Vous aimez les langues ? Vous aimez jouer avec les mots, rigoler, refaire le monde ? Délires de linguiste est fait pour vous ! Bienvenus sur le blog de Jean O'Creisren !
Dans la foulée de mon séjour itinérant en Castille, j’ai passé cinq jours en Andalousie, du 14 au 18 août 2024. 💃 Je n’avais pas foulé le sol de cette région de l’Espagne depuis février 2010, soit plus de quatorze ans.
Avec mon ami Mickaël, nous avons quitté Carthagène de bon matin, en direction de Cordoue. 👳♂️
À la gare routière, j’ai été assez surpris par le logo de l’armateur de notre car :
Que vous évoque cet acronyme associé à la mairie de Séville ? De prime abord, j’ai pensé aux Noticieros y Documentales (NO-DO). Ces courts-métrages furent diffusés avant chaque film dans l’ensemble des cinémas espagnols pendant une quarantaine d’années. 🎞 Il s’agissait de l’un des principaux outils de propagande du régime franquiste. Par conséquent, pourquoi ce sigle est-il ainsi associé à la capitale de l’Andalousie, près de cinquante ans après la Transition démocratique ? 🗳 La réponse est simple : NO8DO ne fait pas référence au général Franco, mais à d’autres chefs d’État bien plus loin dans l’histoire nationale. En effet, au XIIIe siècle, le roi de Castille Alphone X le Sage fut chassé du pouvoir par son fils Sanche. ⚔ Le souverain déchu trouva refuge à Séville, un fief qui lui resta fidèle. L’accord de paix entre les deux parties permit à Alphonse de vivre en sécurité dans cette ville. L’acronyme NO8DO se lit en fait No me ha dejado (Elle ne m’a pas laissé [tomber]). En effet, le symbole en forme de huit représente un outil servant à filer la laine, nommé en espagnol madeja. 🐑 Plus d’informations sur ce lien.
Lors du trajet vers Grenade, j’ai pris quelques clichés de la fenêtre du car. 🚃 On y voit notamment des oliveraies. Ces paysages se situent pour la plupart dans la province d’Almería :
Nous avons fait une escale d’une heure à la gare routière de Grenade. Cette ville chargée d’histoire fut le dernier bastion arabo-musulman de la péninsule Ibérique. Les princes nasrides savaient que leur temps était compté. 👳♂️ C’est pourquoi ils construisirent leur palais, l’Alhambra, avec des matériaux pauvres, tels que la brique et le stuc. Néanmoins, les moulures très fines impressionnèrent les Espagnols lorsque les Rois catholiques prirent la ville en janvier 1492. Cette merveille a donc traversé les siècles. Je n’ai pas eu le temps de la revisiter lors de ce bref passage dans cette ville d’Andalousie. En revanche, je peux vous proposer les photos prises en novembre 2009, lorsque je suis venu y rendre visite à un ami qui y effectuait son séjour Erasmus :
Voici d’autres clichés de Grenade datant de ce voyage d’antan. Vous remarquerez une photo de groupe où l’on ne voit que nos pieds. C’est normal : le passant à qui nous avions demandé de nous photographier n’avait pas bu que de l’eau… 😉
Le jeudi 15 août, an de grâce 2024, nous sommes allés à la mosquée-cathédrale de Cordoue pour assister à une magnifique messe solennelle en l’honneur de la Vierge Marie, dont nous fêtions l’Assomption. 🌸 De fait, l’église baroque construite au milieu de cet ancien lieu de prière musulman est dédiée à la Mère de Dieu, élevée au Ciel avec son âme et son corps, sans que ce dernier n’eût subi la corruption de la mort. 💀 En effet, la mort est une conséquence du péché, or les catholiques croient que Marie n’a jamais fauté, car elle est l’Immaculée conception. Le dogme de l’Assomption a été reconnu officiellement par le Pape il y a moins d’un siècle, après quelque deux millénaires de croyance populaire. La messe, présidée par l’évêque du lieu, était magnifique, chantée par d’excellents choristes, certainement professionnels.
Pour commencer, voici quelques photos de l’extérieur de l’édifice religieux (partie donnant sur la rue, minaret-clocher et cour intérieure plantée d’orangers) :
À partir de 15h, j’ai visité l’intérieur de la mosquée. Pour commencer, voici quelques photos de la salle de prière, avec sa fameuse forêt de colonnes :
Comme vous l’avez remarqué, la religion chrétienne s’est approprié ce qui fut la troisième mosquée du monde par sa taille. 🕌 En effet, Cordoue était une ville califale. Elle était également l’agglomération la plus importante d’Europe à cette époque, forte d’un demi-million d’habitants. Voici quelques photos du chœur baroque de la cathédrale, où j’ai pu assister à un sacrifice humain en début de journée, comme je le fais chaque dimanche, lorsqu’un prêtre renouvelle la mort du Christ en consacrant le pain et le vin sur l’autel :
Comme vous pouvez le constater, un tableau représentant l’Assomption de la Vierge Marie orne la partie supérieure du retable. 🌸
Pour revenir aux éléments propres à l’ancienne mosquée, voici deux clichés du mihrab. Cette niche se situe au milieu du mur de la qibla, qui est orienté vers La Mecque. 🕋 Ce pan indiquait aux fidèles comment se positionner lors de la prière. Le mihrab était l’endroit d’où prêchait le calife omeyyade chaque vendredi. Au niveau acoustique, tout était étudié pour qu’on l’entendît au mieux.
Le soir, nous sommes sortis et, intrigués par une musique de fanfare, nous avons suivi le flot humain pour nous diriger vers la Cour des orangers de la Mosquée-cathédrale. 🎺🍊 Nous avons alors assisté à la magnifique procession organisée à l’occasion de l’Assomption. Vous pourrez visionner une vidéo de cet événement en cliquant sur ce lien.
Voici quelques clichés cordouans pris lors de notre promenade nocturne :
Le vendredi 16 août, Mickaël est parti pour Grenade, d’où il gagnera Paris. Pour ma part, je poursuis mon séjour à Cordoue, où il me reste encore un certain nombre de choses à voir. 👀 Pour commencer, voici quelques clichés pris de jour des ruelles de la cité andalouse :
Voici quelques vues des bords du Guadalquivir capturées vers 15h30, par une chaleur de 37°C :
Dans la soirée, je me suis promené dans une autre partie de la ville, notamment un jardin public tout en longueur, le Paseo de la Victoria :
Entre 21h45 et 23h30, j’ai visité Medinat az-Zahrât. En 711, une armée musulmane a envahi la quasi-totalité de la péninsule Ibérique. En effet, les Arabes avaient conquis l’Afrique du Nord, où la population locale s’était convertie en masse à l’islam. ☪ Or, tout homme musulman avait le devoir de s’enrôler dans l’armée. De nombreuses troupes majoritairement composées de Berbères envahirent alors de royaume wisigoth, qui tomba facilement. La population accepta les nouveaux venus de manière assez docile. À cette époque, l’administration du territoire conquis était assez chaotique et l’on ne pouvait pas parler d’État à proprement parler. Ce n’est qu’en 756 que le prince omeyyade Abd el-Rahmân Ier débarqua sur ces terres et y établit l’émirat de Cordoue. 👑 En 929, son descendant Abd el-Rahmân III se fit proclamer calife, c’est-à-dire commandeur des croyants, soit plus ou moins l’équivalent Pape pour les catholiques. Quelle était sa légitimité pour se valoir d’un tel titre ? Les Omeyyades furent la première dynastie califale, siégeant à Damas dès le VIIe siècle après les quatre califes dits « bien guidés », tous compagnons de Muhammad. Au VIIIe siècle, ils furent presque tous massacrés par une autre famille, les Abbassides, qui s’empara du trône et établit le califat à Bagdad. 🕌 Seul Abd el-Rahmân Ier avait réussi à s’échapper, puis à gagner Al-Andalus, où ses origines familiales lui donnèrent la légitimité pour établir un émirat. Pour aller plus loin avec le titre de calife, son descendant Abd el-Rahmân III s’appuyait donc sur sa noble lignée, mais aussi sur le fait que Cordoue était une ville d’une importance majeure dans le monde d’alors. Par ailleurs, un second califat avait déjà été proclamé par les Fatimides, famille chiite, en Afrique du Nord, par opposition aux Abbassides sunnites. Craignant une invasion de ces ennemis hérétiques, Abd el-Rahmân s’autoproclama troisième calife de l’Oumma. Voici une vidéo en espagnol reconstituant ce que savent les historiens de la cité califale :
Así se cree que era la ciudad califal…
La porte du Nord servait à ravitailler la ville. Cette dernière avait été établie au pied de la Sierra Morena, ce qui permettait à la fois de l’approvisionner en matériaux de construction (en particulier en pierre issues des carrières disponibles à proximité) et de la pourvoir en eau. Des aqueducs faisaient déjà descendre l’eau courante depuis la montagne jusqu’à Cordoue depuis l’époque romaine. Abd er-Rahmân III, qui construisit Medinat az-Zahrât afin d’asseoir son autorité en tant que calife et non comme simple émir soumis à Bagdad, dévia une partie du réseau pour alimenter ce centre de pouvoir. 💧 La photo du portail correspond à la porte du Nord, comme une porte de service où transitait toute la logistique. Elle était gardée par deux soldats qui, dans leur tour, disposaient même de latrines individuelles. Les eaux usées étaient évacuées par un système de tout-à-l’égout, qui se vidait sans difficulté du fait de la pente naturelle du terrain.
Voici quelques clichés des vestiges de la salle somptueuse où attendaient les ambassadeurs venus s’entretenir avec le calife. Ils venaient de différents États de la Chrétienté ou d’Afrique du Nord. Une fois arrivés à Cordoue, ils étaient escortés par la garde califale jusqu’à l’alcázar. Le but était de leur en mettre plein la vue, notamment par un banquet au cours de cette longue attente. Contrairement à d’autres époques et aires géographiques de la civilisation arabo-musulmane, le vin n’a jamais été prohibé en Al-Andalus, du moins avant l’arrivée des courants rigoristes almoravides et almohades. 🍷 Cela était dû au fait que la Bétique, province correspondant au sud de la péninsule Ibérique, avait été fortement romanisée après la seconde guerre punique. Faire disparaître la culture de bonne chère était tout simplement impossible aux conquérants nord-africains fraîchement islamisés. Les convives qui souhaitaient s’entretenir avec le calife pour négocier avec lui se voyaient servir à boire abondamment. On leur faisait aussi fumer du chanvre indien, si bien que, quand ils étaient enfin reçus par le maître des lieux, ils avaient le ventre plein et la raison altérée par certaines substances. Devant un calife qui en imposait par sa majesté, ils ne faisaient donc pas le poids pour défendre les intérêts de leur souverain.
Ces éléments témoignent de l’histoire militaire du site archéologique. Les arcades étaient surmontées par un balcon, d’où le calife révisait ses troupes, qui stationnaient sur une immense place, avant de les envoyer, par exemple, commettre des razzias contre les royaumes chrétiens du Nord de la péninsule. ⚔ Les points noirs dans le sol en marbre sont la preuve que Medinat az-Zahrât a été brûlée. En effet, ils ont été causés par l’impact des clous de la toiture, en fer incandescent, qui sont tombés lors de l’incendie. Seulement trois califes se sont succédés à cet endroit, pendant à peine quatre-vingt ans : Abd er-Rahmân III, Al-Hakam II et Hicham II. Au début du onzième siècle, le vizir Almanzor, dirigeant de fait, a voulu faire succéder son fils à Al-Hakam II. Ce dernier, qui acceptait toujours tout, avait donné son accord et signé, mais les partisans de la dynastie légitime des Omeyyades ne l’entendirent pas de cette oreille et une guerre civile éclata entre les deux partis, débouchant sur la fin du califat et le morcellement d’Al-Andalus en plusieurs royaumes de taïfas.
Voici les deux façades de la maison du prince héritier. Al-Hakam II fut enfermé dans cette prison dorée pendant quarante ans, tant que son père était au pouvoir. Il se consacra principalement à l’étude, ce qui en fit un calife savant et pieux, qui favorisa le développement des arts et des lettres sous son court règne.
Poursuivant notre visite, contemplons et étudions les ruines de la demeure du vizir Jafar. Ce dernier était un esclave qui gagna la confiance du calife au point de devenir son bras droit. Eunuque, il vivait seul, mais ses serviteurs habitaient dans des chambres annexes au logement. Il disposait de latrines privées, ce qui était une innovation et un progrès par rapport à l’époque romaine. Sa vaste maison richement ornée témoigne de l’importance du personnage.
Enfin, terminons avec le four des cuisines de l’alcázar et les habitations des serviteurs :
Le vivre-ensemble pacifique entre les trois religions monothéistes est-il un mythe ou une réalité ? Certains historiens, comme Philippe Conrad, considèrent que c’est une légende inventée au XIXe siècle sur fond de romantisme, d’orientalisme et d’anticléricalisme. Il considère que la discrimination envers les minorités juive et chrétienne était évidente. La dhimmitude se traduisait par une forte pression fiscale (taxe foncière plus élevée, ainsi qu’un impôt par tête), l’interdiction de détenir des armes, l’obligation de porter des vêtements distinctifs et la prohibition du prosélytisme (y compris le son des cloches et les processions dans la rue). ✝️
À l’issue de la visite, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec notre guide, Carmen, qui est également une historienne dûment formée, spécialiste d’Al-Andalus, recherchant l’objectivité, mais avec des convictions idéologiques très différentes des historiens conservateurs. Lorsque je lui ai présenté le point de vue de ces derniers, elle m’a répondu que c’est de toute façon un anachronisme de parler de coexistence pacifique dans l’univers violent du Moyen Âge. 🏰 Il y avait certes des discriminations envers les minorités religieuses dans les États musulmans, mais aussi dans les royaumes chrétiens. Par ailleurs, Al-Andalus est une succession de régimes politiques et de courants idéologico-religieux qui s’étend sur près de huit siècle. La condition des juifs et des chrétiens n’était donc évidemment pas la même sous le califat à la culture florissante au Xe siècle et sous les régimes fondamentalistes des almoravides et des almohades deux cents ans plus tard. 🐪 Par ailleurs, l’archéologie nous montre que les maisons des juifs et des musulmans d’une même classe sociale sont très similaires. D’après Carmen, la vraie différence sociale se situait entre les riches et les pauvres. 📊 Enfin, ce qu’attestent tous les historiens est le jeu des alliances entre États de la péninsule, qui n’avait que faire de la religion officielle. Le calife de Cordoue ressentait une inimitié très profonde à l’encontre de son homologue fatimide, mais a pu s’allier de temps à autre avec des royaumes chrétiens. ☪️✝️ De même, à l’époque des taïfas, un roi chrétien et un émir musulman pouvaient s’allier contre un ennemi commun (en l’occurrence une autre entité politique chrétienne ou musulmane). Quoi qu’il en soit, l’histoire n’est jamais noire ou blanche, mais toujours complexe. Notre guide souligne le fait que les Occidentaux acceptent généralement que les chrétiens sont tous différents, car à leurs convictions religieuses s’ajoutent leur langue, leur pays d’origine, l’éducation qu’ils ont reçue, leur activité professionnelle, leur classe sociale, leurs convictions politiques, etc. 👨🏾🦱👨🔧👩💻👩🏻🦰 Pourquoi alors ne pas accepter que les musulmans sont empreints de la même diversité ? Pourquoi avons-nous tendance à tous les mettre dans le même sac ?
Cette discussion a aussi été l’occasion de parler d’épistémologie. 📚 Comme je l’ai évoqué dans un précédent article, à l’heure où j’écris ces lignes, j’étudie le projet de commencer un doctorat en civilisation hispanique. Si tel est le cas, je devrai me pencher sérieusement sur le travail méthodique des historiens. J’aime beaucoup l’histoire, mais il ne suffit pas de connaître plein de dates et d’événements par cœur pour pouvoir prétendre au titre de chercheur en la matière. Un historien digne de ce nom doit être capable d’analyser les documents qui témoignent du passé (principalement les archives et pièces d’archéologie). 📜🏺 Sa compétence revient à analyser ces sources de façon méthodique et rigoureuse afin d’établir les liens idoines, puis de tirer des conclusions logiques et, si possible, irréfutables. Ce métier correspond-il à ma personnalité farfelue, créative et intuitive ? À ce stade, je ne saurais pas répondre et je compte bien poursuivre ma réflexion en prenant conseil auprès des bonnes personnes. 😉
Le samedi 17 août, je me suis embarqué pour Séville, le chef-lieu de la communauté autonome d’Andalousie. 💃 J’avais déjà visité cette ville magnifique début février 2010, et j’avais été assez impressionné par le fait qu’il faisait 18°C et qu’on pouvait presque se mettre en T-shirt. Quatorze ans plus tard, malheureusement, on peut avoir des températures de ce type fin février dans la région de France où j’habite. 😢 Le dérèglement climatique est indéniable et nous sommes tous responsables de prendre soin de notre environnement. 🌱
Veuillez trouver ci-après quelques photos de l’alcázar prises à cette époque. Cette bâtisse imitant l’Alhambra de Grenade était une manière, pour les souverains castillans qui venaient de reconquérir l’ouest de l’Andalousie, de rivaliser avec les princes nasrides. Comme à d’autres endroits, les imitations de calligraphie arabe par les artisans mudéjares ne veulent absolument rien dire.
Voici un cliché du retable de la Virgen de los Mareantes :
Dans le centre-ville se trouve également l’hôtel de luxe Alfonso XIII, en l’honneur du roi d’Espagne à l’époque de la Restauration (monarchie parlementaire qui commença en 1874 et prit fin avec la proclamation de la IIe république en 1931). 🤴 Alphonse XIII a commencé à régner en 1902. Veuillez trouver ci-après des photos de la bâtisse éponyme :
À cette époque, j’étais accueilli dans la capitale de l’Andalousie par une cousine qui effectuait son séjour Erasmus à l’université de Séville, plus particulièrement dans cette belle faculté, qui est une ancienne fabrique de tabac 🚭 :
D’autres photos montrent de beaux éléments d’architecture sévillans, à l’instar de la Place d’Amérique et de la Place d’Espagne (avec une représentation du mariage des Rois catholiques à Valladolid) :
Revenons en 2024. Voici une belle vue du Guadalquivir, avec la Tour de l’or en arrière-plan :
En 2010, j’avais déjà capturé quelques clichés de ce cours d’eau que les Romains nommaient Betis et que les Arabes rebaptisèrent dans leur langue Wad al-kébir (« le grand fleuve ») :
Voici d’autres photos sévillanes, notamment des ruelles qui ne sont pas sans rappeler Cordoue. Parfois, cela me semble assez similaire à l’architecture coloniale, que l’on trouve dans les vieux quartiers de certaines villes d’Amérique hispanique. Qu’en pensez-vous ?
Voici quelques clichés de nuit de la Tour de l’or :
En face de ce monument historique, un bateau à voile dûment gréé reconstitue, paraît-il, l’une des caravelles de Christophe Colomb lors de son premier voyage. 🌎 La taille ne me paraît pas énorme et je me demande combien d’hommes pouvaient tenir dans cet espace clos avec toutes les vivres nécessaires pour un si long voyage…
Enfin, veuillez trouver ci-après quelques photos de jour (datant de 2010) et de nuit (prises pour la plupart en 2024) de la cathédrale de Séville. ⛪ Il s’agit d’une ancienne mosquée, qui conserve son minaret, transformé en clocher et surmonté d’une célèbre girouette, la Giralda. L’édifice a été réaménagé en architecture gothique, mais certains éléments hispano-musulmans (almoravides en ce qui concerne la fameuse tour) ont été conservés. 🕌 De son ancienne fonction, ce lieu de culte conserve également sa Cour des orangers. 🍊 De surcroît, l’église abrite les cendres de Christophe Colomb. À proximité se trouve une statue équestre du Cid.
Vous l’avez compris : Séville est une ville magnifique, avec de très beaux monuments. Pourquoi ? L’histoire nous apprend que la richesse y coule à flot depuis la découverte de l’Amérique. 🧭 En effet, ce port fluvial assurait la liaison principale de la métropole avec les colonies et c’est là que transitaient notamment les métaux précieux provenant des mines de Potosí ou d’autres lieux du Nouveau monde. Lors de ma promenade nocturne, j’étais accompagné de Miguel, un ingénieur originaire de Grenade qui m’expliquait que l’Andalousie est plutôt une terre de gauche, hormis Séville, une ville de droite, catholique et attachée aux traditions telles que la tauromachie. Il m’expliquait que le territoire andalou est détenu en grande partie par de riches propriétaires fonciers, les latifundistas, qui vivent de la rente de la production d’olives, de vin et de céréales. Ces personnes parfois issus de grandes familles aristocratiques vivent généralement à Séville. En revanche, ceux qui travaillent la terre en différents points de l’Andalousie sont beaucoup plus pauvres et votent souvent pour le Parti communiste. ✊ En vous expliquant cela, je ne me positionne pas, mais je ne fais que relayer le point de vue d’un Andalou qui se dit de gauche et qui m’a bien précisé qu’il ne prétend pas avoir la compétence d’un guide-conférencier.
Passant un peu plus de 24h dans la capitale de l’Andalousie, je ne suis pas énormément sorti de l’auberge de jeunesse. En effet, la chaleur était infernale (quelque 40°C). 🥵 En revanche, j’ai pu rencontrer d’autres voyageurs issus de divers pays, discuter avec eux de sujets édifiants dans différentes langues et même échanger quelques numéros de téléphone.
Le 18 août à 20h, j’ai pu assister à la messe dominicale à la cathédrale. 🥖🍇 Voici quelques photos de beaux bâtiments du centre-ville que j’ai prises sur le chemin du lieu du Sacrifice :
Pour clore l’album photo relatif à l’Andalousie, voici quelques prises de vue de la chapelle où j’ai pu oír misa, au sein de la cathédrale :
Ce dimanche 18 août à 23h55, j’ai pris le car pour rentrer en France (avec une correspondance au Portugal). Mes longues vacances de prof dureront encore quelques jours, que je mettrai à profit pour préparer l’année scolaire 2024-2025, après un mois de pratique intensive des différentes matières que j’enseigne. Le trajet d’environ trente heures a été pour moi l’occasion de lire les livres au programme de l’agrégation externe d’espagnol, mais aussi de travailler mon allemand, mon portugais et mon arabe sur Duolingo. À bientôt pour de nouvelles aventures !
Lors de mon voyage culturel en Espagne (été 2024), j’ai visité la maison-musée du dramaturge Lope de Vega. Elle se situe rue Cervantès, car l’auteur de Don Quichotte a également vécu dans ce quartier de Madrid. Voici une photo de la façade de ce lieu emblématique :
Qui était Félix Lope de Vega Carpio ? Cette vidéo en espagnol résume bien sa vie, pleine d’histoires d’amour et de rebondissement :
Quelle fut la vie de Lope de Vega ?
Dans le vestibule d’entrée, vous pouvez lire une plaque à la mémoire de l’écrivain :
Lope de Vega a connu la gloire dès sa jeunesse. En effet, écrire des pièces de théâtre était très lucratif. Le dramaturge était célèbre et riche. Tout Madrid l’admira jusqu’à sa mort. Par certains écrits qu’il a laissés (correspondance et inventaires figurant dans ses différents testaments), nous avons une idée assez précise de la constitution de la maison à l’époque, ainsi que des objets qui s’y trouvaient. Après le petit-fils de Lope, nous perdons la trace de la descendance du Phœnix. Le lieu est habité par différentes familles successives aux cours des siècles, jusqu’à être racheté par la Real Academia Española. Cette institution à l’autorité incontestable dans le domaine des lettres, de la culture et du patrimoine a aménagé un musée dans cette bâtisse imposante pour l’époque. Bien que l’immense majorité des objets exposés n’aient pas appartenu à Lope de Vega, ils reconstituent au mieux ce que nous savons de l’état original de la maison.
Dans la cour intérieure de la maison-musée, un agréable jardin offre un peu de fraîcheur en ce jour caniculaire, notamment à l’ombre d’un figuier. Il s’agit, là aussi, d’une reconstitution du huerto où l’écrivain aimait passer son temps libre. Le choix des plantes restitue fidèlement la manière dont Lope décrivait la botanique originale du lieu, depuis les plantes potagères jusqu’à l’oranger :
Avec ses 23 mètres de profondeur, ce puits déjà présent à l’époque était la seule source d’eau de la maison. Au XVIIe siècle, nos ancêtres se lavaient beaucoup moins que nous. Ils utilisaient juste une cruche pour se nettoyer les parties visibles du corps : tête, visage, cou et mains. Je vous laisse imaginer l’odeur…
La première pièce est un oratoire privé. Comme le succès du dramaturge lui apportait une vie très confortable, la maison était immense pour l’époque. Tout le monde n’avait pas les moyens de disposer d’une chapelle à domicile. Vers la fin de sa vie, Lope de Vega s’est fait ordonner prêtre, en réparation de ses nombreux péchés de luxure. Ses repentirs l’amenèrent aussi à de dures pénitences, comme l’auto-flagellation. Néanmoins, malgré sa décision de consacrer sa vie à Dieu, sa vie amoureuse ne cessa pas pour autant et, vers la fin de son existence terrestre, il eut une amante de trente ans de moins que lui. Ce qui choqua les Madrilènes ne fut pas qu’il eût une relation malgré le sacerdoce, mais que le couple vécût sous le même toit en dehors du sacrement du mariage. Voici quelques photos de l’oratoire où l’abbé Lope de Vega célébrait la messe régulièrement : une statue de saint Isidore le Laboureur (patron de Madrid), auquel l’écrivain vouait une dévotion particulière, des vêtements sacerdotaux semblables à ceux qu’il portait pendant les offices, ainsi que quelques objets religieux lui ayant très probablement appartenu.
La suite de la visite nous a menés vers la salle à manger. À cette époque, disposer d’un comedor était un luxe. La plupart des gens mangeaient dans leur chambre ou sur une planche que la famille montait sur des tréteaux aux heures de repas (d’où l’expression poner / quitar la mesa). Lope de Vega mangeait de la viande tous les jours, ce que ne pouvaient se permettre que ceux qui vivaient dans l’opulence. Par ailleurs, la nature morte décorant la salle montre du jambon de porc. Une telle décoration était pour Lope de Vega et pour les autres cristianos viejos une manière de se vanter de leur « pureté du sang », par rapport aux Espagnols d’ascendance morisque ou juive. Ces derniers s’abstenaient parfois de cette source de protéines considérée comme impure dans la religion de leurs ancêtres, qu’ils ne pouvaient pratiquer qu’en cachette pour échapper à l’Inquisition.
Jouxtant cette pièce, la chambre des filles de Lope a été reconstituée avec du mobilier typique de l’époque, notamment un lit à baldaquin où l’on dormait légèrement assis, pour mieux digérer après ces repas gargantuesques :
La pièce suivante recèle une importance majeure. Il s’agit du bureau où Lope de Vega a écrit beaucoup de ses très nombreuses pièces (plus de 1500, d’après l’auteur lui-même). Il y a donc passé une grande partie de sa vie. Dans un coin salon, il recevait ses amis écrivains, notamment Quevedo. En revanche, il était à couteaux tirés avec Góngora et Cervantès. Ce dernier a connu la gloire bien plus tard dans sa vie et jalousait le succès précoce du dramaturge. L’auteur de Don Quichotte s’était aussi essayé à l’écriture des pièces de théâtre, mais sans grand succès. Lope et Quevedo prenaient d’ailleurs un malin plaisir à se rendre ensemble aux représentations des pièces écrites par le fameux romancier, dans le seul but de lancer des légumes sur les acteurs et d’entraîner l’ensemble du public dans leur chahut. Bien que beaucoup plus riche que Cervantès, Lope de Vega était, lui aussi, jaloux de son illustre rival, car il aurait aimé percer autant que lui dans l’art du roman. De fait, malgré le nombre impressionnant de pièces qu’il a écrites, le Phœnix n’a pas laissé d’œuvre concrète ayant marqué l’histoire de la littérature, à l’instar du Qujiote. Voici donc une reconstitution de l’étude du dramaturge. Tous les livres exposés sont d’époque et lui ont appartenu. Ce n’est là qu’un maigre échantillon d’une bibliothèque qui comportait plus d’un millier d’ouvrages :
Dans cette même salle figurent des portraits de Lope de Vega et de sa fille Marcela, entrée au convent à l’âge de quinze ans. Cette dernière écrivit également, mais la quasi-totalité de son œuvre a disparu. En effet, son père spirituel lui a demandé de détruire ses écrits, car une femme écrivaine était peu habituelle et mal vue par toute la société à cette époque. Or, en plus des vœux de pauvreté et de chasteté, la vie monastique implique le vœu d’obéissance. Un peu plus tôt dans l’histoire de la littérature espagnole, Thérèse d’Avila fut confrontée au même problème. Sur l’ordre d’un prêtre auquel elle devait obéir, elle jeta au feu un journal dans lequel elle avait écrit ce qu’elle aurait reçu lors de visions. Heureusement, une autre sœur, très intéressée par sa prose, l’avait intégralement recopiée. Grâce à elle, nous avons accès à l’œuvre de l’illustre mystique carmélite.
Voici deux photos de la chambre du Phœnix, notamment la fenêtre donnant sur la chapelle. Ainsi, il pouvait assister à une messe dite par un confrère lorsqu’une fièvre le clouait au lit :
Cet autre cliché témoigne de l’ambiance de l’époque où Lope de Vega écrivit des pièces de théâtre, notamment de cape et d’épée :
Voici une maquette de la maison-musée, ainsi que quelques explications sur l’exposition La botica de Lope :
Pour approfondir à ce sujet, voici deux vidéos expliquant ce qu’il faut retenir de l’œuvre de Lope de Vega et de ce qu’en disent les analystes littéraires :
Quelles sont les caractéristiques de l’œuvre de Lope de Vega ?
Comment analyser et classifier les différentes pièces de Lope de Vega ?
Enfin, Carlos Herrera nous lit quelques extraits choisis de l’œuvre de Lope de Vega :
Si vous souhaitez en savoir plus sur le dramaturge, n’hésitez pas à lire cet article.
Pour conclure, la maison-musée de Lope de Vega témoigne de l’écrivain, de sa vie, de son succès et de son époque. Et vous, êtes-vous familier·e de l’œuvre du Fénix de los ingenios ? Que souhaitez-vous partager à ce sujet ?
Du 16 juillet au 19 août 2024, j’ai voyagé en différents lieux de la péninsule Ibérique, notamment en Castille. Voici le récit de mon voyage, illustré par quelques photos.
Le matin du mardi 16 juillet, j’ai pris le car (pour des raisons environnementales) afin d’aller, dans un premier temps, à Bercy. Dans le quartier du ministère de l’Économie, nous avons été surpris par une alerte à la bombe. 💣 Sans paniquer, je suis allé le plus loin possible, dans les jardins qui jouxtent la gare. Après avoir expliqué les consignes de sécurité en arabe à une mère de famille qui ne comprenait pas la situation, j’ai discuté en anglais avec une étudiante venue du Belize. J’ai également utilisé la langue de Shakespeare pour communiquer avec une femme turkmène et j’ai conversé en espagnol avec un homme originaire du Pérou. Ce dernier m’a dit qu’il remarquait à quel point les Français n’ont pas l’habitude d’obéir à la police. En effet, nous étions dans le parc, mais la majorité des voyageurs restaient à une dizaine de mètres de la gare qui risquait d’exploser. 💥 Mon interlocuteur andin me parla de la menace terroriste qui avait pesé sur son pays pendant 25 ans, avec des attentats à la voiture piégée. C’est pourquoi, au Pérou, les gens font vraiment confiance aux forces de l’ordre quand ces dernières disent que quelque chose est dangereux. Au bout d’un moment, les policiers ont ordonné à tout le monde de reculer vers le parc. Nous avons attendu un certain temps et, finalement, ils nous ont dit que le problème était résolu. Nous avons tous applaudi. 👏 Bien que l’évacuation fût sereine, le retour en gare était une pagaille stressante, car tout le monde craignait d’avoir manqué son car (le mien aurait dû partir une demi-heure au préalable) et la foule nous empêchait d’accéder à l’écran d’information où étaient affichés les horaires et les quais.
Finalement, je n’ai pas loupé ma correspondance puisque mon car est arrivé avec trois heures de retard. Une fois dedans, je me suis assis à côté d’un monsieur portugais d’environ 55 ans qui n’avait pas l’air très ouvert. Au début, il parlait peu, mais, lorsqu’il m’adressait la parole, il me tutoyait et employait des gros mots avec son fort accent lusophone. À la fin de la première pause, il m’a un peu raconté son histoire : sa femme est décédée d’un cancer il y a deux ans et lui a dû partir en retraite anticipée à cause de problèmes cardiaques. 😥 Il m’a aussi confié ses difficultés avec l’alcool, le tabac et le cannabis (ce que j’avais déjà remarqué car j’avais pu sentir qu’il préparait son pétard lors de la première partie du trajet). Nous avons pu nous entretenir fraternellement. Je lui ai demandé si je pouvais, moi aussi, le tutoyer, et il m’a répondu : « Bien sûr, on est des bonhommes ! » 😊 Par la suite, je me suis rendu compte que ce cher voisin, qui s’appelle José, est en fait très ouvert et très drôle. Il n’arrêtait pas de vanner et il s’est même mis à faire la manche auprès de tous les passagers, sauf moi. Pendant le trajet, j’ai pu entendre une conversation amicale et sur le ton de la blague entre un autre passager lusophone et deux Belges d’origine marocaine qui ne parlaient pas portugais, mais qui maîtrisaient l’espagnol. Ils s’enseignaient les uns aux autres ces deux langues romanes de la branche ibérique, riant en permanence. Je pensai alors à l’atmosphère tendue que traverse notre cher pays après les campagnes électorales. 🐓 Je me dis que mes compatriotes devraient s’immerger dans des lieux où l’ambiance est semblable.
Ma correspondance à Quintana del Puente m’a permis de faire route vers Valladolid, où se sont déroulés mes premiers jours en terre hispanique. Voici un cliché d’un paysage castillan pris à travers la fenêtre du car :
Mon séjour à Valladolid s’est bien passé. Si vous souhaitez en savoir plus sur la capitale de Castilla y León et son architecture, vous pourrez lire cet article, que j’ai écrit il y a un peu moins d’un an, lors de mon passage précédent dans cette ville que j’affectionne tant. Ci-dessous, vous trouverez quelques photos que j’ai prises lors de mon séjour de cette année :
Le jeudi 18 juillet, j’ai visité, avec Felipe (un compagnon de chambre chilien), le palais de Santa Cruz. Voici quelques photos de l’intérieur de cet édifice chargé d’histoire :
Le vendredi 19 juillet dans la matinée, j’ai visité le Musée d’Art et d’Histoire de l’université de Valladolid. C’est avec l’accord du guide que j’ai photographié quelques œuvres d’art et que je diffuse les clichés sur ce blog. Vous pourrez notamment voir des tableaux représentants des paysages de Castille et d’autres thèmes :
Le vendredi 19 juillet, je suis allé à la piscine avec des amis espagnols de longue date. L’un d’entre eux, Jairo, est féru d’histoire. Il m’a notamment parlé d’une série télévisée de RTVE sur Jeanne la Folle intitulée La corona partida. La suite, Carlos, Rey Emperador, traite de Charles Quint. Ces reconstitutions peuvent servir d’introduction à des événements clés de l’histoire du royaume de Castille, de la naissance de la dynastie des Habsbourg à tous les enjeux géopolitiques de l’Europe et du monde à cette époque-là, en passant par la conquête du Mexique par Hernán Cortés et la révolte des comuneros. Sur le chemin du retour, j’ai eu la bonne surprise d’entendre Pablo et Jairo chanter Tri Martolod, de Nolwenn Leroy. C’est bien la première fois de ma vie que j’entends des Espagnols parler breton ! 😉
Le samedi 20 juillet, je me suis lancé un premier défi sportif : aller à pied à Décathlon pour acheter les équipements nécessaires à la suite de mon séjour : des bâtons de randonnée, une casquette et un bonnet de bain. La marche a duré environ deux heures. Malgré le soleil de plomb, j’ai parcouru les 9 kilomètres sans couvre-chef et sans crème solaire. Heureusement, la plupart du trajet était ombragé car j’ai surtout longé la rivière Pisuerga. 🐊 Au retour (cette fois-ci avec de la crème, ma casquette sur la tête et les bâtons à la main), j’ai fait une pause déjeuner vers 15h15 dans un restaurant américain. J’y ai croisé deux familles d’origine maghrébine qui parlaient français et avaient du mal à communiquer avec le personnel en espagnol. J’imagine que, du fait des grandes vacances, elles traversaient l’Espagne en voiture jusqu’à Algésiras pour passer une partie de l’été au Bled. Dans la soirée, j’ai pris un verre avec Jorge, un ami prêtre d’une cinquantaine d’années ordonné récemment. Avant de recevoir l’appel de Dieu, vers 40 ans, il était joailler. Ayant commencé à travailler à l’âge de 15 ans, il avait atteint un niveau de professionnalisme qui lui permettait de créer de A à Z des pièces uniques, notamment en or blanc et en perles. Il m’a montré des photos de certaines œuvres de sa vie d’avant. ¡Impresionante! 👍
Après un dimanche tranquille, je suis parti à pied, le lundi 22 juillet, de Valladolid à Tordesillas, en longeant le Pisuerga jusqu’à ce qu’il se jette dans le Douro. J’ai ensuite suivi le cours de ce dernier. À vol d’oiseau, Tordesillas de trouve à une trentaine de kilomètres de Valladolid. En suivant les méandres des deux cours d’eau, cela fait un peu plus (peut-être même autour de quarante bornes).
Au petit-déjeuner, en attendant que mon café refroidisse, j’ai écouté quelques chansons en espagnol, dont les paroles transmettent un message assez profond. À ce titre, voici le clip officiel de Retales de una vida, du groupe Celtas Cortos, originaire de Valladolid :
Dans un tout autre genre, « Obsesión » (d’Aventura) explore la question des sentiments amoureux dans une perspective intéressante. Nombreuses sont les personnes qui devraient prêter attention aux paroles 😉 :
Vers 10h, j’ai pris la route vers Tordesillas. Voici quelques photos du bord du Pisuerga :
Au bout d’un moment, je suis arrivé dans un parc qui m’a détourné de la rivière. Souhaitant absolument voir cet affluent se jeter dans le Douro, j’ai suivi quelques sentiers qui traversaient les champs, broussailles et autres terrains vagues. J’ai même coupé à travers champs à un moment. J’ai réussi à apercevoir le Pisuerga du haut d’un précipice, ne pouvant plus le longer car, à cet endroit, la rive est occupée par un terrain protégé par un mur d’enceinte et des caméras de vidéosurveillance. 🏰 S’agit-il d’un terrain militaire, de la résidence d’un ultra-riche, d’une maison d’arrêt ou d’un lieu où des secrets sont jalousement gardés ? Impossible de le savoir. À l’heure où j’écris ces lignes, et est environ 13h, je suis à l’entrée de ce lieu énigmatique et rien n’est indiqué hormis la présence de caméras. Le GPS n’est pas clair non plus à ce sujet. Je sais juste que je suis à proximité du magasin de sport où je me suis rendu récemment. Je sais également que je me trouve à une dizaine de kilomètres de la bordure de Valladolid et à 22 km de Tordesillas, si j’emprunte le chemin le plus court (ce qui n’est pas dans mon programme). Je vais laisser le Pisuerga pour le moment et me diriger vers Simancas. Là-bas, je vais tâcher de trouver un bar pour déjeuner et d’acheter une créanciale en vue du morceau de pèlerinage que j’entreprendrai à partir de cette ville la semaine prochaine. Le Pisuerga se jette dans le Douro en aval de ce pueblo, donc je pourrai descendre tranquillement vers l’affluent une fois repu.
Après avoir partagé ces quelques photos typiques du désert de Castille prises sur le chemin de Simancas, je vous propose une vidéo semi-panoramique filmée depuis une butte située au milieu d’un champ moissonné. Vous y découvrirez ainsi la ville-étape du chemin de Compostelle :
Après une pause-déjeuner bien méritée, je suis redescendu vers le Pisuerga. J’ai pu remarquer que cette rivière permet d’irriguer un type de culture gourmande en eau, que l’on trouve peu en Castille : le maïs. D’ailleurs, en voulant rester le plus près possible du cours d’eau pour les raisons susmentionnées, je me suis retrouvé dans un champ de cette plante que les conquistadores nous ont ramenée de Mésoamérique. 🌽 Là, j’ai eu l’occasion d’entendre, puis de voir, une biche qui bondissait dans la parcelle d’à-côté, où poussaient des pommes de terre. J’ai dû traverser cette pièce cadastrale en faisant très attention : il fallait non seulement regarder où je mettais les pieds pour ne pas écraser les plants et ne pas me fouler la cheville, mais aussi marcher vers un azimut bien calculé (à l’œil) pour éviter de me faire doucher par les arroseurs automatiques. 💧 Une fois sorti de ce champ, j’ai longé des cultures maraîchères. Je m’y connais moins dans ce type de plantes, car mon père n’en a jamais cultivées. Ça ressemblait à des poireaux, mais ça sentait plutôt les oignons ou les échalottes. Quoi qu’il en fût, j’ai rapidement retrouvé un sentier balisé pour me rendre compte, blasé, qu’au bout d’une bonne heure de marche, je me trouvais quelques centaines de mètres après la sortie de Simancas… 😅
Voici un champ de pommes de terres, apparemment sur une parcelle qui a reçu des cultures de tournesol quelques temps auparavant… 🥔🌻
Apercevant une grande étendue bleue au-delà des peupliers et entendant comme un fort bruit de cascade, j’ai suivi mon intuition et coupé à travers champs pour la troisième fois. Après avoir tellement recherché cet endroit, je crois enfin y être ! 😃 C’est certainement ici que le Pisuerga se jette dans le Douro :
Un barrage entrave le cours du Pisuerga au milieu de nulle part.
N’ayant plus d’eau depuis un moment, je lève le camp, priant pour trouver rapidement un lieu habité. En effet, il fait 34°C et je suis au milieu de nulle part, sur un sentier peu ombragé. Heureusement, la Providence me fait entendre un bruit de moteur. Je fais signe à la voiture de s’arrêter, leur expliquant ma situation. Ils m’informent que je peux atteindre un village à trois kilomètres en suivant le fil de l’eau, le chemin étant bientôt couvert par l’ombre des arbres. 🌲🌳 J’en profite pour leur demander si nous longeons toujours le Pisuerga ou déjà le Douro. Ils me répondent : « Todavía es el Pisuerga, pero se juntan muy cerca de aquí. » Revigoré, je reprends la route avec joie, quand la voiture s’arrête à nouveau. Avec le sourire, mon interlocuteur me tend une bouteille d’un litre et demi d’eau : « ¡Toma, está fresquita! » Je ne manque pas de les remercier et de prier pour que Dieu le leur rende au centuple. 😇
En cliquant sur ce lien, vous pourrez visionner une vidéo du lieu où le Pisuerga se jette bel et bien dans le Douro.
Bon, on est d’accord que cette vidéo envoie moins de rêve que la précédente… 😔 Ayant désiré ce lieu toute la journée, j’ai bien sûr été le premier déçu. Néanmoins, comme disait Philippe Pollet Villard, « dans un voyage, ce n’est pas la destination qui compte, mais toujours le chemin parcouru, et les détours surtout ». 😉 Voici une autre vidéo, qui montre que le lit du Douro est bien plus large que celui du Pisuerga :
Sur le chemin vers Tordesillas, je suis passé dans le village de San Miguel del Pino. J’ai passé un très bon moment dans le café-bar El Molino, où le club de foot Real Valladolid est dûment honoré. 😉
Sortant du village vers 21h30, j’avais 7 kilomètres à parcourir pour terminer ma randonnée. Ayant pu recharger la moitié de la batterie de mon téléphone portable au bar et devant économiser mes données, j’ai choisi de ne pas utiliser le GPS tout au long du trajet et de demander des indications aux villageois. 🧭 Voici les dernières photos que j’ai prises, au bord du Douro, avant le crépuscule. Après les avoir réalisées, j’ai éteint mon appareil afin qu’il me reste de la batterie une fois arrivé à Tordesillas.
Poursuivant mon chemin dans une zone de maquis, à proximité du Douro, je vois, en face et à gauche, des panneaux « Propriété privée » et « Chasse gardée ». Je tourne donc à droite où, le soir tombant, je ne tarde pas à trouver le canal sec dont m’ont parlé les villageois. Il court vers l’ouest, donc vers Tordesillas. Sur sa gauche, il est bordé par un chemin de terre. Je m’y engage, longeant, de l’autre côté, un ensemble de propriétés très chics au milieu des bois. 🏡🌲 Sur ma gauche, j’entends des coups de feu. Je me dis que, si ce sont des chasseurs, je ne risque pas de me prendre une balle perdue puisque cela signifierait qu’ils tirent vers les habitations. Je fixe l’horizon doré par le coucher du soleil, escorté de temps à autres par des chauves-souris. Je ne tarde pas à sortir de la forêt de pins et à abandonner le canal, qui tourne vers le sud. Bientôt dans une prairie, je contourne la résidence, entendant parfois des chiens aboyer ou des chouettes hululer, distinguant de temps à autres un ver luisant dans l’obscurité. 🦉🦇 Je marche maintenant vers le Nord, où j’entends des bruits de voitures et de camions, sachant que passe à cet endroit un axe routier majeur. Quand j’y parviens, j’ai la bonne surprise de m’apercevoir qu’un chemin de terre le longe, en direction du couchant, où les couleurs feu se sont changées en une frange bleue ciel de plus en plus fine. Les premières étoiles apparaissent et je tâche de mémoriser les formes des constellations au cas où je doive me repérer de cette manière. ⭐ Je remarque que la Grande Ourse est côté Nord, au-delà de l’autoroute, donc doit en principe rester sur ma droite. Au bout de quelques kilomètres, il m’arrive d’apercevoir les lumières de Tordesillas par-delà les collines. Sur ma gauche, des cultures maraîchères sont irriguées, ce qu’il est effectivement plus intelligent à faire de nuit lorsqu’on est agriculteur. L’obscurité s’installe et je ne suis plus vraiment sûr de marcher dans la bonne direction. Je décide donc d’allumer mon téléphone pour recourir au GPS. Comme un coup de pouce de la Providence, je vois la pleine lune se lever au Midi. 🌕 Je pourrai donc désormais compter sur une puissante lampe naturelle. Au bout de quelques minutes, mon vieux téléphone portable finit enfin par s’allumer. J’ai bien fait de l’avoir sorti à ce moment-là, car le GPS m’indique que je devrai très bientôt tourner à droite (ce à quoi je n’aurais jamais pensé instinctivement), m’engager dans le tunnel qui passe sous l’autoroute, puis cheminer vers le Nord. Une fois que je suis sûr d’être sur la bonne voie (il reste environ deux kilomètres jusqu’à l’hôtel), j’éteins mon téléphone jusqu’à l’entrée de Tordesillas, puis le rallume et utilise mes données pour parvenir à bon port. J’arrive à l’hôtel vers minuit, après une journée d’aventures passionnantes, mais fatigantes.
Ceux d’entre vous qui me connaissent personnellement savent que j’aime manger. 😋 Le mardi 23 juillet, après un lever tardif, j’ai pris mon petit-déjeuner dans le restaurant de l’hôtel où je loge. Étant habitué à commencer ma journée avec du salé, voici ce que j’ai commandé : pincho de tortilla (omelette avec des pommes de terre), ración de morcilla (boudin noir mélangé avec du riz), café con leche (café au lait) et tostada de queso (tartine au fromage de chèvre et au confit d’oignon). ¡Buen provecho! 🍽
En fin de matinée, j’ai visité l’église-musée San Antolín, où la reine Jeanne Ière de Castille, dite « la Folle », assistait à la Messe fréquemment. De nombreuses œuvres provenant de différents édifices religieux de la ville ont été concentrées à cet endroit, à l’origine pour éviter les vols. Voici quelques clichés de l’intérieur du templo :
Ce magnifique retable a été créé par Jean de Juni (1506-1577), un artiste d’origine française qui a beaucoup marqué la sculpture espagnole :
Après avoir gravi un escalier en colimaçon, j’ai surplombé Tordesillas depuis le toit de l’église. J’ai ainsi pu photographier la ville et la campagne sous différents angles :
Après avoir visité l’édifice religieux, je suis passé devant le lieu où se trouvait jadis l’un des trois palais royaux de Tordesillas. C’est dans cette bâtisse détruite au XVIIIe siècle que Jeanne de Castille a été enfermée pendant 46 ans. Officiellement, ce fut parce qu’elle était folle et donc incapable de gouverner. Aujourd’hui, les historiens doutent qu’elle eût souffert d’une quelconque maladie mentale. En effet, l’on sait que, pendant cette longue réclusion, elle a pris des initiatives logiques et sensées. De même, sa longévité était extraordinaire pour son époque, d’autant plus qu’elle eut peu recours aux services de médecins durant sa vie (hormis quand les comuneros le lui proposaient pour gagner les faveurs de la reine-mère contre l’empereur). Il semblerait que les hommes de sa famille (son père Ferdinand le Catholique et son époux Philippe le Beau, puis son fils Charles Quint) l’eussent enfermée car ils entendaient confisquer les rênes du pouvoir à l’héritière légitime du trône de Castille. 🤔 Quoi qu’il en fût, voici le lieu où se trouvait ledit palais il y a encore quelques siècles. Il a été remplacé par un immeuble des plus quelconques, mais une fresque commémorative rend à ce lieu les hommages qui lui sont dus :
Pour terminer sur cette première journée à Tordesillas, voici deux clichés de l’extérieur de l’église San Antolín, de nuit :
Le mercredi 24 juillet, j’ai eu la joie de visiter le monastère royal Sainte-Claire. Pour commencer, voici quelques photos de l’extérieur de la bâtisse :
Voici quelques clichés du vestibule mudéjar, qui date du XIVe siècle. Au Moyen Âge, on appelait mudéjares les musulmans qui vivaient dans des royaumes chrétiens, dont un certain nombre étaient des artisans du bâtiment. En fonction des époques, les communautés juive, chrétienne et musulmane vivaient harmonieusement les unes avec les autres ou se livraient des guerres sans merci. Pendant les périodes de paix, ce qui garantissait la qualité du vivre-ensemble résidait dans le fait que chaque communauté occupait des corps de métier bien précis. Dans les sociétés médiévales de la péninsule Ibérique, chacun avait sa place et les croyants de différentes religions avaient tous besoin les uns des autres. 🕎✝️☪️ Souhaitant rivaliser avec les émirs des États voisins, certains rois chrétiens ont souhaité imiter l’art hispano-musulman en faisant appel à des artisans mudéjares. À l’instar de ce que vous pourrez lire sur les murs de l’Alcázar de Séville, les inscriptions en arabe ci-après ne signifient absolument rien :
La suite de la visite nous a menés dans un magnifique patio, mudéjar lui aussi. Les arcs en fer à cheval datent de l’époque almohade. Les arcs polylobés sont également typiques de l’architecture hispano-musulmane. D’autres éléments, comme le carrelage au sol et les boiseries, datent seulement du XIXe siècle. Voici quelques photos de cet endroit magique :
Nous sommes ensuite restés quelques instants dans la chapelle dorée, elle aussi de style mudéjar et datant du XIVe siècle. Elle fut dans un premier temps l’oratoire privé du roi de Castille Alphonse XI (1340-1350). Les peintures murales ont été réalisées à différentes époques allant du XIVe au XVIe siècle.
Puis nous avons visité le réfectoire de style Renaissance, qui date du règne de Philippe II (fin du XVIe siècle). En voici quelques photos :
Le lieu suivant est un cloître des XVIIe et XVIIIe siècles encadrant un jardin. Son sol en galets trace quelques motifs. Voici quelques clichés y afférents :
La salle suivante est un appelée antecoro (« avant-chœur », si l’on traduit littéralement en français). Y sont exposées des statues polychromes en bois (dont une de saint Pierre, une de saint Jacques le Majeur et une autre de saint François d’Assise). 😇 Le vestibule en bois avec des tiroirs servait à conserver les archives, ce qui était d’autant plus important que les différents rois d’Espagne passaient régulièrement au monastère, parfois dans le cadre d’actes officiels. Les peintures murales, quant à elles, datent du XVIIe siècle.
Jouxtant cette partie de l’édifice, la salle capitulaire est encore utilisée par les moniales aujourd’hui. À l’autre extrémité se trouve un chœur de décoration baroque, frappé aux armes du souverain Jean II de Castille. L’ensemble est appelé « chœur long » (coro largo).
Comme je l’ai suggéré plus haut, le monastère héberge toujours une communauté de clarisses. L’église y est donc toujours un lieu de culte. C’est pourquoi j’ai dûment enlevé ma gapette dans cette partie de l’édifice construite à la louange et à la gloire de Dieu… 😇 La reine Jeanne la Folle se rendait régulièrement à cet endroit au début de son réclusion car son défunt mari Philippe le Beau y fut enterré avant que ses cendres ne fussent transférées à Grenade, auprès du tombeau d’Isabelle la Catholique. En effet, prince flamand avait formulé le souhait d’être inhumé auprès de sa belle-mère, à laquelle il vouait une grande admiration.
Voici quelques clichés de la sacristie, où sont exposées, entre autres, des planches issues d’un ancien retable endommagé par un incendie. Certains éléments sont de style mudéjar, comme la coupole ou l’étoile à huit branches figurant sur le parquet :
De style gothique flamboyant, la chapelle latérale de la maison Saldaña abrite les gisants de plusieurs membres de cette famille noble du XVe siècle, dont le fondateur était étroitement lié au pouvoir royal à l’époque de Jean II de Castille. C’est aussi dans cette chapelle que fut inhumée Jeanne la Folle dans un premier temps, avant que ses cendres ne fussent transférées à l’Escorial, puis à Grenade, auprès de ses parents et de son époux. Ce lieu abrite également un retable narrant des scènes bibliques et peint à une époque où la majorité des gens ne savait pas lire. 📖 Faute de pouvoir méditer le texte des Saintes Écritures, le peuple était ainsi catéchisé par ces supports visuels. Dans cette chapelle latérale, qu’une grille du XVe siècle sépare de la nef, trois statues en pierre représentent des saints ou autres personnages religieux. Le seul qui soit clairement identifié est l’apôtre André, reconnaissable à la croix en forme de X, soit l’instrument de son martyre. Sur le piédestal du retable, un jeu de société a été gravé par des enfants de chœur qui s’ennuyaient pendant les offices. 😉
La visite s’est terminée par un passage dans ce qui constituait autrefois les bains arabes, de style mudéjar. Leur taille est modeste car leur usage était privé et, me semble-t-il, réservé à la famille royale.
Vers le milieu de l’après-midi, j’ai visité l’église paroissiale Sainte-Marie. 😇
Admirez ce magnifique retable, cet orgue baroque richement décoré, cette statue habillée et couronnée de la Sainte Vierge, ces fonts baptismaux surmontés par une représentation de saint Jean-Baptiste, ou encore ce char des processions de la Semaine sainte, représentant l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem (dimanche des Rameaux) ! 😃
Aujourd’hui, il fait 38°C dans cette ville castillane chargée d’histoire. 🥵 En plus de sa beauté, la maison de Dieu constitue un havre de fraîcheur au milieu de la fournaise de la Meseta. 🌻🙂 Ce réel sur Facebook offre une visite globale de l’édifice.
Sur le chemin du retour, j’ai traversé la Plaza Mayor. Regardez-moi tous ces drapeaux ! On se croirait dans une manif algéro-bretonne… 😉
Voici une photo du même lieu, de nuit :
En fin d’après-midi, j’ai visité le musée du Traité de Tordesillas, qui se trouve dans le bâtiment où, en 1494, des représentants plénipotentiaires des couronnes d’Espagne et du Portugal ont tracé entre les deux pôles une ligne imaginaire traversant l’océan Atlantique. 🌊 À l’Est de ce méridien, les terres découvertes et à découvrir appartiendraient au Portugal. En revanche, celles se trouvant côté Ouest seraient à compter de ce jour considérées comme la propriété des couronnes de Castille et d’Aragon. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on parle espagnol au Pérou et portugais au Brésil. 🙂
Ci-après, vous pourrez voir à quoi ressemblaient les trois navires de Christophe Colomb lors de son premier voyage, en 1492. 😃
En effet, la première salle du musée abrite des maquettes de la Pinta, de la Niña et de la Santa María. ⚓
Les deux premières étaient des caravelles, bateaux légers dirigés par les frère Pinzón. La Santa María, quant à elle, était une nao, soit un navire de taille plus importante, commandée par le futur amiral Colombo en personne. 🙂
Christophe Colomb n’a jamais su qu’il était arrivé en Amérique. Mort en 1506 à Valladolid, il pensait avoir accosté en Inde et a nommé indios les personnes qu’il a rencontrées là-bas. Voici comment le Génois se représentait les étendues terrestres qui se trouvent au-delà de l’océan :
Bien que je ne l’aie pas photographiée, une partie du musée explique quelles étaient les connaissances géographiques des Européens au Moyen Âge. Les savants se basaient sur les écrits et les calculs des Grecs, notamment Ptolémée, qui avaient déjà découvert que la Terre est ronde. 🌍 Les récits de Marco Polo permirent également aux Occidentaux d’avoir une vague idée de l’Extrême Orient. Commerçant avec l’Inde et d’Indonésie, prenant le contrôle d’une partie de la Route de la Soie, les Arabes et les Turcs avaient des connaissances bien plus précises quant à la géographie de cette région du monde. 🧭 Entourés par la mer, les royaumes chrétiens de la péninsule Ibérique étaient naturellement poussés à s’aventurer dans les étendues bleues. Les géographes et marins de cette extrémité de l’Europe (dont un certain nombre étaient d’origine juive, donc issus d’une communauté de savants et de voyageurs) utilisaient les astres pour se guider, notamment grâce à des outils comme l’astrolabe, inventé par les Arabes. 🕎✝️☪️ C’est ainsi qu’au XVe siècle, les Espagnols conquièrent les Canaries, tandis que les Portugais explorent les côtes africaines. En 1488, soit 4 ans seulement avant l’arrivée de Christophe Colomb aux Bahamas, l’expédition dirigée par Bartolomeu Dias passe le Cap de Bonne-Espérance. Fernando Pessoa en a fait un célèbre poème, « O Mostrengo » :
À la fin du Moyen Âge, l’approvisionnement en épices est contrôlé par l’Empire ottoman, qui augmente très fortement le prix de ces denrées venues d’Indonésie. 🌶 C’est pour cette raison que Christophe Colomb souhaite accéder à cette source de richesse en passant par un autre chemin. En effet, il n’est pas question de financer un empire qui menace la Chrétienté. Après avoir été envoyé paître par plusieurs souverains, il parvient à convaincre Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les rois dits « Catholiques » dont l’union a fondé le royaume d’Espagne. Ces derniers acceptent de financer le projet du célèbre marin génois. ⚓ Par la suite, les métaux précieux issus des mines américaines permettront à l’Occident de financer sa défense contre les attaques du Grand Turc. ⚔🛡
Une fois que l’expédition de Colomb revient, les Portugais réclament des droits sur les territoires découverts et à découvrir. Ils demandent donc à négocier un traité avec la couronne d’Espagne en vue de se mettre d’accord sur le partage du monde. 🌎
Voici des facsimilés du traité de Tordesillas. L’original en castillan est conservé à Setúbal (ville voisine de Lisbonne) et l’original en portugais se trouve à Séville. 🐟💃
À la suite du traité, et déjà même quelques années avant, les empires espagnol et portugais sont partis à la conquête du monde. 💪 Voici l’expansion maximale des deux puissance péninsulaires, ainsi que de leurs aires d’influence respectives :
Qui sont les personnes physiques qui ont signé le traité au nom des Rois catholiques et de João II ? Cette animation met en scène les différents signataires de l’accord, expliquant qui ils sont. C’est très clair au début, mais une horde de touristes espagnols qui parle en criant est venue parasiter la bande son… 😅
Concentrez-vous davantage sur les images que sur le son ! 😉
À côté du musée du Traité se trouve une exposition permanente de maquettes. Pour commencer, voici une reconstitution du palais royal où Jeanne la Folle a été enfermée pendant quarante-six ans 🤪 :
Voici d’autres représentations miniatures de monuments de la région Castille et León :
Pour conclure au sujet de mon séjour culturel à Tordesillas, voici la photo d’une œuvre signée Vicen, qui représente une vue de la vieille ville (église San Antolín, Maisons du Traité et pont au-dessus du Douro). Je n’en ai pas la certitude, mais il s’agit certainement d’une pyrogravure. Admirez ce travail d’artiste :
Le jeudi 25 juillet, je suis retourné à Valladolid et j’ai assisté à une messe en l’honneur de saint Jacques le Majeur, patron du royaume d’Espagne. Le sermon était, disons, très… patriotique, pour ne pas dire « nationaliste ». Le prêtre interprétait l’histoire à sa manière, analysant la Reconquête chrétienne comme l’accomplissement de la volonté divine et la conquête de l’Amérique comme une récompense donnée par Dieu aux Espagnols pour avoir bouté les Sarrazins hors d’un territoire où ils n’avaient rien à faire. 🏆 Il a mentionné comme une évidence la véracité de la légende de Santiago Matamoros (en français « saint Jacques Matamore »), soit l’Apôtre qui serait apparu lors de certaines batailles aux côtés des chrétiens, tuant des soldats musulmans. En voici une représentation, que j’ai prise en photo dans l’église San Antolín de Tordesillas :
Une fois les conquistadores en Amérique, Santiago Mataindios serait apparu de la même manière, trucidant des Amérindiens. Chacun peut avoir ses convictions, mais je ne suis pas sûr que toutes ces apparitions guerrières soient reconnues par le Vatican au même titre que celles de Lourdes, par exemple. Après, Valladolid est considéré comme la ville la plus réactionnaire d’Espagne, au point que les mauvaises langues l’appellent Fachadolid. Si je suis lié à ce brave prêtre par la foi catholique et si je crois vraiment qu’il était conformé au Christ lors de la consécration, me permettant ainsi de recevoir Dieu tout entier dans l’Hostie, je n’ai pas adhéré aveuglément à son sermon et j’ai même eu l’impression d’être exclu d’une partie de la messe, n’ayant pas reçu de Dieu la grâce d’être membre de cette Patrie hautement supérieure où je m’incruste comme un parasite pendant un mois… 😅
Le vendredi 26 juillet, je suis retourné en car à Tordesillas pour une visite guidée très importante. En effet, souhaitant retenter en 2025 l’agrégation externe d’espagnol, je dois approfondir le plus possible l’ensemble des questions au programme, dont cette thématique de civilisation :
« Les Comunidades de Castille : guerre civile et restauration de l’ordre monarchique au XVIe siècle. » 🏰
De quoi s’agit-il ? En 1516, Charles de Habsbourg arrive en Espagne, un pays dont il vient d’être couronné roi. Sa mère, Jeanne, est considérée comme folle, donc incapable de gouverner. Elle est enfermée à Tordesillas. Bien vite, le jeune souverain est mal perçu par les Castillans : il est habillé de manière trop luxueuse, il s’est fait proclamer roi de Castille alors que sa mère est encore vivante, il nomme ses amis flamands et bourguignons à tous les postes à responsabilité, déclassant l’aristocratie locale, et il ne maîtrise pas la langue espagnole. En 1519, son grand-père Maximilien, alors à la tête du Saint-Empire romain germanique, passe l’arme à gauche. ⚰ Celui qui deviendra Charles Quint se porte candidat pour lui succéder. Son principal rival est François Ier. Le Flamand réussit à l’emporter, notamment en versant des pots-de-vin conséquents aux princes électeurs. Pour ce faire, il a contracté des dettes qu’il faudra rembourser. Il décide alors de lever un impôt spécial sur les villes de Castille. Ce dernier est approuvé par les représentants de ces collectivités, mais cause un grand mécontentement au sein de la population citadine. En effet, pourquoi les Castillans devraient-ils financer les intérêts de leur roi à l’étranger, d’autant plus que les récoltes sont mauvaises et que le marché de la laine désavantage l’intérieur du pays ? Les tensions montent et quelques événements dramatiques font dégénérer la contestation en guerre civile. En 1520, les rebelles se fédèrent et forment un gouvernement parallèle à celui du roi, qui est parti en Allemagne afin de se faire couronner empereur. Le régent Adrien d’Utrecht (cardinal et futur pape Adrien VI) peine à rassembler les troupes royalistes pour mater la rébellion. En effet, les nobles ont été déclassés par les Flamands et ne serviront la Couronne qu’en échange de certains privilèges. 💰 En novembre 1520, la ville de Burgos change de camp et rejoint les royalistes. L’aristocratie s’engage petit à petit aux côtés du régent, notamment car certains soulèvements antiseigneuriaux dans des zones rurales ont été soutenus par les comuneros. À la fin de l’année 1520 et au début de l’an 1521, le mouvement des Comunidades est en difficulté, car il perd du terrain face au pouvoir légitime et fait face à des divisions internes. Fin avril 1521, l’armée comunera est vaincue à proximité de Villalar et ses principaux cadres militaires, Juan de Padilla, Juan Bravo et Francisco Maldonado, sont décapités sur la place de cette ville. 🪓 Cette révolte nationaliste aux revendications démocratiques avant-gardistes pour l’époque est encore bien présente dans l’imaginaire collectif en Castille. Certains voient les comuneros comme des précurseurs de la gauche libérale, tandis que d’autres les considèrent comme des réactionnaires nostalgiques de l’époque médiévale qui résistaient à la modernité européenne et universaliste apportée par Charles Quint. En réalité, les penseurs du mouvement étaient surtout des moines franciscains et dominicains, qui prêchaient la rébellion en s’appuyant sur les thèses de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. 📚 À l’instar de la doctrine sociale chrétienne, la pensée thomiste ne peut être classée ni à droite ni à gauche. D’ailleurs, la tradition catholique est bien plus ancienne que ce clivage, qui date seulement de la Révolution française. Vouloir classer cette révolte de la proto-bourgeoisie castillane sur l’échiquier politique contemporain relèverait donc de l’anachronisme. Par ailleurs, la rébellion était surtout fondée sur un mécontentement social dû à une crise économique et politique. Ce soulèvement a duré trop peu de temps pour développer une idéologie solidement étayée. Néanmoins, il a assez marqué l’histoire pour faire parler de lui et pour être retenu au programme de l’agreg… 😉
La visite guidée s’est avérée très intéressante, mais j’ai peu appris de choses sur la révolte des Comunidades. J’en ai davantage intégré sur les rois et reines de Castille, notamment Jeanne Ière, que notre guide Inés se refusait à qualifier de « Folle ». En effet, elle a surtout été victime de maltraitance psychologique de la part de son mari qui, par exemple, confisquait le courrier que les Rois catholiques envoyaient à leur fille. 😥 Philippe le Beau convoitait le royaume de Castille, dont son épouse était l’héritière légitime. Avant de mourir, Isabelle la Catholique a rappelé sa fille auprès d’elle à Medina del Campo. Elle a ainsi pu se rendre compte de l’emprise dont Jeanne était victime. Dans son testament, la reine a donc nommé sa fille comme seule héritière du royaume et, au cas où elle ne puisse gouverner, son mari Ferdinand assurerait la régence en plus de son règne en Aragon, jusqu’à la majorité du prince Charles. Mais Philippe le Beau ne s’est pas laissé faire et a conclu des alliance avec la noblesse castillane, qui avait perdu beaucoup de pouvoir et de patrimoine face au pouvoir royal. 🏰 Déjà, une crise politique couvait, annonçant la partition en deux de la société quelques décennies plus tard. Impopulaire, Ferdinand a fini par confier la régence du trône de Castille au cardinal Cisneros, un homme d’Église dont l’autorité était incontestable. Ce dernier est décédé quelques temps après la mort du roi, alors qu’il allait à la rencontre du jeune Charles de Habsbourg, récemment couronné, qui venait d’arriver en Espagne. 👑 Quelques années plus tard, les comuneros chercheraient à bénéficier du soutien de la reine Jeanne contre celui qui était désormais l’empereur Charles Quint. Celle que l’on qualifiait de « Folle » leur rétorqua, pleine de bon sens, que le souverain officieux était son fils et qu’elle ne lui retirerait jamais son trône. Ils incitèrent donc la reine-mère à se remarier, afin qu’elle ne soit plus un obstacle gênant entre les rebelles et son protégé. 👩🏼🤝🧑🏻 Mais la recluse de Tordesillas leur répondit qu’elle avait déjà pleinement accompli son devoir en tant que reine, épouse et mère, ayant obéi à ses parents en épousant à 18 ans Philippe le Beau, dans l’intérêt des royaumes hispaniques, puis ayant eu quatre enfants avant son arrivée dans la villa, alors qu’elle était une jeune veuve de 29 ans. Jeanne passa ensuite 46 ans enfermée dans ce palais, jusqu’à sa mort en 1555. Ce fut donc une vie difficile pour cette femme exceptionnellement instruite pour l’époque et bien plus équilibrée que ne le laisse entendre son surnom. Une vie sacrifiée du début à la fin pour les intérêts du royaume de Castille.
À 15h, j’ai pris le car pour Villalar de los Comuneros, le lieu où les rebelles ont perdu leur dernière bataille et où leurs trois principaux officiers ont été décapités le 23 avril 1521, en présence du cardinal Adrien. Avant de se faire exécuter, Juan de Padilla a dit à l’un de ses compagnons, qui protestait devant la sentence de mort pour trahison : « Señor Juan Bravo, ayer era día de pelear como caballeros, y hoy de morir como cristianos » [Messire Jean Bravo, hier était un jour où il nous incombait de combattre comme des chevaliers et aujourd’hui (est un jour) où notre devoir est de mourir en chrétiens]. Le car m’a déposé exactement à l’endroit où les trois hommes ont été exécutés, soit sur l’ancienne place du marché. Ironie du sort (ou de la Providence), lorsque j’ai allumé mon téléphone pour prendre en photo le monument commémoratif, l’heure affichée était… 15h21 ! 😉
En ce jour où le soleil frappe dur dans ce village rural castillan, j’ai trouvé refuge dans le seul bar du pueblo, où j’ai pu recharger mon téléphone ainsi que mes réserves en eau, mais aussi ingurgiter une dose de caféine me permettant de me stimuler pour le défi que je me suis lancé : marcher 4 bonnes heures jusqu’à Torrelobatón (un autre haut lieu de cette guerre civile du début du XVIe siècle), puis poursuivre jusqu’à Valladolid, à partir de la tombée du soir. 🌙 J’ai demandé à la serveuse si elle ou des clients savai(en)t à quel endroit exact a eu lieu la bataille décisive. Elle m’a orienté vers un senior attablé au comptoir, qui connaît bien l’histoire locale. Padilla et ses hommes avaient conquis Torrelobatón pour couper la route à l’approvisionnement de l’armée royaliste. Mais, le mouvement perdant du terrain, ils ont finalement pris, bien trop tard, la décision d’abandonner cette place forte pour Toro, une ville au sud de l’actuelle province de Valladolid, où ils espéraient renforcer leurs troupes. Néanmoins, les hommes étaient fatigués et la pluie ralentit leur marche. Leurs ennemis les rattrapèrent à deux kilomètres de Villalar, sur la route de Torrelobatón, en pleine nuit. Mon interlocuteur m’a confirmé que le pont où les comuneros ont été vaincus se trouvait sur la route que j’emprunterai à pieds et qu’un monument commémoratif y a été érigé. 🙂
En sortant du bar, vers 17h15, je discute avec des anciens du village et leur fais part de mon projet de marcher vers Torrelobatón, puis de pousser jusqu’à Valladolid. Ils m’annoncent que le chef-lieu de la province est à plus de quarante kilomètres de Villalar et que je ne pourrai pas atteindre le centre-ville avant 5 ou 6 heures du matin. Suis-je assez fou pour marcher toute la nuit ? À l’heure où je vous écris, je n’en sais rien. En revanche, je sais parfaitement que je suis un radin assumé et que je n’ai pas envie de payer une nuitée à Torrelobatón, sachant que j’en ai déjà réglé une à Valladolid. En avant pour l’aventure ! 😃
Deux kilomètres après Villalar et peu après avoir photographié, sous un soleil de plomb, ces paysage typiques du désert de Castille, j’écris ces lignes depuis le lieu où s’est tenue la fameuse bataille. Ici, les troupes royalistes ont pris par surprise l’armée des insurgés, dont les soldats étaient épuisés. Beaucoup ont pris la fuite, paniqués, et ont été décimés par leurs adversaires. Selon les versions, 400 à 1000 cadavres, ainsi qu’une grande quantité d’armes, auraient jonché ces champs où je me trouve, en cette nuit pluvieuse du 22 au 23 avril 1521. Les arcades proviennent certainement du pont qui y enjambait un ruisseau à cette époque. C’est là que Jean de Padilla tomba de son cheval après avoir chargé la cavalerie impériale en criant « ¡Santiago y libertad! » [Saint Jacques et liberté !]. Vous trouverez de plus amples informations (en espagnol) sur ce qu’il s’est produit à Villalar il y a 503 ans, 3 mois et 3 jours en cliquant ici. 🙂
Peu après, j’ai traversé le village de Marzales, où une peinture murale à été inaugurée à l’occasion du cinquième centenaire de la bataille de Villalar. 😀
À l’entrée du village suivant, un monument rend hommage à l’auteur contemporain Miguel Delibes, originaire de Valladolid. L’intrigue de ses romans se déroulait généralement dans la région. 📖 Il est décédé au printemps 2010, soit quelques mois après mon premier séjour dans le chef-lieu de la communauté autonome de Castille et León. Il paraît que 5000 personnes ont assisté à son enterrement, dans la cathédrale.
Vers 19h30, j’ai fait une halte dans le village de Vega de Valdetronco. 🌾🐕🌻 Au cœur de ce pueblo, l’église Saint-Michel offre une belle décoration baroque, avec un retable où l’Archange à la tête de la Milice céleste est bien mis en valeur. ⚔😇🛡 D’autres saints sont représentés, comme Notre-Dame du Rosaire, un saint Augustin Matamore (¿🤔?), ainsi que saint Isiodore le Laboureur, qui vécut à Madrid au Moyen Âge. 🚜🏰 L’analyse du corps miraculeusement momifié de cet agriculteur canonisé a prouvé qu’il avait des traits typiques de l’Afrique subsaharienne, d’où il tirait certainement de nombreuses origines. 👨🏾🦱
J’ai ensuite repris la route vers Torrelobatón. Tout d’abord, voici quelques images de Vega de Valdetronco, un village castillan typique. 🙂
Aux dernières heures de soleil, j’ai cheminé 800 mètres jusqu’au village suivant, ayant la bonne surprise de trouver une mue de serpent au bord de la route. 🐍 Longeant des champs de céréales, j’ai aussi pu apercevoir de nombreux rongeurs qui fuyaient vers leur terrier à mon approche. 🐀
Un peu plus loin, alors de le soleil s’approchait de la ligne d’horizon, je me suis introduit dans un champ de tournesols. 🌻 Je ne sais pas pour vous, mais cette fleur intéressante au niveau symbolique me fascine depuis l’été 2022. Si vous voulez savoir pourquoi, une partie de la réponse se trouve dans mon livre Unis par le Camino : une quête de sens sur le chemin de Compostelle… 😉
Le tournesol est, entre autres, un symbole écologiste (bien que sa représentation soit aussi associée à d’autres vertus). Si tout n’est pas eco-frienly en Espagne, ce pays dispose d’assez de soleil et de vent pour produire beaucoup d’énergie à travers les panneaux photovoltaïques et les éoliennes. ☀️🌬
Après avoir parcouru la campagne sous des températures bien plus douces qu’à la sortie de Villalar, je suis arrivé dans le village de Villasexmir. Je ne connais pas l’étymologie de ce toponyme, mais on dirait du castillan médiéval (peut-être même une contraction de deux étymons, l’un d’origine latine en début de mot, puis un suffixe provenant de l’arabe). Une question à creuser… ⛏
À la sortie du pueblo, j’ai été intrigué par une petite construction au milieu d’un champ. Un villageois m’a expliqué qu’il s’agit d’un chozo, soit un abris qu’utilisaient les bergers pour se protéger du soleil et des intempéries tout en surveillant leur troupeau. 🐏
El chozo de Villasexmir
Avant d’arriver à Torrelobatón, j’ai pu prendre les derniers clichés de la campagne castillane avant la tombée de la nuit. 🌌
Vers dix heures du soir, je suis arrivé à Torrelobatón, dont j’appercevais l’imposant château pris par les comuneros en février 1521, au terme de huit jours de siège. 🏰 Avant de visiter le village, je me suis installé dans un bar, où j’ai pu voir la fin de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. 😃 Les journalistes espagnols qui commentaient l’événement n’ont pas caché leur surprise et leur enthousiasme quand Zinedine Zidane a transmis la flamme à Rafa. 🎾😉
Vers 1h30 du matin, après avoir chargé à bloc mon téléphone, je suis sorti du bar pour voir le château de près et le prendre en photo. Que je misse le flash ou non, todo salía fatal. J’ai donc discuté avec deux jeunes du village qui étaient là. Entre autres, ils m’ont fait remarquer qu’à cause des pluies diluviennes qui ont eu lieu ces dernières années, le complexe militaire est infiltré par l’eau et fissuré par endroits. 🏰💧 À terme, cette bâtisse vieille de plus de 500 ans risque de s’effondrer. Une association culturelle locale milite pour que la diputación de Valladolid (équivalent du conseil départemental) finance une étude et des travaux de restauration. Pour le moment, le dossier n’a pas été traité et, un jour, il sera trop tard.
J’avais initialement prévu de marcher toute la nuit pour atteindre Valladolid vers 6h du matin. Notamment pour pouvoir photographier le château de Torrelobatón à la lueur du jour, j’ai décidé de passer ma nuit blanche dans le village. Après avoir discuté pendant 3h20 au téléphone avec une amie panaméenne (c’est pratique d’avoir des amis à 6 ou 7 fuseaux horaires de décalage), je vous écris le samedi 27 avril, alors que l’aurore pointe son nez à l’Est. Je vais me diriger vers la gare routière pour voir quand et comment je pourrai rentrer à Valladolid, puis j’irai faire ma séance shooting. 📸
Finalement, j’ai dû poursuivre à pied car il n’y a pas de car entre Torrelobatón et Valladolid le samedi. 🥾 À l’heure où je vous écris, je suis assis à la terrasse du bar de Wamba. Oui, vous avez bien lu : c’est ainsi que se nomme le village où je me trouve en ce samedi 27 juillet 2024 vers 11h du matin. Ce n’est ni au Kenya ni en Australie, mais bien en Castille, à 18 km de Valladolid. J’ai quitté Torrelobatón vers 7h, suivant les instructions du GPS, puis éteignant mon téléphone une fois qu’il suffisait de continuer toujours tout droit. La batterie était à plat ; c’était vraiment dommage car, lors de la montée vers le plateau des Torozos, il y avait des vues magnifiques qui auraient fait de belles photos. ⛰ Une fois sur le páramo, j’ai pu observer la nature en éveil, notamment des lapins, des rongeurs et des oiseaux qui s’échappaient des buissons en entendant mes pas. Après un premier village très rural dont le bar n’ouvrait qu’à 11h, j’ai longé la route qui court vers l’Est. J’ai été très agréablement surpris d’atterrir dans ce pueblo dont le nom, Wamba, m’intrigue depuis 13 ans que je connais son existence. Là aussi, il y aurait des recherches étymologiques à effectuer… 😉 En poursuivant ma randonnée, j’arriverai à Zaratán, où habite le père de mon amie Ana. C’est par cette commune que j’arriverai dans l’agglomération de Valladolid. Le GPS prévoir 4h de marche. ¡Adelante! 💪
En sortant du village, je découvre deux monuments en l’honneur de l’étrange toponyme. À la vue de la statue du roi Wamba, je crois comprendre l’étymologie du nom de ce lieu. Il s’agit sans doute d’un anthroponyme d’origine wisogothe. 🙂
Vers midi, j’ai pris la route de Zaratán, une voie de circulation rapide en ligne droite, sur une dizaine de kilomètres, en plein cagnard. 🌞 Heureusement, les automobilistes et moi-même disposions d’une excellente visibilité, ce qui nous permettait de garantir ma sécurité. Je marchais face à la circulation et j’avais largement la place de m’écarter sur le bas-côté, tandis que les voitures se mettaient au milieu de la chaussée dès qu’elles m’apercevaient de loin. Sans vous mentir, ce tronçon était monotone et très moche. La seule chose que j’ai mitraillé de photos était l’attroupement de cigognes et de rapaces autour d’un champ en pleine moisson. 🦅🚜 Comme je l’ai déjà observé, de nombreux rongeurs élisent domiciles dans les champs de céréales. Il paraît que certains sont même des nuisibles. 🐭 Or, quand vient la moissonneuse-batteuse, il y a des dommages collatéraux au sein de cette population de petits mammifères. Le sachant bien, les oiseaux carnivores se précipitent sur cette viande fraîche qui leur est servie sur un plateau. 🥩
À l’approche de Zaratán, la route perd énormément en visibilité et devient très dangereuse pour les piétons :
Heureusement, j’aperçois sur la droite un sentier qui monte vers une forêt de pins. Comme m’en informe mon ami Jairo, qui est technicien forestier, ces conifères bien plus petits que ceux que nous avons en France sont originaires d’Alep (Syrie) et se nomment pinus halepensis. 🌲 En Castille, on ne trouvait pas de pins à l’origine. Les arbres endogènes de la région sont le chêne vert (quercus ilex, ou encina en espagnol), ainsi qu’un autre feuillu de la même famille nommé quejigo en castillan (Quercus faginea en latin et « chêne faginé » en français). 🌳 Le pin d’Alep (nommé aussi « pin blanc de Provence ») a été introduit dans la région car il résiste bien à la sécheresse et s’adapte aux sols de mauvaise qualité. Cette essence est souvent plantée au bord des routes car elle permet de lutter contre l’érosion des talus. Jairo complète : le pin le plus fréquent dans la province de Valladolid est le pinus pinea (pin parasol), dont les pignons sont comestibles. 🍽 On y trouve également le pin maritime (pinus pinaster en latin et pino resinero en espagnol), dont on entaille l’écorce pour en extraire la résine. Je m’aventure dans cette région boisée et pentue, ce qui me permet d’être non seulement en sécurité, mais aussi à l’ombre.
Bientôt, l’agglomération de Valladolid s’étend à mes pieds. N’ayant plus de mémoire dans mon téléphone, j’ai dû arrêter de prendre des photos. Suivant le sentier, je finis par comprendre qu’il ne mène pas vers la ville. Je décide de couper à travers champs, traversant une prairie d’herbe haute et sèche. Par cette température de 35°C, je me doute bien que je ne risque pas d’attraper des tiques dans cette végétation on ne peut plus déshydratée. En revanche, j’avance lentement, faisant un maximum de bruit avec mes bâtons et mes pieds. En effet, je suis au beau milieu d’un habitat idéal pour les vipères. 🐍 Si je leur fais peur alors que je me tiens encore à une distance raisonnable de ces reptiles, ces derniers fuiront au lieu de me piquer, en ce lieu isolé et difficile d’accès. J’arrive à Zaratán vers 16h et en sors après 17h, profitant de la fraîcheur d’un bar, puis d’un coin d’ombre, avant de terminer ma route vers Valladolid, une fois que la température a bien baissé. 🌡🧯
Vers 19h, j’arrive à bon port. Si je suis fier d’avoir relevé ce défi, vous imaginez bien que je suis complètement explosé. 💥 Après m’être préparé pour la nuit, je me couche à 19h45, sans mettre de réveil. Demain, j’observerai vraiment le repos dominical et irai à la messe en soirée. 😇 ¡Buenas noches!
Le lundi 29 juillet, j’ai pris le car pour Simancas, en vue de suivre le chemin de Compostelle. Voici la première photo que j’ai prise. Pour ceux d’entre vous qui parlent espagnol, vous comprendrez que le nom de cette rue est tout à fait cohérent avec ce qu’indique le panneau… 😅
Simancas est surtout connue pour son imposant château, comme je l’ai déjà expliqué plus haut. 🏰 Voici quelques photos de l’intérieur et de l’extérieur de l’édifice :
Ce complexe militaire a été construit par des nobles castillans au XVe siècle, mais vite confisqué par les Rois catholiques. 👑 Leur petit-fils, Charles Quint, voyageait beaucoup. Pour ne pas perdre les précieux documents officiels de ses royaumes hispaniques, il les a entreposés dans une tour de ce château. 📜 Son fils Philippe II a été plus loin en centralisant à cet endroit les archives de son empire, sur lequel le soleil ne se couchait jamais. ☀️
Aujourd’hui, le château de Simancas est l’un des centres archivistiques les plus importants d’Europe. Un régal pour les historiens ! 😋
Dans l’exposition ouverte au grand public, voici les photos que j’ai prises des documents qui m’ont semblé les plus intéressants :
Vous l’avez compris : Simancas est une ville chargée d’histoire. C’est notamment ici que deux puissants empereurs ont été vaincus par les Castillans : le calife omeyyade Abd er-Rahmân III en 939 et Napoléon Bonaparte en 1812. ⚔ En 1526, l’évêque Antoine Acuña, un cadre du mouvement comunero qui avait semé la terreur en Castille avec ses 300 hommes, a été exécuté par Charles Quint, qui risquait l’excommunication en mettant à mort un prélat. 💀 Le corps du clerc a été exposé, suspendu à l’une des tours du château de Simancas, où il avait été retenu prisonnier depuis son arrestation. Finalement, le pape Adrien VI, ancien précepteur du roi-empereur, a renoncé à appliquer la sanction fatale, car il avait besoin de pouvoir compter sur le puissant souverain face à la menace de l’invasion turque. ♟ Voici quelques photos de monuments didactiques, qui content ces événements et commémorent d’autres épisodes du passé :
Voici également quelques clichés de l’église de Simancas (paroisse du Très Saint Sauveur), où j’ai eu l’immense honneur de participer à la Sainte Messe :
Le mardi 30 juillet, j’ai commencé à cheminer en direction de Santiago. Peu après être monté sur le páramo (plateau sec) qui surplombe Simancas, j’ai fait un petit détour pour aller voir un tombeau collectif vieux de 6000 ans. ⚰
Au Néolithique, au moins 22 personnes (surtout des adultes mesurant entre 1,55 et 1,65 mètre) furent enterrées dans ce tumulus, où ont été retrouvés, en plus des ossements des défunts, des objets en silex à usage domestique, ainsi que des idoles (dont une taillée dans un radius humain). 💀🗿
À titre personnel, je serais curieux de savoir si des analyses ADN ont pu être menées sur ces squelettes. À quoi les Castillans des années -4000 pouvaient-ils bien ressembler ? 👱♂️👨🏾🦱👩🦰👱🏿♀️
Voici quelques photos du monument mégalithique de Los Zumacales :
Et voici une petite vidéo qui montre le vestige préhistorique dans son ensemble :
Après cet écart hors des sentiers battus, je suis revenu sur le Camino. J’ai ainsi pu prendre quelques clichés du páramo avant d’arriver à Ciguñuela :
Après une nuit à Ciguñuela où j’ai été très bien accueilli, notamment par le serveur du bar, qui gérait aussi l’auberge, j’ai poursuivi le Camino, le mercredi 31 juillet. Peu avant Wamba, j’ai à nouveau pris quelques clichés du páramo :
Au même endroit, j’ai longé une plantation de pins, ce que les Espagnols appellent un pinar. 🍷
J’ai ensuite continué ma route, jusqu’au village de Peñaflor de Hornija. Cette place forte entourée d’éoliennes se trouve sur une butte et est protégée par une douve sèche. L’ascension en plein cagnard a été assez sportive. ☀️
Les villageois m’ont très bien accueilli dans ce pueblo. À la fin de mon dîner au bar, j’ai demandé aux autres clients et aux serveuses s’ils connaissent l’histoire locale. En effet, la géographie du lieu en fait naturellement une place forte. D’après ce que j’ai pu lire sur internet, les locaux se seraient rebellés contre leurs souverains au XVe siècle. ✊ En représailles, le mur d’enceinte a été abattu. Ailleurs sur la Toile, j’ai lu que c’est d’ici que serait partie l’armée royaliste réunie par Adrien d’Utrecht, qui poursuivit les troupes comuneras en partance pour Toro, avant de vaincre ces dernières à proximité de Villalar. D’après les serveuses, les campagnes alentours contiendraient des ossements de soldats tombés lors de la guerre civile (1936-1939).
Le jeudi 1er août, j’ai pris la direction de Medina de Rioseco. Avant de monter sur un nouveau plateau, j’ai croisé un berger avec ses brebis. L’élevage ovin est assez répandu en Castille. Le pasteur a accepté que je les prenne en photo et que je publie le cliché en ligne :
Voici quelques vues du plateau. On y voit notamment quelques chênes verts (encinas), un feuillu endémique de Castille, que l’on trouve très fréquemment sur la Meseta :
En échangeant sur WhatsApp avec mon amie Ana, je lui ai fait remarquer combien j’aime la nature des campagnes de Castille, qu’Antonio Machado a si bien valorisées dans son recueil de poèmes Campos de Castilla. Elle m’a alors fait suivre cette chanson, où Serrat met en musique l’un de ses poèmes, qui fait justement référence à la marche :
« Caminante no hay camino » est un poème d’Antonio Machado, ici mis en musique par Serrat.
Vers 14h, je suis arrivé à Castromonte. Ravi de pouvoir faire une pause, car la faim me tiraillait après ces 10 km entrepris suite à un petit-déjeuner très maigre. Je me suis dirigé vers le bar et ai demandé d’emblée si je pouvais payer par carte. On m’a dit que non. C’est un tout petit village, donc partout à cet endroit, on ne peut payer qu’en espèces ou à travers l’application Bizum. 💶 Je télécharge cette appli, qui me demande mon DNI (numéro du Documento Nacional de Identifidad, que tous les Espagnols connaissent par cœur car on le leur demande à toute démarche administrative qu’ils entreprennent – un système de fichage hérité du franquisme, que personne ne remet en question). Je renseigne donc le numéro de ma carte nationale d’identité, et ça beugue ! 😠 Non seulement je ne peux pas payer par carte, mais je ne peux pas payer du tout, car je suis étranger. Étonnant pour un village qui se situe sur le Camino… Heureusement, la propriétaire du bar fait preuve d’empathie (comme tous les villageois rencontrés lors de ce pèlerinage) et m’offre un sandwich au chorizo ainsi qu’un café. Elle me demande, avec le sourire, de prier l’Apôtre pour elle en échange. 😇 Bien évidemment, je n’y manquerai pas !
Voici quelques clichés du village :
Une fois de retour sur le Camino, j’ai longé un ruisseau pendant quelques centaines de mètres, profitant de l’ombre des arbres et d’une certaine fraîcheur, avant de traverser le páramo, où était installé un gigantesque parc éolien. ☀️🌬⚡
À l’approche du village de Valverde de Campos, j’étais invité à descendre du páramo pour m’indroduire dans une plaine fertile. Voici quelques images des vues qui s’offrait à moi :
Le village était presque désert. Je me suis posé à l’ombre du préaut de l’église, mais je n’ai pu ni profiter d’un bar ni recharger mes réserves en eau. 💧
Repartant vers 18h, j’ai suivi ce qui me semblait être le chemin de Compostelle, un peu étonné qu’il me fasse remontrer sur le páramo. Me voilà à nouveau au milieu du parc éolien, sans voir aucune indication sur des panneaux et avec un téléphone complètement déchargé, donc dans l’impossibilité d’avoir recours au GPS. Je prie donc Dieu de me guider, par l’intercession de l’Apôtre et de saint Christophe (patron des voyageurs). 🙏 À un embranchement, il me semble que le Seigneur m’invite à aller tout droit, plutôt que de redescendre dans la plaine par la gauche. Je m’engage donc vers le Nord, ce qui semble logique, puisque ma destination se trouve dans cette direction, selon mes derniers souvenirs de la consultation de Google Maps. Le chemin descend… et je suis dépité, car il s’achève sur une éolienne en plein milieu d’un champ moissonné. Néanmoins, ma déception est vite changée en joie, car j’aperçois en contrebas, sur la droite, une ville qui pourrait bien être Medina. 😃 Je coupe à travers champs. Après une bonne demi-heure à fouler de la paille, un peu de broussailles en terrain pentu, puis un immense champ de tournesols, je retrouve avec joie les chemins de terre. J’arrive bientôt dans l’agglomération et me trouve ravi de lire le panneau « Medina de Rioseco ». ✌
Voici l’albergue donativo, installé dans les locaux d’un ancien couvent de clarisses, où l’hospitalier José Manuel m’a accueilli avec beaucoup de sollicitude :
Après une nuit à peine reposante, je me suis rendu compte que je commençais à accuser le coup. Le vendredi 2 août, j’ai donc décidé de ne pas marcher et de profiter de la journée pour visiter une partie de la richesse culturelle qu’offre cette petite ville. ⛪ J’ai commencé par visiter le musée Saint-François, qui, pour un prix très accessible, vous permet de voir et de comprendre toute la beauté de cet ancien monastère franciscain, notamment à travers des supports audios et vidéos :
Particulièrement intéressé par la révolte des comuneros, j’ai pris une longue vidéo de la chapelle dédiée aux amiraux de Castille, assortie d’explications claires en espagnol. En effet, Medina de Rioseco était le fief de cette noble lignée. Fadrique Enríquez, héritier du titre, fut l’un des deux lieutenants d’Adrien d’Utrecht lors de la seconde phase du conflit. Ainsi, la ville servit de quartier général pour les troupes impériales (plus d’infos sur ce lien). 🏰 Le cardinal Adrien lui-même s’y établit et c’est à partir de cette base que les 2000 cavaliers royalistes purent rattraper l’armée comunera en fuite aux alentours de Villalar, après avoir fait étape à Peñaflor de Hornija. Voici de plus amples explications sur le titre d’amiral de Castille et quant à la lignée qui le porta :
La capilla de los almirantes de Castilla
Voici quelques photos de Medina de Rioseco, dont une d’une extrémité du Canal de Castille :
Le soir, je suis rentré tranquillement à Valladolid. Le samedi 3 août, je me suis reposé et j’ai avancé sur plusieurs chantiers. En me promenant sur la place Zorrilla dans la soirée, je suis tombé par hasard sur une manifestation de citoyens vénézuéliens. En effet, exactement une semaine auparavant, le dictateur Nicolás Maduro a été reconduit à la tête de l’État au moyen d’élections truquées. 😥 Je me suis joint aux manifestants et ai fait part de mon soutien à celui qui était à côté de moi : « Moi, je suis français. Pour mon peuple, la démocratie est quelque chose de très important ! Je suis de tout cœur avec vous ! » 💖
Alors que je faisais du tourisme dans la province de Valladolid, des manifestations anti-touristes faisant rages dans d’autres villes espagnoles. ✊ Les manifestants demandaient aux visiteurs étrangers de rentrer chez eux, notamment car leur présence nuit à l’environnement et accentue l’inflation. 🌻💰 Pour ma part, je ne prétends pas être un touriste parfait, loin de là. Néanmoins, j’essaie de voyager d’une manière respectueuse de ce pays qui m’accueille et de ses habitants. Déjà, je parle leur langue et je m’intéresse en profondeur à leur culture. J’observe également les usages locaux, comme verser des pourboires dans les bars que je fréquente. Enfin, au niveau environnemental, je recycle mes déchets, je consomme parfois en vrac et je tâche de choisir au maximum des produits locaux dans les rayons des supermarchés. 🍯🍑🧀 En revanche, je dois progresser au niveau des économies d’eau lorsque je me douche. Malgré le four que constitue la Castille en été, j’ai tendance à oublier la sécheresse quand ma consommation d’H2O n’a aucun impact sur la facture que je réglerai avec mes propres deniers. 💧
Voici un beau bâtiment que j’ai découvert par hasard à mon retour à Valladolid, à savoir le siège régional de la banque BBVA :
En attendant mon train pour rentrer à Valladolid, j’ai croisé une équipe de télévision. J’ai essayé de faire le guignol en direct derrière la journaliste qui s’exprimait, mais je ne suis pas certain que ça ait marché comme prévu… 😉
Le jeudi 8 août, j’ai pris la route vers Ségovie. Cette ville historique est notamment connue pour son aqueduc romain en granit, magnifiquement conservé :
Néanmoins, le principal intérêt historique et touristique de cette ville castillane réside dans son alcázar. Cette vidéo en espagnol montre de belles images de ce complexe architectural, avec des des explications théâtralisées permettant d’accéder à l’histoire du monument :
Voici quelques photos de l’édifice (extérieur, cours intérieures et vues depuis les remparts) :
Voici quelques prises de vues de la première salle, où l’on peut admirer une collection d’armures, y compris équestres :
Voici la salle où trônaient les Rois catholiques :
La salle suivante, dite « de la galère » du fait de sa forme allongée, est un majestueux salon où étaient reçus les ambassadeurs :
Dans une autre salle magnifique, des hauts-reliefs représentent des souverains espagnols du Moyen Âge. Quatre autres personnages importants figurent sous forme de statues, dont le Cid. Cette fresque historique semble dédiée à la Reconquête chrétienne :
Voici un pêle-mêle de photos prises dans d’autres salles et vestibules de l’alcázar. Veuillez pardonner le manque d’explications quant à cet édifice magnifique, mais je n’ai pas payé l’audioguide pour la seule raison qu’il fallait scanner un QR code (ce que je ne sais pas faire avec mon vieux téléphone). Or, contrairement à ce que j’imaginais au préalable, rien ou presque n’était expliqué par écrit sur le parcours de la visite. En attendant, l’aspect visuel revêt déjà un grand intérêt 😉 :
Voici quelques clichés de la chapelle, où l’on peut voir, entre autres, une représentation de saint Jacques Matamore (mais aussi et surtout une adoration de l’Enfant Jésus ainsi qu’une mise au tombeau) :
Enfin, l’alcázar de Ségovie abrite également un musée relatif à l’artillerie. Étant assez fatigué en cette fin de journée et moyennement intéressé par l’histoire militaire, j’ai bombardé l’exposition de photos, mais sans approfondir les explications. Voici donc quelques clichés en vrac. Si le sujet vous passionne et si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à venir à Ségovie pour visiter vous-mêmes ce musée. 😊
Après avoir visité l’alcázar, je suis allé à la messe au sanctuaire de la Vierge de Fuencisla. Là où se situe cette église construite entre la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, un miracle aurait eu lieu au Moyen Âge. Une femme juive nommée Esther fut accusée d’adultère alors qu’elle était innocente. Jetée de la falaise, elle invoqua la Vierge des chrétiens et toucha le sol saine et sauve. 🕎🤍✝
L’intérêt historique de Ségovie réside également dans le rôle important qu’elle joua pendant la révolte des comuneros. En effet, fin mai 1520, après les Cortes de La Corogne, où les procuradores représentant les villes castillanes avaient approuvé, contre l’avis du peuple, l’impôt spécial levé par Charles Quint pour rembourser son accès au trône impérial, une foule en furie lyncha et tua Rodrigo de Tordesillas, le représentant de la cité qui avait trahi ses habitants par son vote. 😠 Peu après, Adrien d’Utrecht envoya des troupes pour enquêter et punir les responsables du meurtre. En août, les militaires se rendirent à Medina del Campo, où une réserve d’artillerie était entreposée. Comprenant très bien qu’elle allait être utilisée contre la population de Ségovie, celle de Medina refusa de livrer ces pièces d’armement. La ville fut donc incendiée par les représentants du pouvoir royal, mais les Medinenses préférèrent laisser brûler leurs maisons plutôt que trahir les leurs. 🔥 Cet événement suscita un grand mécontentement à travers le royaume de Castille et mit, pour ainsi dire, le feu aux poudres. La révolte des Comunidades prit de l’ampleur peu après. Par ailleurs, Juan Bravo et Francisco Maldonado, deux importants chefs militaires de l’armée comunera, étaient originaires de Ségovie. La ville tomba en 1521, après un siège de plusieurs mois et une résistance héroïque. Tous ces événements sont encore bien présents dans l’imaginaire collectif. 🏰
Pour conclure sur la visite de cette belle ville chargée d’histoire, voici un pêle-mêle de photos prises en différents lieux de la cité :
Le vendredi 9 août, je suis retourné à Madrid, où j’ai rejoint mon ami Mickaël pour la suite du voyage. En fin d’après-midi, j’ai fait une petite promenade non loin de notre auberge de jeunesse. Voici quelques clichés de l’extérieur du Palais royal :
En face de l’édifice néo-classique à visée politique se dresse la cathédrale de Madrid, la Almudena. Je l’ai photographiée sous différents angles avant d’aller à la messe, en ce jour où le martyrologe romain fait mémoire de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, une carmélite d’origine juive, morte en martyr à Auschwitz. Cette religieuse issue du peuple de la première Alliance a laissé des écrits théologiques et philosophiques d’une grande profondeur. Elle a été proclamée sainte patronne de l’Europe. Voici un pêle-mêle de photos de l’édifice religieux. Vous pourrez notamment y voir une relique de saint Jean-Paul II (🩸) ainsi que le sarcophage de saint Isidore le Laboureur :
Le samedi 10 août, nous avons pris le car pour nous rendre à Tolède, autre haut lieu historique de la Castille. Concernant la révolte des Comunidades, c’est la ville d’origine de Juan de Padilla et de son épouse María Pacheco. 💞 C’est là que le mécontentement était le plus grand avant l’événement déclencheur de Ségovie. Ce fut aussi le dernier bastion qui déposa les armes. Mais l’intérêt historique de Tolède ne s’arrête pas là. Entre autres, elle fut la capitale wisigothe avant l’invasion des Amazighs et des Arabes en 711. Au Moyen Âge, les communautés juive, chrétienne et musulmane y cohabitaient dans une certaine harmonie. Une école de traducteurs permit à la Chrétienté de redécouvrir des écrits de l’Antiquité grecque, en passant par la langue arabe. Le roi de Castille Alphonse X le Sage eut un rôle prééminent dans cette renaissance médiévale. 📚
Voici les premiers clichés tolédans. On y voit notamment l’arc en fer à cheval, un élément d’architecture typiquement hispano-musulman, bien qu’hérité des Wisigoths. L’on peut aussi apercevoir le Tage, ce fleuve qui traverse la péninsule Ibérique pour se jeter dans l’Atlantique à Lisbonne. 🐟
Voici quelques clichés de l’intérieur et de l’extérieur de la cathédrale :
Le dimanche 11 août, an de grâce 2024, nous avons visité le Puy du Fou España, qui se situe à proximité de la capitale de Castille la Manche. L’intérêt pour moi était bien entendu d’alimenter ma passion pour l’histoire, ainsi que de me délecter de la qualité des spectacles. 🏇 Néanmoins, je suis aussi venu pour voir si le passé des royaumes hispaniques est abordé à travers un prisme catholique et conservateur tel que l’a voulu Philippe de Villiers pour le Grand parc vendéen. Voici un pêle-mêle de photos prises en extérieur en ce jour torride :
Nous avons commencé par le spectacle de fauconnerie, au terme duquel le calife Abd er-Rahmân III donne la main de sa fille à un comte castillan. En islam, il est normalement interdit pour une femme musulmane d’épouser un homme non-musulman. Cela témoigne donc d’une volonté de montrer le visage d’un islam hétérodoxe et ouvert, qui est assez typique d’Al-Andalus. 👳♀️
Quelques temps plus tard, j’ai suivi le parcours « Allende en alta mar », qui reconstitue le premier voyage de Christophe Colomb. Admirez cette première photo, où l’on voit la Vierge Marie au-dessus de la shahadda (profession de foi musulmane, prétendant qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah et que Muhammad est son messager), dans un bâtiment imitant l’Alhambra de Grenade :
Lors d’une mise en scène, la reine Isabelle la Catholique accepte de financer l’expédition du futur amiral, sous réserve que ce dernier s’engage à évangéliser les habitants des terres découvertes et à ce que ces derniers ne soient jamais traités injustement. Voici quelques clichés de la travesía :
Voici une photo du décor du spectacle nocturne :
Ce spectacle grandiose retrace l’histoire de Tolède et de l’Espagne, depuis le concile où les Wisigoths ont abandonné l’arrianisme pour embrasser la foi catholique jusqu’à la guerre civile (1936-1939). Cette dernière, qui est un sujet très sensible en Espagne encore aujourd’hui, est abordée de manière délicate, succincte et neutre. Les autres périodes historiques sont traitées avec une certaine objectivité et avec bienveillance, même si, à mon sens, l’accent est beaucoup mis sur le passé chrétien et finalement assez peu sur la période arabo-musulmane. 🕎✝️☪️ Quoi qu’il en soit, le spectacle est d’une grande qualité, comparable à ce que propose le Puy du Fou de Vendée. Je recommande vivement à toute personne qui passe à Tolède de consacrer une journée à ce parc et à ses spectacles magnifiques (dont une interprétation simultanée en français et en anglais est disponible sur l’appli). 🎆
Le lundi 12 août, Mickaël et moi avons pris le train pour Carthagène. Sur le chemin de la gare, j’ai photographié une dernière fois le centre historique de la ville des trois religions :
Arrivé à bon port bien avant Mickaël, j’ai pu discuter en portugais avec deux voyageurs brésiliens pendant une bonne demi-heure. Nous avons parlé, entre autres, des différentes expressions dialectales au sein de leur immense pays lusophone et des quiproquos qui peuvent en résulter, par exemple, entre les Cariocas et les habitants de Fortaleza. L’attente a aussi été agréable du fait de l’architecture travaillée de ce lieu imitant le style hispano-musulman. Honnêtement, avec celles de La Rochelle et de Porto, je classe la gare ferroviaire de Tolède dans le top 3 des plus belles estaciones de trenes que j’ai jamais visitées. 🥇🥈🥉 Voici quelques clichés dûment choisis :
Le trajet vers la région de Murcie s’est bien passé. J’ai notamment beaucoup discuté, dans le car entre Albacete et Cartagena, avec ma voisine, nommée Begoña. Nous avons surtout parlé politique et économie. Entre autres, elle m’a appris que les serveurs et serveuses des très nombreux bars espagnols sont très mal payés, à la limite de ce qu’autorise le droit du travail. 😥 D’où l’importance de laisser des pourboires, même si la meilleure solution serait bien évidemment d’augmenter les salaires.
Voici quelques clichés de la ville de Carthagène. Vous me direz que la région de Murcie n’est pas la Castille. Et bien, je vous répondrai qu’historiquement, si ! En effet, lors de la Reconquête chrétienne, ce sont les rois castillans qui ont (re)pris Murcia aux Maures. À l’époque des Rois catholiques ainsi qu’à l’avènement de Charles Quint sur les trônes hispaniques, ce territoire, de même que l’Andalousie, était rattaché à la Couronne de Castille et non à celle d’Aragon. 👑
Voici quelques clichés du centre-ville :
Le mardi 13 août, Mickaël et moi sommes allés nous baigner dans la Méditerranée. Voici quelques photos du port et du littoral :
Vers 16h30, j’ai visité le Musée national d’archéologie sous-marine. Avant d’attaquer les collections, le visiteur est invité à lire les explications sur les méthodes de fouilles sous les mers et leur évolution depuis le XVIIe siècle. 🤿 À titre personnel, j’ai planifié toutes ces visites de musées et de monuments historiques lors de mon voyage en Castille car, à l’heure où j’écris ces lignes, j’espère commencer un doctorat en civilisation hispanique en septembre 2025. 🏰 Le problème est que je n’ai pas encore défini le sujet et que je ne suis pas (encore) formé aux méthodologies utilisées par les historiens. Je profite donc de ce temps de préparation pour approfondir mes connaissances du passé si riche de l’Espagne. Au Puy du Fou, j’ai d’ailleurs acheté deux pavés sur des chapitres qui m’intéressent particulièrement : Al-Andalus et la découverte/conquête du Nouveau monde. 📚 Je prends aussi conseil auprès de docteurs (un certain nombre de mes bons amis le sont, dont Mickaël), notamment en ce qui concerne l’acquisition d’une méthodologie appropriée. N’étant pas historien de formation, il est certainement bien trop ambitieux de vouloir devenir chercheur en archéologie. ⚱ En revanche, m’initier à la paléographie constitue une piste intéressante, étant donné que je serai certainement amené à consulter des archives. 📜 Voici donc quelques clichés relatifs à l’introduction méthodologique et épistémologique du Musée national d’archéologie sous-marine :
La collection du musée comprend en grande partie des pièces d’archéologie trouvées au large des côtes de la Région de Murcie. 🌊 Si l’on a pu trouver des preuves que des homo sapiens sapiens naviguaient sur la Méditerranée dès la fin du paléolithique et le mésolithique, ce sont les Phéniciens qui, au VIIe siècle avant Jésus-Christ, ont permis l’essor du transport maritime dans cette partie du monde, bientôt suivis par certaines cités grecques. ⚱ Les colons sémites venus du Liban commerçaient avec les Ibères et autres peuples de la péninsule. Ils y trouvaient des métaux et certainement des esclaves ; ils y apportaient de l’ivoire et des objets raffinés, qui provenaient notamment d’Égypte. 🐘🪔 Lorsque les Assyriens ont conquis le Levant, les Phéniciens ont perdu leur indépendance et leur contrôle sur les routes commerciales, qui s’étendaient jusqu’au Portugal et jusqu’à la côte atlantique du Maroc. En revanche, l’une de leurs colonies a pris la relève : Carthage. C’est elle qui a fondé la ville de Cathagène après avoir perdu la première guerre punique (264 – 241 avant Jésus-Christ). Les conditions de reddition lui avaient fait payer à Rome un lourd tribut et la cité nord-africaine avait dû céder à la république du Latium certains territoires. 🍰 Cherchant à compenser ces pertes, les Carthaginois ont donc créé une place forte en Ibérie, soumis par la diplomatie ou par les armes les peuples autochtones et exploité les ressources naturelles de ces terres. ⚒ La péninsule Ibérique fut un champ de bataille majeur de la deuxième guerre punique (218 – 201 avant Jésus-Christ). Scipion (que l’on surnommerait plus tard « l’Africain ») parvint à faire tomber Carthagène. La terre qui deviendrait l’Hispanie fut conquise par les Romains, puis colonisée par des vétérans. 🦅 Cela explique que le latin s’y soit solidement implanté, jusqu’à évoluer vers l’espagnol contemporain.
Voici les pièces d’archéologie et les supports de méditation culturelle relatifs à l’Antiquité qui ont retenu mon attention :
Enfin, voici d’autres clichés (complètement en vrac) relatifs à la suite de l’histoire navale (donc médiévale, moderne et contemporaine), ainsi que sur les aspects institutionnels du musée et l’importance de protéger le patrimoine [historique et archéologique] sous-marin :
De retour près de l’auberge de jeunesse, j’ai visité avec Mickaël le musée de la muraille punique, dernier vestige d’un complexe défensif très développé pour l’époque. 🧱 En prenant Cathagène, les Romains sont parvenus à percer ce mur d’enceinte grâce à leurs machines de guerre. Malgré leur résistance héroïque, les Carthaginois ont fini par céder, notamment car, en plus de l’attaque par voie terrestre, les forces navales de la république ont pris par surprise les troupes puniques déjà bien occupées à tenter de repousser l’ennemi sur le chemin de ronde. ⚔ Néanmoins, lorsque la ville de Cartago Nova a été romanisée, les colons ont restauré les remparts, dont la qualité défensive était indéniable. 🛡 Voici un pêle-mêle de photos du dernier vestige de la muraille, des principaux supports de médiation culturelle, des objets trouvés lors des fouilles sur ce lieu (notamment des éléments numismatiques de différentes périodes), mais aussi du cimetière de la cofradía de san José, qui fut établi à cet endroit à l’époque moderne :
Lors de notre voyage avec Mickaël à travers la moitié sud de l’Espagne, nous avons rencontré, dans une auberge de jeunesse, un entrepreneur européen avec qui nous avons discuté en anglais. 📈 Nous l’appellerons Luigi. Il nous a dit qu’il venait de passer un certain nombre d’années en République populaire de Chine, dont la période de la COVID-19. 🧪 Il a récemment fermé la boutique, réglé toutes les taxes qu’il devait à cet État tout-puissant, puis s’est réfugié en UE tant qu’il pouvait encore s’échapper de la RPC. 🕊 En effet, il a clairement senti que les récents amendements de la constitution, la propagande, les politiques économiques et l’ensemble de la gouvernance annoncent très clairement une offensive à l’encontre de Taïwan à court ou moyen terme. 🪓 Luigi a également vécu à Singapour. D’après lui, cette cité-État n’est pas une démocratie, contrairement à ce que croient les Occidentaux. La communauté chinoise y représente la majorité de la population et la totalité des forces armées. 🛥✈ Or l’Allemagne leur a vendu récemment des sous-marins à la pointe de la technologie.
Le mercredi 14 août, nous avons pris le car en direction de l’Andalousie. 💃 Si vous souhaitez en savoir plus sur la suite du périple, cliquez ici.
Il y a quelques jours, j’ai pris un verre avec une amie. C’est une personne que j’apprécie, avec qui je partage la foi catholique et de nombreuses valeurs, malgré de réelles divergences au niveau politique. Nous appellerons cette jeune femme « Camille ».
Attablé à cette terrasse, un jeune homme que nous appellerons « Argan » se restaurait tandis que je commandai un jus de tomate. La conversation a vite tourné vers les préoccupations de tous les Français en ce moment, à savoir les élections législatives. Sachant que j’allais susciter des réactions, j’ai avoué que j’avais voté pour le Nouveau Front Populaire au premier tour car, pour moi, l’écologie est une priorité. J’ai néanmoins rassuré mes interlocuteurs en expliquant je n’étais pas d’accord avec tout ce que dit l’union de la gauche, particulièrement en ce qui concerne les questions bioéthiques.
Argan m’a alors dit :
– Ne penses-tu pas qu’une véritable écologie reviendrait à renvoyer tous les Noirs en Afrique ?
– Pourquoi dis-tu cela ?
– Dieu l’a voulu ainsi.
– Ah bon ?
– Oui, dans la Bible, on parle de « races » et de « nations ». Dieu l’a voulu et chacun devrait rentrer chez soi.
– La Bible parle aussi de mouvements migratoires voulus et orchestrés par Dieu…
– Moi, je suis contre le métissage ! Dieu nous a voulus blancs, noirs, jaunes. Nos corps sont différents et, si nous nous hybridons, nos âmes seront des mélanges dégénérés. C’est une simple question de biologie. Ce que je te dis là est tout à fait catholique.
– Pas de mon point de vue, mais je ne vais pas m’avancer dans ces débats pseudo-scientifiques. Je vais juste te dire que j’ai donné des cours de français à des migrants pendant 3 ans par le biais d’une association. Là, une dame originaire de RDC m’avait fait remarquer que les multinationales occidentales exploitent les ressources minières d’un pays qui pourrait être la 8e puissance mondiale si elle y avait accès. Les Français, les Chinois et d’autres grandes puissances vendent des armes aux différentes ethnies de ces pays-là pour qu’elles s’entretuent, ce qui leur permet de piller leurs ressources. Ainsi, cette dame considère qu’il serait juste que la France, qui s’enrichit par ce vol, donne un visa et du travail d’emblée aux migrants congolais qui arrivent sur son sol.
– Dans ce cas, je veux bien qu’on fasse un échange : on part de chez eux avec nos moyens de production et ils reprennent leurs ressortissants. De toute façon, sans nous, ils seront dans la merde, car les Noirs ne sont pas assez intelligents pour s’organiser et exploiter eux-mêmes leurs ressources.
Voilà ce qu’est capable d’expliquer un militant d’extrême droite qui se dit catholique. Pour moi, ça n’a rien de chrétien. J’ai cru comprendre que cet énergumène qui se prétend membre de l’Église est en fait proche de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, qui, canoniquement, ne fait pas partie de l’Église catholique. Mais passons ces détails.
Quant à ce discours raciste, capillotracté et complètement incohérent, qu’a-t-il de catholique ? Si, heureusement, de nombreux électeurs du RN et de Reconquête ! (dont mon amie Camille) ne sont pas aussi extrémistes qu’Argan, peut-on se dire chrétien et tenir de tels propos ? Qu’enseigne réellement la Bible sur les questions migratoires ?
En tant que blogueur et écrivain catholique, j’ai mûrement réfléchi à la question, notamment en lisant Ce que dit la Bible sur l’étranger, du père Yves Saoût, bibliste et missionnaire au Cameroun pendant de nombreuses années. Sur le même sujet, vous pouvez lire, par exemple, l’entretien de Mgr Pontier paru dans La Vie. Pour ma part, je ne suis pas prêtre, mais j’ai lu la Bible en entier (dont le Nouveau Testament deux fois), je vais à la messe plusieurs fois par semaine et je lis les textes de la liturgie au quotidien. J’ai aussi beaucoup voyagé, je parle plusieurs langues et j’ai de très bons amis issus d’horizons sociaux, ethniques et religieux très divers.
Sur la base de mes lectures et de mes expériences, j’ai écrit le livre Unis par le Camino : unequête de sens sur le chemin de Compostelle. Je vous propose d’en lire un passage, où Jonaz, le personnage principal, débat avec des catholiques polonais d’extrême droite et démontre quelle est vraiment la vision chrétienne des questions migratoires :
Jonaz discute avec ces Slaves très loyaux envers leur gouvernement. S’il ne partage pas toutes leurs idées, il est ravi d’en débattre sereinement, de manière constructive.
– Pourquoi avez-vous refusé d’accueillir des réfugiés syriens en 2015 ?
– Nous avons accepté d’accueillir les chrétiens, mais pas les musulmans. Notre pays sort d’un demi-siècle de communisme. Avant, notre élite intellectuelle avait été décimée par les nazis, qui avait aussi massacré nos concitoyens juifs, soit un tiers de notre population. Autrefois, nous étions l’un des rares endroits en Europe où les Israélites pouvaient vivre en paix. Depuis 1939, les totalitarismes ont cherché à tuer la Pologne, ses habitants et sa culture. Depuis la chute du rideau de fer, nous pouvons enfin nous reconstruire, et nous avons besoin de fermer nos frontières pour renforcer notre identité nationale et, peut-être, être capables de bien accueillir plus tard.
– C’est vrai que je ne sais pas quoi dire. Je sais que votre peuple a beaucoup souffert et une telle souffrance invite à la compréhension et au respect. Mais en France, il me paraît normal d’accueillir les migrants. Nous sommes le pays des droits de l’homme, et nous avons aussi une dette envers les Africains. Nous pillons leurs ressources naturelles tout en créant chez eux des conflits interethniques par la vente d’armes. Par exemple, la République démocratique du Congo dispose d’un sous-sol extrêmement riche en or et en diamants. Ce pays pourrait être l’une des premières puissances mondiales, mais nous volons ses richesses en le livrant aux massacres. Une demandeuse d’asile congolaise m’a un jour dit qu’étant donné ces pillages, la France devrait compenser en donnant d’office un visa et du travail dans l’Hexagone à tous les Congolais qui veulent s’y installer.
– C’est sûr : la France a une dette envers ces peuples. Mais pas la Pologne. Nous ne volons aucun pays en développement et nous ne leur devons rien. Nous fermons la frontière aux ressortissants de ces nations, mais nous sommes prêts à leur envoyer de l’argent pour les aider à rester chez eux. Sais-tu que beaucoup de Polonais sont en faveur de l’indépendance du Kurdistan ?
– Ah bon ?
– Eh oui, car le peuple kurde vit ce que nous vivions au XIXe siècle. Aujourd’hui, il ne dispose pas de son propre État, mais reste divisé entre l’Iraq, la Syrie, l’Iran et la Turquie. De même, notre pays était écartelé entre l’Autriche-Hongrie, la Russie et la Prusse. C’est pourquoi nous nous sentons proches d’eux.
– Eh bien, tu m’apprends quelque chose !
– Mais avec l’immigration, la France prend un mauvais chemin. Je prédis qu’à terme, une guerre civile éclatera chez vous !
– Ça fait au moins vingt ans que les militants d’extrême-droite me prédisent cette guerre civile imminente. Je l’attends toujours ! J’ai vécu plusieurs années dans des cités, mon meilleur ami est arabo-musulman, et je peux t’assurer que le vivre-ensemble est non seulement possible, mais bien réel.
– As-tu lu Le camp des saints, de Jean Raspail ? C’était un Français très visionnaire sur cette question. Il n’était pas croyant, mais il avait un grand respect pour la foi et la tradition catholiques…
– Voilà un discours qui m’énerve : ce sont souvent les non chrétiens, quelles que soient leurs convictions, qui disent que nous devons voter comme eux ! J’ai déjà entendu des gens athées dire : « Pour moi, un chrétien cohérent doit voter à gauche », « Pour moi, tout catholique devrait être royaliste », « Jésus était le premier communiste » ou encore « Ça existe, les chrétiens de gauche ? Moi, je ne suis pas chrétien, mais quitte à l’être, autant voter à droite ! » Dieu n’est ni de droite ni de gauche ! L’Église n’est pas un parti politique ! Elle donne juste des orientations pour éclairer notre conscience politique. Si elle appelle à protéger la vie de sa conception à son terme naturel, si elle est proche des chrétiens persécutés, si elle défend la famille, le travail, le principe de subsidiarité et la propriété privée, elle appelle aussi à donner la priorité aux plus pauvres, à protéger l’environnement, à redistribuer équitablement les richesses, à dialoguer avec les autres religions, à accueillir les étrangers et elle condamne fermement le racisme ainsi que toute sorte de discrimination.
– On peut vouloir contrôler l’immigration sans être raciste…
– Bien sûr que tous les militants d’extrême droite ne sont pas nazis. Bien sûr que certains défendent leurs idées tout en respectant les personnes différentes d’eux qui croisent leur chemin. Et heureusement, d’ailleurs ! Mais, de mon point de vue, ce discours alarmiste sur les flux migratoires n’a rien de chrétien, et je vais te le prouver. Du début à la fin de la Bible, l’immigration est promue. Au jardin d’Eden, Dieu crée l’homme et la femme, puis leur dit : « remplissez la terre et soumettez-la »[1]. Après le déluge, Dieu réitère sa demande auprès des fils de Noé : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. »[2]
– Justement, coupe Jan Marian, dans ce passage, il est dit que Sem, Cham et Japhet ont peuplé trois parties différentes du monde. Ainsi, Dieu dit clairement qu’il a voulu que les Blancs restent en Europe, les Jaunes en Asie et les Noirs en Afrique.
– Écoute bien la suite, et tu verras que cette théorie ne tient pas debout ! En interprétant à sa manière un passage isolé de la Bible, on peut lui faire dire n’importe quoi. L’histoire sainte ne s’arrête pas avec Noé ! Plus tard, Abraham quitte son pays à la demande du Seigneur pour s’installer en Canaan. Puis son petit-fils, Jacob, vient s’installer avec sa famille en Égypte. Après y avoir été traités comme des esclaves, les Hébreux émigrent à nouveau vers la Terre promise. Dans la Loi que leur transmet Moïse de la part de l’Éternel, il leur est clairement dit d’accueillir correctement les immigrés, car eux-mêmes ont été des immigrés en Égypte. L’arrière-grand-mère du roi David était d’ailleurs une étrangère nommée Ruth. Le roi Salomon vit une histoire d’amour avec la reine de Saba, une Éthiopienne à la peau noire. La suite de l’Ancien testament parle d’échanges pacifiques ou guerriers avec d’autres nations. Avec l’exil à Babylone, le peuple juif fonde des communautés dans de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Tout cela est voulu par Dieu. Dans le Nouveau testament, l’Enfant Jésus doit fuir en Égypte pour échapper à la persécution d’Hérode. La Sainte Famille se compose donc de trois réfugiés politiques. Lors de sa vie publique, le Christ ne fait aucune différence entre les Juifs et les autres. Il traverse la Samarie et quelques terres païennes, il s’émeut de la foi d’un centurion romain et d’une femme syro-cananéenne. Après sa mort et sa résurrection, les apôtres émigrent pour annoncer la Bonne Nouvelle. Ils évangélisent de l’Espagne à l’Inde. Pour ce faire, ils s’appuient sur la Diaspora juive disséminée dans tout le monde connu. Si ton peuple et le mien connaissent le nom de Jésus, c’est grâce à ces mouvements migratoires. Enfin, l’Apocalypse mentionne la migration finale des vivants et des morts vers la Jérusalem céleste. Je ne suis pas hostile à l’idée de patrie et de nation ici-bas. Je me considère même comme patriote. Néanmoins, ces concepts s’évanouiront le jour où tous les humains n’auront plus qu’une seule patrie : le Royaume de Dieu.
En 1609, le roi d’Espagne Philippe III a expulsé des territoires hispaniques l’ensemble des Morisques, derniers musulmans d’Espagne, qui avaient refusé de se convertir au christianisme après la prise de Grenade en 1492. Cet épisode de l’histoire est bien connu en Espagne, mains beaucoup moins en France. Vous pourrez lire une explication détaillée dans cet article de la version espagnole de National Geographic (section Histoire). Je pourrai bien entendu compléter avec d’autres sources si vous me le demandez en commentaire. 😊
« S’il est moins aventurier que son compagnon, Hakam aime les défis. Dans son Algérie natale, il a réalisé son service militaire et sait qu’il est résistant, malgré ses apparences douillettes […]. Pour l’heure, il a envie de découvrir l’Espagne, ce pays passionnant qu’il ne connaît pas. C’est la terre mystérieuse de ses ancêtres, les Morisques chassés au XVIIe siècle parce qu’ils étaient soupçonnés de trahison envers leur patrie. Dans un contexte où la chrétienté était menacée par l’invasion ottomane, les derniers musulmans de ce puissant empire colonial catholique durent choisir entre la conversion et la valise. Finalement, l’Espagne sortit perdante de cette expulsion. Elle se sépara de nombreux travailleurs et fut frappée par une crise économique. Certains exilés utilisèrent leur connaissance des langues et des côtes de leur ancienne patrie pour conseiller les pirates barbaresques, dont les rangs avaient beaucoup grossi depuis la prise de Grenade. Souvent corsaires au service des Turcs, certains héritiers de Barberousse considéraient leurs razzias contre les roumis comme une forme de djihad. Hakam est heureux de découvrir ce pays d’où ont été expulsés ses ancêtres qui ont tout quitté pour rester fidèles à leur religion. Pour un premier contact avec cette culture, il a suivi son ami sur ce chemin dont il avait vaguement entendu parler. Il se laisse entraîner par ce fin connaisseur, comme un voyageur en soif d’aventure et de découvertes suivrait un guide expérimenté et érudit. »
Quelles conclusions tirer de cet épisode de l’histoire ?
À cette époque, l’Espagne traverse une période difficile. Après avoir été un empire florissant sous les Rois catholiques, Charles Quint puis Philippe II, le royaume connaît une période de crise tant en Europe que dans son empire colonial. Les guerres font rage ici et là, si bien que le XVIIe siècle est appelé elSiglo de hierro (« le Siècle de fer ») par certains historiens. Philippe III n’est pas aussi habile que ses ascendants pour régner, si bien que le pouvoir est exercé officieusement par le duc de Lerma, dont le rôle s’apparente à celui d’un Premier ministre.
Entre autres mauvaises décisions, on choisit d’expulser les sujets de confession musulmane, ce qui représentent des centaines de milliers de personnes. Or, il s’agit en grande partie de travailleurs du secteur agricole. Exilés pour des raisons de sécurité, ils laissent leurs postes vacants, si bien que de grosses quantités de nourritures ne seront pas produites et que l’Espagne connaîtra une période de famine. Quant à la sécurité, elle va donc s’empirer, puisque la Méditerranée orientale sera davantage menacée par la piraterie et la traite d’êtres humains.
Connaître l’histoire doit nous aider à ne pas reproduire les erreurs du passé. Si l’on expulsait tous les musulmans de France, ce seraient des millions de travailleurs qui s’absenteraient et laisseraient vacants des postes clés : aide à la personne, BTP, entretien / propreté, mais aussi tout type de métier, du cadre très supérieur à l’ouvrier agricole. Hakam est inspiré d’un personnage réel. Son alter ego en chair et en os est un très bon ami arabo-musulman dont je tairai l’identité. Un soir, alors que nous parlions de politique, il m’a dit : « Tu sais, Jean, je suis arabe, et je suis bien placé pour te dire que les Arabes sont fiers. Si certains d’entre eux sont jetés de France comme des malpropres, ils vont détester la France et vous allez vous prendre une vague d’attentats dans la figure ! » Effectivement, l’histoire nous apprend que Daesh n’aurait sans doute jamais émergé si George W. Bush n’avait pas saccagé l’Iraq une décennie auparavant.
Après, chacun peut avoir son point de vue sur l’immigration et l’intégration. Je suis ouvert au débat et vos commentaires sont les bienvenus. 🙂
Pour conclure ce sujet sérieux sur une note d’humour, je vous fais part de mon point de vue quant au critère unique qui devrait être pris en compte pour naturaliser les personnes qui demandent la nationalité française. 🐓 Pour ma part, j’imagine qu’un Français qui n’aime pas le fromage de caractère n’est pas un vrai Français. Lorsque des ressortissants d’autres pays demandent la naturalisation, nous devrions tous leur faire passer le même test : manger un camembert qui est resté hors du réfrigérateur pendant une semaine. Si le candidat apprécie, il est naturalisé. S’il fait une grimace en mangeant ou même à cause de l’odeur, son dossier est refusé. S’il vomit avant d’avoir terminé, il est soumis à l’obligation de quitter le territoire français (OQTF). 😉
Ce dimanche 23 juin an de grâce 2024, je sors de ma première épreuve (explication de texte, avec un sujet très perché) et je discute avec d’autres candidats, notamment de l’épreuve de commentaire linguistique, à laquelle nous aurons droit demain. Je me rends compte que je suis complètement à la ramasse dans ce que je suis censé connaître. Vous me connaissez : j’aime les défis ! 💪 Ceux s’entre vous qui me suivent depuis longtemps savent que je peux me taper 20h de car pour éviter de polluer en prenant l’avion et que je suis capable de marcher 40 km en un jour en mode clodo parce que je dois arriver à telle date à tel endroit pour pouvoir faire la manche. Ceux qui me connaissent personnellement savent aussi que je peux passer une nuit blanche pour fignoler une traduction avant de sauter dans un covoiturage pour réclamer mon visa au consulat d’Algérie. Récemment, je me suis couché à 5h50 pour corriger des copies dans les délais et me suis levé à 7h pour pouvoir faire passer des oraux à 8h30. Cette agreg, je la prépare en mode guerrier, avec les moyens du bord, donc j’ai un peu dépassé ma dose habituelle de caféine pour rédiger cet article avant de me reposer pour l’épreuve de linguistique du lendemain. 😉
Voici l’extrait que j’ai choisi de commenter, tiré de Los Sueños, de Francisco de Quevedo (Espagne, première moitié du XVIIe siècle). Il s’agit d’un sujet qui est tombé à la session 2023.
PRÓLOGO AL INGRATO Y DESCONOCIDO LECTOR
Eres tan perverso que ni te obligué llamándote pío, benévolo ni benigno en los demás discursos porque no me persiguieses; y ya desengañado quiero hablar contigo claramente. Este discurso es el del infierno; no me arguyas de maldiciente porque digo mal de los que hay en él, pues no es posible que haya dentro nadie que bueno sea. Si te parece largo, en tu mano está: toma el infierno que te bastare y calla. Y si algo no te parece bien, o lo disimula piadoso o lo enmienda docto, que errar es de hombres y ser herrado de bestias o esclavos. Si fuere oscuro, nunca el infierno fue claro; si triste y melancólico, yo no he prometido risa. Solo te pido, lector, y aun te conjuro por todos los prólogos, que no tuerzas las razones ni ofendas con malicia mi buen celo. Pues, lo primero, guardo el decoro a las personas y solo reprehendo los vicios; murmuro los descuidos y demasías de algunos oficiales sin tocar en la pureza de los oficios; y al fin, si te agradare el discurso, tú te holgarás, y si no, poco importa, que a mí de ti ni dél se me da nada. Vale.
DISCURSO
Yo, que en el Sueño del Juicio vi tantas cosas y en El alguacil endemoniado oí parte de las que no había visto, como sé que los sueños las más veces son burla de la fantasía y ocio del alma, y que el diablo nunca dijo verdad, por no tener cierta noticia de las cosas que justamente nos esconde Dios, vi, guiado del ángel de mi guarda, lo que se sigue, por particular providencia de Dios; que fue para traerme, en el miedo, la verdadera paz. Halléme en un lugar favorecido de naturaleza por el sosiego amable, donde sin malicia la hermosura entretenía la vista (muda recreación), y sin respuesta humana platicaban las fuentes entre las guijas y los árboles por las hojas, tal vez cantaba el pájaro, ni sé determinadamente si en competencia suya o agradeciéndoles su armonía. Ved cuál es de peregrino nuestro deseo, que no halló paz en nada desto. Tendí los ojos, cudiciosos de ver algún camino por buscar compañía, y veo, cosa digna de admiración, dos sendas que nacían de un mismo lugar, y una se iba apartando de la otra como que huyesen de acompañarse. Era la de mano derecha tan angosta que no admite encarecimiento, y estaba, de la poca gente que por ella iba, llena de abrojos y asperezas y malos pasos. Con todo, vi algunos que trabajaban en pasarla, pero por ir descalzos y desnudos, se iban dejando en el camino unos el pellejo, otros los brazos, otros las cabezas, otros los pies, y todos iban amarillos y flacos. Pero noté que ninguno de los que iban por aquí miraba atrás, sino todos adelante. Decir que puede ir alguno a caballo es cosa de risa. Uno de los que allí estaban, preguntándole si podría yo caminar aquel desierto a caballo, me dijo:
-San Pablo le dejó para dar el primer paso a esta senda.
Y miré, con todo eso, y no vi huella de bestia ninguna. Y es cosa de admirar que no había señal de rueda de coche ni memoria apenas de que hubiese nadie caminado por allí jamás. Pregunté, espantado desto, a un mendigo que estaba descansando y tomando aliento, si acaso había ventas en aquel camino o mesones en los paraderos.
-¡Quedaos con Dios!; que en el camino de la virtud es perder tiempo el pararse uno y peligroso responder a quien pregunta por curiosidad y no por provecho.
Source : Francisco de Quevedo, Los Sueños, https://freeditorial.com/es/books/sueno-del-infierno/readonline [consultée le 14 juin 2024]. Référence exacte de l’extrait : QUEVEDO, Francisco de, Los sueños, « Sueño del infierno », page 170, depuis « PRÓLOGO AL INGRATO… » jusqu’à « por curiosidad y no por provecho », p. 174.
Lecture de l’extrait : comment prononcer et justifier la prononciation ?
« Le texte de Quevedo, daté de 1627, est publié alors que la vélarisation visant à différencier le phonème fricatif palatal du phonème fricatif apico-alvéolaire est désormais attestée. Il convient donc de produire cette vélarisation pour réaliser phonétiquement le graphème « j » et le graphème « g » (+voyelle palatale). La réalisation interdentale du phonème fricatif (pré)-dorso-dental issu de la désaffrication n’a, elle, en revanche, pas encore eu totalement lieu au moment où l’œuvre est publiée. Il n’est donc pas correct de produire un son interdental ([θ]) pour réaliser phonétiquement les graphèmes « z » (+ voyelle centrale ou voyelle vélaire) et « c » (+ voyelle palatale) ; en outre, le phénomène du yeísmo, qui consiste à ne pas opérer la distinction phonétique entre le phonème liquide latéral palatal correspondant au digraphe « ll » et celle du phonème fricatif palatal central correspondant au graphème « y » (+ voyelle) est attesté dès la fin du Moyen Âge, même s’il reste longtemps marginal. Au XVIIe siècle, il est encore considéré comme populaire ; le statut social de Quevedo et la nature même de son texte invitent donc, sur critère diastratique, à maintenir la distinction et à ne pas proposer de lecture yeísta. »
Sarah VOINIER et Cyril MÉRIQUE
Par ailleurs, comme l’observe Cristina Tabernero Sala dans le chapitre “La lengua española del Siglo de Oro en Los sueños de Quevedo”, c’est au cours de cette période que s’achève le processus de distinction phonologique entre la bilabiale occlusive /b/ et la fricative /v/.
Source : Javier Espejo Surós y Carlos Mata Induráin (eds.), Lienzos ficticios, fantasías oníricas. Estudios en torno a «Los sueños» de Quevedo, Pamplona, Servicio de Publicaciones de la Universidad de Navarra, 2023. Colección BIADIG (Biblioteca Áurea Digital), 70 / Publicaciones Digitales del GRISO. ISBN: 978-84-8081-755-4. [disponible gratuitement sous format numérique sur le site de l’Université de Navarre]
Qu’en est-il au niveau de la graphie ?
À l’époque de Quevedo, les normes graphiques du castillan n’étaient pas établies de manière aussi stricte qu’aujourd’hui. Dans cet extrait, on observe notamment l’adjectif masculin pluriel cudiciosos (cupides). Dans d’autres passages, l’auteur hésite entre cudicia et la forma actuelle codicia pour faire référence à la convoitise et à la cupidité.
Dérivé du latin fabulare, le verbe hablar (parler) a déjà remplacé le F initial de l’étymon, disparu phonétiquement, par un H au niveau graphique.
Exercice de phonétique historique
Apprenant la veille pour le lendemain qu’il faut être capable de mener un exercice de linguistique diachronique montrant comment tel mot est passé du latin à l’espagnol, je regrette de ne pas avoir pris de temps de consulter mes cours de L2. Pas de panique ! J’ai trouvé une ressource très intéressante en la matière (émanant de la Xunta de Galice) et j’ai bûché dessus pendant une bonne partie de l’après-midi. 😊
Remontons donc, pour commencer, l’étymologie du mot infierno (enfer), qui apparaît non seulement dans l’extrait à analyser, mais aussi maintes fois dans l’ouvrage. L’étymon latin est l’adjectif īnfernus, a, um, qui signifie « d’en bas, d’une région inférieure » ou « des enfers, infernal » (source : Gaffiot). Cette entrée nous renvoie à īnfernī, ōrum, m., à savoir « le séjour des dieux », qui est le pluriel d’un substantif de la deuxième déclinaison propre au latin d’Église : « īnfernus, ī, m., l’enfer » (source : Gaffiot). Le substantif espagnol infierno dérive de l’accusatif īnfernum de ce dernier. Dans ce cas comme systématiquement, le -m final disparaît. En espagnol, l’accent tonique tombe sur l’avant-dernière syllabe, puisque le mot, devenu infernu-, se termine par une voyelle. Or, le E tonique du latin diphtongue en IE, tandis que la position finale de la voyelle -u non accentuée s’ouvre en /o/. Cela nous donne bien le substantif infierno.
Essayons avec un autre exemple, à savoir le substantif diablo, qui vient du latin tardif « dĭăbŏlus, ī, m. ([du grec] διάϐολος), le diable, l’esprit de mensonge » (RAE et Gaffiot). Il s’agit également d’un étymon issu de la deuxième déclinaison des noms masculins, dont l’accusatif singulier est donc dĭăbŏlum. De la même manière, le -m final disparaît et le -u atone qui se retrouve donc en position finale s’ouvre en /o/. À l’exception du A, les voyelles post-tonique ont tendance à disparaître, à l’instar du I de nobilem qui devient noble ou du U de tabulam qui évolue en tabla. Ici, cela s’applique au phonème post-tonique /o/. *diábolo devient diablo.
Prenons enfin de verbe nacer (naître), qui apparaît à la troisième personne du pluriel à l’imparfait de l’indicatif : nacían. En latin, « ils/elles naissaient » se dit nascebantur (du verbe déponent nascor, nascĕris, natus sum, nata sum, natum sum…, – , nasci). Bon, ça paraît tordu… Je vais essayer avec un autre mot. 😉
Derecha (droite) vient de « dīrēctus (dērēctus), a, um, part. de dirigo pris adjt, […] qui est en ligne droite ». On part de l’accusatif féminin dīrēctam, où le -m final est élidé. Le /i/ long de la syllabe initiale devrait se maintenir, mais semble s’ouvrir en /e/. En fait, il ne s’agit pas d’une aperture, puisque dērēcta(m) est une variante de dīrēcta(m) en latin. Le groupe consonantique CT se palatalise en /tʃ/ sous l’influence d’un yod. Le /k/ se vocalise en dans un premier temps en Y, empêchant la diphtongaison du E tonique en IE. Le groupe /kt/ évoluera donc en /Yt/ avant de se palataliser en /tʃ/. À l’instar de noctem qui devient noche, dērēctam se transforme au fil du temps en derecha.
Exposé de la morphosyntaxe
Chez Quevedo, les laísmos, leísmos et loísmos sont assez fréquents. Dans cet extrait, nous ne repérons qu’un cas de leísmo, dans la réplique suivante : “¿Venta aquí, señor, ni mesón? ¿Cómo queréis que le haya en este camino, si es el de la virtud?” Ici, le pronom personnel le est inapproprié, puisqu’il ne remplit pas une fonction de COD, mais de COI renvoyant à venta et à mesón. Collectivement, ces deux substantifs donnent lieu à un masculin pluriel, donc le pronom COD devrait être los.
À ce stade de l’évolution de la langue, on note des cas d’enclise à la suite de verbes conjugués à la première personne du singulier au passé simple : Halléme. Cet usage n’est plus en vigueur en espagnol contemporain.
On note aussi quelques cas de construction partitive, avec le possessif contractant la préposition de avec un pronom personnel (dél), ou une contraction du même type avec le démonstratif neutre esto, ce qui donne desto. Cela est typique de l’espagnol archaïque et existe encore en portugais.
Rubrique de sémantique et pragmatique
La sémantique est la branche de la linguistique qui étudie la question du sens. La pragmatique est un autre champ des sciences du langage, assez récent. Si vous voulez en savoir plus, vous auriez pu lire il y a encore quelques mois un article de Jacques Moeschler qui n’est plus en ligne. À titre personnel, j’ai eu des cours de pragmatique à la fac il y a un certain nombre d’années. Je n’y comprenais absolument rien, les autres étudiants non plus, et le prof sans doute pas beaucoup plus que nous. À l’heure où je publie cet article, nous sommes à moins de 13 heures du moment où je recevrai mon sujet. J’ai donc autre chose à faire que de me casser la tête sur cette discipline ésotérique (dont dormir une nuit à peu près complète). Ainsi, je vais me concentrer sur la sémantique.
Quelques mois plus tard, je mets à jour cet article alors que je prépare un autre concours où la maîtrise de notions linguistiques est importante. Dans ce contexte, je viens de regarder une vidéo qui explique clairement cette discipline complexe. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, n’hésitez pas à la visionner :
À ce titre, je relève surtout le subjonctif futur dans te agradare el discurso, qui fait référence à une éventualité dans le futur. En effet, s’il lit le prologue, le lecteur n’a pas encore commencé le Rêve de l’Enfer. Il le lira éventuellement dans le futur et le fait qu’il lui plaise relève d’une éventualité encore plus faible. Le futur du subjonctif n’est quasiment plus utilisé en espagnol, sauf dans certains documents juridiques.
Traduction
PROLOGUE À L’ATTENTION DU LECTEUR INGRAT ET INCONNU
Tu es si pervers que je ne t’ai même pas flatté en t’appelant « pieux », « bienveillant » ou encore « attentionné » dans les autres discours afin que tu ne me persécutes guère ; et, après t’avoir désillusionné, je veux converser avec toi en toute franchise. Ce discours est celui de l’enfer ; ne me traite pas de médisant parce que je parle mal de ceux qui s’y trouvent. En effet, il est impossible qu’il y ait là-bas quelqu’un de bon. S’il te semble long, il est dans ta main : prends l’enfer qui te suffit et tais-toi. Et, si quelque chose ne te semble pas bien, puisse le pieux passer outre et puisse le sage le changer, car errer est le propre de l’homme tandis qu’être ferré est le propre des bêtes et des esclaves. Si c’est sombre, l’enfer n’a jamais été clair ; si c’est triste et mélancolique, je n’ai pas promis de rires. Je te demande seulement, lecteur, et je te conjure même par tous les prologues, de ne pas me prêter de fausses intentions et de ne pas offenser par ta malice mon bon zèle. Car, premièrement, je respecte les honneurs dus aux personnes et je ne réprimande que sur les vices ; je médis contre les négligences et les excès de certains professionnels sans toucher à la pureté de leur métier ; enfin, si ce discours ne te plaît point, tu t’arrêteras [de lire] et, si tu ne le fais point, peu importe, car moi, je n’obtiens rien ni de toi ni de lui. Dieu te garde.
DISCOURS
Moi, dans le Rêve du Jugement, je vis tant de choses et, dans L’huissier possédé, j’entendis une partie de celles que je n’avais pas vues. Je sais bien que les rêves sont le plus souvent une tromperie de l’imagination et un loisir de l’âme, et que le diable n’a jamais dit la vérité, car il ne connaît pas avec certitude les choses que Dieu nous cache de manière juste. Néanmoins, je vis, guidé par mon ange gardien, ce qui suit, par la providence particulière de Dieu ; cet esprit vint pour m’apporter, dans la peur, la paix authentique. Je me trouvai en un lieu favorisé de nature par l’aimable quiétude, où, sans malice, la beauté divertissait la vue (un ressourcement bucolique muet) et où, sans réponse humaine, les sources conversaient parmi les galets, de même que les arbres à travers leurs feuilles. Peut-être l’oiseau chantait-il ; je ne sais pas précisément s’il le faisait de lui-même ou en remerciement [à ces éléments minéraux et végétaux] pour leur harmonie. Voyez à quel point notre désir est en pèlerinage, qui n’a trouvé la paix en rien de cela. Je levai les yeux, envieux de voir un quelconque chemin sur lequel chercher de la compagnie et je vois, chose digne d’étonnement, deux sentiers qui naissaient à même endroit, et l’un s’éloignait de l’autre, comme s’ils se fuyaient mutuellement. Celui de droite était si étroit qu’il n’admet aucun renchérissement et était, du fait du peu de gens qui l’empruntaient, plein de buissons d’épines, d’irrégularités sur le sol à fouler et de mauvaises stations. Malgré tout, je vis quelques voyageurs qui s’évertuaient à le suivre, mais, comme ils marchaient pieds nus et dénudés, ils perdaient en cours de route la peau pour certains, les bras pour d’autres, ou la tête, ou encore les pieds, et tous étaient jaunes et maigres. Néanmoins, je remarquai qu’aucun de ceux qui avaient emprunté ce chemin ne regardait en arrière ; au contraire, tous allaient de l’avant. Dire qu’on puisse y voyager à cheval est risible. Je demandai à l’un de ceux qui s’y trouvaient si je pouvais traverser ce désert à cheval. Il me répondit : – Saint Paul a laissé le sien pour [pouvoir] faire le premier pas sur ce sentier. Et je regardai, avec tout cela, et ne vis aucune la trace de pas d’aucune bête. Et ce fut chose étonnante qu’il n’y eût aucune marque de roue de voiture [hippomobile], ni à peine de signes attestant qu’il y n’eût jamais quelqu’un qui marchât par-là. Effrayé par ceci, je demandai à un mendiant qui était en train de se reposer et de reprendre haleine s’il y avait, par hasard, des tavernes sur ce chemin ou des auberges dans les lieux d’étape.
Il me répondit :
– Une taverne ici, monsieur, ou même une auberge ? Comment pourrait-il y avoir de cela sur ce chemin ? Vous voyez bien c’est celui de la vertu ! Sur le chemin de la vie, [me] dit-il, le point de départ est la naissance, vivre revient à cheminer, l’auberge est le monde et, lorsqu’on la quitte, il n’y a qu’un seul jour de marche bien bref entre le monde et le châtiment ou la gloire.
Sur ces mots, il se leva et dit :
– Dieu vous garde ! En effet, sur le chemin de la vertu, c’est perdre son temps que de s’arrêter et il est dangereux de répondre à qui interroge par curiosité et non en vue du salut de son âme.
Voilà pour l’aperçu d’une épreuve de linguistique à l’agrégation externe d’espagnol. C’est en tout cas la production d’un candidat parmi d’autres et je n’ai aucune assurance de la note que le jury attribuerait à ce contenu. Si, après la lecture de la dernière section, vous cherchez un traducteur ou une traductrice compétent(e) pour traduire une œuvre du Siècle d’or, le mode d’emploi d’une machine à café ou un document médical sur les bienfaits du sommeil, cliquez sur ce lien ! 😉
Il est six heures du matin en ce jour de début septembre. Le soleil commence à se lever sur la ville de La Flèche. Dans le ciel sans voile, on distingue encore les étoiles et la pleine lune. «Heulà ! Y va encore faire beau, anuit[1] !», se dit Maurice tout en observant le firmament aux multiples couleurs. Cet agriculteur retraité originaire de Malicorne-sur-Sarthe occupe toujours ses journées de travaux physiques et dort assez bien. Il ne se charge que d’une manière distraite de son petit-fils Julien, dix-sept ans, dont il a la garde, et qui est plutôt agité ces temps-ci. Ce matin, ce sera la rentrée des classes, un rituel auquel le jeune homme essaie toujours de se dérober. Ce n’est pourtant pas par aversion pour les études, car Julien passe son temps à lire et s’intéresse à beaucoup de choses. Mais l’adolescent est solitaire et très mal à l’aise en relations, ce qui lui cause de gros problèmes d’intégration et le fait beaucoup souffrir. Maurice se lève, sort de sa chambre, et croise son chien Mowgli, endormi dans le couloir. Il caresse le berger allemand, qui sort de sa torpeur. La queue remuante de l’animal manque de renverser le cadre où est exposée une gravure de Don Quichotte, sur l’étagère où s’entassent les livres de Julien. Celui-ci s’entend bien avec Mowgli, dont il a lui-même choisi le nom, il y a environ cinq ans. Très rapidement, le garçon a observé les comportements du chien et réussi à les imiter fidèlement, ce qui amuse beaucoup son aïeul.
Après quelques caresses, Maurice colle son oreille à la porte de la chambre du jeune homme, mais s’étonne de n’entendre aucun ronflement. « Nom de Diou ! murmure-t-il tout en tournant la poignée. Heulà ! Ce p’tit con a encore fugué ! » En effet, la chambre est vide. Le lit est défait et la fenêtre est grande ouverte. Chose étonnante, Julien n’a même pas emmené avec lui Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, qu’il est en train de terminer. L’ouvrage est posé négligemment sur un jeu de société à cartes carrées. « Rha, bah nom de Diou ! Qu’est-ce qu’y m’fait pas faire, à mon âge ! Bon, j’m’habille, j’mets ma gapette su’ la tête et j’file à la gendarmerie ! Les rillettes à tremper dans l’kawa, c’est pour tout à l’heure ! »
٭
٭ ٭
Il est sept heures et Maurice est reçu à la gendarmerie de La Flèche.
– Alors, monsieur, qu’est-ce qui vous amène ?
– Ben comme d’habitude, c’est l’fiston qu’a fugué ! Comme par hasard, l’jour d’la rentrée…
– Ah oui, eh bien c’est à prendre très au sérieux, monsieur ! Surtout en ce moment… Avez-vous une photo récente ? Des affaires personnelles ?
– Bien. Je vais prendre votre déposition, puis j’alerte immédiatement le Procureur du Mans. L’ensemble de la gendarmerie sera mobilisé et nous mettrons tout en œuvre pour retrouver Julien. De votre côté, n’hésitez pas à faire le tour des lieux qu’il a l’habitude de fréquenter et de ses amis.
– Si seulement y n’en avait, des amis… Mais j’le connais, ce mioche, quand y n’aura faim, y r’viendra !
– Je ne voudrais pas trop vous inquiéter, mais nous avons reçu quelques plaintes ce matin car des gens auraient entendu un loup cette nuit, aux alentours du parc des Carmes, puis le long du Loir, jusqu’au Lac de la Monnerie. Votre petit n’est pas si en sécurité que ça. Même si, les autres fois, il y a eu plus de peur que de mal…
– Nom de Diou ! ‘Voulez m’faire crever ou quoi ? Encore un qui s’est échappé du zoo ?
– On appellera le zoo dès que le personnel aura commencé à travailler. En attendant, il faut absolument retrouver Julien. Je prends votre déposition et nous ferons tout notre possible pour le mettre en sûreté.
٭
٭ ٭
Il est dix heures dans le quartier Sainte-Colombe et l’officier Martin, accompagné du jeune stagiaire Rafik, sonne à la porte de la famille Plard.
– Oui, et tous les loups sont dans leur enclos, toujours aussi bien sécurisé, comme le reste du parc.
– Ben oui, j’ai eu une sacrée frousse, cette nuit… Mon bonhomme était prêt à sortir le fusil. Mais entrez donc !
– Merci, madame.
– Qu’est-ce que je vous sers ?
– Un verre d’eau, un café ou un jus de fruit sera parfait. Nous n’avons pas le droit de prendre d’alcool pendant notre service.
– Comme vous voulez ! Alors, que savez-vous sur le loup ?
– Nous en parlerons après. Pour l’instant, nous sommes sur une enquête plus urgente. Connaissez-vous le garçon sur cette photo ?
– Jamais vu !
– Un certain Julien Sallé, disparu cette nuit, aucune trace. Il a l’habitude de fuguer, mais avec cette bête qui rôde, c’est assez inquiétant.
– Ben ça…
– Alors, vous avez entendu des cris de loup ?
– Oui, un loup ou un chien errant, mais qui se déplaçait. Ma chienne lui répondait, et on a dû la sortir et l’attacher pour pas qu’elle se barre. En plus, elle est en chaleur en ce moment, et avec la pleine lune…
– Vers quelle heure ?
– Chais pas… P’t-êt’ deux heures du matin. En tout cas, ça arrêtait pas et ça nous empêchait de dormir. Tous les chiens du secteur lui répondaient. C’était un sacré bordel !
– Oui, nous avons eu des plaintes de différents habitants. Les premiers cris ont été entendus dans le Parc des Carmes, puis le long du Loir, et enfin du côté du lac. Après, aucune trace de la bête.
– C’est un animal nocturne, donc ça doit roupiller dans les bois à c’t’heure-ci…
– Effectivement. Nous allons voir ce que nous pouvons faire. Merci pour votre coopération et bonne journée, madame Plard !
– Messieurs les gendarmes !
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٭ ٭
Après moult recherches, nos deux hommes frappent à la porte du père Durand, dans une maison en bordure du bourg de Bazouges-sur-le-Loir.
– Bonjour monsieur, gendarmerie nationale !
– Ça va-t-y, m’sieur l’agent ?
– « Officier », pas « agent » ! Nous allons bien, et vous ?
– Ça va ben, ma foi ! Malgré que j’me suis cassé la goule hier dans l’champ à Arnaud, en face le château. Mais entrez donc ! Vous prendrez ben une bière ?
– Heulà bah dis ! Il a une drôle de cervelle sous son capieau[2], ce gamin ! Il est pas comme les autres… Godiche comme pas permis, toujours à nous saouler avec ses discours incompréhensibles, toujours à bouiner[3] dans ses bouquins. L’aut’ jour, y f’sait marienne[4] dans la berouette[5] alors qu’on était tous en train de bosser. Quelle feignasse ! Pas étonnant qu’il ait pas d’amis ! Combien de fois j’ai dû enguirlander mes gosses parce qu’ils lui f’saient des misères ? Des fois, c’est pas triste… Et le Julien, qu’a dix-sept ans, y continue à banner[6] comme une bonne femme…
– Et à part ça, avez-vous entendu des cris de chien ou de loup, cette nuit ?
Minuit, l’heure du crime. Le père Durand est réveillé par des bruits dans son poulailler. « Aouuuuuuh ! » Il enfile ses chaussons et sa veste, saisit et charge son fusil avec les balles argentées qu’il a attrapées dans le tiroir. Il sort, traverse la cour et met son arme en joue tout en entrant dans la demeure des gallinacés. La lumière s’allume. Surpris, il lance un cri venant du fond du cœur : « Heulà ! »
Il est là, devant lui. Sa bouche ruisselle du sang de la poule qu’il a égorgée. Les poils de son corps nu sont hérissés par on ne sait quelle rage. Ses yeux luisent d’une expression étrange. La mystérieuse créature errante se fait enfin voir… Le père Durand baisse son arme et appelle le 15.
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La départementale 323 défile à l’allure tranquille du C15. Clermont-Créans, Cérans-Foulletourte, Guécélard. Puis Maurice prend la direction d’Allonnes. Il est pensif. Comment son petit-fils a-t-il pu en arriver à ce point ? Comment a-t-il pu délirer jusqu’à se prendre pour un loup-garou ? Il se tourne vers son Dieu, ce Dieu contre lequel il jure à longueur de journée, ce Dieu qu’il ne prie que quand les choses vont mal, mais auquel il préfère croire au cas où. Le vieil homme se gare et se dirige vers le Centre hospitalier spécialisé de la Sarthe, où Julien a été pris en charge.
Après une enfance et une adolescence difficiles, le jeune homme accepte de faire confiance à la médecine pour le soigner. Dans ces moments compliqués, il se tourne également vers le Dieu dont on lui parlait au catéchisme quand il était petit. Il se souvient qu’il allait à la messe pour les temps forts, où une gentille dame de la paroisse préparait avec tout son cœur des choses adaptées aux enfants. Il se souvient également des « chanteurs à l’étoile » qu’elle organisait. Déguisé en roi mage, il allait chanter avec d’autres enfants des chants de Noël chez les gens qui le souhaitaient. En échange, les villageois donnaient de l’argent pour que la paroisse aide d’autres jeunes dans des pays du Tiers-Monde. Parfois, ils offraient quelques bonbons pour les petits chanteurs. Une sorte d’Halloween catho où mes mauvais sorts étaient remplacés par des bénédictions. Il se souvient de sa première communion et de sa profession de foi, à l’occasion desquelles une partie de sa famille, qui n’avait pas l’habitude d’aller à l’église, chahutait pendant la cérémonie. Même si cela pouvait irriter quelques personnes « bien comme il faut », il savait que c’était sans mauvaise intention. Au contraire, il se souvient qu’il avait été mis à l’honneur lors de sa « petite », puis de sa « grande » communion, comme un rite de passage de l’enfance vers l’adolescence. Même si sa vie n’a pas toujours été facile, il aime profondément sa famille, ces gens du peuple qui se battent avec dignité, malgré les difficultés auxquelles ils font face. Ces gens qui n’ont pas réussi à l’école, car leur culture est trop éloignée de celle des enseignants, mais qui savent travailler de leurs mains, contrairement à lui. Il se tourne donc vers ce Dieu qui se fait faible, comme lui. Ce Dieu qui est du côté des pauvres, des malades et des laissés-pour-compte. Ce Dieu qui se laisse clouer à la croix par amour. Ce Dieu qui a vaincu la mort et nous promet la victoire de la résurrection. Julien ne sait pas combien de temps il restera hospitalisé en psychiatrie. Il sait juste que ce passage difficile lui permettra de prendre un nouveau départ, de se laisser accompagner par des professionnels compétents qui l’aideront à réussir sa vie. Et comme il décide de faire confiance au Bon Dieu, il sait qu’il s’en sortira.
Entre l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, l’isthme de Panama est un territoire à l’histoire passionnante. Depuis sa découverte par les Espagnols au début du XVIe siècle, cette fine bande de terre interocéanique a toujours été convoitée tant pour sa position stratégique que pour ses richesses. Il n’est donc pas étonnant que son histoire politique soit jalonnée d’épisodes d’ingérence et minée par la corruption… À l’heure où la République du Panama élit son nouveau président et doit relever des défis de taille, intéressons-nous à son passé captivant ! 😀
Au Panama se trouve la plus grande mine de cuivre d’Amérique centrale, qui génère près de 4 % du PIB et 65 % des recettes des exportations. Elle est exploitée par le consortium canadien First Quantum Minerals. Le 20 octobre 2023, le contrat entre celle-ci et l’État panaméen a été adopté pour 20 ans renouvelables. Des manifestations ont commencé à partir de cette date. Des associations écologistes, des corps de métiers, des syndicats, des groupes amérindiens et des étudiants, entre autres, ont exigé l’annulation de cet accord. Ils ont dénoncé la corruption y ont voulu protéger les ressources naturelles. Ils ont également considéré que cette mesure ne respecte pas la souveraineté nationale, estimant que l’exploitation de cette mine est un vol envers le peuple panaméen. Afin de mieux comprendre les racines de ce conflit, nous pouvons nous pencher sur l’histoire de l’Isthme…
Avant d’approfondir ce sujet, il convient de définir les concepts clés. D’après le Larousse (version numérique disponible sur ce lien), l’ingérence est, entre autres, l’« intervention d’un État dans la politique intérieure d’un autre État. » Dans cet article, nous nous baserons sur la définition retenue par le droit international, à savoir le fait qu’un État ou une organisation internationale intervienne dans la politique intérieure d’un État souverain sans l’accord de ce dernier (vous trouverez une définition plus complète de ce concept sur le site Internet de l’ENS de Lyon). Nous pouvons considérer comme la personnalité morale d’un État souverain soit la majorité de ses citoyens soit ses dirigeants, en principe élus démocratiquement par le peuple. Concernant la corruption, le Dictionnaire de l’Académie française définit, entre autres, ce concept emprunté du latin classique corruptio(« altération », « séduction ») de la manière suivante : « Le fait de détourner une personne de son devoir, de la soudoyer, de la suborner. User de corruption pour parvenir à ses fins. Recourir sans scrupule à la corruption. DROIT. Corruption active de fonctionnaire, délit consistant à solliciter d’un fonctionnaire un acte contraire à son devoir, en faisant appel à ses intérêts propres. Corruption électorale, pratique consistant à acheter les suffrages lors d’une consultation électorale. La corruption électorale est punie de la privation des droits civiques.Corruption passive, le fait de se laisser détourner de son devoir par de l’argent ou tout autre moyen de subornation. Le trésorier de cette association a été soupçonné de corruption passive. »
Compte tenu des éléments ci-avant, nous pouvons nous demander : Quels rôles jouèrent l’ingérence, d’autres types d’influence étrangère légitime et illégitime, ainsi que la corruption et les autres formes de manipulation de la part d’acteurs extérieurs, dans l’histoire politique de l’Isthme de Panama depuis l’ère coloniale jusqu’au milieu du XXe siècle ?
Pour répondre à cette question, nous suivrons le cours de l’histoire de cette région, en commençant par la phase qui s’étend de la conquête espagnole au projet de canal français (1501-1868). Nous nous intéresserons ensuite au rôle de l’influence étrangère dans la construction du canal et l’indépendance du Panama (1879-1914). Pour finir, nous terminerons notre étude chronologique en considérant ce qui se produisit entre la fin des travaux du canal de Panama et la Seconde Guerre mondiale (1914-1941).
De la conquête espagnole au projet de canal français (1501-1868)
Entre deux océans et deux sous-continents, l’isthme de Panama est situé dans un lieu stratégique et naturellement ouvert à l’influence de plusieurs peuples. Nous verrons que cela est déjà documenté bien avant avant le projet de canal interocéanique.
D’après ce que savent les historiens, nous pouvons affirmer avec certitude que le début de l’ingérence sur le territoire de l’isthme de Panama remonte à 1501, quand les Européens mirent pour la première fois le pied sur cette terre. Christophe Colomb visita lui-même ces contrées lors de son quatrième voyage en 1502 et écrit au roi Ferdinand le Catholique qu’il s’agissait des terres les plus fertiles du monde. Ce fut alors que les Espagnols s’y installèrent ; ils y furent immédiatement harcelés par les autochtones. Vasco Núñez de Balboa leur imposa son autorité et se lia d’amitié avec quelques puissants chefs tribaux. Ces derniers lui révélèrent l’existence d’une autre mer, au bord de laquelle prospéraient des royaumes très riches en or. En 1513, l’expédition dirigée par le conquistador atteignit l’océan Pacifique, où les Amérindiens lui confirmèrent l’existence d’un grand empire au midi, c’est-à-dire l’Empire inca. Ainsi, la ville de Panamá la Vieja fut construite, servant de base pour conquérir l’Amérique du Sud.
Pendant l’époque coloniale, les Espagnols durent faire face à l’ingérence d’autres puissances européennes ainsi qu’aux pirates des Caraïbes. En effet, Portobelo était la ville dans laquelle étaient entreposés les trésors provenant des colonies méridionales. Le célèbre corsaire Francis Drake essaya de prendre la région pour y établir une base anglaise dans les Caraïbes et mettre en échec l’empire colonial espagnol. Il fut vaincu et mourut en 1596 face à Portobelo. Cette ville fut également attaquée par le pirate Morgan, qui incendia ensuite Panamá la Vieja, dont il ne reste aujourd’hui que des décombres. En 1663, la ville actuelle fut établie sur un lieu plus facilement défendable. Plus tard, des Écossais fondèrent des colonies dans le Darién, avec l’intention de relier par un chemin les deux océans. Après des conflits avec les Espagnols, la paix fut signée en 1700, puis les Britanniques abandonnèrent ce projet. Le XVIIIe siècle marqua le début du déclin de l’empire colonial espagnol en Amérique. À cette époque, la zone de l’isthme dut faire face aux attaques constantes des pirates des Caraïbes, ainsi qu’aux conflits contre les Amérindiens du Nicaragua et du Darién, qui détruisirent de nombreux villages. En 1746, les Anglais portèrent le coup de grâce à Portobelo. Les Espagnols arrêtèrent donc d’y entreposer des richesses. Les familles aisées avaient déjà commencé à déserter la bande de terre, qui commença à péricliter.
Par conséquent, le Panama commença le XIXe siècle sous l’aspect d’une petite province oubliée d’un empire en pleine décadence. Les révolutions américaine et française constituèrent d’autres influences étrangères, qui diffusèrent des idées indépendantistes sur le continent. Profitant de l’affaiblissement de couronne espagnole du fait de l’invasion napoléonienne, Simón Bolívar prit la tête de la révolte dans la zone qui englobait notamment le territoire qui nous intéresse. Il vainquit les armées royales lors de la bataille décisive de Boyacá (actuelle Colombie) le 7 août 1819. L’isthme de Panama quitta donc la domination de la métropole pour être rattaché au nouvel État de Grande Colombie. Autour de l’an 1835, les États-Unis manifestèrent pour la première fois un certain intérêt pour cette région. En effet, ils avaient déjà acheté la Louisiane aux Français, s’ouvrant ainsi un accès à la mer des Caraïbes. Le territoire de l’Isthme est une bande de terre très fine, qui permet de passer facilement d’un océan à l’autre. Or, en 1848, commença ce qu’on appelle la « ruée vers l’or ». Des mines étaient exploitées en Californie et le Panama était la route la plus sûre pour que les minerais fussent transportés jusqu’à la côte orientale des États-Unis. En effet, le Middle West était marqué par les conflits avec les Indiens ; ces peuples massacrés et affamés volontairement par les étasuniens ne perdaient aucune occasion de prendre en embuscade les diligences et les trains chargés de marchandises et de matières premières de valeur. De ce fait, l’or transitait par le Panama. Les navires étaient déchargés sur la côte Pacifique, puis la cargaison était transportée en canoë le long du fleuve Chagres. Enfin, elle était acheminée à dos d’âne jusqu’à la mer des Caraïbes. Le président américain Andrew Jackson (1829-1837) avait déjà en tête l’idée d’un canal interocéanique. Dans les années 1850, un traité fut signé entre les États-Unis et la Colombie afin d’utiliser l’isthme en tant que route commerciale. En 1855 fut inaugurée la ligne ferroviaire qui marqua la fondation de la compagnie des chemins de fer du Panama. La ville de Colón fut construite à cette époque, en tant que terminal de cette liaison sur la côte atlantique, mais aussi afin d’assumer la fonction de port pour des grands navires à vapeur. Après l’inauguration de cette ligne, l’isthme était constamment traversé par des milliers de personnes.
En somme, bien avant le projet français de canal interocéanique, le Panama était considéré par tous comme une zone stratégique et riche en ressources. C’est pour cela que toutes les puissances militaires et économiques de la région convoitaient cette bande de terre. Entre le XVIe et le milieu du XIXe siècle, les uns et les autres essayaient de la conquérir par les armes. Nous verrons qu’à l’époque contemporaine, d’autres moyens furent utilisés pour s’approprier ce lieu désiré par tant de monde…
Quelle est l’histoire de la construction du canal de Panama ?
II.La construction du canal et l’indépendance du Panama (1869-1914)
Le grand tournant dans l’histoire de l’isthme fut indubitablement la construction du canal, qui conduisit à l’indépendance de la République duPanama. Quel fut le rôle de certaines puissances étrangères dans le déroulement de ces événements ? Quelles armes utilisèrent-elles pour que tout se produisît selon leur volonté dans cette bande de terre si convoitée ?
En 1869, le commandant étasunien Thomas Oliver Selfridge dirigea une expédition à travers l’isthme afin de vérifier la faisabilité d’un canal interocéanique à cet endroit. Presque tous ses hommes moururent d’une fièvre mystérieuse. Par conséquent, les États-Unis apportèrent leur soutien à un autre projet, au Nicaragua. De son côté, le célèbre diplomate français Ferdinand de Lesseps envoya sur les mêmes lieux l’ingénieur Lucien Napoléon Bonaparte-Wyse, qui ambitionnait de marquer l’histoire, comme con grand-oncle Napoléon Ier. De façon similaire, les hommes tombèrent les uns après les autres. L’explorateur avança donc à marche forcée pour atteindre la côte pacifique avant d’être touché par la fièvre en question. Après y être parvenu, il prépara rapidement un contrat avec le gouvernement colombien afin de construire un canal à travers l’isthme. Le comte de Lesseps soutint ce projet, cachant la réalité tragique de l’expédition de Wyse. En mai 1879, une réunion fut convoquée, rassemblant les meilleurs ingénieurs du monde, afin qu’ils décidassent quel projet choisir entre les deux canaux, à savoir le nicaraguayen et le panaméen. Thomas Oliver Selfridge et Ferninand de Lesseps se faisaient face. Ce dernier sut vendre du rêve et proposa un canal à niveau, comme il l’avait fait avec prestige à Suez. Il ne parla pas de la mystérieuse fièvre et partait gagnant car la plupart de des votants étaient français. Son projet fut approuvé avec une très faible majorité. Le gouvernement français ne lui apporta pas son soutien. La société chargée de la construction du canal chercha des fonds privés, acheta la presse et attira des actionnaires en diffusant l’idée que le Panamá était synonyme de « progrès ». En 1881, les travaux commencèrent sous la direction d’Henri Bionne. Des milliers d’ouvriers arrivèrent sur les lieux, originaires pour la plupart de Jamaïque ou de la Nouvelle-Orléans. Finalement, la fièvre jaune et le paludisme tuèrent des milliers d’ouvriers et d’ingénieurs. En 1882, un tremblement de terre causa la mort de plusieurs travailleurs et détruisit de nombreuses infrastructures. Les travaux n’avançaient pas aussi vite que prévu et les ouvriers, qui voyaient mourir leurs camarades, étaient démoralisés. En France, l’opinion publique et les actionnaires commencèrent à perdre confiance. Après la mort de Bionne et le départ de Jules Dingler, qui avait perdu toute sa famille à cause de la fièvre jaune, Lesseps nomma Philippe Bunau-Varilla à la tête du chantier. À la suite d’un cyclone aux conséquences tragiques (50 employés y trouvèrent la mort et la société y enregistra de nombreux dommages matériels), le jeune ingénieur en chef déclara au comte qu’il fallait abandonner l’idée d’un canal à niveau pour en réaliser un fonctionnant à l’aide d’écluses. Lesseps convoqua plusieurs ingénieurs (dont Gustave Eiffel) afin de concevoir ce nouveau projet, mais il était déjà trop tard. Las actions de la société chutèrent sans cesse et, après une tentative de financement au moyen d’une loterie frauduleuse, la faillite se produisit sans attendre. Beaucoup d’investisseurs, dont un grand nombre étaient de condition modeste, perdirent tout leur avoir, ce qui provoqua une crise économique en France. Ferdinand et Charles de Lesseps y furent jugés pour malversation. Il fut prouvé que des législateurs avaient reçu des pots-de-vin pour que le parlement autorisât la loterie. La France avait tenté d’influer sur l’histoire de l’Isthme à l’aide de nouvelles armes, à savoir l’argent et la corruption. Cela devait se solder par un échec aux conséquences dramatiques. Toutefois, le projet allait se poursuivre à travers une autre puissance étrangère qui sut utiliser à sa manière des ressources financières et stratégiques.
En 1889, la faillite de la société française ruina de nombreux Français, mais l’un d’entre eux voulut récupérer sa mise : le dernier ingénieur en chef du projet, Philippe Bunau-Varilla. Ce dernier se mit en relation avec Theodore Roosevelt, élu président des États-Unis en 1901, qui voulait transformer son pays en une puissance mondiale et avait pour projet de contrôler les deux océans. Le Sénat étasunien soutenait l’idée d’un canal interocéanique passant par le Nicaragua, mais le président apprit que la société française en liquidation voulait céder pour 40 millions de dollars (soit environ 1 000 000 000 $ en valeur actuelle), 12 000 hectares de propriété foncière, le chemin de fer, du patrimoine immobilier (hôpitaux, bureaux et logements pour les salariés), ainsi qu’une immense quantité de machines (pelleteuses, grues, locomotives, wagons, etc.). Bunau-Varilla essaya de corrompre un membre clé du Sénat, chef de file des soutiens au canal nicaraguayen, mais sans succès. Quelques jours avant le vote, une éruption explosive dévasta la Martinique. En ce triste jour de 1902, le Mont Pelée fit disparaître environ 30 000 personnes et la panique des volcans s’étendit à toute la région. Le Français profita de cet événement tragique pour envoyer à chaque sénateur une lettre avec un timbre du Nicaragua, sur lequel apparaissait l’image d’un volcan. Dans ces missives, il expliqua qu’un ne pouvait pas construire un canal dans des lieux foisonnant de volcans. Par conséquent, le Sénat des États-Unis d’Amérique approuva, avec une très faible majorité, l’achat du chantier au Panama. Néanmoins, pour pouvoir opérer à cet endroit, il fallait bénéficier de l’accord de Bogotá. John Hay, qui était à cette époque secrétaire d’État de la puissance montante du continent américain, commença à dialoguer avec le gouvernement colombien, qui devait alors faire face à la guerre des Mille Jours. Le conflit entre conservateurs et libéraux s’avéra particulièrement violent au sein de l’isthme. Pour Roosevelt, il était impossible de commencer les travaux sans sécuriser la zone au préalable. Il y envoya donc des troupes. Ce débarquement, effectué sans avoir demandé au préalable l’autorisation du gouvernement conservateur, fut considérée comme une ingérence. De ce fait, la situation se tendit énormément entre les deux pays. Après le retrait des troupes américaines, la Colombie refusait toute négociation.
L’isthme de Panama était toujours une province très isolée du reste de la Colombie. À l’extrémité orientale de cette zone, la région appelée « le bouchon du Darién » est une forêt tropicale épaisse et dangereuse qui a toujours empêché le passage à pied de l’Amérique centrale à l’Amérique du Sud. À cette époque, la seule manière de se déplacer du territoire de l’actuel Panama à Bogotá était un trajet en bateau jusqu’à Cartagena, puis un voyage à dos de mule jusqu’à la capitale. Ce périple durait deux semaines. Au sein de l’isthme, beaucoup de personnes souffraient de la pauvreté et de la faim, manquant également de médicaments. Le projet de canal constituait une aubaine pour que la région sortît la tête de l’eau. Après la faillite de la compagnie française, le traité Herrán-Hay incarnait un nouvel espoir. Ce dernier s’évanouit quand le Sénat colombien s’opposa à ce texte juridique, qui avantageait beaucoup la puissance étrangère qui venait de faire preuve d’ingérence sur son territoire national. Il octroyait aux États-Unis des droits souverains pendant 100 ans sur une bande de terre de 6 milles à travers l’isthme. Par conséquent, le traité fut rejeté avec une large majorité. Dans la province reculée, cette nouvelle déception était inacceptable. Le médecin Manuel Amador Guerrero, que travaillait à l’hôpital du chemin de fer, voulut offrir un meilleur accès à la santé à la population locale. Il s’associa à José Agustín Arango, un avocat de la même compagnie fondée par les États-Unis. En collaboration avec d’autres cadres, ils organisèrent dans la clandestinité un mouvement révolutionnaire visant l’indépendance de l’isthme de Panama. Pour parvenir à leurs fins, ils avaient besoin du soutien de Washington, en contrepartie d’un permis de construire pour le canal interocéanique. En octobre 1903, le Dr Amador Guerrero partit aux États-Unis, où il prit contact avec le seul homme qui à la fois connaissait le Panama et pouvait lui ouvrir les portes de la Maison Blanche : Philippe Bunau-Varilla. Ils se réunirent pendant 15 jours dans la chambre 1162 de l’hôtel Waldorf Astoria. En bonne posture pour négocier, le Français imposa beaucoup de conditions au Panaméen. Entre autres, il exigea d’être nommé ambassadeur plénipotentiaire du Panama une fois l’indépendance proclamée. L’ingénieur français avait les contacts à Washington et parlait anglais, ce que peu de Panaméens pouvaient faire à cette époque. Le médecin n’eut pas d’autre choix que d’accepter et retourna vers l’isthme avec le soutien de la puissance américaine, mais aussi une liste de conditions, dont beaucoup furent rejetées par les autres cadres du mouvement. Le 2 novembre, un cuirassé étasunien se présenta face à la côte de Colón en même temps qu’un navire de guerre colombien venu écraser la rébellion. María Ossa de Amador, l’épouse de Manuel Amador Guerrero, imagina un stratagème pour séquestrer les officiers des troupes colombiennes. Les 500 hommes restèrent donc sous le commandement du colonel Torres et sans protection entre les insurgés et les marins américains. Les cadres du mouvement séparatiste corrompirent le colonel avec une quantité d’or d’une valeur de 8 000 $. Torres accepta leur proposition et la révolution triompha sans qu’une seule goutte de sang ne fût versée. Après la lutte sanglante entre libéraux et conservateurs, Arango et Amador Guerrero avaient conclu des alliances avec les figures importantes des deux camps sur le territoire de l’Isthme. Le drapeau du Panama symbolise cette union à travers les couleurs bleue et rouge, associées au blanc, qui représente la paix. Les jours suivants, plusieurs navires de guerre étasuniens arrivèrent sur les côtes de l’isthme afin d’en garantir l’indépendance et la sécurité. Bunau-Varilla, à qui était donc réservé le poste d’ambassadeur plénipotentiaire du Panama auprès des États-Unis, méprisa les directives du nouveau gouvernement panaméen et négocia avec Hay, avant l’arrivée des délégués, un traité qui n’était pas à l’avantage de la jeune république. Entre autres, il céda une zone de 10 milles de large sur laquelle Washington disposerait de droits souverains. L’ingénieur français leur accorda ces avantages de manière perpétuelle au nom du peuple panaméen. Furieuse, la délégation envoyée par le gouvernement panaméen exigea un amendement de la convention, mais Bunau-Varilla leur mentit, prétendant que Roosevelt était disposé à abandonner la jeune république ainsi qu’à négocier directement avec la Colombie. Par conséquent, le gouvernement provisoire finit par remettre ledit traité dûment ratifié au consul des États-Unis, si bien que les travaux purent commencer.
La priorité du projet de canal mené par Washington était d’empêcher une nouvelle hécatombe. L’excellent ingénieur John Frank Stevens fut nommé à la tête du chantier. Il fit confiance au Dr William Crawford Gorgas, qui avait compris que les vecteurs de la fièvre jaune et de la malaria étaient les moustiques. Une grande campagne de fumigation fut donc mise en œuvre afin de tuer les insectes. L’on plaça des moustiquaires dans les maisons, les rues des villes de Panama et de Colón furent pavées, l’on canalisa toutes les eaux et les deux premières stations de potabilisation furent construites. Toutes ces mesures donnèrent lieu à une efficacité inattendue. Les travaux purent se poursuivre et s’achevèrent en 1914. Du fait de la Première Guerre mondiale, le canal fut inauguré plus tard, en 1920.
En définitive, la construction du canal et l’indépendance de la jeune république se concrétisèrent à travers l’intervention de puissances étrangères qui n’hésitèrent pas à manipuler, à mentir et à corrompre pour que ces projets débouchassent sur un résultat à leur avantage. Bien que la population panaméenne ne parvînt pas à obtenir une juste rétribution, les Français et les Américains leur offrirent des infrastructures et des conditions sanitaires qui améliorèrent un peu leur situation.
III. De la fin des travaux pour la construction du canal à la Seconde Guerre mondiale (1914-1941)
Toutefois, avec les dispositions prévues au titre du Traité Hay-Bunau-Varilla, l’isthme de Panama ne pouvait pas sortir de la pauvreté. Voyons comment, du début au milieu du XXe siècle, l’histoire politique du nouvel État souverain resta un conflit d’intérêts, entre négociations, ingérence, usage de la force, corruption et coups d’État.
La constitution de la jeune République du Panama permettait aux États-Unis d’intervenir militairement sur son territoire national. Cet article fut ratifié à la suite de débats entre conservateurs et libéraux afin de garantir la sécurité intérieure du pays. En effet, son application permit d’empêcher une tentative de coup d’État au début du siècle. Après la fin des travaux du canal en 1914, des altercations se produisirent entre des soldats américains et certains éléments des forces de l’ordre panaméennes. Le gouvernement des États-Unis demanda donc au président libéral Belisario Porras Barahona de désarmer la police. Porras protesta, mais Washington l’obligea à prendre cette mesure humiliante. En 1916, le président Valdés fut élu. Il mourut en 1918. Son premier adjoint, le Dr Ciro Luis Urriola Garrés, se vit confier le pouvoir et reporta plusieurs fois les élections. Toute la classe politique protesta et les soldats américains le déposèrent. En 1921, l’armée costaricienne envahit la République duPanama à cause d’un différend territorial concernant une région frontalière revendiquée par les deux pays depuis le XIXe siècle. Lors de la guerre dite du Coto, les Panaméens étaient convaincus de pouvoir compter sur le soutien des États-Unis, qui s’étaient engagés à défendre leur intégrité territoriale. Pourtant, non seulement ils ne les aidèrent pas, mais ils leur demandèrent de se soumettre à la décision de la Cour Suprême du géant américain, qui donnait raison au Costa Rica. Le président Warren G. Harding envoya même une flotte de guerre au Panama afin que cet État retire ses troupes de la zone disputée. Mécontents, les Panaméens voulurent renégocier les contrats du canal, par l’intermédiaire du diplomate Ricardo Joaquín Alfaro. À la suite de l’élection du candidat libéral Rodolfo Chiari en 1924, les Indiens emberá se révoltèrent, incités par un citoyen étasunien. Après de longues négociations, ils finirent par déposer les armes. En octobre 1925, des émeutes se produisirent du fait de l’augmentation des loyers. Le gouvernement panaméen demanda aux États-Unis d’intervenir militairement pour rétablir l’ordre. Le 28 juillet 1926, Panama signa avec Washington le Traité Alfaro-Kellogg. Un nouveau groupe nationaliste appelé Acción Comunal protesta contre cette convention, considérant qu’elle cédait la souveraineté nationale aux forces armées des États-Unis. Par conséquent, ce nouvel accord ne fut jamais appliqué. En somme, les prérogatives militaires dont disposaient les États-Unis au Panama en vertu de la constitution de cette jeune république leur permit plusieurs fois de garantir l’ordre et la démocratie au sein de l’isthme. Néanmoins, à d’autres moments, ils utilisèrent ces droits d’une manière qui peut être considérée comme une forme d’ingérence.
Comme nous l’avons vu ci-avant, la population de la bande de terre interocéanique prit son indépendance et approuva le projet de canal pour sortir de la pauvreté. En 1928, le nouveau président Florencio Harmodio Arosemena (Parti libéral réformé) présenta un plan de développement ambitieux, mais la dépression économique des années 1930 obligea le gouvernement à modifier presque tous ses projets. Acción Comunal échafaudait des plans pour le renverser. Ce groupe se composait de militants nationalistes et de professionnels mécontents de la direction que prenait la politique nationale. Au cours de la nuit du 31 décembre 1930 au 1er janvier 1931, Arnulfo Arias, membre de l’organisation et gendre d’un ami intime du président, enivra les soldats de la garde présidentielle, puis attaqua la résidence du chef de l’État. Acción Comunal prit le contrôle de la ville de Panama et l’ambassadeur des États-Unis convainquit Arosemena de démissionner. Ce dernier signa son dernier décret en nommant ministre Harmodio Arias Madrid (frère d’Arnulfo Arias). Les instances compétentes désignèrent Ricardo Joaquín Alfaro comme président jusqu’à la fin du mandat. Cet événement marqua un tournant dans l’histoire politique du Panama, puisque la lutte nationaliste voulait mettre fin à l’ingérence étasunienne, contrôler le canal et éradiquer la pauvreté du territoire de l’isthme. Arias Madrid bénéficia du soutien du gouvernement lors des élections de 1932 et fut élu président. Il renégocia les traités avec son homologue Franklin D. Roosevelt. Voici la traduction d’un paragraphe extrait du journal La Estrella de Panamá et relatif au traité Arias-Roosevelt :
« Dans ce traité, la redevance annuelle était revalorisée et s’élevait désormais à 430 000 balboas. En outre, des mesures furent mises en œuvre pour contrôler la contrebande de biens dans la zone du canal, une activité illégale qui portait préjudice à l’économie panaméenne. Concernant les terres contrôlées par les États-Unis, la convention limitait l’expropriation de biens fonciers, mais ne prévoyait aucune restitution. Enfin, cet accord engageait le Panama en tant qu’allié militaire du géant américain. »
Le mandat d’Harmodio Arias Madrid se poursuivit jusqu’en 1936. Lorsqu’éclata la Seconde Guerre Mondiale, son frère Arnulfo présidait la République du Panama. En tant que nationaliste, le nouveau chef de l’exécutif admirait les régimes de l’Axe et refusa d’aider la marine américaine quand les États-Unis s’engagèrent dans le conflit. Un officier de police nommé Ricardo Adolfo de la Guardia dirigea un coup d’État orchestré par la puissance occidentale montante. Dès lors, la police allait jouer un rôle important au niveau de la politique nationale. Peut-on considérer cette intervention américaine comme un cas d’ingérence légitime du point de vue géopolitique ? Avant de la définir de la sorte, il convient d’interroger la légitimité du gouvernement d’Arias, qui avait accédé à la présidence par la force, étant donné que ses militants avaient poussé Alfaro à la démission par la violence. En octobre 1941, Ricardo Adolfo de la Guardia honora les requêtes des États-Unis et leur permit d’armer des navires marchands. Cela fut un autre exemple de l’influence étrangère (et principalement américaine) dans l’histoire politique du Panama, du commencement à nos jours.
Pour conclure ce que nous pouvons raisonnablement avancer sur cette période historique, les avantages que les textes juridiques octroyaient aux États-Unis en matière d’accès à la politique intérieure de la République du Panama leur permirent d’intervenir par la force à plusieurs reprises, parfois au bénéfice des intérêts du peuple panaméen. Dans d’autres cas, leur action pouvait clairement être qualifiée d’ingérence. Quoi qu’il en fût, la plus grande résistance à laquelle dut faire face la puissance nord-américaine fut le parti nationaliste Acción Comunal, qui s’appuyait sur le mécontentement d’une population peinant à sortir de la pauvreté car elle ne bénéficiait pas des recettes occasionnées par l’exploitation du canal. Grâce aux négociations menées par plusieurs politiciens, la République du Panama parvint à défendre ses intérêts légitimes et obtint la résiliation d’un contrat que John Hay lui-même avait considéré comme inégalitaire en son temps.
En définitive, depuis l’époque coloniale, l’isthme de Panama a toujours été une terre convoitée tant pour ses richesses que pour sa position stratégique. C’est pourquoi les Espagnols durent se battre contre les pirates et les Britanniques, puis les Colombiens furent expulsés de la région par les Américains après que les Français eussent échoué dans le premier projet de construction d’un canal interocéanique. Après l’indépendance, les États-Unis n’hésitèrent ni à faire preuve d’ingérence ni à jouer la carte de la corruption pour parvenir à leurs fins, comme l’avaient fait d’autres puissances à d’autres moments de l’histoire. Comme le monde entier transite par cette zone, l’isthme de Panama est depuis longtemps ouvert à l’influence étrangère, ce qui fait partie intégrante de son identité. Ce fait récurrent bénéficie souvent au peuple panaméen. Par conséquent, on ne peut pas le considérer comme une ingérence. Celle-ci existe à certaines occasions pour des raisons stratégiques et du fait d’intérêts économiques, de même que la corruption. Ces deux phénomènes semblent intimement liés à l’histoire de l’Amérique latine en général.
Néanmoins, comme à plusieurs reprises par le passé, le peuple panaméen n’accepte pas la tournure que prennent ces concepts récurrents, qui s’incarnent aujourd’hui dans le projet minier. Les élections présidentielles se tiendront le 5 mai prochain. Le peuple votera-t-il de manière souveraine et libre ou pouvons-nous craindre que l’ingérence d’une puissance étrangère et la corruption d’acteurs de poids, comme certains cartels de narcotrafiquants, influent sur les résultats ?
« Huit » et « nuit » se ressemblent en français, de même qu’ocho et noche en espagnol, eight et night en anglais ou encore Acht et Nacht en allemand et en néerlandais. Et nous pourrions allonger cette énumération avec oito et noite en portugais, otto et notte en italien, opt et noapte en roumain, aetta et natte en suédois, ainsi qu’(h)ocht et oíche en gaélique irlandais. La liste n’est pas exhaustive et vous pouvez trouver différentes occurrences sur ce forum.
Quoi qu’il en soit, cela ne concerne que certains types de langues, apparentées entre elles, à savoir les langues romanes, les langues germaniques et les langues gaéliques (sous-branche des langues celtiques). Tous ces idiomes font partie de la famille indo-européenne, donc ont une origine commune.
Lisant actuellement Historia de la lengua española, de Rafael Lapesa[1], j’ai trouvé un passage qui apporte certains éléments de réponse à cette question. Voici la traduction que je vous propose :
« Dans presque tous les pays de langue romane où les Celtes étaient présents, le groupe de phonèmes latin /kt/ a évolué en /it/ ou en /ĉ/[2], des résultats dans lesquels se retrouvent les langues romanes occidentales (lat. nocte, factu > port. noite, feito ; esp. noche, hecho ; cat. nit, fet ; prov. nuech, fach ; fr. nuit, fait). La première phase de ce phénomène (relâchement du phonème /k/ en [χ], un son correspondant au j du castillan moderne) apparaît dans des inscriptions gauloises et est généralisée en gaélique irlandais. Dans des inscriptions celtibères, on peut lire Rectugenus, ainsi que sa contraction Rectugeno, qui devrait probablement se prononcer *Reitugeno ; ce nom évoque le personnage même de Rhetogenès, héro de Numance[3] mentionné par Appien. Comme le groupe /ks/ a suivi une transformation analogue à celle de /kt/ (lat. laxare > port. leixar ; esp. lexar ; fr. laisser), d’importance similaire, ce phénomène pourrait être également d’origine celtique. »
Cet extrait d’un ouvrage de référence en philologie montre donc que le nuit et huit se terminaient de la même façon en latin. Peut-être était-ce aussi le cas dans les langues celtiques des pays conquis[4]. Quoi qu’il en soit, les langues italiques et celtiques étaient assez proches, au point que certains linguistes parlent d’un rameau italo-celtique[5] au sein de la famille indo-européenne. Cette origine commune expliquerait pourquoi nuit et huit de terminent de la même façon dans les langues romanes et gaéliques.
Que dire alors de la coïncidence dans des langues germaniques, comme l’allemand, le néerlandais, le suédois ou l’anglais ?
Il se trouve que les langues germaniques font également partie de la grande famille indo-européenne. La génétique prouverait que les habitants d’Europe occidentale (Celtes, Latins et Germains) sont assez homogènes génétiquement, et différents en la matière des Européens orientaux (notamment les Slaves et les Baltes). En effet, les Indo-européens auraient conquis l’Europe occidentale plus tard que les territoires eurasiens situés plus à l’Est, par des conquêtes ayant eu lieu entre -2200 et -1800, du fait de leur supériorité en technologies militaires. En effet, on pense que leurs ancêtres yamnayas avaient été les premiers à domestiquer le cheval et à inventer le char. À cette époque, on commençait à maîtriser la métallurgie du bronze et le seul endroit où se trouvaient réunis les gisements nécessaires à cet alliage (cuivre et étain) était la Bohême (actuelle République tchèque). Les Indo-européens qui y étaient installés pouvaient donc s’imposer grâce à leurs armes plus solides. Néanmoins, à cette période, certains pensent qu’ils ont apporté leurs gènes en décimant la population masculine, mais pas encore leur langue sur tous ces territoires (hormis peut-être par endroit, comme dans le cas des Lusitaniens à l’Ouest de la péninsule Ibérique). Cette hypothèse est aujourd’hui remise en question. Actuellement, les historiens pensent plutôt que les hommes yamnayas étaient des guerriers forts et dominants, bien placés dans la hiérarchie des clans mêlés, dont le prestige social séduisait davantage les femmes autochtones que les mâles issues de leur ethnie. Vers -500, les Celtes ont imposé leur langue indo-européenne sur de larges territoires, du fait de leur maîtrise d’un nouveau métal : le fer. Notons que, d’après certains linguistes, les Daces de l’actuelle Roumanie étaient des Celtes. Comme indice qui va dans ce sens, pour s’adresser à son père, on dit tad en breton et tata en roumain. D’autres spécialistes estiment que le dace était une langue indo-européenne d’une autre branche, apparentée à l’albanais. Quoi qu’il en soit, le roumain est une langue latine également concernée par le rapport huit / nuit. Cette vidéo de la revue historique Hérodote explique tout cela avec clarté et précision :
Pour résumer, la similitude entre huit et nuit dans de nombreuses langues s’explique tout simplement par le fait que ces idiomes ont une origine commune remontant à une période assez récente à l’échelle de l’histoire de l’humanité, à savoir l’Antiquité.
[1] D’après Rafael Lapesa, Historia de la lengua española, Gredos, Madrid, 2022, p. 49, point 7. Traduction inédite de Jean O’Creisren.
[2] Son [tʃ], comme dans l’espagnol chico / chica ou l’anglais cheap.
[3] Ville celtibère ayant résisté pendant une vingtaine d’années à l’invasion romaine, au milieu du IIe siècle avant Jésus-Christ.
[4] gaulois pour la France, langues hispano-celtiques (dont celtibère) pour l’Espagne centrale et occidentale, éventuellement lusitanien pour le Portugal et dace pour la Roumanie (bien que les philologues ne s’accordent pas quant à la celticité de ces deux derniers peuples indo-européens).
[5] Les langues italiques comprenaient l’osque, l’ombrien, le vénète, le messapien, le rhétique et le latin (plus d’informations sur ce lien). Seule cette dernière a donné naissance à des idiomes encore parlés aujourd’hui, les langues romanes. Les langues celtiques se répartissaient en 5 branches sous l’Antiquité, à savoir le gaulois, le celtibère et le lépontique sur le continent, ainsi que les langues brittoniques et gaéliques dans les Îles britanniques. Seuls les deux rameaux insulaires ont traversé les siècles jusqu’à nos jours. Les langues brittoniques incluent le gallois, le cornique et le breton (qui ne descend pas du gaulois, mais a été apporté en Armorique par des Celtes de Grande-Bretagne fuyant les invasions anglo-saxonnes aux Ve et VIe siècle). La branche gaélique inclut les gaéliques irlandais et écossais, ainsi que le mannois (ou manxois), parlé sur l’Île de Man.
En Panamá existe la mayor mina de cobre de Centroamérica, que genera cerca del 4% del PIB y el 65% de los ingresos de exportaciones. La explota el consorcio canadiense First Quantum Minerals. El 20 de octubre de 2023 fue aprobado el contrato entre esta y el Estado panameño para 20 años renovables. A partir de esta fecha empezaron protestas. Unas asociaciones ambientales, gremios, sindicatos, grupos indígenas, estudiantes, entre otros, exigieron la cancelación del acto. Denunciaron la corrupción y quisieron proteger los recursos naturales. También consideraron que esta medida no respeta la soberanía nacional, siendo la explotación de la mina, un robo al pueblo panameño. Para entender bien las raíces de este conflicto, podemos hacer un recorrido por la historia del Istmo…
Antes de profundizar este tema, cabe definir debidamente los conceptos clave. Según el Diccionario panhispánico del español jurídico (de la Real Academia Española), la injerencia es la “intromisión, actuación sin habilitación ni título en un negocio o competencia ajenos.” En este artículo vamos a considerar la definición del derecho internacional, es decir, el hecho de que un Estado o una organización internacional intervenga en los asuntos internos de un Estado soberano sin el consentimiento de éste (véase una definición más completa en francés en la página web de la ENS de Lyon). En cuanto a la corrupción, el Diccionario Jurídico Elemental (de la firma de auditoría salvadoreña Jacobo & Asociados) la define de esta forma: “Se estimaba tal el acto de quienes, estando revestidos de autoridad pública, sucumbían a la seducción, como los realizados por aquellos que trataban de corromperlos. En realidad, la corrupción venía a confundirse con el soborno o el cohecho. Pero en el presente, corrupción equivale a destruir los sentimientos morales de los seres humanos.”
Considerando estos elementos, nos podemos preguntar: ¿qué papel desempeñaron la injerencia, otros tipos de influencia extranjera legítima e ilegítima, así como la corrupción y las otras formas de manipulación por parte de actores foráneos, en la historia política delIstmo de Panamá desde la era colonial hasta mediados del siglo XX?
Para contestar esta cuestión, vamos a seguir el curso de la historia de la zona, empezando por la fase que se extiende de la conquista española al proyecto de canal francés (1501-1879). Luego nos interesaremos en el papel de la influencia extranjera en la construcción del canal y la independencia de Panamá (1879-1914). Por fin, terminaremos nuestro estudio cronológico considerando lo que pasó entre el final de las obras del canal de Panamá y la II Guerra Mundial (1914-1941).
De la conquista española al proyecto de canal francés (1501-1868)
Entre dos océanos y dos subcontinentes, el Istmo de Panamá está ubicado en un lugar estratégico y naturalmente abierto a la influencia de varios pueblos. Vamos a ver que esto ya se documenta mucho antes del proyecto de canal interoceánico.
El principio de la injerencia en el Istmo de Panamá, según lo que han registrado los historiadores, podemos afirmar de forma segura que se remonta a 1501, cuando los europeos pisaron por primera vez esa tierra. El propio Cristóbal Colón la visitó en su cuarto viaje, en 1502, y le escribió al rey Fernando el Católico que eran las tierras más fértiles del mundo. Entonces los españoles se asentaron allí y fueron acosados por los indígenas desde el principio. Vasco Núñez de Balboa los sometió y trabó amistades con unos caciques potentes. Estos le revelaron la existencia de otro mar, donde prosperaban unos reinos muy ricos en oro. En 1513, la expedición encabezada por el conquistador llegó al Océano Pacífico, en donde los indios le confirmaron la existencia de un gran reino en el sur, es decir, el Imperio Incaico. Así que se construyó la ciudad de Panamá la Vieja, que sirvió como base para conquistar Sudamérica.
En la era colonial, los españoles tuvieron que enfrentarse a la injerencia de otras potencias europeas y a los piratas del Caribe. En efecto, Portobelo era la ciudad en la cual se almacenaban los tesoros provenientes de América del Sur. El famoso bucanero Francis Drake trató de tomar la zona para establecer una base inglesa en el Caribe y poner en jaque al imperio colonial español. Fue derrotado y murió en 1596 frente a Portobelo. Esa ciudad también fue atacada por el pirata Morgan, que luego incendió Panamá la Vieja, de la cual solo quedan escombros hoy en día. En 1663 se fundó la ciudad actual en un lugar mejor defendible. Más adelante, unos escoceses fundaron colonias en el Darién, con la intención de conectar ambos océanos mediante un camino. Luego de conflictos con los españoles, la paz fue firmada en 1700 y los británicos abandonaron ese proyecto. En el siglo XVIII, que marcó el principio de la decadencia del imperio español en América, la zona del Istmo tuvo que enfrentarse a los ataques constantes de los piratas del Caribe, así como a los conflictos con indios de Nicaragua y del Darién que acabaron con muchas poblaciones. En 1746, los ingleses le dieron el golpe de gracia a Portobelo, así que los españoles dejaron de almacenar riquezas allí. Las familias adineradas ya habían empezado a abandonar el territorio istmeño, que empezó a decaer.
Por lo tanto, Panamá empezó el siglo XIX como una pequeña provincia olvidada de un imperio en plena decadencia. Otras influencias extranjeras, es decir, las revoluciones norteamericana y francesa, difundieron ideas de independencia por América. Aprovechando el debilitamiento de la Corona Española por la invasión napoleónica, Simón Bolívar encabezó la revuelta en la zona y derrotó los ejércitos españoles en la batalla decisiva de Boyacá (actual Colombia) el 7 de agosto de 1819. El Istmo pasó a formar parte de la Gran Colombia. Alrededor del año 1835, EE. UU. demostró su primer interés por la zona. En efecto, ya había comprado Luisiana a los franceses, tendiendo un acceso al Caribe. El territorio istmeño es una franja de tierra muy fina, que permite fácilmente pasar de un mar a otro. Ahora bien, en 1848 empezó la llamada « fiebre del oro ». Se explotaban minas en California y Panamá era la ruta más segura para que los minerales se trasladaran hasta la costa oriental de los Estados Unidos. En efecto, el Middle West estaba marcado por los conflictos con los indios, y estos pueblos masacrados y hechos hambrientos por los estadounidenses no dejaban ninguna oportunidad de emboscar las diligencias y los trenes que cargaban mercancías y materias primas valiosas. Así que el oro transitaba por Panamá. Se descargaban los buques en la costa pacífica, luego el cargamento se trasladaba en canoas por el río Chagres, y por fin lo transportaban burros hasta el Caribe. Ya el presidente norteamericano Andrew Jackson (1829-1837) pensaba en la idea de un canal interoceánico. En la década de 1850 se firmó un tratado entre EE. UU. y Colombia para usar el Istmo como ruta comercial. En 1855 se inauguró la línea ferroviaria que fue el inicio de la compañía de ferrocarril de Panamá. Colón fue construida en aquella época, como punto terminal en el Atlántico de esta conexión, y también para que sirviera de puerto a los grandes buques de vapor. Luego de la inauguración de esta línea, miles de personas cruzaban el Istmo constantemente.
En suma, ya antes del proyecto francés de canal interoceánico, Panamá era vista por todos como una tierra estratégica y llena de riquezas. Así que todas las potencias de la zona la codiciaban. Entre el siglo XVI y mediados del siglo XIX, unos y otros intentaban conquistarla con armas. Veremos que, en la era contemporánea, otros medios se usaron más para apoderarse de este lugar tan deseado.
La historia del Istmo de Panamá es apasionante.
II. La construcción del canal y la independencia de Panamá (1869-1914)
Sin duda alguna, el gran giro en la historia del Istmo fue la construcción del canal, que llevó a la independencia de la República dePanamá. ¿Cuál fue el papel de las potencias extranjeras en estos fenómenos? ¿Qué armas usaron para que las cosas ocurriesen según su voluntad en esta franja de tierra tan codiciada?
En 1869, el comandante norteamericano Thomas Oliver Selfridge dirigió una expedición a través del Istmo para ver si se podía construir un canal interoceánico allí. Casi todos murieron de una misteriosa fiebre, así que EE. UU. apoyó otro proyecto, en Nicaragua. Por su parte, el famoso diplomático francés Ferdinand de Lesseps envió a la misma zona al ingeniero Lucien Napoléon Bonaparte-Wyse, que tenía la ambición de marcar la historia, como su tío abuelo, el emperador Napoleón I. De igual modo, los hombres cayeron unos tras otros, así que el explorador avanzó costara lo que costase para alcanzar la costa pacífica antes de que la fiebre de la selva lo alcanzara a él. Después de conseguirlo, preparó rápidamente un contrato con el gobierno colombiano para construir un canal que en el Istmo. El conde de Lesseps apoyó este proyecto, ocultando los muertos de la expedición de Wyse. En mayo de 1879, se convocó una reunión con los mejores ingenieros del mundo, para que decidieran cuál proyecto elegirían entre la ruta nicaragüense y la panameña. Thomas Oliver Selfridge y Ferninand de Lesseps se encontraban frente a frente. Este supo vender sueño y propuso un canal a nivel, como hizo con prestigio en Suez. No habló de la misteriosa fiebre y confió en el éxito porque la mayoría de los presentes eran franceses. Su proyecto ganó por muy poco margen. El gobierno francés no lo apoyó, así que la compañía encargada de la construcción del canal buscó fondos privados, compró la prensa y atrajo accionistas con la idea de que Panamá era un sinónimo de progreso. En 1881 empezaron las obras bajo la dirección de Henri Bionne. Llegaron miles de obreros, en su mayoría oriundos de Jamaica y Nueva Orleáns. Finalmente, la fiebre amarilla y el paludismo acabaron con la vida de miles de obreros e ingenieros. En 1882, un terremoto mató a varios trabajadores y destruyó muchas infraestructuras. Las obras no avanzaban tan rápidamente como lo esperaban y los obreros, que veían morir a sus compañeros, se desmoralizaban. En Francia, también la opinión pública y los accionistas empezaron a desconfiar. Después de la muerte de Bionne y de la salida de Dingler, que había perdido a toda su familia por la fiebre amarilla, Lesseps nombró a Philippe Bunau-Varilla para encabezar la obra. Después de una tormenta tropical de consecuencias trágicas (murieron 50 empleados y se dañaron muchas instalaciones de la compañía), el joven ingeniero en jefe le dijo al conde que había que abandonar la idea de un canal a nivel para hacer uno con esclusas. Lesseps convocó a varios ingenieros (entre los cuales el famoso Gustave Eiffel) para que diseñaran el proyecto, pero ya era demasiado tarde. Las acciones de la compañía bajaban sin parar y, después de un intento de financiación mediante una lotería fraudulenta, la bancarrota no se hizo esperar. Muchos inversionistas, entre los cuales muchos eran personas humildes, lo perdieron todo, y eso provocó una crisis económica en Francia. Ferdinand y Charles de Lesseps fueron juzgados por malversación. Se evidenciaron pruebas de sobornos a legisladores para que aceptaran la lotería. Francia había intentado influir en la historia del Istmo con nuevas armas, es decir, el dinero y la corrupción. Resultó en un fracaso que tuvo consecuencias dramáticas. No obstante, el proyecto iba a proseguir con otra potencia extranjera que iba a usar a su modo recursos financieros y estratégicos.
En 1889, la bancarrota de la compañía francesa arruinó a muchos galos, pero uno quiso recuperar su inversión: el último ingeniero en jefe, Philippe Bunau-Varilla. Este se relacionó con Theodore Roosevelt, elegido presidente de EE. UU. en 1901, que quería convertir a su país en una potencia de carácter global y tenía la idea de controlar ambos océanos. El senado estadounidense estaba a favor de un canal interoceánico que pasase por Nicaragua, pero el presidente se enteró de que la desaparecida compañía francesa quería vender por 40 millones de dólares (es decir, unos 1.000.000.000$ actuales), 12.000 hectáreas de terreno, el ferrocarril, hospitales, edificios de oficinas y viviendas para los empleados, así como una inmensa cantidad de maquinaria (excavadoras, grúas, locomotoras, vagones, etc.). Bunau-Varilla trató de sobornar a un miembro clave del Senado, líder en el apoyo del canal nicaragüense, pero no lo consiguió. A pocos días de la votación, se produjo una erupción explosiva devastadora en Martinica. Aquel día de 1902, el Monte Pelée acabó con la vida de unas 30.000 personas y el pánico a los volcanes se extendió por toda la región. El francés se aprovechó de aquel acontecimiento trágico para mandarle a cada senador una carta con un sello de Nicaragua, en el cual aparecía la imagen de un volcán. En esas misivas explicaba que no se podía construir un canal en un lugar lleno de volcanes. Así que, por muy poco margen, el senado norteamericano aprobó la compra de la obra en Panamá. Sin embargo, para poder operar en la zona, se necesitaba el apoyo de Bogotá. John Hay, que entonces era Secretario de Estado de Estados Unidos, inició el diálogo con el gobierno colombiano, que en aquel momento tenía que enfrentarse a la Guerra de los Mil Días. El conflicto entre conservadores y liberales era particularmente violento en el Istmo. Para Roosevelt, no se podía empezar la obra sin garantizar la seguridad de la zona, así que mandó tropas. Este desembarco sin haber solicitado previamente la aprobación del gobierno conservador fue considerado como una injerencia, y la situación se hizo muy tensa entre ambos países. Aun después de que EE. UU. retirase sus tropas, Colombia rechazaba cualquier negociación.
La Guerra de los Mil Días fue particularmente violenta en el Istmo de Panamá
El Istmo de Panamá seguía siendo una provincia muy aislada del resto de Colombia. En la extremidad oriental de la zona, el llamado Tapón del Darién es una selva tropical espesa y peligrosa que siempre ha impedido el paso a pie de Centroamérica a Sudamérica. En aquella época, la única forma de viajar del territorio istmeño a Bogotá era en barco hasta Cartagena, y luego en acémila hasta la capital. En el Istmo, muchos sufrían la pobreza, pasaban hambre, y carecían de medicamentos. El proyecto de canal era una oportunidad para que la región saliera de aquella situación. Después de la bancarrota de la compañía francesa, el tratado Herrán-Hay representaba una nueva esperanza. Esta se derrumbó cuando el senado colombiano se opuso a ese texto jurídico, que era muy ventajoso para la potencia extranjera que acababa de injerir en su territorio. Le otorgaba a Estados Unidos derechos soberanos durante 100 años sobre una franja de tierra de 6 millas a través del Istmo. Así que el tratado no fue aprobado por un amplio margen. En la remota provincia, no se podía aceptar otra decepción. El médico Manuel Amador Guerrero, que trabajaba en el hospital del ferrocarril, quiso otorgarle a la población istmeña un mejor acceso a la salud. Se unió con José Agustín Arango, un abogado de la misma compañía de origen estadounidense. Junto con otros líderes, organizaron a escondidas un movimiento revolucionario para independizar al Istmo de Panamá. Para que su movimiento triunfara, necesitaban contar con el apoyo de Washington, a cambio de una licencia para construir el canal interoceánico. En octubre de 1903, el Dr. Amador Guerrero fue a Estados Unidos, en donde se reunió con el único hombre que conocía Panamá y podía abrirle las puertas de la Casa Blanca: Philippe Bunau-Varilla. Se reunieron durante 15 días en la habitación 1162 del hotel Waldorf Astoria. En buena posición para negociar, el francés le impuso muchas cosas al panameño. Entre otras cosas, le exigió que, cuando se consiguiera la independencia, el propio Bunau-Varilla fuera nombrado representante plenipotenciario de Panamá. El ingeniero galo tenía los contactos en Washington y hablaba inglés, lo que muy pocos panameños podían hacer en aquel entonces. El médico no tuvo otra opción que aceptar y regresó al Istmo con el apoyo de la potencia norteamericana, pero también con una lista de condiciones, de las cuales muchas fueron rechazadas por los demás líderes. El 2 de noviembre, un acorazado estadounidense llegó frente a las costas de Colón al mismo tiempo que un buque militar colombiano que había venido a aplastar la rebelión. María Ossa de Amador, esposa de Manuel Amador Guerrero, imaginó una estrategia para secuestrar a los oficiales de las tropas colombianas. Los 500 hombres quedaban al mando del coronel Torres y desprotegidos entre los rebeldes y los marinos norteamericanos. Los líderes separatistas sobornaron al coronel con 8.000 dólares en oro. Torres aceptó la propuesta y la revolución venció sin que se derramara ni una gota de sangre. Después del sangriento conflicto entre liberales y conservadores, Arango y Amador Guerrero habían trabado alianzas con los líderes istmeños de ambos bandos. La bandera de Panamá muestra esta unión con los colores azul y rojo, junto al blanco de la paz. En los días siguientes, varios buques de guerra norteamericanos llegaron al Istmo para garantizar su independencia y su seguridad. Bunau-Varilla, que se preveía como ministro plenipotenciario, despreció las instrucciones del nuevo gobierno panameño y negoció con Hay, antes de que llegaran sus representantes, un tratado que no era ventajoso para la nueva república. Cedió una zona de 10 millas de ancho en la cual los EE. UU. iba a tener derechos soberanos, entre otras cosas. El ingeniero francés otorgó a perpetuidad estas ventajas en nombre del pueblo panameño. Enfurecida, la delegación exigió una modificación del contrato, pero Bunau-Varilla les mintió, pretendiendo que Roosevelt estaba dispuesto a abandonar a la joven república y a entablar negociaciones directamente con Colombia. Así que el gobierno provisional finalmente le entregó el tratado ratificado al cónsul de Estados Unidos y pudieron comenzar las obras.
La prioridad del proyecto norteamericano era impedir una nueva masacre. El excelente ingeniero John Frank Stevens encabezó la obra. Le dio su confianza al Dr. William Crawford Gorgas, que había entendido que el vector de la fiebre amarilla y de la malaria eran los mosquitos. Así que se emprendió una gran campaña de fumigación para matar a los insectos. Se pusieron mosquiteros en las casas, pavimento en las calles de las cuidades de Panamá y Colón, se canalizaron todas las aguas y se construyeron las primeras dos potabilizadoras. La eficacia de todas estas medidas fue inesperada. Las obras pudieron seguir un curso normal y terminaron en 1914. Debido a la Primera Guerra Mundial, se inauguró el canal más tarde, en 1920.
En definitiva, la construcción del canal y la independencia de la joven república fueron posibles por la intervención de potencias extranjeras que no dudaron en manipular, mentir y sobornar para que estos proyectos desembocaran en un resultado ventajoso para ellas. Aunque la población panameña no consiguió acceder a una debida retribución, los franceses y los norteamericanos les ofrecieron infraestructuras y condiciones sanitarias que permitieron mejorar un poco su situación.
En la historia del Istmo de Panamá la construcción del canal es un episodio clave.
III. Del final de las obras del canal a la II Guerra Mundial(1914-1941)
Sin embargo, con las condiciones del Tratado Hay-Bunau-Varilla, el Istmo de Panamá no pudo salir de la pobreza. Vamos a ver cómo, de inicios a mediados del siglo XX, la historia política del nuevo Estado soberano siguió siendo una lucha de intereses, entre negociaciones, injerencia, uso de la fuerza, corrupción y golpes de Estado.
La constitución de la joven República de Panamá le permitía a EE.UU. que interviniera militarmente en su territorio nacional. Este artículo fue aprobado después de debates entre conservadores y liberales para asegurar la seguridad nacional. En efecto, permitió impedir una tentativa de golpe de Estado a principios de siglo. Después de terminar las obras del canal en 1914 y de incidentes entre soldados norteamericanos y unos elementos de las fuerzas de seguridad panameñas, el gobierno estadounidense le pidió al presidente liberal Belisario Porras Barahona que desarmara a la policía. Porras protestó, pero Washington le obligó a que tomara esta medida humillante. En 1916 fue elegido el presidente Valdés, que murió en 1918. Su primer designado, el Dr. Ciro Luis Urriola Garrés, asumió el poder y pospuso varias veces las elecciones. Todos los políticos protestaron y las tropas norteamericanas lo depusieron. En 1921, el ejército costarricense invadió la República dePanamá por un desacuerdo territorial respecto a una zona fronteriza reivindicada por ambos países desde el siglo XIX. En la llamada Guerra del Coto, los panameños estaban convencidos de que pudieran contar con el apoyo de Estados Unidos, que se había comprometido a defender su integridad territorial. Sin embargo, no solo no los ayudaron, sino que les pidieron que se sometiesen a la decisión de la Corte Suprema de EE. UU., que le daba la razón a Costa Rica. El presidente Warren G. Harding aun mandó una armada de guerra a Panamá para que retiraran sus tropas de la zona disputada. Descontentos, los panameños quisieron renegociar los contratos del canal, con el diplomático Ricardo Joaquín Alfaro. Después de la elección del candidato liberal Rodolfo Chiari en 1924, los indios emberá se rebelaron, instigados por un ciudadano norteamericano. Luego de largas negociaciones, los indígenas depusieron las armas. En octubre de 1925, serios disturbios ocurrieron debido al aumento de las rentas. El gobierno panameño pidió la intervención militar de los Estados Unidos para restablecer la orden. El 28 de julio de 1926, Panamá firmó con ellos el Tratado Alfaro-Kellogg. Un nuevo grupo nacionalista llamado Acción Comunal protestó contra este convenio, considerando que les concedía la soberanía nacional a las fuerzas armadas de EE. UU. Por eso, el nuevo acuerdo nunca fue implementado. Al fin y al cabo, las prerrogativas militares de las cuales disponían los Estados Unidos en Panamá conforme a la constitución de la joven república les permitió varias veces garantizar el orden y la democracia en el Istmo, pero en otros momentos, usaron esos derechos de un modo que se puede considerar como una forma de injerencia.
Como vimos antes, la población istmeña se independizó y aprobó el proyecto de canal para salir de la pobreza. En 1928, el nuevo presidente Florencio Harmodio Arosemena (Partido Liberal Reformado) presentó un ambicioso plan de desarrollo, pero la depresión económica de los años 1930 le obligó al gobierno a cambiar casi todos sus proyectos. Acción Comunal hacía planes para derrocarlo. Esta agrupación estaba integrada por nacionalistas y profesionales descontentos con la dirección de la política nacional. Durante la Nochevieja de 1930 a 1931, Arnulfo Arias, miembro de la organización y yerno de un amigo íntimo del presidente, embriagó a los guardas presidenciales, tomó la comandancia y atacó la residencia del jefe del Estado. Acción Comunal tomó el control de la ciudad de Panamá y el embajador de EE. UU. le convenció a Arosemena a que renunciara. Este firmó su último decreto nombrando a Harmodio Arias Madrid (hermano de Arnulfo Arias) como ministro y las instituciones competentes designaron a Ricardo Joaquín Alfaro como presidente para que terminara el periodo. Ese acontecimiento marcó un giro en la historia política de Panamá, ya que la lucha nacionalista quería acabar con la injerencia norteamericana, controlar el canal y poner fin a la pobreza en el Istmo. Arias Madrid fue apoyado por el gobierno en las elecciones de 1932 y elegido presidente. Revisó los tratados con el presidente Franklin D. Roosevelt. Aquí viene lo que La Estrella de Panamá publica sobre el tratado Arias-Roosevelt:
“En el tratado la anualidad se incrementaba a 430,000 Balboas y también se implementaron medidas para controlar el contrabando de bienes de la Zona del canal, los cuales eran dañinos para la economía panameña. Respecto al tema de las tierras controladas por los Estado Unidos, el tratado limita[ba] la expropiación de tierras, pero no especificaba ninguna devolución. El tratado también comprometía a Panamá como un aliado militar de los Estados Unidos.”
El mandato de Harmodio Arias Madrid se extendió hasta 1936. Cuando estalló la Segunda Guerra Mundial, su hermano Arnulfo presidía la República de Panamá. Como nacionalista, admiraba los regímenes del Eje y se negó a ayudar a la Armada estadounidense cuando EE. UU. se comprometió en el conflicto. Ricardo Adolfo de la Guardia, un oficial de la policía, lideró un golpe de Estado instigado por la potencia occidental. En adelante, la policía iba a desempeñar un papel importante en la política nacional. ¿Se puede considerar esta intervención norteamericana como un caso de injerencia legítima desde un punto de vista geopolítico? Antes de definirla así, cabe cuestionar la legitimidad del gobierno de Arias, que había llegado a la presidencia por la fuerza, ya que sus militantes violentos le habían empujado a Alfaro a que renunciara. En octubre de 1941, Ricardo Adolfo de la Guardia accedió a las peticiones de EE. UU. y le permitió armar los navíos mercantes. Esto fue un ejemplo más de la influencia extranjera (particularmente estadounidense) en la historia política de Panamá, del principio a nuestros días.
Para concluir, las ventajas que diferentes textos legales le otorgaban a EE. UU. en la política interna de la República de Panamá le permitieron intervenir por la fuerza varias veces, a favor de los intereses del pueblo panameño en algunas ocasiones e injiriéndose en otros casos. Sea lo que fuere, la mayor resistencia que encontró la potencia norteamericana fue el partido nacionalista Acción Comunal, que se basaba en el descontento de una población que no salía de la pobreza por no aprovecharse de los ingresos generados por la explotación del canal. Por las negociaciones de varios políticos, la República de Panamá pudo defender sus intereses legítimos y acabar con un contrato que el propio John Hay había considerado desigual en su tiempo.
En Panamá hubo grandes manifestaciones en contra de un proyecto minero.
Al fin y al cabo, desde la era colonial, el Istmo de Panamá siempre has sido una tierra codiciada por sus riquezas y su posición estratégica. Por eso, los españoles tuvieron que luchar contra los piratas y los británicos, y los colombianos fueron echados de la zona por los norteamericanos después del fracaso del proyecto de canal francés. Luego de la independencia, los Estados Unidos no dudaron en injerirse y en corromper para llegar a sus fines, como lo habían hecho otras potencias en otros momentos de la historia. Como el mundo entero transita por la zona, el Istmo de Panamá es desde hace mucho tiempo un lugar abierto a la influencia extranjera, lo que forma parte de su identidad. Este hecho recurrente en muchas ocasiones se beneficia al pueblo panameño y, por lo tanto, no se puede considerar como injerencia. Esta existe en algunos casos, por razones estratégicas y por intereses económicos, así como la corrupción. Por cierto, ambos fenómenos están muy vinculados con la historia de América Latina.
Sin embargo, como en varias veces en el pasado, el pueblo panameño no acepta la forma que toman hoy en día estos conceptos recurrentes con el proyecto minero. En mayo tendrán lugar las elecciones presidenciales. ¿Votará el pueblo de forma soberana y libre o se puede temer que la injerencia de alguna potencia extranjera y la corrupción de pudientes actores, como unos carteles de narcotraficantes, influyan en los resultados?