence du cardinal Adrien. Avant de se faire exécuter, Juan de Padilla a dit à l’un de ses compagnons, qui protestait devant la sentence de mort pour trahison : « Señor Juan Bravo, ayer era día de pelear como caballeros, y hoy de morir como cristianos » [Messire Jean Bravo, hier était un jour où il nous incombait de combattre comme des chevaliers et aujourd’hui (est un jour) où notre devoir est de mourir en chrétiens]. Le car m’a déposé exactement à l’endroit où les trois hommes ont été exécutés, soit sur l’ancienne place du marché. Ironie du sort (ou de la Providence), lorsque j’ai allumé mon téléphone pour prendre en photo le monument commémoratif, l’heure affichée était… 15h21 ! 😉

En ce jour où le soleil frappe dur dans ce village rural castillan, j’ai trouvé refuge dans le seul bar du pueblo, où j’ai pu recharger mon téléphone ainsi que mes réserves en eau, mais aussi ingurgiter une dose de caféine me permettant de me stimuler pour le défi que je me suis lancé : marcher 4 bonnes heures jusqu’à Torrelobatón (un autre haut lieu de cette guerre civile du début du XVIe siècle), puis poursuivre jusqu’à Valladolid, à partir de la tombée du soir. 🌙 J’ai demandé à la serveuse si elle ou des clients savai(en)t à quel endroit exact a eu lieu la bataille décisive. Elle m’a orienté vers un senior attablé au comptoir, qui connaît bien l’histoire locale. Padilla et ses hommes avaient conquis Torrelobatón pour couper la route à l’approvisionnement de l’armée royaliste. Mais, le mouvement perdant du terrain, ils ont finalement pris, bien trop tard, la décision d’abandonner cette place forte pour Toro, une ville au sud de l’actuelle province de Valladolid, où ils espéraient renforcer leurs troupes. Néanmoins, les hommes étaient fatigués et la pluie ralentit leur marche. Leurs ennemis les rattrapèrent à deux kilomètres de Villalar, sur la route de Torrelobatón, en pleine nuit. Mon interlocuteur m’a confirmé que le pont où les comuneros ont été vaincus se trouvait sur la route que j’emprunterai à pieds et qu’un monument commémoratif y a été érigé. 🙂

En sortant du bar, vers 17h15, je discute avec des anciens du village et leur fais part de mon projet de marcher vers Torrelobatón, puis de pousser jusqu’à Valladolid. Ils m’annoncent que le chef-lieu de la province est à plus de quarante kilomètres de Villalar et que je ne pourrai pas atteindre le centre-ville avant 5 ou 6 heures du matin. Suis-je assez fou pour marcher toute la nuit ? À l’heure où je vous écris, je n’en sais rien. En revanche, je sais parfaitement que je suis un radin assumé et que je n’ai pas envie de payer une nuitée à Torrelobatón, sachant que j’en ai déjà réglé une à Valladolid. En avant pour l’aventure ! 😃

Deux kilomètres après Villalar et peu après avoir photographié, sous un soleil de plomb, ces paysage typiques du désert de Castille, j’écris ces lignes depuis le lieu où s’est tenue la fameuse bataille. Ici, les troupes royalistes ont pris par surprise l’armée des insurgés, dont les soldats étaient épuisés. Beaucoup ont pris la fuite, paniqués, et ont été décimés par leurs adversaires. Selon les versions, 400 à 1000 cadavres, ainsi qu’une grande quantité d’armes, auraient jonché ces champs où je me trouve, en cette nuit pluvieuse du 22 au 23 avril 1521. Les arcades proviennent certainement du pont qui y enjambait un ruisseau à cette époque. C’est là que Jean de Padilla tomba de son cheval après avoir chargé la cavalerie impériale en criant « ¡Santiago y libertad! » [Saint Jacques et liberté !]. Vous trouverez de plus amples informations (en espagnol) sur ce qu’il s’est produit à Villalar il y a 503 ans, 3 mois et 3 jours en cliquant ici. 🙂

Peu après, j’ai traversé le village de Marzales, où une peinture murale à été inaugurée à l’occasion du cinquième centenaire de la bataille de Villalar. 😀

À l’entrée du village suivant, un monument rend hommage à l’auteur contemporain Miguel Delibes, originaire de Valladolid. L’intrigue de ses romans se déroulait généralement dans la région. 📖 Il est décédé au printemps 2010, soit quelques mois après mon premier séjour dans le chef-lieu de la communauté autonome de Castille et León. Il paraît que 5000 personnes ont assisté à son enterrement, dans la cathédrale.

Vers 19h30, j’ai fait une halte dans le village de Vega de Valdetronco. 🌾🐕🌻 Au cœur de ce pueblo, l’église Saint-Michel offre une belle décoration baroque, avec un retable où l’Archange à la tête de la Milice céleste est bien mis en valeur. ⚔😇🛡 D’autres saints sont représentés, comme Notre-Dame du Rosaire, un saint Augustin Matamore (¿🤔?), ainsi que saint Isiodore le Laboureur, qui vécut à Madrid au Moyen Âge. 🚜🏰 L’analyse du corps miraculeusement momifié de cet agriculteur canonisé a prouvé qu’il avait des traits typiques de l’Afrique subsaharienne, d’où il tirait certainement de nombreuses origines. 👨🏾‍🦱

J’ai ensuite repris la route vers Torrelobatón. Tout d’abord, voici quelques images de Vega de Valdetronco, un village castillan typique. 🙂

Aux dernières heures de soleil, j’ai cheminé 800 mètres jusqu’au village suivant, ayant la bonne surprise de trouver une mue de serpent au bord de la route. 🐍 Longeant des champs de céréales, j’ai aussi pu apercevoir de nombreux rongeurs qui fuyaient vers leur terrier à mon approche. 🐀

Un peu plus loin, alors de le soleil s’approchait de la ligne d’horizon, je me suis introduit dans un champ de tournesols. 🌻 Je ne sais pas pour vous, mais cette fleur intéressante au niveau symbolique me fascine depuis l’été 2022. Si vous voulez savoir pourquoi, une partie de la réponse se trouve dans mon livre Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle… 😉

Le tournesol est, entre autres, un symbole écologiste (bien que sa représentation soit aussi associée à d’autres vertus). Si tout n’est pas eco-frienly en Espagne, ce pays dispose d’assez de soleil et de vent pour produire beaucoup d’énergie à travers les panneaux photovoltaïques et les éoliennes. ☀️🌬

Après avoir parcouru la campagne sous des températures bien plus douces qu’à la sortie de Villalar, je suis arrivé dans le village de Villasexmir. Je ne connais pas l’étymologie de ce toponyme, mais on dirait du castillan médiéval (peut-être même une contraction de deux étymons, l’un d’origine latine en début de mot, puis un suffixe provenant de l’arabe). Une question à creuser… ⛏

À la sortie du pueblo, j’ai été intrigué par une petite construction au milieu d’un champ. Un villageois m’a expliqué qu’il s’agit d’un chozo, soit un abris qu’utilisaient les bergers pour se protéger du soleil et des intempéries tout en surveillant leur troupeau. 🐏

El chozo de Villasexmir

Avant d’arriver à Torrelobatón, j’ai pu prendre les derniers clichés de la campagne castillane avant la tombée de la nuit. 🌌

Vers dix heures du soir, je suis arrivé à Torrelobatón, dont j’appercevais l’imposant château pris par les comuneros en février 1521, au terme de huit jours de siège. 🏰 Avant de visiter le village, je me suis installé dans un bar, où j’ai pu voir la fin de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. 😃 Les journalistes espagnols qui commentaient l’événement n’ont pas caché leur surprise et leur enthousiasme quand Zinedine Zidane a transmis la flamme à Rafa. 🎾😉

Vers 1h30 du matin, après avoir chargé à bloc mon téléphone, je suis sorti du bar pour voir le château de près et le prendre en photo. Que je misse le flash ou non, todo salía fatal. J’ai donc discuté avec deux jeunes du village qui étaient là. Entre autres, ils m’ont fait remarquer qu’à cause des pluies diluviennes qui ont eu lieu ces dernières années, le complexe militaire est infiltré par l’eau et fissuré par endroits. 🏰💧 À terme, cette bâtisse vieille de plus de 500 ans risque de s’effondrer. Une association culturelle locale milite pour que la diputación de Valladolid (équivalent du conseil départemental) finance une étude et des travaux de restauration. Pour le moment, le dossier n’a pas été traité et, un jour, il sera trop tard.

J’avais initialement prévu de marcher toute la nuit pour atteindre Valladolid vers 6h du matin. Notamment pour pouvoir photographier le château de Torrelobatón à la lueur du jour, j’ai décidé de passer ma nuit blanche dans le village. Après avoir discuté pendant 3h20 au téléphone avec une amie panaméenne (c’est pratique d’avoir des amis à 6 ou 7 fuseaux horaires de décalage), je vous écris le samedi 27 avril, alors que l’aurore pointe son nez à l’Est. Je vais me diriger vers la gare routière pour voir quand et comment je pourrai rentrer à Valladolid, puis j’irai faire ma séance shooting. 📸

Finalement, j’ai dû poursuivre à pied car il n’y a pas de car entre Torrelobatón et Valladolid le samedi. 🥾 À l’heure où je vous écris, je suis assis à la terrasse du bar de Wamba. Oui, vous avez bien lu : c’est ainsi que se nomme le village où je me trouve en ce samedi 27 juillet 2024 vers 11h du matin. Ce n’est ni au Kenya ni en Australie, mais bien en Castille, à 18 km de Valladolid. J’ai quitté Torrelobatón vers 7h, suivant les instructions du GPS, puis éteignant mon téléphone une fois qu’il suffisait de continuer toujours tout droit. La batterie était à plat ; c’était vraiment dommage car, lors de la montée vers le plateau des Torozos, il y avait des vues magnifiques qui auraient fait de belles photos. ⛰ Une fois sur le páramo, j’ai pu observer la nature en éveil, notamment des lapins, des rongeurs et des oiseaux qui s’échappaient des buissons en entendant mes pas. Après un premier village très rural dont le bar n’ouvrait qu’à 11h, j’ai longé la route qui court vers l’Est. J’ai été très agréablement surpris d’atterrir dans ce pueblo dont le nom, Wamba, m’intrigue depuis 13 ans que je connais son existence. Là aussi, il y aurait des recherches étymologiques à effectuer… 😉 En poursuivant ma randonnée, j’arriverai à Zaratán, où habite le père de mon amie Ana. C’est par cette commune que j’arriverai dans l’agglomération de Valladolid. Le GPS prévoir 4h de marche. ¡Adelante! 💪

En sortant du village, je découvre deux monuments en l’honneur de l’étrange toponyme. À la vue de la statue du roi Wamba, je crois comprendre l’étymologie du nom de ce lieu. Il s’agit sans doute d’un anthroponyme d’origine wisogothe. 🙂

Vers midi, j’ai pris la route de Zaratán, une voie de circulation rapide en ligne droite, sur une dizaine de kilomètres, en plein cagnard. 🌞 Heureusement, les automobilistes et moi-même disposions d’une excellente visibilité, ce qui nous permettait de garantir ma sécurité. Je marchais face à la circulation et j’avais largement la place de m’écarter sur le bas-côté, tandis que les voitures se mettaient au milieu de la chaussée dès qu’elles m’apercevaient de loin. Sans vous mentir, ce tronçon était monotone et très moche. La seule chose que j’ai mitraillé de photos était l’attroupement de cigognes et de rapaces autour d’un champ en pleine moisson. 🦅🚜 Comme je l’ai déjà observé, de nombreux rongeurs élisent domiciles dans les champs de céréales. Il paraît que certains sont même des nuisibles. 🐭 Or, quand vient la moissonneuse-batteuse, il y a des dommages collatéraux au sein de cette population de petits mammifères. Le sachant bien, les oiseaux carnivores se précipitent sur cette viande fraîche qui leur est servie sur un plateau. 🥩

À l’approche de Zaratán, la route perd énormément en visibilité et devient très dangereuse pour les piétons :

Heureusement, j’aperçois sur la droite un sentier qui monte vers une forêt de pins. Comme m’en informe mon ami Jairo, qui est technicien forestier, ces conifères bien plus petits que ceux que nous avons en France sont originaires d’Alep (Syrie) et se nomment pinus halepensis. 🌲 En Castille, on ne trouvait pas de pins à l’origine. Les arbres endogènes de la région sont le chêne vert (quercus ilex, ou encina en espagnol), ainsi qu’un autre feuillu de la même famille nommé quejigo en castillan (Quercus faginea en latin et « chêne faginé » en français). 🌳 Le pin d’Alep (nommé aussi « pin blanc de Provence ») a été introduit dans la région car il résiste bien à la sécheresse et s’adapte aux sols de mauvaise qualité. Cette essence est souvent plantée au bord des routes car elle permet de lutter contre l’érosion des talus. Jairo complète : le pin le plus fréquent dans la province de Valladolid est le pinus pinea (pin parasol), dont les pignons sont comestibles. 🍽 On y trouve également le pin maritime (pinus pinaster en latin et pino resinero en espagnol), dont on entaille l’écorce pour en extraire la résine. Je m’aventure dans cette région boisée et pentue, ce qui me permet d’être non seulement en sécurité, mais aussi à l’ombre.

Bientôt, l’agglomération de Valladolid s’étend à mes pieds. N’ayant plus de mémoire dans mon téléphone, j’ai dû arrêter de prendre des photos. Suivant le sentier, je finis par comprendre qu’il ne mène pas vers la ville. Je décide de couper à travers champs, traversant une prairie d’herbe haute et sèche. Par cette température de 35°C, je me doute bien que je ne risque pas d’attraper des tiques dans cette végétation on ne peut plus déshydratée. En revanche, j’avance lentement, faisant un maximum de bruit avec mes bâtons et mes pieds. En effet, je suis au beau milieu d’un habitat idéal pour les vipères. 🐍 Si je leur fais peur alors que je me tiens encore à une distance raisonnable de ces reptiles, ces derniers fuiront au lieu de me piquer, en ce lieu isolé et difficile d’accès. J’arrive à Zaratán vers 16h et en sors après 17h, profitant de la fraîcheur d’un bar, puis d’un coin d’ombre, avant de terminer ma route vers Valladolid, une fois que la température a bien baissé. 🌡🧯

Vers 19h, j’arrive à bon port. Si je suis fier d’avoir relevé ce défi, vous imaginez bien que je suis complètement explosé. 💥 Après m’être préparé pour la nuit, je me couche à 19h45, sans mettre de réveil. Demain, j’observerai vraiment le repos dominical et irai à la messe en soirée. 😇 ¡Buenas noches!

Le lundi 29 juillet, j’ai pris le car pour Simancas, en vue de suivre le chemin de Compostelle. Voici la première photo que j’ai prise. Pour ceux d’entre vous qui parlent espagnol, vous comprendrez que le nom de cette rue est tout à fait cohérent avec ce qu’indique le panneau… 😅

Simancas est surtout connue pour son imposant château, comme je l’ai déjà expliqué plus haut. 🏰 Voici quelques photos de l’intérieur et de l’extérieur de l’édifice :

Ce complexe militaire a été construit par des nobles castillans au XVe siècle, mais vite confisqué par les Rois catholiques. 👑 Leur petit-fils, Charles Quint, voyageait beaucoup. Pour ne pas perdre les précieux documents officiels de ses royaumes hispaniques, il les a entreposés dans une tour de ce château. 📜 Son fils Philippe II a été plus loin en centralisant à cet endroit les archives de son empire, sur lequel le soleil ne se couchait jamais. ☀️

Aujourd’hui, le château de Simancas est l’un des centres archivistiques les plus importants d’Europe. Un régal pour les historiens ! 😋

Dans l’exposition ouverte au grand public, voici les photos que j’ai prises des documents qui m’ont semblé les plus intéressants :

Vous l’avez compris : Simancas est une ville chargée d’histoire. C’est notamment ici que deux puissants empereurs ont été vaincus par les Castillans : le calife omeyyade Abd er-Rahmân III en 939 et Napoléon Bonaparte en 1812. ⚔ En 1526, l’évêque Antoine Acuña, un cadre du mouvement comunero qui avait semé la terreur en Castille avec ses 300 hommes, a été exécuté par Charles Quint, qui risquait l’excommunication en mettant à mort un prélat. 💀 Le corps du clerc a été exposé, suspendu à l’une des tours du château de Simancas, où il avait été retenu prisonnier depuis son arrestation. Finalement, le pape Adrien VI, ancien précepteur du roi-empereur, a renoncé à appliquer la sanction fatale, car il avait besoin de pouvoir compter sur le puissant souverain face à la menace de l’invasion turque. ♟ Voici quelques photos de monuments didactiques, qui content ces événements et commémorent d’autres épisodes du passé :

Voici également quelques clichés de l’église de Simancas (paroisse du Très Saint Sauveur), où j’ai eu l’immense honneur de participer à la Sainte Messe :

Le mardi 30 juillet, j’ai commencé à cheminer en direction de Santiago. Peu après être monté sur le páramo (plateau sec) qui surplombe Simancas, j’ai fait un petit détour pour aller voir un tombeau collectif vieux de 6000 ans. ⚰

Au Néolithique, au moins 22 personnes (surtout des adultes mesurant entre 1,55  et 1,65 mètre) furent enterrées dans ce tumulus, où ont été retrouvés, en plus des ossements des défunts, des objets en silex à usage domestique, ainsi que des idoles (dont une taillée dans un radius humain). 💀🗿

À titre personnel, je serais curieux de savoir si des analyses ADN ont pu être menées sur ces squelettes. À quoi les Castillans des années -4000 pouvaient-ils bien ressembler ? 👱‍♂️👨🏾‍🦱👩‍🦰👱🏿‍♀️

Voici quelques photos du monument mégalithique de Los Zumacales :

Et voici une petite vidéo qui montre le vestige préhistorique dans son ensemble :

Après cet écart hors des sentiers battus, je suis revenu sur le Camino. J’ai ainsi pu prendre quelques clichés du páramo avant d’arriver à Ciguñuela :

Après une nuit à Ciguñuela où j’ai été très bien accueilli, notamment par le serveur du bar, qui gérait aussi l’auberge, j’ai poursuivi le Camino, le mercredi 31 juillet. Peu avant Wamba, j’ai à nouveau pris quelques clichés du páramo :

Au même endroit, j’ai longé une plantation de pins, ce que les Espagnols appellent un pinar. 🍷

J’ai ensuite continué ma route, jusqu’au village de Peñaflor de Hornija. Cette place forte entourée d’éoliennes se trouve sur une butte et est protégée par une douve sèche. L’ascension en plein cagnard a été assez sportive. ☀️

Les villageois m’ont très bien accueilli dans ce pueblo. À la fin de mon dîner au bar, j’ai demandé aux autres clients et aux serveuses s’ils connaissent l’histoire locale. En effet, la géographie du lieu en fait naturellement une place forte. D’après ce que j’ai pu lire sur internet, les locaux se seraient rebellés contre leurs souverains au XVe siècle. ✊ En représailles, le mur d’enceinte a été abattu. Ailleurs sur la Toile, j’ai lu que c’est d’ici que serait partie l’armée royaliste réunie par Adrien d’Utrecht, qui poursuivit les troupes comuneras en partance pour Toro, avant de vaincre ces dernières à proximité de Villalar. D’après les serveuses, les campagnes alentours contiendraient des ossements de soldats tombés lors de la guerre civile (1936-1939).

Le jeudi 1er août, j’ai pris la direction de Medina de Rioseco. Avant de monter sur un nouveau plateau, j’ai croisé un berger avec ses brebis. L’élevage ovin est assez répandu en Castille. Le pasteur a accepté que je les prenne en photo et que je publie le cliché en ligne :

Voici quelques vues du plateau. On y voit notamment quelques chênes verts (encinas), un feuillu endémique de Castille, que l’on trouve très fréquemment sur la Meseta :

En échangeant sur WhatsApp avec mon amie Ana, je lui ai fait remarquer combien j’aime la nature des campagnes de Castille, qu’Antonio Machado a si bien valorisées dans son recueil de poèmes Campos de Castilla. Elle m’a alors fait suivre cette chanson, où Serrat met en musique l’un de ses poèmes, qui fait justement référence à la marche :

« Caminante no hay camino » est un poème d’Antonio Machado, ici mis en musique par Serrat.

Vers 14h, je suis arrivé à Castromonte. Ravi de pouvoir faire une pause, car la faim me tiraillait après ces 10 km entrepris suite à un petit-déjeuner très maigre. Je me suis dirigé vers le bar et ai demandé d’emblée si je pouvais payer par carte. On m’a dit que non. C’est un tout petit village, donc partout à cet endroit, on ne peut payer qu’en espèces ou à travers l’application Bizum. 💶 Je télécharge cette appli, qui me demande mon DNI (numéro du Documento Nacional de Identifidad, que tous les Espagnols connaissent par cœur car on le leur demande à toute démarche administrative qu’ils entreprennent – un système de fichage hérité du franquisme, que personne ne remet en question). Je renseigne donc le numéro de ma carte nationale d’identité, et ça beugue ! 😠 Non seulement je ne peux pas payer par carte, mais je ne peux pas payer du tout, car je suis étranger. Étonnant pour un village qui se situe sur le Camino… Heureusement, la propriétaire du bar fait preuve d’empathie (comme tous les villageois rencontrés lors de ce pèlerinage) et m’offre un sandwich au chorizo ainsi qu’un café. Elle me demande, avec le sourire, de prier l’Apôtre pour elle en échange. 😇 Bien évidemment, je n’y manquerai pas !

Voici quelques clichés du village :

Une fois de retour sur le Camino, j’ai longé un ruisseau pendant quelques centaines de mètres, profitant de l’ombre des arbres et d’une certaine fraîcheur, avant de traverser le páramo, où était installé un gigantesque parc éolien. ☀️🌬⚡

À l’approche du village de Valverde de Campos, j’étais invité à descendre du páramo pour m’indroduire dans une plaine fertile. Voici quelques images des vues qui s’offrait à moi :

Le village était presque désert. Je me suis posé à l’ombre du préaut de l’église, mais je n’ai pu ni profiter d’un bar ni recharger mes réserves en eau. 💧

Repartant vers 18h, j’ai suivi ce qui me semblait être le chemin de Compostelle, un peu étonné qu’il me fasse remontrer sur le páramo. Me voilà à nouveau au milieu du parc éolien, sans voir aucune indication sur des panneaux et avec un téléphone complètement déchargé, donc dans l’impossibilité d’avoir recours au GPS. Je prie donc Dieu de me guider, par l’intercession de l’Apôtre et de saint Christophe (patron des voyageurs). 🙏 À un embranchement, il me semble que le Seigneur m’invite à aller tout droit, plutôt que de redescendre dans la plaine par la gauche. Je m’engage donc vers le Nord, ce qui semble logique, puisque ma destination se trouve dans cette direction, selon mes derniers souvenirs de la consultation de Google Maps. Le chemin descend… et je suis dépité, car il s’achève sur une éolienne en plein milieu d’un champ moissonné. Néanmoins, ma déception est vite changée en joie, car j’aperçois en contrebas, sur la droite, une ville qui pourrait bien être Medina. 😃 Je coupe à travers champs. Après une bonne demi-heure à fouler de la paille, un peu de broussailles en terrain pentu, puis un immense champ de tournesols, je retrouve avec joie les chemins de terre. J’arrive bientôt dans l’agglomération et me trouve ravi de lire le panneau « Medina de Rioseco ». ✌

Voici l’albergue donativo, installé dans les locaux d’un ancien couvent de clarisses, où l’hospitalier José Manuel m’a accueilli avec beaucoup de sollicitude :

Après une nuit à peine reposante, je me suis rendu compte que je commençais à accuser le coup. Le vendredi 2 août, j’ai donc décidé de ne pas marcher et de profiter de la journée pour visiter une partie de la richesse culturelle qu’offre cette petite ville. ⛪ J’ai commencé par visiter le musée Saint-François, qui, pour un prix très accessible, vous permet de voir et de comprendre toute la beauté de cet ancien monastère franciscain, notamment à travers des supports audios et vidéos :

Particulièrement intéressé par la révolte des comuneros, j’ai pris une longue vidéo de la chapelle dédiée aux amiraux de Castille, assortie d’explications claires en espagnol. En effet, Medina de Rioseco était le fief de cette noble lignée. Fadrique Enríquez, héritier du titre, fut l’un des deux lieutenants d’Adrien d’Utrecht lors de la seconde phase du conflit. Ainsi, la ville servit de quartier général pour les troupes impériales (plus d’infos sur ce lien). 🏰 Le cardinal Adrien lui-même s’y établit et c’est à partir de cette base que les 2000 cavaliers royalistes purent rattraper l’armée comunera en fuite aux alentours de Villalar, après avoir fait étape à Peñaflor de Hornija. Voici de plus amples explications sur le titre d’amiral de Castille et quant à la lignée qui le porta :

La capilla de los almirantes de Castilla

Voici quelques photos de Medina de Rioseco, dont une d’une extrémité du Canal de Castille :

Le soir, je suis rentré tranquillement à Valladolid. Le samedi 3 août, je me suis reposé et j’ai avancé sur plusieurs chantiers. En me promenant sur la place Zorrilla dans la soirée, je suis tombé par hasard sur une manifestation de citoyens vénézuéliens. En effet, exactement une semaine auparavant, le dictateur Nicolás Maduro a été reconduit à la tête de l’État au moyen d’élections truquées. 😥 Je me suis joint aux manifestants et ai fait part de mon soutien à celui qui était à côté de moi : « Moi, je suis français. Pour mon peuple, la démocratie est quelque chose de très important ! Je suis de tout cœur avec vous ! » 💖

Alors que je faisais du tourisme dans la province de Valladolid, des manifestations anti-touristes faisant rages dans d’autres villes espagnoles. ✊ Les manifestants demandaient aux visiteurs étrangers de rentrer chez eux, notamment car leur présence nuit à l’environnement et accentue l’inflation. 🌻💰 Pour ma part, je ne prétends pas être un touriste parfait, loin de là. Néanmoins, j’essaie de voyager d’une manière respectueuse de ce pays qui m’accueille et de ses habitants. Déjà, je parle leur langue et je m’intéresse en profondeur à leur culture. J’observe également les usages locaux, comme verser des pourboires dans les bars que je fréquente. Enfin, au niveau environnemental, je recycle mes déchets, je consomme parfois en vrac et je tâche de choisir au maximum des produits locaux dans les rayons des supermarchés. 🍯🍑🧀 En revanche, je dois progresser au niveau des économies d’eau lorsque je me douche. Malgré le four que constitue la Castille en été, j’ai tendance à oublier la sécheresse quand ma consommation d’H2O n’a aucun impact sur la facture que je réglerai avec mes propres deniers. 💧

Voici un beau bâtiment que j’ai découvert par hasard à mon retour à Valladolid, à savoir le siège régional de la banque BBVA :

Le mardi 6 août, j’ai fait une excursion à Madrid, principalement pour visiter la maison-musée du dramaturge du Siècle d’Or Lope de Vega. Voici quelques photos en vrac de différents lieux plus ou moins touristiques (dont le Santiago Bernabéu, le stade du Real Madrid) :

En attendant mon train pour rentrer à Valladolid, j’ai croisé une équipe de télévision. J’ai essayé de faire le guignol en direct derrière la journaliste qui s’exprimait, mais je ne suis pas certain que ça ait marché comme prévu… 😉

Le jeudi 8 août, j’ai pris la route vers Ségovie. Cette ville historique est notamment connue pour son aqueduc romain en granit, magnifiquement conservé :

Néanmoins, le principal intérêt historique et touristique de cette ville castillane réside dans son alcázar. Cette vidéo en espagnol montre de belles images de ce complexe architectural, avec des des explications théâtralisées permettant d’accéder à l’histoire du monument :

Voici quelques photos de l’édifice (extérieur, cours intérieures et vues depuis les remparts) :

Voici quelques prises de vues de la première salle, où l’on peut admirer une collection d’armures, y compris équestres :

Voici la salle où trônaient les Rois catholiques :

La salle suivante, dite « de la galère » du fait de sa forme allongée, est un majestueux salon où étaient reçus les ambassadeurs :

Dans une autre salle magnifique, des hauts-reliefs représentent des souverains espagnols du Moyen Âge. Quatre autres personnages importants figurent sous forme de statues, dont le Cid. Cette fresque historique semble dédiée à la Reconquête chrétienne :

Voici un pêle-mêle de photos prises dans d’autres salles et vestibules de l’alcázar. Veuillez pardonner le manque d’explications quant à cet édifice magnifique, mais je n’ai pas payé l’audioguide pour la seule raison qu’il fallait scanner un QR code (ce que je ne sais pas faire avec mon vieux téléphone). Or, contrairement à ce que j’imaginais au préalable, rien ou presque n’était expliqué par écrit sur le parcours de la visite. En attendant, l’aspect visuel revêt déjà un grand intérêt 😉 :

Voici quelques clichés de la chapelle, où l’on peut voir, entre autres, une représentation de saint Jacques Matamore (mais aussi et surtout une adoration de l’Enfant Jésus ainsi qu’une mise au tombeau) :

Enfin, l’alcázar de Ségovie abrite également un musée relatif à l’artillerie. Étant assez fatigué en cette fin de journée et moyennement intéressé par l’histoire militaire, j’ai bombardé l’exposition de photos, mais sans approfondir les explications. Voici donc quelques clichés en vrac. Si le sujet vous passionne et si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à venir à Ségovie pour visiter vous-mêmes ce musée. 😊

Après avoir visité l’alcázar, je suis allé à la messe au sanctuaire de la Vierge de Fuencisla. Là où se situe cette église construite entre la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, un miracle aurait eu lieu au Moyen Âge. Une femme juive nommée Esther fut accusée d’adultère alors qu’elle était innocente. Jetée de la falaise, elle invoqua la Vierge des chrétiens et toucha le sol saine et sauve. 🕎🤍✝

L’intérêt historique de Ségovie réside également dans le rôle important qu’elle joua pendant la révolte des comuneros. En effet, fin mai 1520, après les Cortes de La Corogne, où les procuradores représentant les villes castillanes avaient approuvé, contre l’avis du peuple, l’impôt spécial levé par Charles Quint pour rembourser son accès au trône impérial, une foule en furie lyncha et tua Rodrigo de Tordesillas, le représentant de la cité qui avait trahi ses habitants par son vote. 😠 Peu après, Adrien d’Utrecht envoya des troupes pour enquêter et punir les responsables du meurtre. En août, les militaires se rendirent à Medina del Campo, où une réserve d’artillerie était entreposée. Comprenant très bien qu’elle allait être utilisée contre la population de Ségovie, celle de Medina refusa de livrer ces pièces d’armement. La ville fut donc incendiée par les représentants du pouvoir royal, mais les Medinenses préférèrent laisser brûler leurs maisons plutôt que trahir les leurs. 🔥 Cet événement suscita un grand mécontentement à travers le royaume de Castille et mit, pour ainsi dire, le feu aux poudres. La révolte des Comunidades prit de l’ampleur peu après. Par ailleurs, Juan Bravo et Francisco Maldonado, deux importants chefs militaires de l’armée comunera, étaient originaires de Ségovie. La ville tomba en 1521, après un siège de plusieurs mois et une résistance héroïque. Tous ces événements sont encore bien présents dans l’imaginaire collectif. 🏰

Pour conclure sur la visite de cette belle ville chargée d’histoire, voici un pêle-mêle de photos prises en différents lieux de la cité :

Le vendredi 9 août, je suis retourné à Madrid, où j’ai rejoint mon ami Mickaël pour la suite du voyage. En fin d’après-midi, j’ai fait une petite promenade non loin de notre auberge de jeunesse. Voici quelques clichés de l’extérieur du Palais royal :

En face de l’édifice néo-classique à visée politique se dresse la cathédrale de Madrid, la Almudena. Je l’ai photographiée sous différents angles avant d’aller à la messe, en ce jour où le martyrologe romain fait mémoire de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, une carmélite d’origine juive, morte en martyr à Auschwitz. Cette religieuse issue du peuple de la première Alliance a laissé des écrits théologiques et philosophiques d’une grande profondeur. Elle a été proclamée sainte patronne de l’Europe. Voici un pêle-mêle de photos de l’édifice religieux. Vous pourrez notamment y voir une relique de saint Jean-Paul II (🩸) ainsi que le sarcophage de saint Isidore le Laboureur :

Le samedi 10 août, nous avons pris le car pour nous rendre à Tolède, autre haut lieu historique de la Castille. Concernant la révolte des Comunidades, c’est la ville d’origine de Juan de Padilla et de son épouse María Pacheco. 💞 C’est là que le mécontentement était le plus grand avant l’événement déclencheur de Ségovie. Ce fut aussi le dernier bastion qui déposa les armes. Mais l’intérêt historique de Tolède ne s’arrête pas là. Entre autres, elle fut la capitale wisigothe avant l’invasion des Amazighs et des Arabes en 711. Au Moyen Âge, les communautés juive, chrétienne et musulmane y cohabitaient dans une certaine harmonie. Une école de traducteurs permit à la Chrétienté de redécouvrir des écrits de l’Antiquité grecque, en passant par la langue arabe. Le roi de Castille Alphonse X le Sage eut un rôle prééminent dans cette renaissance médiévale. 📚

Voici les premiers clichés tolédans. On y voit notamment l’arc en fer à cheval, un élément d’architecture typiquement hispano-musulman, bien qu’hérité des Wisigoths. L’on peut aussi apercevoir le Tage, ce fleuve qui traverse la péninsule Ibérique pour se jeter dans l’Atlantique à Lisbonne. 🐟

Voici quelques clichés de l’intérieur et de l’extérieur de la cathédrale :

Le dimanche 11 août, an de grâce 2024, nous avons visité le Puy du Fou España, qui se situe à proximité de la capitale de Castille la Manche. L’intérêt pour moi était bien entendu d’alimenter ma passion pour l’histoire, ainsi que de me délecter de la qualité des spectacles. 🏇 Néanmoins, je suis aussi venu pour voir si le passé des royaumes hispaniques est abordé à travers un prisme catholique et conservateur tel que l’a voulu Philippe de Villiers pour le Grand parc vendéen. Voici un pêle-mêle de photos prises en extérieur en ce jour torride :

Nous avons commencé par le spectacle de fauconnerie, au terme duquel le calife Abd er-Rahmân III donne la main de sa fille à un comte castillan. En islam, il est normalement interdit pour une femme musulmane d’épouser un homme non-musulman. Cela témoigne donc d’une volonté de montrer le visage d’un islam hétérodoxe et ouvert, qui est assez typique d’Al-Andalus. 👳‍♀️

Quelques temps plus tard, j’ai suivi le parcours « Allende en alta mar », qui reconstitue le premier voyage de Christophe Colomb. Admirez cette première photo, où l’on voit la Vierge Marie au-dessus de la shahadda (profession de foi musulmane, prétendant qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah et que Muhammad est son messager), dans un bâtiment imitant l’Alhambra de Grenade :

Lors d’une mise en scène, la reine Isabelle la Catholique accepte de financer l’expédition du futur amiral, sous réserve que ce dernier s’engage à évangéliser les habitants des terres découvertes et à ce que ces derniers ne soient jamais traités injustement. Voici quelques clichés de la travesía :

Voici une photo du décor du spectacle nocturne :

Ce spectacle grandiose retrace l’histoire de Tolède et de l’Espagne, depuis le concile où les Wisigoths ont abandonné l’arrianisme pour embrasser la foi catholique jusqu’à la guerre civile (1936-1939). Cette dernière, qui est un sujet très sensible en Espagne encore aujourd’hui, est abordée de manière délicate, succincte et neutre. Les autres périodes historiques sont traitées avec une certaine objectivité et avec bienveillance, même si, à mon sens, l’accent est beaucoup mis sur le passé chrétien et finalement assez peu sur la période arabo-musulmane. 🕎✝️☪️ Quoi qu’il en soit, le spectacle est d’une grande qualité, comparable à ce que propose le Puy du Fou de Vendée. Je recommande vivement à toute personne qui passe à Tolède de consacrer une journée à ce parc et à ses spectacles magnifiques (dont une interprétation simultanée en français et en anglais est disponible sur l’appli). 🎆

Le lundi 12 août, Mickaël et moi avons pris le train pour Carthagène. Sur le chemin de la gare, j’ai photographié une dernière fois le centre historique de la ville des trois religions :

Arrivé à bon port bien avant Mickaël, j’ai pu discuter en portugais avec deux voyageurs brésiliens pendant une bonne demi-heure. Nous avons parlé, entre autres, des différentes expressions dialectales au sein de leur immense pays lusophone et des quiproquos qui peuvent en résulter, par exemple, entre les Cariocas et les habitants de Fortaleza. L’attente a aussi été agréable du fait de l’architecture travaillée de ce lieu imitant le style hispano-musulman. Honnêtement, avec celles de La Rochelle et de Porto, je classe la gare ferroviaire de Tolède dans le top 3 des plus belles estaciones de trenes que j’ai jamais visitées. 🥇🥈🥉 Voici quelques clichés dûment choisis :

Le trajet vers la région de Murcie s’est bien passé. J’ai notamment beaucoup discuté, dans le car entre Albacete et Cartagena, avec ma voisine, nommée Begoña. Nous avons surtout parlé politique et économie. Entre autres, elle m’a appris que les serveurs et serveuses des très nombreux bars espagnols sont très mal payés, à la limite de ce qu’autorise le droit du travail. 😥 D’où l’importance de laisser des pourboires, même si la meilleure solution serait bien évidemment d’augmenter les salaires.

Voici quelques clichés de la ville de Carthagène. Vous me direz que la région de Murcie n’est pas la Castille. Et bien, je vous répondrai qu’historiquement, si ! En effet, lors de la Reconquête chrétienne, ce sont les rois castillans qui ont (re)pris Murcia aux Maures. À l’époque des Rois catholiques ainsi qu’à l’avènement de Charles Quint sur les trônes hispaniques, ce territoire, de même que l’Andalousie, était rattaché à la Couronne de Castille et non à celle d’Aragon. 👑

Voici quelques clichés du centre-ville :

Le mardi 13 août, Mickaël et moi sommes allés nous baigner dans la Méditerranée. Voici quelques photos du port et du littoral :

Vers 16h30, j’ai visité le Musée national d’archéologie sous-marine. Avant d’attaquer les collections, le visiteur est invité à lire les explications sur les méthodes de fouilles sous les mers et leur évolution depuis le XVIIe siècle. 🤿 À titre personnel, j’ai planifié toutes ces visites de musées et de monuments historiques lors de mon voyage en Castille car, à l’heure où j’écris ces lignes, j’espère commencer un doctorat en civilisation hispanique en septembre 2025. 🏰 Le problème est que je n’ai pas encore défini le sujet et que je ne suis pas (encore) formé aux méthodologies utilisées par les historiens. Je profite donc de ce temps de préparation pour approfondir mes connaissances du passé si riche de l’Espagne. Au Puy du Fou, j’ai d’ailleurs acheté deux pavés sur des chapitres qui m’intéressent particulièrement : Al-Andalus et la découverte/conquête du Nouveau monde. 📚 Je prends aussi conseil auprès de docteurs (un certain nombre de mes bons amis le sont, dont Mickaël), notamment en ce qui concerne l’acquisition d’une méthodologie appropriée. N’étant pas historien de formation, il est certainement bien trop ambitieux de vouloir devenir chercheur en archéologie. ⚱ En revanche, m’initier à la paléographie constitue une piste intéressante, étant donné que je serai certainement amené à consulter des archives. 📜 Voici donc quelques clichés relatifs à l’introduction méthodologique et épistémologique du Musée national d’archéologie sous-marine :

La collection du musée comprend en grande partie des pièces d’archéologie trouvées au large des côtes de la Région de Murcie. 🌊 Si l’on a pu trouver des preuves que des homo sapiens sapiens naviguaient sur la Méditerranée dès la fin du paléolithique et le mésolithique, ce sont les Phéniciens qui, au VIIe siècle avant Jésus-Christ, ont permis l’essor du transport maritime dans cette partie du monde, bientôt suivis par certaines cités grecques. ⚱ Les colons sémites venus du Liban commerçaient avec les Ibères et autres peuples de la péninsule. Ils y trouvaient des métaux et certainement des esclaves ; ils y apportaient de l’ivoire et des objets raffinés, qui provenaient notamment d’Égypte. 🐘🪔 Lorsque les Assyriens ont conquis le Levant, les Phéniciens ont perdu leur indépendance et leur contrôle sur les routes commerciales, qui s’étendaient jusqu’au Portugal et jusqu’à la côte atlantique du Maroc. En revanche, l’une de leurs colonies a pris la relève : Carthage. C’est elle qui a fondé la ville de Cathagène après avoir perdu la première guerre punique (264 – 241 avant Jésus-Christ). Les conditions de reddition lui avaient fait payer à Rome un lourd tribut et la cité nord-africaine avait dû céder à la république du Latium certains territoires. 🍰 Cherchant à compenser ces pertes, les Carthaginois ont donc créé une place forte en Ibérie, soumis par la diplomatie ou par les armes les peuples autochtones et exploité les ressources naturelles de ces terres. ⚒ La péninsule Ibérique fut un champ de bataille majeur de la deuxième guerre punique (218 – 201 avant Jésus-Christ). Scipion (que l’on surnommerait plus tard « l’Africain ») parvint à faire tomber Carthagène. La terre qui deviendrait l’Hispanie fut conquise par les Romains, puis colonisée par des vétérans. 🦅 Cela explique que le latin s’y soit solidement implanté, jusqu’à évoluer vers l’espagnol contemporain.

Voici les pièces d’archéologie et les supports de méditation culturelle relatifs à l’Antiquité qui ont retenu mon attention :

Enfin, voici d’autres clichés (complètement en vrac) relatifs à la suite de l’histoire navale (donc médiévale, moderne et contemporaine), ainsi que sur les aspects institutionnels du musée et l’importance de protéger le patrimoine [historique et archéologique] sous-marin :

De retour près de l’auberge de jeunesse, j’ai visité avec Mickaël le musée de la muraille punique, dernier vestige d’un complexe défensif très développé pour l’époque. 🧱 En prenant Cathagène, les Romains sont parvenus à percer ce mur d’enceinte grâce à leurs machines de guerre. Malgré leur résistance héroïque, les Carthaginois ont fini par céder, notamment car, en plus de l’attaque par voie terrestre, les forces navales de la république ont pris par surprise les troupes puniques déjà bien occupées à tenter de repousser l’ennemi sur le chemin de ronde. ⚔ Néanmoins, lorsque la ville de Cartago Nova a été romanisée, les colons ont restauré les remparts, dont la qualité défensive était indéniable. 🛡 Voici un pêle-mêle de photos du dernier vestige de la muraille, des principaux supports de médiation culturelle, des objets trouvés lors des fouilles sur ce lieu (notamment des éléments numismatiques de différentes périodes), mais aussi du cimetière de la cofradía de san José, qui fut établi à cet endroit à l’époque moderne :

Lors de notre voyage avec Mickaël à travers la moitié sud de l’Espagne, nous avons rencontré, dans une auberge de jeunesse, un entrepreneur européen avec qui nous avons discuté en anglais. 📈 Nous l’appellerons Luigi. Il nous a dit qu’il venait de passer un certain nombre d’années en République populaire de Chine, dont la période de la COVID-19. 🧪 Il a récemment fermé la boutique, réglé toutes les taxes qu’il devait à cet État tout-puissant, puis s’est réfugié en UE tant qu’il pouvait encore s’échapper de la RPC. 🕊 En effet, il a clairement senti que les récents amendements de la constitution, la propagande, les politiques économiques et l’ensemble de la gouvernance annoncent très clairement une offensive à l’encontre de Taïwan à court ou moyen terme. 🪓 Luigi a également vécu à Singapour. D’après lui, cette cité-État n’est pas une démocratie, contrairement à ce que croient les Occidentaux. La communauté chinoise y représente la majorité de la population et la totalité des forces armées. 🛥✈ Or l’Allemagne leur a vendu récemment des sous-marins à la pointe de la technologie.

Le mercredi 14 août, nous avons pris le car en direction de l’Andalousie. 💃 Si vous souhaitez en savoir plus sur la suite du périple, cliquez ici.

Jean O’Creisren


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Que dit la Bible sur les questions migratoires ?

Il y a quelques jours, j’ai pris un verre avec une amie. C’est une personne que j’apprécie, avec qui je partage la foi catholique et de nombreuses valeurs, malgré de réelles divergences au niveau politique. Nous appellerons cette jeune femme « Camille ».

Attablé à cette terrasse, un jeune homme que nous appellerons « Argan » se restaurait tandis que je commandai un jus de tomate. La conversation a vite tourné vers les préoccupations de tous les Français en ce moment, à savoir les élections législatives. Sachant que j’allais susciter des réactions, j’ai avoué que j’avais voté pour le Nouveau Front Populaire au premier tour car, pour moi, l’écologie est une priorité. J’ai néanmoins rassuré mes interlocuteurs en expliquant je n’étais pas d’accord avec tout ce que dit l’union de la gauche, particulièrement en ce qui concerne les questions bioéthiques.

Argan m’a alors dit :

– Ne penses-tu pas qu’une véritable écologie reviendrait à renvoyer tous les Noirs en Afrique ?

– Pourquoi dis-tu cela ?

– Dieu l’a voulu ainsi.

– Ah bon ?

– Oui, dans la Bible, on parle de « races » et de « nations ». Dieu l’a voulu et chacun devrait rentrer chez soi.

– La Bible parle aussi de mouvements migratoires voulus et orchestrés par Dieu…

– Moi, je suis contre le métissage ! Dieu nous a voulus blancs, noirs, jaunes. Nos corps sont différents et, si nous nous hybridons, nos âmes seront des mélanges dégénérés. C’est une simple question de biologie. Ce que je te dis là est tout à fait catholique.

– Pas de mon point de vue, mais je ne vais pas m’avancer dans ces débats pseudo-scientifiques. Je vais juste te dire que j’ai donné des cours de français à des migrants pendant 3 ans par le biais d’une association. Là, une dame originaire de RDC m’avait fait remarquer que les multinationales occidentales exploitent les ressources minières d’un pays qui pourrait être la 8e puissance mondiale si elle y avait accès. Les Français, les Chinois et d’autres grandes puissances vendent des armes aux différentes ethnies de ces pays-là pour qu’elles s’entretuent, ce qui leur permet de piller leurs ressources. Ainsi, cette dame considère qu’il serait juste que la France, qui s’enrichit par ce vol, donne un visa et du travail d’emblée aux migrants congolais qui arrivent sur son sol.

– Dans ce cas, je veux bien qu’on fasse un échange : on part de chez eux avec nos moyens de production et ils reprennent leurs ressortissants. De toute façon, sans nous, ils seront dans la merde, car les Noirs ne sont pas assez intelligents pour s’organiser et exploiter eux-mêmes leurs ressources.

Voilà ce qu’est capable d’expliquer un militant d’extrême droite qui se dit catholique. Pour moi, ça n’a rien de chrétien. J’ai cru comprendre que cet énergumène qui se prétend membre de l’Église est en fait proche de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, qui, canoniquement, ne fait pas partie de l’Église catholique. Mais passons ces détails.

Quant à ce discours raciste, capillotracté et complètement incohérent, qu’a-t-il de catholique ? Si, heureusement, de nombreux électeurs du RN et de Reconquête ! (dont mon amie Camille) ne sont pas aussi extrémistes qu’Argan, peut-on se dire chrétien et tenir de tels propos ? Qu’enseigne réellement la Bible sur les questions migratoires ?

En tant que blogueur et écrivain catholique, j’ai mûrement réfléchi à la question, notamment en lisant Ce que dit la Bible sur l’étranger, du père Yves Saoût, bibliste et missionnaire au Cameroun pendant de nombreuses années. Sur le même sujet, vous pouvez lire, par exemple, l’entretien de Mgr Pontier paru dans La Vie. Pour ma part, je ne suis pas prêtre, mais j’ai lu la Bible en entier (dont le Nouveau Testament deux fois), je vais à la messe plusieurs fois par semaine et je lis les textes de la liturgie au quotidien. J’ai aussi beaucoup voyagé, je parle plusieurs langues et j’ai de très bons amis issus d’horizons sociaux, ethniques et religieux très divers.

Sur la base de mes lectures et de mes expériences, j’ai écrit le livre Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle. Je vous propose d’en lire un passage, où Jonaz, le personnage principal, débat avec des catholiques polonais d’extrême droite et démontre quelle est vraiment la vision chrétienne des questions migratoires :

Photo de Ahmed akacha sur Pexels.com

Jonaz discute avec ces Slaves très loyaux envers leur gouvernement. S’il ne partage pas toutes leurs idées, il est ravi d’en débattre sereinement, de manière constructive.

Pourquoi avez-vous refusé d’accueillir des réfugiés syriens en 2015 ?

Nous avons accepté d’accueillir les chrétiens, mais pas les musulmans. Notre pays sort d’un demi-siècle de communisme. Avant, notre élite intellectuelle avait été décimée par les nazis, qui avait aussi massacré nos concitoyens juifs, soit un tiers de notre population. Autrefois, nous étions l’un des rares endroits en Europe où les Israélites pouvaient vivre en paix. Depuis 1939, les totalitarismes ont cherché à tuer la Pologne, ses habitants et sa culture. Depuis la chute du rideau de fer, nous pouvons enfin nous reconstruire, et nous avons besoin de fermer nos frontières pour renforcer notre identité nationale et, peut-être, être capables de bien accueillir plus tard.

C’est vrai que je ne sais pas quoi dire. Je sais que votre peuple a beaucoup souffert et une telle souffrance invite à la compréhension et au respect. Mais en France, il me paraît normal d’accueillir les migrants. Nous sommes le pays des droits de l’homme, et nous avons aussi une dette envers les Africains. Nous pillons leurs ressources naturelles tout en créant chez eux des conflits interethniques par la vente d’armes. Par exemple, la République démocratique du Congo dispose d’un sous-sol extrêmement riche en or et en diamants. Ce pays pourrait être l’une des premières puissances mondiales, mais nous volons ses richesses en le livrant aux massacres. Une demandeuse d’asile congolaise m’a un jour dit qu’étant donné ces pillages, la France devrait compenser en donnant d’office un visa et du travail dans l’Hexagone à tous les Congolais qui veulent s’y installer.

C’est sûr : la France a une dette envers ces peuples. Mais pas la Pologne. Nous ne volons aucun pays en développement et nous ne leur devons rien. Nous fermons la frontière aux ressortissants de ces nations, mais nous sommes prêts à leur envoyer de l’argent pour les aider à rester chez eux. Sais-tu que beaucoup de Polonais sont en faveur de l’indépendance du Kurdistan ?

Ah bon ?

Eh oui, car le peuple kurde vit ce que nous vivions au XIXe siècle. Aujourd’hui, il ne dispose pas de son propre État, mais reste divisé entre l’Iraq, la Syrie, l’Iran et la Turquie. De même, notre pays était écartelé entre l’Autriche-Hongrie, la Russie et la Prusse. C’est pourquoi nous nous sentons proches d’eux.

Eh bien, tu m’apprends quelque chose !

Mais avec l’immigration, la France prend un mauvais chemin. Je prédis qu’à terme, une guerre civile éclatera chez vous !

Ça fait au moins vingt ans que les militants d’extrême-droite me prédisent cette guerre civile imminente. Je l’attends toujours ! J’ai vécu plusieurs années dans des cités, mon meilleur ami est arabo-musulman, et je peux t’assurer que le vivre-ensemble est non seulement possible, mais bien réel.

As-tu lu Le camp des saints, de Jean Raspail ? C’était un Français très visionnaire sur cette question. Il n’était pas croyant, mais il avait un grand respect pour la foi et la tradition catholiques…

Voilà un discours qui m’énerve : ce sont souvent les non chrétiens, quelles que soient leurs convictions, qui disent que nous devons voter comme eux ! J’ai déjà entendu des gens athées dire : « Pour moi, un chrétien cohérent doit voter à gauche », « Pour moi, tout catholique devrait être royaliste », « Jésus était le premier communiste » ou encore « Ça existe, les chrétiens de gauche ? Moi, je ne suis pas chrétien, mais quitte à l’être, autant voter à droite ! » Dieu n’est ni de droite ni de gauche ! L’Église n’est pas un parti politique ! Elle donne juste des orientations pour éclairer notre conscience politique. Si elle appelle à protéger la vie de sa conception à son terme naturel, si elle est proche des chrétiens persécutés, si elle défend la famille, le travail, le principe de subsidiarité et la propriété privée, elle appelle aussi à donner la priorité aux plus pauvres, à protéger l’environnement, à redistribuer équitablement les richesses, à dialoguer avec les autres religions, à accueillir les étrangers et elle condamne fermement le racisme ainsi que toute sorte de discrimination.

On peut vouloir contrôler l’immigration sans être raciste…

Bien sûr que tous les militants d’extrême droite ne sont pas nazis. Bien sûr que certains défendent leurs idées tout en respectant les personnes différentes d’eux qui croisent leur chemin. Et heureusement, d’ailleurs ! Mais, de mon point de vue, ce discours alarmiste sur les flux migratoires n’a rien de chrétien, et je vais te le prouver. Du début à la fin de la Bible, l’immigration est promue. Au jardin d’Eden, Dieu crée l’homme et la femme, puis leur dit : « remplissez la terre et soumettez-la »[1]. Après le déluge, Dieu réitère sa demande auprès des fils de Noé : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. »[2]

Justement, coupe Jan Marian, dans ce passage, il est dit que Sem, Cham et Japhet ont peuplé trois parties différentes du monde. Ainsi, Dieu dit clairement qu’il a voulu que les Blancs restent en Europe, les Jaunes en Asie et les Noirs en Afrique.

Écoute bien la suite, et tu verras que cette théorie ne tient pas debout ! En interprétant à sa manière un passage isolé de la Bible, on peut lui faire dire n’importe quoi. L’histoire sainte ne s’arrête pas avec Noé ! Plus tard, Abraham quitte son pays à la demande du Seigneur pour s’installer en Canaan. Puis son petit-fils, Jacob, vient s’installer avec sa famille en Égypte. Après y avoir été traités comme des esclaves, les Hébreux émigrent à nouveau vers la Terre promise. Dans la Loi que leur transmet Moïse de la part de l’Éternel, il leur est clairement dit d’accueillir correctement les immigrés, car eux-mêmes ont été des immigrés en Égypte. L’arrière-grand-mère du roi David était d’ailleurs une étrangère nommée Ruth. Le roi Salomon vit une histoire d’amour avec la reine de Saba, une Éthiopienne à la peau noire. La suite de l’Ancien testament parle d’échanges pacifiques ou guerriers avec d’autres nations. Avec l’exil à Babylone, le peuple juif fonde des communautés dans de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Tout cela est voulu par Dieu. Dans le Nouveau testament, l’Enfant Jésus doit fuir en Égypte pour échapper à la persécution d’Hérode. La Sainte Famille se compose donc de trois réfugiés politiques. Lors de sa vie publique, le Christ ne fait aucune différence entre les Juifs et les autres. Il traverse la Samarie et quelques terres païennes, il s’émeut de la foi d’un centurion romain et d’une femme syro-cananéenne. Après sa mort et sa résurrection, les apôtres émigrent pour annoncer la Bonne Nouvelle. Ils évangélisent de l’Espagne à l’Inde. Pour ce faire, ils s’appuient sur la Diaspora juive disséminée dans tout le monde connu. Si ton peuple et le mien connaissent le nom de Jésus, c’est grâce à ces mouvements migratoires. Enfin, l’Apocalypse mentionne la migration finale des vivants et des morts vers la Jérusalem céleste. Je ne suis pas hostile à l’idée de patrie et de nation ici-bas. Je me considère même comme patriote. Néanmoins, ces concepts s’évanouiront le jour où tous les humains n’auront plus qu’une seule patrie : le Royaume de Dieu.

Jean O’Creisren (2023)
Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle,
Saint Ouen, Les Éditions du Net, chapitre 3.


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Valladolid : université, cathédrale et autres merveilles architecturales

Après un long voyage au Portugal, j’ai séjourné dans la ville espagnole de Valladolid du 14 au 21 août 2023. Loin de l’agitation des JMJ, j’ai apprécié la tranquillité du chef-lieu de la région Castilla-y-León.

Peu après la publication de mon livre Unis par le Camino, je planifie d’écrire un deuxième roman, dont l’intrigue se déroulera majoritairement à Valladolid. Vous en saurez plus le moment venu… 😉

Voici l’Hôtel de Ville (Ayuntamiento), qui trône sur la Plaza Mayor :

À proximité de la Plaza Mayor de Valladolid, la Fontaine dorée (Fuente Dorada) sert souvent de point de ralliement aux personnes qui se donnent rendez-vous pour sortir en centre-ville :

Et voici d’autres prises de vue de la Plaza Mayor de Valladolid :

De style gothique flamboyant, l’église Saint-Paul (San Pablo) est l’un des joyaux de Valladolid :

Juste à côté se trouve le monastère Saint-Grégoire (San Gregorio), qui abrite le musée national de sculpture. Au milieu du XVIe siècle, c’est à cet endroit qu’a eu lieu la fameuse controverse de Valladolid, au terme de laquelle l’Église catholique a reconnu officiellement que les Amérindiens ont une âme. Par conséquent, ils devaient être évangélisés en vue de leur salut et en aucun cas réduits en esclavage. Vers la même époque, le pape a condamné toute forme d’esclavage (y compris celui des Africains), mais, malheureusement, rares furent les chrétiens qui l’écoutèrent… 😥

Voici la faculté de droit de l’Université de Valladolid. Elle est située à côté de la cathédrale, sur la Place de l’Université :

Le Collège de la Sainte-Croix (Colegio de Santa Cruz) abrite le rectorat de l’Université de Valladolid, ainsi que des expositions temporaires très intéressantes. Je me souviens en avoir visité une passionnante sur l’art médiéval en Afrique subsaharienne. Comme la traduction en français laissait à désirer, j’ai écrit dans le livre d’or un retour critique avec mon adresse e-mail professionnelle. Évidemment, je n’ai jamais reçu de réponse… 😅

Près de la Plaza Mayor de Valladolid, l’ancienne église de la Passion (La Pasión) est désormais une salle municipale qui accueille des expositions artistiques temporaires.

Voici quelques clichés de la cathédrale de Valladolid. Conçue au XVIe siècle par l’architecte Juan de Herrera, elle ajoute au style propre de ce génie quelques éléments baroques. L’une de ses caractéristiques est qu’elle est inachevée. Au sommet, une statue de Jésus montrant son Sacré-Cœur surplombe la ville. En effet, en 1733, le Jésuite Bernardo Francisco de Hoyos aurait bénéficié à Valladolid d’apparitions du Christ promettant que son Cœur régnerait sur l’Espagne. Que l’on y croie ou non, les théologiens disent que l’Emmanuel souhaite combler d’amour nos cœurs blessés par le péché. Le Cœur de Jésus est lui aussi blessé par nos péchés, mais de ses blessures jaillit l’Amour dont nos cœurs blessés sont assoiffés.

En 2023-2024, l’archidiocèse de Valladolid vit une année jubilaire autour du Sacré-Cœur de Jésus. Les fidèles sont invités, entre autres, à accueillir la miséricorde de Dieu en allant se confesser. Ils sont aussi incités à communier, à adorer le Saint-Sacrement, à se réconcilier avec les personnes avec qui ils sont en froid, ainsi qu’à annoncer l’Évangile autour d’eux. Vous trouverez de plus amples informations sur ce lien.

Voici l’église Santa María la Antigua. C’est l’un des plus beaux édifices religieux de Valladolid et de nombreux mariages y sont célébrés :

Voici l’académie militaire de Valladolid :

Quelques photos de la rue Saint-Jacques (Calle de Santiago, où passe le Chemin de Compostelle), de la Plaza Zorrilla et du Campo Grande (Valladolid) :

Dans la calle de Santiago, l’ancienne église dite des Françaises accueille des expositions temporaires. Lors de mon séjour, j’ai pu voir Cartografías silenciadas / De trabajos forzados. Il s’agit d’une série de photos prises par l’artiste Ana Teresa Ortega. Elles représentent des lieux où le régime franquiste a réduit aux travaux forcés des prisonniers de guerre républicains. Ces photographies ne font apparaître que les murs, sans vie, comme des lieux hantés. N’ayant pas osé prendre de photos de l’exposition pour des questions de droits d’auteur, je vous partage la belle façade néo-classique de l’église des Françaises (rue Saint-Jacques – Valladolid) :

Voici quelques clichés de l’église Saint-Benoît (San Benito) :

Un peu plus excentrés, l’église Sainte-Marie-Madeleine (iglesia de Santa María Magdalena) et le Monasterio de las Huelgas Reales se situent à proximité de différentes facultés de l’Université de Valladolid :

Tout près de la faculté de commerce de l’Université de Valladolid, le centre civique Esgueva met à disposition une bibliothèque municipale :

Voici quelques clichés de la Faculté de philosophie et de lettres (Facultad de Filosofía y Letras) de l’Université de Valladolid :

En face de ce bâtiment, vous pouvez voir la Faculté de commerce (Facultad de Comercio) de l’Université de Valladolid :

Enfin, voici les locaux techniques de l’Université de Valladolid :

Derrière les locaux de l’université, la rivière Esgueva apporte un peu de verdure et de tranquillité à ce quartier résidentiel de Valladolid :

Pour continuer avec la verdure en mode plus classe, éloignons-nous de l’université, retraversons le centre-ville et redescendons la calle de Santiago depuis la Plaza Mayor. Au bout de la rue Saint-Jacques, nous retrouvons l’académie militaire et la Plaza Zorrilla. Derrière la fontaine se trouve le plus beau parc de Valladolid, le Campo Grande. Nul besoin de commentaires, car les photos parleront d’elles-mêmes… 🙂 Je vous propose néanmoins un petit jeu : saurez-vous retrouver l’écureuil qui apparaît sur l’un des clichés ?

Derrière le Campo Grande, vous pouvez visiter le musée oriental de Valladolid. On y trouve de très belles collections, notamment concernant les Philippines, colonisées par les Espagnols à la Renaissance et indépendantes depuis 1898.

Non loin du Campo Grande et de la rivière Pisuerga, le théâtre Lope de Vega expose sa belle façade en faïence :

Chargée d’histoire, Valladolid est notamment la ville où est mort Christophe Colomb en 1506, sans savoir qu’il avait découvert un continent jusqu’alors inconnu des Européens. Voici un musée qui lui est dédié :

Ces photos vous donnent-elles envie de visiter Valladolid ? Voulez-vous étudier dans son université, vous promener dans ses jardins, vous cultiver dans ses musées et prier dans ses églises ? Ce site vous présente toutes les sorties culturelles proposées, y compris une visite guidée gratuite des monuments phares. N’attendez pas ! Sautez sur la première occasion pour découvrir cette ville merveilleuse ! 😊

Jean O’Creisren

PS : Pour terminer, je vous propose un clip en espagnol en hommage à cette ville particulière qu’est Valladolid. Je vous informe néanmoins qu’elle s’adresse aux initiés qui connaissent très bien cette ville et sa culture, et ayant un niveau d’espagnol suffisamment élevé pour comprendre l’argot et les variantes dialectales péninsulaires.

Une chanson subtile en hommage à Valladolid

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« Unis par le Camino » : Jean O’Creisren publie son premier roman

Qu’y a-t-il de commun entre Albane, Jonaz, Maëlwenn, Hakam, Scratch et Girolamo ?

Apparemment, tout les différencie : une jeune femme au cœur d’or qui parle aussi bien anglais que russe, deux Bretons aussi têtus l’un que l’autre, un chirurgien algérien qui a tout abandonné pour commencer une licence de droit, un SDF alcoolique, ainsi qu’un traducteur italien à la fois fervent catholique et fan du groupe anarchiste Ska-P. 😉

Pourtant, ils vont cheminer ensemble vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ils vont affronter les mêmes épreuves sur un pied d’égalité. Avec les autres pèlerins, ils formeront une communauté très hétérogène, mais solidaire. Tous marchent pour une raison singulière, qu’ils en aient conscience ou non. Trouveront-ils ce qu’ils recherchent en cours de route ? 🌻

Photo de Guduru Ajay bhargav sur Pexels.com

Vous aimez lire les articles de « Délires de linguiste » ? 🙂 Quatre ans après avoir lancé ce blog, je publie Unis par le Camino. Ce roman original se développe autour du Chemin de Compostelle. Différents personnages évoluent au cœur de cette Espagne que j’aime tant. Ce voyage initiatique leur permet de soulever de grandes questions dans des dialogues constructifs, de se connecter à leur for intérieur et de se recentrer sur leurs aspiration les plus profondes. Vous retrouverez dans cet ouvrage ma passion pour les langues, mon goût de l’aventure et une bonne dose d’humour. 😉

Entre autres retours sur ce roman, un lecteur m’a dit que l’intrigue est bien construite, avec autant de suspense que vous êtes en droit de l’attendre. 😎

Cette idée de lecture vous intéresse ? Vous pouvez commander mon livre sur le site de l’éditeur.

Vous pouvez également vous le procurer dans la librairie de votre choix ou sur une plate-forme en ligne. Voici les références bibliographiques à fournir à votre libraire :

O’CREISREN, Jean. Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle. Saint-Ouen : Les Éditions du Net, 2023.

Bonne lecture et ultreïa ! 😉

Jean O’Creisren

Éloge de la pauvreté

« Éloge de la pauvreté » ? Peut-on chanter les louanges d’un phénomène qui cause autant de souffrance ? N’est-ce pas manquer de respect aux plus démunis ? N’est-ce pas rire de leur malheur ?

Si telle était ma démarche, vous auriez raison de vous scandaliser, de quitter ce blog et de condamner ouvertement les écrits de Jean O’Creisren. Mais sachez que si je prends la parole sur ce sujet délicat, c’est que j’en ai une expérience sensible. En effet, je vis dans un logement social, j’ai déjà été chômeur, bénéficiaire du RSA et j’ai même vécu l’expérience de la mendicité. Aujourd’hui, ma situation est moins critique qu’elle ne l’a été, mais, en fonction des opportunités professionnelles, il m’arrive de connaître des périodes de bien-être matériel ou de précarité. En outre, depuis mon adolescence, je suis au contact de personnes plus ou moins à l’aise financièrement. Il y a, parmi mes amis, des personnes qui gagnent bien leur vie et d’autres qui bénéficient des minima sociaux.

Le but de cet article n’est ni de me moquer d’une situation dramatique ni de vous inciter à devenir pauvre. Je ne proposerai pas non plus de solutions politiques face à la pauvreté. Cette dernière est un mal qu’il faut combattre et je laisse les citoyens de différentes couleurs politiques débattre sur les mesures à prendre pour avancer en la matière. Mais lorsque ce mal vous tombe dessus et qu’il est difficile de lui faire face, comment l’accueillir ? En cette période de crise, nous sommes malheureusement nombreux à nous paupériser. Nous sommes tous humains et la tentation du découragement est toujours là. Mais ne nous laissons pas abattre ; osons regarder les lueurs d’espoir et autres aspects positifs qui peuvent se dégager de ce nuage sombre…

La pauvreté est un mal à combattre. Mais quand cette lutte s’avère difficile, comment laisser des aspects positifs s’en dégager ?

La pauvreté vous rend plus humble

J’ai la chance d’avoir grandi dans un milieu plutôt favorisé, même si j’ai été confronté à la pauvreté assez tôt. Lorsque j’étais étudiant, je me souviens avoir parlé à Christophe, une personne qui faisait la manche devant une église. Croyant bien faire, je lui ai dit : « Il faut chercher du travail ! » Il m’a répondu, blessé : « Arrêtez de me faire la morale ! » N’ayant pas encore connu la pauvreté, j’étais incapable de me mettre à la place de celui qui en souffre. Quelques années après, je venais de subir un cuisant échec professionnel et j’étais au chômage. J’ai revu Christophe et lui ai parlé de manière plus respectueuse. J’ai pu le traiter d’égal à égal, puisque nous étions tous les deux dans la même galère. Sur un ton bienveillant, il m’a dit : « Tes parents peuvent t’aider. » Et il avait raison, lui qui avait été chassé de chez lui à l’âge de 13 ans.

À cette époque, je commençais à effectuer des maraudes avec ce qui allait devenir l’Oratoire Bienheureux Noël Pinot. Nous allions à la rencontre des personnes de la rue sans rien leur apporter, mais juste pour leur parler de Jésus. Vous vous doutez bien qu’elles étaient plus ou moins réceptives à notre discours d’évangélisation. En effet, quand un SDF n’apprécie pas votre approche, il n’y va généralement pas par quatre chemins pour vous le dire. 😉 Je me souviens aussi qu’en arrivant à l’arrêt de tram qui surplombe la gare, nous cherchions des personnes de la rue avec qui aborder le sujet de la foi. Quelqu’un nous a demandé : « Les gars, vous cherchez quelque chose ? » Nous recherchions plutôt quelqu’un, et nous n’osions pas trop expliquer notre démarche, qui eût paru étrange à notre interlocuteur. Celui-ci a donc interprété à sa manière notre attitude : « Vous cherchez du matos ? » « Non, absolument pas, mais on peut te parler de Jésus ! » Et nous voilà lancés dans une conversation métaphysique avec un dealer professionnel… À la fin de la discussion, nous lui avons demandé son nom pour pouvoir prier pour lui. De crainte que nous le dénoncions, il nous a donné son pseudonyme. Nous avons donc prié pour Jo la Douille.

Bref, ces premières maraudes ont été très enrichissantes. Si j’ai pu m’entretenir fraternellement avec ces personnes, c’est parce que je traînais mes propres misères. À cette époque, j’étais étiqueté comme un chômeur, un dépressif et un raté. J’étais tombé de mon orgueil et les souffrances de la vie m’avaient rendu plus humble. Et, croyez-moi, l’humilité est une vraie richesse ! Si vous fraternisez avec les personnes en situation de précarité, elles pourront vous aider le jour où vous aurez besoin d’elles.

La pauvreté vous rend plus sensible à la souffrance des autres

L’été dernier, j’ai terminé le pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle que j’avais commencé en 2012. Ayant subi quelques difficultés financières lors de ma pérégrination, j’ai dû me serrer la ceinture pendant quelques jours et j’ai décidé de mendier dans la ville de León. Assis dans un coin de la Plaza Mayor le jour du marché, je disais juste ˝¡Hola!˝ aux passants, sans avoir l’intention de demander de l’argent de manière insistante. Presque tout le monde a détourné le regard et personne ne m’a rien donné. Seule une femme m’a poliment répondu ˝¡Hola!˝, ce qui m’a vraiment réchauffé le cœur. Je me demandais ce que les personnes qui m’ignoraient pouvaient penser de moi : « Ce fainéant n’a qu’à aller bosser ! » ou « Qu’il n’aille pas acheter ses bières et son shit avec mon argent ! » Au bout d’une heure, je suis parti, affligé d’avoir été traité comme un pestiféré. Ainsi, j’ai pu expérimenter ce que certaines personnes subissent toute leur vie à longueur de journée. Ce verset biblique me semble maintenant tout à fait concret : « Penche l’oreille vers le pauvre, et réponds avec douceur à son salut de paix. » (Ecclésiastique 4, 8)[1]

Tant qu’on n’a jamais fait la manche, on ne peut pas savoir ce que ça fait. Cette expérience m’a fait comprendre pourquoi certains mendiants sont souvent de mauvaise humeur. Quand vous subissez cela toute votre vie, il y a vraiment de quoi vous plomber le moral ! Alors, uniquement car je suis devenu riche de cette expérience, j’ai décidé de ne plus jamais ignorer une personne qui me demande une pièce ou autre chose. Même si je ne donne rien, je peux toujours décliner poliment et avec le sourire. 😊

La pauvreté vous permet de moins polluer

Quand vous vous inquiétez pour la fin du mois, vous faites des économies qui peuvent être bonnes pour l’environnement : vous utilisez vos pieds plutôt que la voiture, vous roulez moins vite pour économiser du carburant, vous consommez l’électricité et le gaz de manière raisonnée, vous n’achetez que ce dont vous avez vraiment besoin, vous fermez le robinet quand vous vous brossez les dents… Autant de gestes qui sont bons pour la planète ! 😊 En revanche, plus votre budget est réduit, moins vous pourrez consommer des produits de haute qualité environnementale. Mais à titre personnel, même quand je gagnais 800 € par mois, j’arrivais à consommer en respectant à peu près mes convictions en la matière, car je faisais des économies sur d’autres choses. Par exemple, les efforts que je faisais pour consommer moins de carburant lorsque j’étais obligé de prendre la voiture ont eu d’importantes répercussions sur mon pouvoir d’achat. Plus d’informations sur ce lien.

Bon, par rapport à beaucoup de personnes en situation de pauvreté, je fais aussi des économies à un autre niveau : je ne fume pas, je ne bois pas et je ne me drogue pas. Malheureusement, la pauvreté matérielle est souvent liée à des formes de misère sociale, comme les addictions, qui n’aident pas à s’en sortir. Ce que j’écris là n’est pas un jugement ; c’est un constat. Ces problèmes peuvent tous nous toucher. Ils sont toujours liés à un vécu douloureux et relèvent de la maladie. Peut-on jeter la pierre à une personne malade ? Nous avons tous nos propres fragilités. Mais, quand celles-ci sont d’ordre pathologique, il est important d’avoir le courage de le reconnaître, puis de demander l’aide de professionnels. En luttant avec détermination contre ce qui nous paralyse, avec un accompagnement adéquat, nous pouvons aller de l’avant dans notre vie personnelle et professionnelle, donc sortir de la pauvreté. 😊

Revenons aux économies. Quand il fait assez chaud pour que ce soit supportable, je tâche de me doucher à l’eau froide. Évidemment, ce n’est pas la manière la plus confortable de se laver, mais on s’y habitue. En recevant l’un de mes bilans de consommation correspondant à un mois de printemps, j’ai eu la bonne surprise de voir que la quantité de gaz utilisée par rapport à la même période de l’année précédente avait été divisée par deux. En outre, la douche froide est excellente pour la santé physique et mentale. Elle permet notamment de lutter contre la dépression et le vieillissement de la peau. Plus d’infos sur ce lien.

En somme, fournir des efforts en matière d’écologie est à la portée de tous, quels que soient nos revenus. Tout est une question de priorité. Et vous, pensez-vous que le respect de notre écosystème et la survie de l’espèce humaine soient une question prioritaire ?

La pauvreté peut vous permettre de développer des compétences en mathématiques et en gestion

Plusieurs fois, j’ai remarqué que des personnes qui vivent de mendicité sont des génies en matière de calcul mental. En effet, ces personnes comptent en permanence. De même, quand votre budget est serré, vous calculez pour savoir ce que vous avez les moyens d’acheter ou non, vous comparez les prix, vous raisonnez pour savoir comment vous pourrez maximiser votre pouvoir d’achat avec le peu que vous avez. Dans les grandes surfaces, vous chasserez les promotions, tout en évitant de vous faire avoir. Par exemple, si un article affiche 20 % de réduction, je prends le temps de calculer de tête pour savoir si c’est vraiment moins cher que l’article similaire d’une marque différente qui se trouve à côté. Cette gymnastique intellectuelle prend un certain temps, mais quand j’ai pu désamorcer une arnaque de cette façon, je suis fier de présenter à la caisse ce qui est vraiment à mon avantage.

Comme toute gestion de crise, la pauvreté vous oblige à prendre de bonnes décisions, à vous centrer sur vos priorités et parfois à changer radicalement la manière dont vous gérez votre budget. Cela vous permet donc de développer des compétences utiles et d’améliorer les circuits neuronaux relatifs à la prise de décisions. Cela vous rend certainement créatif en mettant à votre disposition de nombreuses ressources à utiliser en cas d’alerte rouge.

Par ailleurs, les personnes qui font la manche sont de très habiles négociateurs. Tels des commerciaux, ces experts de la vente savent manipuler les autres pour profiter de leur argent. Si certains professionnels de la négociation n’hésitent pas à mentir au prospect pour parvenir à leurs fins égoïstes, une compétence n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Tout dépend de ce qu’on en fait. Il paraît que la manipulation est légitime si elle n’est pas opérée au détriment de quelqu’un en particulier. Par exemple, les associations caritatives ne vivent que grâce au marketing, ce qui leur permet d’aider de nombreuses personnes en difficulté, notamment des hommes et des femmes qui souffrent de grande pauvreté et du lot de difficultés qui accompagne souvent cette situation pécunière.

La pauvreté peut nous rendre plus forts et nous apprendre à nous battre

Après mon gros échec professionnel, j’ai repris des études pour m’engager dans un métier où il est difficile de trouver du travail. Cette situation était angoissante, même si je n’étais pas à plaindre d’un point de vue matériel. En effet, mon allocation chômage me permettait de vivre avec bien plus de moyens que la plupart des étudiants. Néanmoins, cette peur de manquer à l’avenir était éprouvante. D’après Paulo Coelho, « la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même ». Je l’ai vécu dans ma chair. Lorsque j’ai commencé ce métier où il était difficile de trouver sa place, ce n’était effectivement pas facile. C’était même beaucoup plus compliqué que je ne l’aurais imaginé. Mais cela m’obligeait à me battre, à avancer, le nez dans le guidon, sans me poser de questions. Quand ce n’est pas la première galère, on sait comment se battre. Il y a moins d’un an, il m’est arrivé à deux reprises de devoir faire face à des baisses de pouvoir d’achat subites et inattendues. J’ai pris ces situations comme des défis, j’ai immédiatement réfléchi à la manière dont je pouvais faire face et j’ai pu m’en sortir largement vainqueur.

Par exemple, quand j’ai appris, à Sahagún, qu’il me restait juste de quoi payer mon loyer et que je devrais me serrer la ceinture en poursuivant mon pèlerinage vers Compostelle, j’ai vécu comme une aventure de plus le fait de devoir dormir à la belle étoile et me laver dans les canaux d’irrigation. Lorsque j’ai décidé que j’allais faire la manche une fois arrivé à León, j’ai pris cela comme une expérience qui serait formatrice. Certes, la misère n’est pas un jeu et j’espère ne choquer personne avec ces propos. Ayant l’assurance d’avoir du travail en septembre, j’étais dans une situation beaucoup moins angoissante que les personnes qui subissent une précarité durable. Mais si j’avais connu la même galère quelques années plus tôt, j’aurais vraiment paniqué. Les différentes expériences de pauvreté que j’avais subies auparavant m’avaient rendu plus fort et j’ai pu faire face à cette situation la tête haute.

La pauvreté peut vous protéger face à certaines personnes malintentionnées

Pendant plusieurs années, j’ai vécu dans un immeuble très défavorisé. La plupart de mes voisins étaient bénéficiaires du RSA, avaient de gros problèmes d’addictions diverses et variées et avaient connu la prison. L’immeuble était dans un piteux état. Nous avons d’ailleurs été relogés pour qu’il soit détruit. Dans la rue adjacente, des personnes d’un autre niveau de vie habitaient dans des pavillons. Le long de ces maisons, leurs belles voitures étaient souvent incendiées. En revanche, sur le parking en face de mon immeuble, aucun problème de ce type ne se produisait. Il était souvent vide car la plupart de mes voisins n’avaient pas ou plus le permis de conduire. Les rares conducteurs parmi nous avaient de vieilles voitures en adéquation avec notre budget. Et surtout, les brûleurs d’automobiles avaient bien conscience que tout se sait dans un bâtiment comme le nôtre. Tout le monde savait aussi que les riverains n’étaient pas commodes et qu’il valait mieux éviter d’avoir des problèmes avec eux.

En règle générale, si vous avez un vieux tacot, il a moins de risques de se faire incendier qu’une belle voiture. De même, si vous vous habillez modestement, vous ne vous ferez pas braquer dans la rue. Au Moyen Âge, les communautés juives d’Europe utilisaient cette technique de survie. Soupçonnés de rouler sur l’or, les Israélites ne montraient aucun signe extérieur de richesse pour éviter les pogroms et autres agressions antisémites. Dans la même logique, si vous n’avez aucun objet de valeur chez vous, les cambrioleurs seront moins intéressés par votre logement que par une belle demeure.

Enfin, face aux commerciaux sans scrupules et autres arnaqueurs, la pauvreté vous protège. Si vous avez un caractère à vous faire avoir facilement, il est plus facile de refuser quand on n’a pas le budget qui permettrait d’accepter avec une confiance aveugle.

Nous sommes d’accord que la pauvreté reste un mal à combattre. Mais ce mal peut vous protéger contre sa propre aggravation…

La pauvreté vous permet de vous remettre dans les mains de Dieu

Quand on est pauvre, on est plus sensible à la souffrance des autres. On voudrait donc être riche pour pouvoir les aider matériellement. Faute de pouvoir donner aux plus démunis, on peut donc offrir sa pauvreté à Dieu pour telle personne ou telle cause. Le Dieu des chrétiens est un Dieu d’amour. Il ne veut jamais le mal, qui est, d’après nos croyances, l’œuvre du diable. Mais d’un grand mal, Dieu peut tirer un plus grand bien si nous mettons notre confiance en Lui. Ainsi, toute offrande, aussi modeste soit-elle, est d’une grande valeur aux yeux de Dieu. Jésus montre l’exemple en offrant Sa Passion et Sa mort pour nous sauver. Dieu souffre avec nous et nous rejoint dans notre pauvreté. Mais s’Il le fait, ce n’est pas pour en rester à ce constat déprimant. Jésus offre Sa mort pour communier à nos souffrances, puis Il ressuscite pour que nous ayons la Vie en plénitude. 😊 Dieu nous aime. Il ne fait pas de différence entre les riches et les pauvres. Aux yeux du Seigneur, la modeste offrande d’une personne en situation de précarité vaut autant, sinon plus, que les millions versés par un footballeur professionnel à une association humanitaire. Jésus Lui-même nous le dit très clairement :

« Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : ˝Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.˝ » (Mc 12, 41-44)

En somme, pourquoi faire l’éloge de la pauvreté ? Cette dernière reste un mal à combattre. Quand elle nous tombe dessus, ne nous laissons pas abattre ! Battons-nous pour nous en sortir tout en voyant les aspects positifs qui peuvent se dégager de cette situation dramatique ! 😊

Jean O’Creisren


[1] Sur ce blog, les citations bibliques sont tirées du site de l’AELF.


Vous aussi, vous vous sentez proche des plus pauvres ?

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Traductions bizarres sur le chemin de Compostelle

Avez-vous déjà parcouru le chemin de Compostelle ? Si oui, vous avez certainement plein d’anecdotes à raconter… Si non, qu’attendez-vous pour vous lancer dans cette aventure ? 😀

Entre autres trouvailles, je vous partage quelques traductions étranges que j’ai photographiées chemin faisant…

« Bienvenidos » et non « Bienvenida »… Voilà ce qu’on appelle une traduction littérale complètement ratée !
Lorsque je voyage en voiture, je fais des pauses toutes les 2 heures sur des « secteurs d’autoroute ». Pas vous ?
Bon, il ne s’agit pas d’une traduction, mais d’une pierre que j’ai trouvée sur le chemin. Je l’ai prise en photo car elle ressemble étrangement à la carte de la péninsule Ibérique. Ne trouvez-vous pas ?
On comprend l’idée, mais on voit bien que ces traductions en différentes langues ne sont pas l’œuvre d’un locuteur natif…
Traduction très orale
On commence la série des perles de la machine à laver de Burgos…
Je n’ai jamais pensé à laver mes vêtements avec des coings… Et vous ?
Bon, cela aurait pu être rédigé par un Français qui ne maîtrise pas correctement les accords du participe passé… c’est à dire sans doute la majorité de nos compatriotes.
Bon, ce n’est pas une traduction, mais cette auto-dérision d’un Breton têtu m’a bien fait rire…
« Chemin alternatif » aurait bien fait l’affaire ! Parfois, la traduction littérale est le meilleur choix…
En voilà une manière de s’exprimer !
Private joke pour les arabophones… Cette traduction est-elle vraiment inmejorable ?

Bon, ça, c’était une traduction intersémiotique très explicite à destination de certains pèlerins un peu particuliers… 😉

Une fois arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle, je suis tombé sur cette autre traduction vraiment pas terrible…

Et voilà pour la série des traductions bizarres ! Si ça veut vous donner envie de vous lancer dans l’aventure du chemin de Compostelle, n’hésitez pas à relever ce défi ouvert aux personnes de toutes convictions politiques et religieuses !

Si vous pensez que les traductions bien faites, par des êtres humains compétents, c’est quand même beaucoup mieux, n’hésitez pas à consulter ces publications et à vous rapprocher de cette organisation. 🙂

¡Buen Camino a tod@s!

Ultreïa !

Jean O’Creisren


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Une rencontre incroyable sur le chemin de Compostelle

Cet été, j’ai marché de Burgos à Saint-Jacques-de-Compostelle. Pendant trois semaines, j’ai cheminé tous les jours, depuis les plaines infernales de Castille jusqu’aux montagnes pluvieuses de Galice. En sortant de Carrión de los Condes (province de Palencia), j’ai rencontré une personne incroyable.

Image par xtberlin de Pixabay 

Ce jour-là correspondait à l’une des étapes les plus difficiles du Camino. En effet, entre Carrión et le village suivant, il n’y a rien, sauf des champs de céréales parsemés de rares arbres et le soleil qui cogne dur, pendant 17 kilomètres.

Parmi mes nombreux défauts, je suis entre autres dépendant à la caféine. Et comme j’étais sorti très tôt de Carrión, aucun bar n’était ouvert. Le seul petit-déjeuner que j’avais pu prendre était un sac de cacahuètes, que m’avait gentiment donné Jérôme, un autre pèlerin français.

Après avoir marché environ 8 kilomètres, nous nous sommes assis sur une aire de repos. J’étais épuisé et je savais pourquoi : j’étais en manque. J’ai alors dit à mon compagnon de route qu’il pouvait poursuivre son chemin s’il le souhaitait, car j’allais me coucher sur l’herbe pour dormir.

Sur cette aire, un Espagnol se promenait à vélo. Il nous a salués. J’en ai profité pour lui demander s’il y avait un bar à proximité. Il m’a répondu que non, mais m’a dit qu’il était hospitalier. Il m’a donc proposé de l’attendre, le temps qu’il fasse un aller-retour sur Carrión de los Condes afin de m’apporter du café. Fernando Santos Urbaneja travaille comme magistrat à Cordoue. Néanmoins, pendant l’été, il revient dans sa Castille natale pour veiller sur les pèlerins. Quand il était petit, le chemin de Compostelle n’était pas aussi bien balisé et les auberges étaient plus rares. Sa mère lui enseignait que le pèlerin est un être sacré. Sur le paysage tout plat de la Meseta, il voyait arriver de loin ces voyageurs et allait à leur rencontre pour les conduire vers le logis familial. Aujourd’hui, sa mère est très âgée et il a repris le flambeau.

Il est revenu me voir au bout d’une heure. Jérôme était déjà parti. Un pèlerin italien nommé Luca s’était arrêté et nous discutions ensemble. Fernando m’apporta du café, mais aussi beaucoup de biscuits et une clé USB. En effet, en parallèle de ses études de droit, il suivait des cours de chant et de guitare au conservatoire de Valladolid. L’appareil, que j’ai lu dès mon retour en France, regorge de trésors sur le chemin de Compostelle : des liens vers des vidéos de concerts, des partitions et autres trouvailles… Eh oui, mon bienfaiteur n’est pas seulement procureur, mais aussi troubadour ! Il compose, joue et chante de belles chansons sur le Camino et sur d’autres thématiques.

Pour moi, sa plus belle chanson est la Bénédiction des pèlerins. Écoutez-la ; ça vaut vraiment le coup ! Il s’agit d’un sujet religieux, mais tout le monde peut apprécier le son relaxant de la voix d’or du chanteur.

Vous pourrez découvrir d’autres chansons sur son blog et sur sa chaîne YouTube.

Outre son rôle de troubadour et son métier, Fernando est écrivain. Pour plus d’informations à ce sujet, vous pouvez regarder cette vidéo :

Enfin, je vous propose d’assister au spectacle suivant, où vous pourrez vous délecter de sons, de mots et d’images magnifiques sur le Chemin de Compostelle :

Ultreïa !

Dieu vous bénisse !

Jean O’Creisren

Image par guillermo gavilla de Pixabay 

Envie de relire cet article en espagnol ?

Vous pourrez le parcourir sur ce lien.


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Un encuentro estupendo en el Camino de Santiago

Este verano, caminé desde Burgos a Santiago de Compostela. Durante tres semanas, anduve todos los días, del infierno de la Meseta a la lluvia de las montañas gallegas.

Al salir de Carrión de los Condes (Palencia), encontré una persona estupenda. Aquel día hice una de las etapas más difíciles del Camino. En efecto, entre Carrión y el pueblo siguiente, no hay nada, excepto campos con escasos árboles y el sol que pega duro, durante 17 kilómetros.

Entre mis numerosos defectos, soy dependiente de la cafeína. Y como salí de Carrión temprano, ningún bar estaba abierto. Lo único que pude tomar como desayuno fue una bolsa de cacahuetes que me había dado Jérôme, otro peregrino y compatriota mío.

Caminamos unos 8 kilómetros y nos sentamos en un área de descanso. Me sentía harto y sabía que era por el mono. Le dije a mi compañero que no podía caminar más y que necesitaba echarme un rato en la hierba.

Por el área, un español estaba paseando con su bici. Nos saludó y yo le pregunté si había un bar cerca de allí. Me dijo que no, pero que él era hospitalero y que podía ir a Carrión para traerme café. Fernando Santos Urbaneja trabaja en Córdoba. No obstante, durante el verano, regresa a su Castilla natal para cuidar a los peregrinos, como hacía su madre cuando él era un niño.

Regresó al cabo de una hora. Jérôme ya se había ido. Luca, un peregrino italiano, se había parado y estaba hablando conmigo. Fernando me trajo café, pero también muchas galletas y una clave USB. En efecto, además de estudiar Derecho, también siguió lecciones de canto y de guitarra en el conservatorio. Así que hoy, además de su profesión, es trovador. Compone, toca y canta hermosas canciones sobre el Camino o sobre otros temas.

Para mí, su canción más preciosa es la Bendición del peregrino. Realmente, merece la pena escucharla. El tema es religioso, pero cada un@ puede apreciar el sonido calmante de la voz de oro del cantante:

Podréis encontrar más canciones en su blog y en su canal de YouTube.

Y además de trovador y fiscal, Fernando también es escritor. Podréis obtener más información al respecto en este vídeo:

Para terminar, os propongo que véais el espectáculo siguiente, con sonidos, palabras e imágenes deleitantes sobre el Camino de Santiago:

¡Buen camino a tod@s!

¡Dios os bendiga!

Jean O’Creisren


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