L’Union européenne est-elle démocratique ?

« Bruxelles a décidé ci », « Bruxelles nous impose ça », « la France a perdu sa souveraineté »… On entend parfois de genre de discours. Chacun a le droit d’avoir ses propres opinions politiques. Néanmoins, lorsqu’on s’exprime sur un sujet, il est important de savoir de quoi on parle.

À travers cet article, je vais tenter de répondre, sans parti pris, à la question suivante : « L’Union européenne est-elle démocratique ? » 🗳

Nous verrons d’abord comment fonctionnent les institutions européennes. Tout particulièrement, nous expliquerons qui élit les responsables politiques qui prennent des décisions au niveau européen. Lorsque les règlement et directives sont adoptés à Bruxelles ou à Strasbourg, cela modifie la loi dans les États membres ; il est donc important de savoir si cela nous est imposé d’en haut ou si ceux qui votent ces décisions sont élus par nos voix.

Dans un deuxième temps, nous aborderons les limites de la démocratie européenne et éluciderons certains concepts (notamment liés à la souveraineté) qui permettent de mieux comprendre les règles du jeu. 🧩 Enfin, nous ouvrirons sur quelques perspectives intéressantes pour que les citoyens puissent prendre part à la politique commune.

Quelles sont les sept institutions de l’UE, quel est leur pouvoir, comment sont choisis leurs membres et comment fonctionnent-elles ?

  1. Le Parlement européen (PE)

Cette institution est sans conteste la plus démocratique des instances politique de l’UE. En effet, les eurodéputés sont élus au suffrage universel direct, lors des élections européennes. Ils sont aussi élus à la proportionnelle, ce qui est sans doute plus démocratique que nos élections législatives telles que prévues par la Constitution de la Ve République. 🐓 Avec le Conseil de l’Union européenne, ils disposent du pouvoir législatif de l’UE.

Les membres du Parlement européen sont actuellement répartis en 8 groupes, à savoir :

  • Le Groupe de la gauche au Parlement européen (GUE/NGL) rassemble les partis les plus à gauche de l’échiquier politique, comme LFI (liste menée par Manon Aubry), le parti grec Syriza (au pouvoir lors de la crise de la dette dans la zone euro), le Mouvement 5 étoiles (gauche radicale italienne) et le parti espagnol Podemos (controversé notamment du fait de la « loi trans », qui lui a coûté de nombreux sièges aux dernières élections générales). Certains de ces partis sont considérés comme d’extrême gauche par une partie des politologues.
  • Le Groupe des Verts/Alliance libre européenne rassemble les écologistes de gauche, dont l’ancien parti EELV (liste menée par Marie Toussaint) et son alter ego allemand Bündnis 90/Die Grünen.
  • Le Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen (ou « groupe S&P ») rassemble les partis socialistes et du centre-gauche, comme le PS, le PSOE (qui gouverne actuellement l’Espagne) ou encore le SPD (socio-démocrates allemands, parti de l’ancien chancelier Olaf Scholz).
  • Le Groupe Renew Europe rassemble des partis centristes, démocrates et libéraux, dont LREM ou le MoDem, qui avaient constitué la liste Renaissance lors des dernières élections européennes (menée par Valérie Hayer, actuellement présidente de cette formation politique au sein du Parlement).
  • Le Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens) est le plus nombreux au PE. Il rassemble des partis de droite traditionnelle, comme Les Républicains (liste menée par François-Xavier Bellamy dans la circonscription française), le Parti populaire (PP) espagnol, la CDU allemande (parti d’Angela Merkel et du chancelier actuel, Friedrich Merz), ou encore le Parti nationaliste maltais (de tendance conservatrice), d’où est issue la présidente actuelle du Parlement européen, Roberta Metsola.
  • Le Groupe des Conservateurs et Réformistes européens inclut Fratelli d’Italia (le parti de la présidente italienne Giorgia Meloni), Prawo i Sprawiedliwość (qui a gouverné la Pologne de 2015 à 2023), ou encore les 5 dissidents de la liste Reconquête ! élus en 2024, dont Marion Maréchal.
  • Le Groupe Patriotes pour l’Europe est présidé par Jordan Bardella. Il rassemble certains partis eurosceptiques considérés comme d’extrême droite, comme le Rassemblement national, le Fidesz (le parti du président hongrois Viktor Orbán), Vox (un parti qui prend de plus en plus de poids dans la moitié sud de l’Espagne, notamment à partir de préoccupations liées à l’immigration et au catalanisme), le FPÖ autrichien ou encore le PVV néerlandais.
  • Tout à droite de l’échiquier politique, le Groupe « L’Europe des nations souveraines » (ENS) inclut le parti allemand AfD (qui rassemble 20 % des suffrages outre-Rhin, est financé par le Kremlin et est accusé de reprendre la rhétorique des nazis), le parti slovaque Republika, ainsi que Sarah Knafo, citoyenne française d’origine marocaine et de confession juive, seule députée Reconquête ! restée fidèle à son mari, Éric Zemmour.

Il faudrait ajouter à ces groupes les députés non-inscrits, qui peuvent représenter des citoyens aux préoccupations minoritaires. Parmi ces 30 législateurs provenant de 11 pays, siègent des représentants des Partis communistes grec et tchèque, du mouvement espagnol Se Acabó La Fiesta (qui entend lutter contre la corruption, la criminalité et la pédophilie au sein du système politique en redonnant le pouvoir aux citoyens), de la Confédération de la Couronne polonaise (parti monarchiste et nationaliste), la députée française Malika Sorel (élue au sein de la liste menée par Jordan Bardella, mais ayant pris ses distances par rapport à certaines orientations du Groupe Patriotes pour l’Europe) ou encore le youtubeur chypriote Fidías Panayiótou, qui a fait campagne au nom de la jeunesse pour défier le système politique actuel, qui veut lever l’interdit des discours de haine en ligne au nom de la liberté d’expression et défend des positions pro-russes. Parmi ces non-alignés, pourraient aussi siéger des défenseurs de causes hétérodoxes, s’ils avaient été élus (en obtenant au moins 5 % des voix), comme des royalistes français, des séparatistes bretons, basques, corses ou catalans, des animalistes, des écologistes de droite ou des promoteurs de l’espéranto comme langue officielle de l’UE. 🌍

En somme, les opinions de tous les citoyens de l’UE sont globalement représentées au sein du PE (ou pourraient l’être), puisque nous avons tous été appelés à voter pour la liste de notre choix, à la proportionnelle, en juin 2024.

Les eurodéputés votent les règlements et les directives.

Les règlements s’appliquent directement aux populations des États membres. Par exemple, le règlement général sur la protection des données (RGPD) s’applique tel quel sur l’ensemble du territoire européen, sans que les parlements nationaux élus démocratiquement ne puissent s’y opposer. ⛔

Quant aux directives, elles fixent des objectifs communs à tous les pays de l’UE, mais laissent une marge de manœuvre aux responsables politiques démocratiquement élus dans les États membres sur la manière dont ces objectifs peuvent être atteints. Par exemple, « la directive européenne dite « directive nitrates » a été adoptée en 1991 pour réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole dans un contexte de contamination significative des eaux de surface et des eaux souterraines […]. La transposition de la directive nitrates en France a mené à l’élaboration d’un Programme d’Action National (PAN), décliné en Programmes d’Action Régionaux (PAR). Ces programmes mettent en place un règlement applicable aux exploitations d’élevage et parcelles cultivées en zones vulnérables autour de huit mesures. Ces mesures obligatoires portent sur la gestion des effluents d’élevage, elles instaurent un principe d’équilibre de la fertilisation que l’on pourrait formuler ainsi : « la bonne dose au bon moment et au bon endroit », elles installent enfin des stratégies d’évitement du lessivage de nitrates avec la mise en place de couverts en inter-culture ou encore de couverts permanents le long des cours d’eau » (source : les services de l’État en Isère). 🐖💧🌱

Toutefois, les législateurs que nous avons élus au suffrage universel direct ne décident pas cela tout seuls. L’initiative du projet de loi vient toujours de la Commission européenne. Une fois qu’il a été débattu, amendé et voté au Parlement européen, le texte législatif doit être approuvé par le Conseil de l’Union européenne. Cela nécessite des négociations et des compromis pour que le texte final soit ratifié et puisse entrer en vigueur.

Voyons maintenant comment sont nommés les décideurs de ces deux autres instances. Ont-ils été désignés conformément aux valeurs démocratiques de l’UE et de ses États membres ou nous sont-ils imposés d’en haut ?

2. La Commission européenne

La Commission se compose de 27 commissaires, chacun étant issu d’un État membre. Si le nombre d’eurodéputés est à peu près proportionnel à la démographie de chaque pays, les 27 sont représentés à part égale au sein du gouvernement de l’UE. 🍰 Néanmoins, ce dernier ne défend pas, en principe, les intérêts et tel État ou de ses citoyens, mais ceux de l’Union dans son ensemble.

Chaque commissaire a la charge d’un dossier particulier. Sous la direction de l’Allemande Ursula von der Leyen, le collège des commissaires travaille main dans la main, chacun selon sa compétence. Par exemple, le Français Stéphane Séjourné s’occupe de la Prospérité et de la stratégie industrielle. Au début de l’été 2025, alors que le risque de guerre commerciale faisait rage avec l’administration Trump, il négociait un accord avec son homologue canadienne. La commissaire croate Dubravka Šuica se charge des questions méditerranéennes, en cohérence avec la position géographique de son pays d’origine. 🚤 Cela inclut le développement économique de la région (y compris en matière d’énergies renouvelables), la gestion des flux migratoires (en collaboration avec l’agence FRONTEX, qui protège les frontières extérieures de l’UE) et une partie de la diplomatie avec les États d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Le Lituanien Andrius Kubilius, quant à lui, se charge de la défense et du secteur spatial, un portefeuille clé dans l’Europe de ces derniers mois. Les commissaires sont issus de plusieurs familles politiques représentées au Parlement. À l’heure où cet article est publié, la CE se compose de 12 membres issus du PPE, de 5 centristes, de 4 socialistes, d’1 commissaire affilié au groupe CRE et de 5 indépendants.

Les membres de la Commission européenne sont proposés par le Conseil européen, dont tous les membres ont été démocratiquement élus (au suffrage universel direct ou indirect, selon la constitution de chacun des 27 pays représentés). Une fois cette équipe désignée, elle doit être approuvée par le Parlement européen, qui est donc élu au suffrage universel direct. Les eurodéputés peuvent aussi pousser la Commission à démissionner, s’ils votent une motion de censure.

La Commission dispose du pouvoir exécutif de l’UE. Elle veille à l’application des règlements, directives et traités internationaux. Elle négocie les traités avec d’autres blocs, comme l’accord douanier qui a été annoncé avec l’administration Trump au milieu de cet été. 🍔 Néanmoins, ces textes juridiquement contraignants sont soumis au vote du Parlement européen avant de pouvoir entrer en vigueur.

3. Le Conseil européen

Cette institution se compose des chefs d’État ou de gouvernement des différents États membres. Tous ont été élus démocratiquement, au suffrage universel direct ou indirect. La France est représentée par notre chef d’État (actuellement Emmanuel Macron), élu au suffrage universel direct. En Espagne, comme le chef d’État est un roi qui n’a pas été désigné par son peuple, la personne qui représente les intérêts espagnols au sein du Conseil européen est le chef du gouvernement (actuellement Pedro Sánchez), élu au suffrage universel indirect, par des parlementaires élus à la proportionnelle. 👑

Voici comment Vie Publique (un site officiel de la République française) explicite le rôle du Conseil européen :

Le Conseil européen définit les orientations politiques générales de l’UE. Dans ce cadre, il rend des conclusions qui pourront être ou non suivies par les autres institutions (Parlement européen, Conseil de l’Union européenne, Commission). Il n’exerce pas de fonction législative.

Le Conseil européen se réunit au moins deux fois par semestre sur convocation de son président, qui peut également organiser des réunions extraordinaires. Depuis l’élargissement du 1er mai 2004, toutes les réunions ont lieu à Bruxelles, à l’exception des réunions informelles.

Le Conseil européen ne doit pas être confondu :

  • avec le Conseil (ou Conseil des ministres ou Conseil de l’Union européenne) qui réunit les ministres de l’UE ;
  • avec le Conseil de l’Europe qui est une organisation distincte de l’Union européenne.

Un site officiel de l’UE apporte quelques précisions plus concrètes en la matière :

  • Il décide des grandes orientations et priorités politiques de l’UE, mais n’adopte pas d’actes législatifs.
  • Il traite les questions complexes ou sensibles qui ne peuvent être résolues à un niveau inférieur de coopération intergouvernementale.
  • Il fixe la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, en tenant compte des intérêts stratégiques de l’Union et de ses implications en matière de défense.
  • Il désigne et nomme les candidats à certaines hautes fonctions de l’UE, comme la présidence de la Banque centrale européenne et de la Commission.

Sur chaque question, le Conseil européen peut :

Veuillez noter que cette institution de l’UE est intergouvernementale, et non supranationale (comme c’est le cas pour les 6 autres).

4. Le Conseil de l’Union européenne (ou « Conseil »)

Il se compose des ministres des gouvernements des États membres, qui représentent les intérêts de ces derniers (contrairement au PE, qui représente les citoyens). Les membres du Conseil sont donc, en principe, nommés en fonction du suffrage universel indirect (NDLR : cette expression est de moi et n’engage que moi), puisque chaque gouvernement est censé se conformer à la composition du parlement de l’État membre concerné. À l’heure où j’écris ces lignes, en France, les choses sont un peu plus compliquées que cela, mais l’Assemblée nationale a le pouvoir de faire tomber François Bayrou et son équipe par le biais d’une motion de censure.

Le Conseil européen réunit les ministres compétents en fonction des questions à l’ordre du jour. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’adopter une position commune quant à la guerre en Ukraine ou au Proche-Orient, les ministres des Affaires étrangères des 27 sont réunis autour de la commissaire en charge de ces questions, à savoir la centriste Kaja Kallas. Cette ancienne première ministre estonienne occupe le poste de Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ce qui implique qu’elle est aussi Vice-présidente de la Commission européenne. 🥈 Lorsqu’il s’agit de réformer la PAC, les ministres de l’agriculture des différents États membres se réunissent pour se mettre d’accord, de manière collégiale, sur la position à adopter.

Avec le Parlement européen, le Conseil de l’UE dispose du pouvoir législatif de l’Union européenne. Lorsqu’une directive ou un règlement est voté au Parlement, il est aussi soumis au vote du Conseil. Ce dernier représente les États membres, tandis que les eurodéputés représentent leurs citoyens. Au terme de négociations, de concessions et de compromis, le texte final peut être ratifié et entrer en vigueur.

5. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)

Le rôle de cette institution est de s’assurer que le droit européen est interprété et appliqué de la même manière au sein de chaque État membre. ⚖ La Cour de justice de l’Union européenne a aussi pour mission de s’assurer que les pays et les institutions de l’UE se conforment au droit européen.

Cette instance judiciaire est indépendante, en vertu du principe démocratique de séparation des pouvoirs, élaboré au Siècle des Lumières par le philosophe Montesquieu.

Siégeant au Luxembourg, elle se compose de deux juridictions, à savoir :

  • La Cour de justice (qui se compose de 27 juges – soit 1 issu de chaque État membre + 11 avocats généraux)
  • Le Tribunal (qui se compose de 54 juges – soit 2 issus de chaque État membre).

Les juges et avocats généraux sont nommés par le Conseil de l’UE (donc des ministres en principe nommés conformément à la majorité élue au suffrage universel). Dans ce communiqué de presse consultable sur le site officiel du Conseil, on peut lire les conditions de nomination de 9 magistrats il y a presqu’un an :

Les juges et les avocats généraux sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres, après consultation d’un comité chargé de donner un avis sur l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions en question. Ils sont choisis parmi des personnes offrant toutes garanties d’indépendance.

Pour être nommés à la Cour de justice, les candidats doivent réunir les conditions requises pour l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions juridictionnelles, ou être des jurisconsultes possédant des compétences notoires.

Pour être nommés au Tribunal, les candidats doivent posséder la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles.

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette institution judiciaire, veuillez consulter ce lien (en anglais) ou le site officiel de la CJUE (en français).

6. La Cour des comptes européenne (CCE)

Voici ce que l’on peut lire sur le site officiel de cette institution de l’Union européenne dont le rôle est de « [veiller] à la perception et à l’utilisation correctes des fonds de l’UE et [de contribuer] à améliorer la gestion financière de l’Union. » :

En tant qu’auditeur externe indépendant établi à Luxembourg, la Cour des comptes européenne veille aux intérêts des contribuables européens. Bien qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir juridique, elle a pour mission d’améliorer la gestion du budget de l’UE par la Commission européenne et de rendre compte de la situation financière de l’Union en général.

Que fait la Cour des comptes ?

  • Elle contrôle les recettes et dépenses de l’UE afin de vérifier que les fonds sont correctement collectés et dépensés, qu’ils sont investis de manière à produire de la valeur ajoutée et qu’ils ont été comptabilisés.
  • Elle contrôle les personnes et les organisations qui gèrent des fonds de l’UE, y compris au moyen de contrôles aléatoires dans les institutions européennes (notamment la Commission), les États membres et les pays recevant des aides de l’UE.
  • Elle consigne ses constatations et ses recommandations dans des rapports d’audit destinés à la Commission européenne et aux États membres.
  • Elle rapporte les soupçons de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).
  • Elle envoie un rapport annuel au Parlement européen et au Conseil de l’UE. Le Parlement décide, après l’avoir examiné, s’il approuve la gestion du budget de l’UE par la Commission.
  • Elle publie des avis préparés par des experts afin d’aider les responsables politiques à mieux gérer les fonds et à en rendre compte aux citoyens européens.

Elle publie également des avis sur les actes législatifs préparatoires qui auront une incidence sur la gestion financière de l’UE, ainsi que des documents de position, des analyses et d’autres publications sur les finances publiques de l’UE.

Pour être efficace, la Cour doit être indépendante vis-à-vis des institutions et des organes qu’elle contrôle. Elle est donc libre de décider :

  • ce qu’elle contrôle ;
  • comment elle effectue le contrôle ;
  • comment et quand elle présente ses conclusions.

Les travaux d’audit de la Cour visent principalement la Commission européenne, qui est le principal organe chargé de l’exécution du budget de l’UE. Mais la Cour travaille également en étroite collaboration avec les autorités nationales, car la Commission gère avec elles la plus grande partie des fonds de l’UE (environ 80 %).

Composition

Les membres de la Cour sont désignés par le Conseil, après consultation du Parlement, pour un mandat renouvelable de six ans. Ils choisissent parmi eux un(e) président(e) pour un mandat de trois ans, également renouvelable.

Ce sont donc les ministres des États membres, nommés sous contrôle démocratique, qui désignent les responsables de la CCE. Le Parlement européen, élu au suffrage universel direct, peut approuver ou non ces nominations.

Veuillez noter que cette juridiction ne condamne pas les responsables politiques ayant agi de manière malhonnête. Elle transmet ses rapports aux tribunaux nationaux, qui jugent les accusés conformément aux procédures équitables en vigueur dans les différents États membres. Ainsi, après que la CCE a prouvé que le MoDem a détourné 300 000 € et le FN-RN, au moins 4 millions d’euros, leurs responsables ont été traduits en justice devant le Tribunal judiciaire de Paris.

7. La Banque centrale européenne (BCE)

Le président ou la présidente de la BCE est désigné(e) par le Conseil européen, dont tous les membres ont été élus de manière démocratique. 💶

Comme toute banque centrale, cette institution est indépendante du pouvoir politique. Sa mission est de veiller à la stabilité des prix au sein de la zone euro. Elle fixe les taux directeurs, auxquelles les banques privées lui empruntent la monnaie créée. C’est sur cette base que ces dernières fixent les taux d’intérêts, qui orientent l’inflation à la hausse ou à la baisse. La BCE cherche à maintenir la montée des prix autour de 2 % par an, pour éviter les écueils de la déflation et de l’hyperinflation. 📉📈

L’institution européenne sise à Francfort travaille en collaboration avec les banques centrales nationales, au sein d’une organisation nommée « Eurosystème ». Eh non, la Banque de France n’a pas disparu avec le franc ! Elle participe même à certaines décisions collégiales relatives à la politique monétaire décentralisée menée au sein de la zone euro (plus d’informations sur ce lien). La France a donc gardé une part de souveraineté en la matière. En revanche, la Communauté financière africaine n’en dispose pas, puisque le cours du franc CFA est indexé sur l’euro. La politique monétaire de l’Afrique francophone est donc décidée à Francfort, ce qui pose question…


Au-delà de ces 7 institutions européennes reconnues par le Traité de Lisbonne, d’autres instances officielles entendent représenter les acteurs de terrain qui agissent au service des citoyens, à l’échelle locale et/ou nationale. Je vais vous donner deux exemples. À vous de juger si vous vous sentez représentés par ces responsables et si leur nomination vous semble démocratique. 🗳

Le Comité économique et social européen (CESE) est un organe consultatif de l’Union européenne ayant son siège à Bruxelles. Il se compose de 329 membres. Sa consultation est obligatoire dans les domaines fixés par les traités et facultative pour les autres domaines ; il peut être consulté par la Commission, le Conseil ou le Parlement. Le CESE peut également émettre des avis de sa propre initiative. Ses membres ne sont liés par aucun mandat. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, dans l’intérêt général de l’Union (source : site officiel du Parlement européen).

Voici comment sont désignés ses membres :

A. Nombre et répartition nationale des sièges (article 301 du traité FUE et décision (UE) 2019/853 du Conseil arrêtant la composition du Comité économique et social européen).

Le CESE se compose actuellement de 329 membres, répartis entre les États membres comme suit :

  1. 24 pour l’Allemagne, la France et l’Italie ;
  2. 21 pour l’Espagne et la Pologne ;
  3. 15 pour la Roumanie ;
  4. 12 pour l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Tchéquie, la Grèce, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède ;
  5. 9 pour la Croatie, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Lituanie et la Slovaquie ;
  6. 7 pour l’Estonie, la Lettonie et la Slovénie ;
  7. 6 pour le Luxembourg et Chypre ;
  8. 5 pour Malte.

Le CESE est passé de 350 à 329 membres le 1er février 2020, à la suite du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne […].

Les membres du CESE sont nommés par le Conseil à la majorité qualifiée, sur la base de propositions présentées par les États membres (comme dans cet exemple). Le Conseil consulte la Commission sur ces nominations (article 302, paragraphe 2, du traité FUE). Les États membres doivent assurer une représentation adéquate des différentes catégories de la vie économique et sociale. En pratique, les sièges sont répartis par tiers entre les employeurs, les salariés et les autres groupes (agriculteurs, commerçants, professions libérales, consommateurs, etc.). Source : site officiel du Parlement européen.

En somme, les travailleurs siégeant au CESE sont représentatifs du monde économique au sein de l’Union européenne, puisque toutes les catégories socio-professionnelles y sont représentées et puisque le nombre de membres par pays est cohérent avec la part que représente ces derniers au sein de l’ensemble de la population européenne. Ils sont désignés par le Conseil de l’UE, qui, rappelons-le, se compose des ministres nationaux, en principe légitimes sur le plan démocratique. Son rôle est consultatif, donc les avis du CESE peuvent éclairer les eurodéputés, mais ceux-ci sont libres de les prendre en compte ou non au moment du vote. 👨‍🌾👩‍🍳👷‍♂️👩‍🔬👩‍💼👨‍🚀

Le second organe que je souhaite vous présenter est le Comité européen des régions (CdR). Il s’agit de « l’organe de consultation et de représentation des Régions et des Villes de l’Union européenne. Il est le porte-parole des territoires auprès de la Commission européenne et du Conseil, auxquels il adresse des avis » (source : Toute l’Europe).

L’assemblée du CdR compte actuellement 329 membres (et autant de membres suppléants) issus des 27 pays de l’UE. Tous sont nommés par le Conseil, sur proposition des Etats membres, pour un mandat de cinq ans.

Le Conseil adopte la liste des membres et des suppléants conformément aux propositions faites par chacun des Etats membres. Pour appartenir au Comité, il est toujours nécessaire de détenir un mandat électoral au sein d’une collectivité régionale ou locale, ou d’être politiquement responsable devant une assemblée élue (source : Toute l’Europe).

En somme, les responsables siégeant au Comité européen des régions sont représentatifs de l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Sur le plan démocratique, ils ont tous été élus, donc désignés par les citoyens pour les représenter au sein du monde politique, le plus souvent à l’échelle locale. Ils peuvent donc légitimement porter la voix de leur territoire auprès des institutions européennes. Ils sont désignés par le Conseil de l’UE, qui, rappelons-le, se compose des ministres nationaux, en principe légitimes sur le plan démocratique. Le rôle du CdR est consultatif, donc ses avis peuvent éclairer les eurodéputés, les membres de la Commission européenne ou ceux du Conseil. Néanmoins, ceux-ci sont libres de les prendre en compte ou non au moment de voter ou de prendre une décision. 🏔🏞🏖🏜

Quelles sont les limites de ce système ?

Comme vous avez pu le lire, tout cela est assez complexe et les citoyens européens ont parfois l’impression que Bruxelles est une nébuleuse technocratique, loin de leur vie quotidienne, qui dicte sa loi sans prendre en compte la réalité du terrain. Pourtant, nous avons vu que tous les dirigeants de l’Union européenne sont élus au suffrage universel, qu’il soit direct ou indirect, ou nommés par des personnes élues démocratiquement (ou nommées sous contrôle démocratique). Vous avez le droit de critiquer l’UE et son fonctionnement, mais vous avez aussi le droit et le pouvoir de vous déplacer pour voter aux élections européennes. Si vous êtes contre ce système, vous avez tout à fait le droit de voter pour des partis eurosceptiques, qui porteront votre voix auprès des instances décisionnelles.

En 2005, le projet de Constitution européenne a été rejeté par référendum par les peuples français et néerlandais. 🗳 Toutefois, en 2009, le Traité de Lisbonne est entré en vigueur sans avoir été expressément soumis au vote des citoyens. Comme il reprend en grande partie le texte de la Constitution européenne, nous pourrions accuser nos dirigeants d’alors de nous l’avoir imposé au mépris d’une décision démocratique. Cependant, le Traité de Lisbonne améliore la démocratie au sein de l’UE. Il donne notamment un rôle plus important au Parlement, élu au suffrage universel direct et à la proportionnelle. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter cet article. Si, après l’avoir lui, vous estimez toujours que ce texte est antidémocratique, je vous invite à exprimer votre point de vue en commentaire. 🙂

Une autre limite souvent citée est le lobbying auprès des décideurs. Plus de 12000 organisations gravitent autour des eurodéputés pour les inciter à défendre leurs intérêts. Un gros quart sont des ONG, des plateformes et des réseaux, mais on y trouve aussi des entreprises (dont les GAFAM), des associations commerciales et entrepreneuriales, des syndicats, des think tanks et des instituts de recherche. Les lobbyistes mettent plus ou moins de moyens pour séduire nos parlementaires démocratiquement élus et influencer leur vote. Toutes les statistiques relatives à ces questions sont disponibles sur ce lien. En effet, si ce phénomène encourage la corruption, une certaine transparence est exigée. En principe, ces lobbies ont l’obligation de s’inscrire dans un Registre de transparence[1] où ils déclarent qui ils sont et quels sont leurs objectifs. 🎯

Comme tout système politique, l’Union européenne est entachée par des affaires de corruption et de détournement de fonds. Le scandale du Qatargate a impliqué certains élus, notamment socialistes. Plus d’un million et demi d’euros en liquide, principalement en provenance du Qatar, ont été retrouvés chez ces responsables occupant des postes clés. Cet argent provenait d’un lobbyiste qui ne figurait pas au registre de transparence. L’objectif était de défendre les intérêts de cet État du Golfe, ce qui constitue une tentative d’ingérence. Notons que cette affaire n’a touché que le Parlement européen. En effet, la Commission européenne dispose de règles de déontologie beaucoup plus strictes et les commissaires sont plus hermétiques à la corruption. Bien évidemment, la présidente du PE a réagi. Les eurodéputés impliqués dans ce scandale ont été sanctionnés, les règles de transparence ont été durcies et tous les lobbyistes défendant les intérêts du Qatar ont été bannis du Parlement. ⛔

Après la crise de la COVID-19, le plan de relance NextGenerationEU vise à restimuler l’investissement en Europe, notamment pour faire face aux concurrences étasunienne et chinoise, dans une logique de compétitivité verte. Cette vidéo montre comment des millions d’euros ont été détournés par des politiciens et des chefs d’entreprise pour financer, entre autres, des yachts et des saunas. Néanmoins, toute suspicion de fraude peut être signalée par les États membres aux autorités compétentes, comme l’OLAF et l’EPPO. 🕵️‍♂️

Enfin, comme tout système démocratique, l’Union européenne peut subir des dérives totalitaires. Actuellement, un projet législatif très controversé est sur la table. J’en suis informé par EU Made simple et El Viejo Continente, deux chaînes YouTube très sérieuses, que je suis avec assiduité depuis quelques mois pour préparer un concours de recrutement pour un poste au sein de la fonction publique européenne. 🌍 Ces canaux informent et analysent sans parti pris, excepté avec des prises de position europhiles et non eurosceptiques. Dans cette vidéo (en anglais) et cette vidéo (en espagnol), les deux youtubeurs spécialistes de l’Union européenne mettent en garde leurs abonnés et tout citoyen européen contre le projet de règlement présenté par la Commission et connu sous le nom de ChatControl 2.0. Ce texte, qui s’appliquerait donc tel quel dans tous les États membres s’il était ratifié, vise à protéger les mineurs contre la pédopornographie. 👮‍♂️ Bien sûr, il est indispensable de combattre et d’anéantir cette forme de criminalité ! Mais, à ces fins, ce projet de règlement entend décrypter les messageries privées chiffrées de bout en bout de tous les internautes du territoire européen. 🔓 Ainsi, une IA pourra y scanner tous les conversations, toutes les images et toutes les pièces jointes, en vue de détecter tout ce qui est potentiellement illégal. Des tests ont déjà été effectués et certaines personnes soupçonnées étaient des innocents qui échangeaient en toute légalité des photos et des écrits intimes, voire des private jokes. Par ailleurs, si une faille est créée dans le chiffrage pour que les autorités agréées puissent y accéder, cela permettrait d’espionner les opposants politiques. De même, toute personne disposant de la clé pourrait accéder à une conversation privée, y compris des hackers souhaitant pirater vos données médicales ou vos coordonnées bancaires. 🦠💳 Cette règle de scannage ne s’appliquerait pas aux responsables politiques, aux militaires et aux agents des forces de l’ordre, comme si ces personnes-là étaient exemptes de tout soupçon… Sur le plan démocratique, ce projet de règlement contrevient à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont les articles 7 et 8 disposent que toute personne a droit au respect de la vie privée et familiale, ainsi qu’à la protection des données à caractère personnel. 🛡 En outre, si les citoyens européens se savent espionnés, ils n’oseront plus s’exprimer par écrit en privé, donc le débat public peut s’appauvrir, ce qui est nuisible à tout esprit démocratique. Enfin, l’efficacité de ce système est contestée, y compris par des experts de l’ONU, car cela alourdirait la charge de travail de la police, notamment par l’encombrement provoqué par les fausses pistes. Or, dans le cas d’abus sur mineur ou de préméditation d’attentats, il faut agir vite. ⚡ D’autres arguments sont développés par les deux youtubeurs susmentionnés, dont je vous invite à regarder les vidéos. Si vous le souhaitez, je peux chercher des sources équivalentes en français. Quoi qu’il en soit, ces deux influenceurs nous encouragent à interpeller nos députés européens pour qu’ils s’opposent au projet de règlement. ✋ J’ai visionné de nombreuses vidéos de leurs chaînes respectives (surtout d’El Viejo Continente) et c’est la première fois que je les vois prendre position au point de nous exhorter à écrire à nos parlementaires. Nous pouvons le faire à travers la plateforme Fight Chat Control. Bien sûr, je relaye ce point de vue qui me semble défendre le modèle démocratique européen, mais vous avez tout à fait le droit de penser autrement. Si vous êtes favorables à ce projet législatif (notamment après vous être informés sur d’autres sources), n’hésitez pas à nous faire part de votre opinion et de vos arguments en commentaire… 👇

Quelques concepts à élucider

Concernant la souveraineté, il est vrai que cette dernière est partiellement déléguée par les États membres à l’Union européenne. Néanmoins, nos dirigeants l’ont fait de leur plein gré, avec le mandat que leur avait donné le peuple par la voie des urnes. D’ailleurs, en France, le traité de Maastricht a été approuvé par référendum en 1992. Il est entré en vigueur en 1993, après avoir été ratifié par les institutions démocratiques de tous les États membres. ✍ De surcroît, Bruxelles ne gère que ce qui relève de sa compétence, en vertu du principe de subsidiarité. Ainsi, certains domaines sont gérés à l’échelle européenne. Ces compétences dites exclusives sont :

  • l’union douanière,
  • l’établissement de règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur,
  • la politique monétaire pour les pays de la zone euro,
  • la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche et
  • la politique commerciale commune.

En effet, il est logique que la politique monétaire soit gérée à l’échelle de la zone euro, que les règles de concurrence soient les mêmes dans l’ensemble du marché intérieur et que les pêcheurs de toutes les nationalités de l’UE, qui ont le droit de pêcher dans la zone économique exclusive de tous les États membres, aient les mêmes droits et les mêmes devoirs. 💶🐟

Les compétences partagées sont définies par l’article 4 du TFUE. « L’UE et ses États membres sont en mesure de légiférer et d’adopter des actes juridiquement contraignants. Cependant, les États membres ne peuvent exercer leur compétence que dans la mesure où l’UE n’a pas exercé ou a décidé de ne pas exercer la sienne. La compétence partagée entre l’UE et ses États membres s’applique aux domaines suivants :

  • le marché intérieur ;
  • la politique sociale (pour les aspects définis de façon précise dans le traité exclusivement) ;
  • la cohésion économique, sociale et territoriale (politique régionale) ;
  • l’agriculture et la pêche (à l’exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer) ;
  • l’environnement ;
  • la protection des consommateurs ;
  • le transport ;
  • les réseaux transeuropéens ;
  • l’énergie ;
  • l’espace de liberté, de sécurité et de justice ;
  • les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique (pour les aspects définis dans le TFUE uniquement) ;
  • la recherche, le développement technologique et l’espace ;
  • la coopération au développement et l’aide humanitaire. »

En effet, les défis environnementaux se jouent à l’échelle globale et locale. 🌱🌍 Elle nécessite donc une coopération entre l’échelon local, régional, national et supranational. Concernant les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, l’Union européenne a prêté des fonds très importants aux États membres pour qu’ils puissent faire face à la pandémie de COVID-19, ce qui a permis de nombreuses mesures phares, du chômage partiel aux campagnes de vaccination (même si ces dernières restent controversées). En revanche, chaque État membre a mis en place sa propre politique de protection collective contre le coronavirus. Par exemple, lorsque la France mettait en place de deuxième confinement, l’Espagne laissait les bars ouverts en demandant l’application des gestes barrière et n’appliquant le couvre-feu qu’à partir de 22h. En effet, une grande partie de l’économie espagnole repose sur le secteur de la restauration et la culture de ce pays est intimement liée à la fête et aux sorties. 🎊🥤🥂

Enfin, les compétences d’appui relèvent uniquement des États membres quant à la réglementation et à la mise en œuvre de cette dernière. L’UE peut soutenir certaines politiques, mais laissera toute leur souveraineté aux États membres dans les domaines suivants :

  • la protection et l’amélioration de la santé humaine ;
  • l’industrie ;
  • la culture ;
  • le tourisme ;
  • l’éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport ;
  • la protection civile ;
  • la coopération administrative.

Ainsi, en vertu de l’article 6 du TFUE, l’Union européenne n’a pas le droit d’obliger un État membre à légaliser l’avortement, l’euthanasie ou le suicide assisté. Ces décisions reviennent au peuple et à leurs élus nationaux. 🗳

En démocratie, la transparence est importante. Les citoyens ont le droit d’être informés pour voter librement et les élus à qui ils ont confié un mandat doivent leur rendre des comptes. À ce titre, l’Union européenne peut mieux faire, car certaines décisions importantes sont prises à huis clos. C’est notamment le cas de la nomination des futurs membres de la Commission par le Conseil européen. En revanche, chaque session plénière du Parlement européen est retransmise en direct et chaque intervention des eurodéputés est interprétée en simultané dans les 24 langues officielles de l’UE. 🌍 De même, toute la législation européenne est traduite dans ces mêmes idiomes et disponible sur ce lien. Enfin, les procédures de la Cour de justice de l’Union européenne peuvent, elles aussi, être menées dans toutes ces langues, notamment pour que les justiciables et la partie défenderesse puissent comprendre l’ensemble du procès, y compris avec ses nuances.

Pour conclure cet exposé sur le fonctionnement des institutions de l’Union européenne, je vous propose une approche ludique et humoristique. Je vous invite à visionner la série Parlement, de France Télévision, qui est très bien faite. 🎥 C’est certes assez orienté à gauche, mais cela permet de comprendre le fonctionnement et les limites du système démocratique européen.

Conclusion

En somme, l’Union européenne est-elle démocratique ? Après avoir lu cet article, je vous laisse juge en la matière. À titre personnel, je dirais qu’elle l’est, mais qu’elle ne l’est pas parfaitement, comme tout système démocratique. 🗳 Néanmoins, vous et moi avons le pouvoir de changer les choses…

Comment nous, citoyens, nous pouvons agir pour porter notre voix auprès de l’UE ? Par les urnes, nous pouvons déjà :

  • Voter aux élections européennes, pour décider qui siège au Parlement et, indirectement, à la Commission.
  • Voter aux élections nationales, puisque cela influe directement ou indirectement sur la composition du Conseil européen et du Conseil de l’UE, mais également sur la nomination des membres de la Commission et des autres institutions de l’Union européenne.

Depuis 2012, « l’initiative citoyenne européenne (ICE) permet aux citoyens européens d’appeler la Commission européenne à proposer de nouvelles législations sur un sujet donné dès qu’un million de signatures [est récolté] », d’après cette source. 😀 Les conditions à remplir sont les suivantes :

  • recueillir au moins un million de signatures de ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, seuls les citoyens européens étant ainsi comptabilisés ;
  • concerner un domaine relevant de la compétence de la Commission européenne ;
  • porter sur une question pour laquelle les signataires estiment qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités.

Par ce biais, vous pouvez donc agir en tant que citoyen et défendre les causes qui vous importent, en lien avec les associations qui les défendent et les promeuvent. Néanmoins, la Commission est libre d’y donner suite ou non. Le collectif One of us a été l’un des premiers à réunir un nombre de signatures suffisant et à les déposer auprès de la Commission européenne. Cette dernière explique sur cette page pourquoi elle n’a pas demandé au Parlement et au Conseil de légiférer à partir de cette ICE. 📜

Enfin, si nous en avons la possibilité, nous pouvons soutenir financièrement les lobbies qui défendent les causes qui nous importent. Souvent, ce sont les grosses entreprises qui disposent des plus gros moyens. Elles défendent leurs intérêts, se cachant souvent derrière les emplois créés par leur activité. Cela est louable, mais voulons-nous sacrifier aux intérêts économiques des vies humaines et notre environnement ? Nous pouvons donc soutenir des ONG, qui défendent, par exemple, les droits humains, la paix, nos propres convictions politiques ou religieuses, des causes écologiques ou tout combat qui nous tient à cœur. 💓

Et vous, que pensez-vous de tout cela ? Pour vous, l’Union européenne est-elle assez démocratique ? Devrait-elle l’être davantage ? Qu’êtes-vous prêt à faire pour améliorer les choses ? N’hésitez pas à partager vos idées, quelles qu’elles soient, en commentaire ! 😊

Jean O’Creisren


[1] Malheureusement, à l’heure où je publie ces lignes, la plateforme est indisponible, sans doute car elle est en maintenance. Elle était accessible il y a quelques semaines. Je mettrai à jour le lien dès que ce sera possible. Si j’oublie, n’hésitez pas à me le signaler en commentaire.


Sitographie non exhaustive

Aldecoa Luzarraga, F. (2020). Cómo superar el bloqueo en el Consejo Europeo. infoLibre. https://www.infolibre.es/opinion/plaza-publica/superar-bloqueo-consejo-europeo_1_1181812.html

[NB : cet article relate un événement qui rejoint tout à fait l’intrigue de la saison 4 de la série Parlement ; peut-être ces faits l’ont-ils même inspirée…]

ARTE (22 août 2025). UE : Où sont passés les millions ? | ARTE Europe l’Hebdo [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=PVAsTVVMwPg

ARTE Europa Semanal (6 juin 2025). Dieselgate: el escándalo que mancha Europa [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=Vkov73n87YI

ARTE Europa Semanal (22 août 2025). Fondos europeos: ¿fraude a gran escala? [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=aS9yABcKKSQ

Avril, P. (2024). Collusion avec la Russie : l’AFD se fait étriller au Bundestag. Le Figaro. https://www.lefigaro.fr/international/collusion-avec-la-russie-l-afd-se-fait-etriller-au-bundestag-20240411

Banque centrale européenne | Eurosystème. (2025). La mission de l’Eurosystème. https://www.ecb.europa.eu/ecb/orga/escb/eurosystem-mission/html/index.fr.html

Comité européen des régions. (Date inconnue). Page d’accueil. https://cor.europa.eu/fr

Conseil européen / Conseil de l’Union européenne (Dernier réexamen : 15 janvier 2025). Cour de justice de l’Union européenne: les représentants des États membres nomment neuf juges et un avocat général. https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/10/02/court-of-justice-of-the-european-union-member-states-representatives-appoint-nine-judges-and-an-advocate-general/

Consejo Europeo / Consejo de la Unión Europea. (Dernière mise à jour : 14 juillet 2025). Cometido del Consejo Europeo en propuestas y nombramientos. https://www.consilium.europa.eu/es/european-council/role-nominations-appointment/

Consejo Europeo / Consejo de la Unión Europea. (Dernière mise à jour : 11 janvier 2024). Sistema de votación: ¿Cómo vota el Consejo? https://www.consilium.europa.eu/es/council-eu/voting-system/

Consejo Europeo / Consejo de la Unión Europea. (Dernière mise à jour : 8 février 2024). Unanimidad. https://www.consilium.europa.eu/es/council-eu/voting-system/unanimity/

El Viejo continente (18 avril 2020). 5 CLAVES para ENTENDER la UNIÓN EUROPEA [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=6DiYB3yWqAg

El Viejo continente (19 août 2025). ChatControl: ¿Fin a la LIBERTAD de EXPRESIÓN en la UNIÓN EUROPEA? [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=DAcwoq_NRx0

EU Made Simple (26 août 2025). Chat Control Explained – The EU’s Plan to Read YOUR Messages [Vidéo]. YouTube. https://youtu.be/xPC56I1nLH0?si=369bMtt4zmEDXNsR

EU Made Simple (20 décembre 2022). Is Qatar BRIBING the EU? #Qatargate [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=xrNcJyrrvQQ

European Commission. (Dernière mise à jour : 16 juillet 2025). Andrius Kubilius. https://commission.europa.eu/about/organisation/college-commissioners/andrius-kubilius_en

European Commission. (Dernière mise à jour : 25 août 2025). Dubravka Šuica. https://commission.europa.eu/about/organisation/college-commissioners/dubravka-suica_en

European Commission. (Date inconnue). Kaja Kallas. https://commission.europa.eu/about/organisation/college-commissioners/kaja-kallas_en

European Public Prosecutor’s Office (EPPO). (Date inconnue). Structure et caractéristiques. https://www.eppo.europa.eu/fr/structure-et-caracteristiques

European Union. (Date inconnue). Court of Justice of the European Union (CJEU). https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/institutions-and-bodies/search-all-eu-institutions-and-bodies/court-justice-european-union-cjeu_en

European Union. (Date inconnue). European Court of Auditors (ECA). https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/institutions-and-bodies/search-all-eu-institutions-and-bodies/european-court-auditors-eca_en

Fight Chat Control. (2025). L’UE veut (encore) scanner vos messages privés et photos. https://fightchatcontrol.eu/

FRANCE 24 (17 décembre 2022). « Qatargate » : jusqu’où l’Europe s’est-elle vendue ? [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=HZEd6H89Eoo&t=120s

Journal officiel de l’Union européenne. (26 octobre 2012). CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPÉENNE (2012/C 326/02). https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012P/TXT

Ledroit, V. (Article mis à jour le 1er août 2025). Les groupes du Parlement européen : les non inscrits (NI). Toute l’Europe. https://www.touteleurope.eu/institutions/les-groupes-du-parlement-europeen-les-non-inscrits-ni/

L’esprit critique (4 avril 2025). L’inéligibilité : Analyse [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=ZxV1B1WgVUo

Les services de l’État en Isère. (Date inconnue). Directive nitrates. https://www.isere.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement/Politique-et-enjeux-de-l-Eau/Gestion-des-effluents/Directive-nitrates

Maciejewski, M., Udo Bux, U. et Massay-Kosubek, K. (Article mis à jour en mai 2025). Le Comité économique et social européen. Parlement européen : Fiches thématiques sur l’Union européenne. https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/15/spain

Office européen de lutte antifraude (OLAF). (Dernière actualité : 31 juillet 2025). European Anti-Fraud Office. https://anti-fraud.ec.europa.eu/index_fr

One of Us. (Dernière publication sur le site : 6 octobre 2023). Qui sommes-nous ?https://oneofus.study/qui-sommes-nous/

Palacin, H. et Bachler, E. (Mis à jour le 11 avril 2025). Qu’est-ce qu’une initiative citoyenne européenne ? Toute l’Europe : Comprendre l’Europe. https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/qu-est-ce-qu-une-initiative-citoyenne-europeenne/

[NB : l’objet de l’initiative citoyenne européenne « One of Us » telle que formulée sur ce site de vulgarisation est inexacte. La page y afférente du site de la Commission européenne, référencée ci-avant, est plus fiable en la matière.]

Parlement européen. (Date inconnue). Les groupes politiques du Parlement européen. https://www.europarl.europa.eu/about-parliament/fr/organisation-and-rules/organisation/political-groups

(+ page officielle de chacun des groupes politiques du PE et de différents partis mentionnés ou non dans l’article « L’Union européenne est-elle démocratique ? » Comme je ne soutiens pas toutes ces formations, je n’ai aucune envie d’améliorer le référencement de leur site en plaçant un lien y afférent sur mon blog)

Parlement européen. (Date de publication : 09-01-2018 ; Date de dernière mise à jour : 10-06-2021 – 22:48). Registre de transparence : Qui sont les lobbyistes auprès de l’UE ? (Infographie). https://www.europarl.europa.eu/topics/fr/article/20180108STO91215/qui-sont-les-lobbyistes-aupres-de-l-ue-infographie

POLITICO Europe (15 décembre 2022). Qatargate: How the key players are connected | POLITICO [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=jZRg5y6AQR0

République française. (Dernière modification : 20 mars 2023). Qu’est-ce que le Conseil européen ? https://www.vie-publique.fr/fiches/20336-quest-ce-que-le-conseil-europeen

Syndicatho. (2025). Le principe de subsidiarité. https://syndicatho.org/la-doctrine-sociale-de-leglise/principes-de-la-doctrine-sociale-de-leglise/principe-de-subsidiarite/

Unión Europea. (Date inconnue, mais source intéressante pour le défi à relever). Buscar todas las instituciones y órganos de la UE. https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/institutions-and-bodies/search-all-eu-institutions-and-bodies_es

Unión Europea. (Date inconnue). Elecciones y nombramientos en las instituciones de la UE. https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/leadership/elections-and-appointments_es

Union européenne (Date inconnue). Conseil européen. https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/institutions-and-bodies/search-all-eu-institutions-and-bodies/european-council_fr

Union européenne (Date inconnue). Forum de l’initiative citoyenne européenne : One of Us. https://citizens-initiative-forum.europa.eu/document/one-us_fr

Union européenne (Date inconnue). NextGenerationEU: pour une Europe plus forte et plus résiliente. https://next-generation-eu.europa.eu/index_fr

Versión consolidada del Tratado de funcionamiento de la Unión Europea (2012). https://eur-lex.europa.eu/legal-content/ES/TXT/PDF/?uri=CELEX%3A12012E%2FTXT&from=FR

Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne — Première partie — Les principes — Titre I — Catégories et domaines de compétences de l’Union — Article 2 (2016). https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=URISERV:ai0020

Nota bene : toutes ces sources ont été consultées entre le 11 et le 25 août 2025.

Crédits image : Pixabay.


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2 commentaires sur “L’Union européenne est-elle démocratique ?

  1. Bonjour,

    J’ai eu l’occasion de lire ton article en m’attardant sur les points d’analyse que tu développes avec moult arguments et exemples de l’actualité. Je pense par ailleurs que tu décris parfaitement le fonctionnement des institutions de l’Union européenne et tu mets en exergue le lien entre elles dans un système politico-économique avec sa logique interne, notamment en explicitant leurs limites. C’est une véritable prouesse de clarté, de précision et de vulgarisation qui élève le débat, la curiosité, mais aussi la critique.

    Dans le même temps, je crois relever tout au long de ton propos riche et scientifique un ton enthousiaste trahissant peut-être une vision positive, voire optimiste, de l’avenir de l’Europe, ou en tout cas de ses effets sur notre quotidien d’Européens. Le leitmotiv de ton discours sur l’Europe est sans conteste la démocratie, le fonctionnement démocratique. Il est intéressant par ailleurs de noter que tu reviens souvent sur les « mécanismes » des décisions prises par l’Union européenne à travers ses institutions.

    Somme toute, ton propos est bien fidèle au titre qu’il porte, à savoir « dans quelle mesure l’Union européenne est démocratique ». Au-delà de l’idée d’Europe de Jean Monnet et de Robert Schuman, teintée d’idéaux démocrates chrétiens dans les années 1950, à l’origine de l’Union européenne en question, l’idée d’une Europe unie politiquement et économiquement est presque vieille comme l’Humanité. Elle se manifestait par la paix de Dieu à l’époque féodale, fut un puissant aiguillon des Croisades, y compris sur le tard, au XVe siècle, chez les proches conseillers d’un Charles VII, à l’instar de Philippe de Mézières, dans le contexte d’un royaume de France meurtri, ou bien se confondait avec les projets d’empire depuis Charlemagne jusqu’à Bismarck, voire jusqu’à Hitler.

    Il n’est pas de mon propos de revenir sur tous ces précédents historiques, mais plutôt de convoquer une dimension historique à l’actuel projet européen au regard de tes affirmations. Toutes ces expressions d’Europe unie ne se valent toutes de par leur teneur et les circonstances qui les ont vu naître. Or, l’Union européenne a sa propre histoire, son idéologie, ses acteurs, ses élites qui ont leurs croyances, héritées des lumières, à savoir le libéralisme politique et économique. En ce sens, ils ont tout intérêt à conserver et à perpétuer un système démocratique.

    Il n’en demeure pas moins que cette démocratie méconnaît les peuples, leurs histoires, leurs identités, leurs contradictions, leurs espaces, leurs rythmes, leurs temps, bref leurs géopolitiques profondes. Et pour cause : la démocratie libérale à la façon européenne ne considère que des individus, de préférence bons consommateurs, rationnels et opérationnels, complétement détachés de leurs pays et de désincarnés de leurs traditions. Au lieu et à la place, elle œuvre à une humanité ouverte aux quatre vents, non sans un sens de l’histoire défini d’avance avec la fin des guerres et la paix perpétuelle par la plénitude du marché.

    Fort d’un impératif catégorique et d’un sens rationnel de l’histoire, Emmanuel Kant dans ses Opuscules de l’histoire préconisait déjà, avant l’heure, avant l’Europe de Metternich de 1815, un « organisme cosmopolitique mondiale » en vue d’une neutralisation des puissance politiques européennes et la paix des peuples autour d’un marché commun où les écarts seraient réduits par une auto-régulation de ce marché. Au XIXe siècle, Victor Hugo reprenait à son compte cette idée et l’on voit dans les années 1920 et 1930 des littéraires et des artistes comme Albert Camus, Thomas Mann et Martin Bloch esquisser un espace européen des échanges culturels au nom d’une histoire commune. C’était en réalité, au fil de générations, les mêmes cercles d’élites culturelles et politiques qui se retrouvaient dans la défense des mêmes intérêts au sein de réseaux puissants. Créé le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe en est la première institution politique aboutie.

    En conséquence, les lois votées et les directives adoptées peuvent concerner aussi bien les éleveurs de bovins au Poitou que les paysans des steppes roumaines, car ce sont aux yeux des législateurs européens les mêmes individus partageant les mêmes besoins. En revanche, entre ceux qui les promeuvent à la Commission européenne, ceux qui les amendent et les votent au Conseil européen et au Parlement européen, un même esprit règne guidé par une vision des mes intérêts et du même avenir pour les 27 pays. Plus le nombre de pays embrassés par les directives augmente et plus les frontières se dilatent et le continent s’étend – et ce, au passage, au détriment de la zone d’influence russe – plus les lois votées sont vidées de leur sens.

    Mais les populations ont voté ces lois abstraites et absurdes pour leur quotidien, comme l’accord inique sur l’importation de bovins de l’Amérique du Sud mettant hors jeu l’élevage français dans le marché mondial, ainsi que l’on peut m’objecter. Certes, tout cela a pu être voté par des élus mandatés (et encore, les mandatés ne sont pas tenus de leurs promesses, à part être éjectés en période électorale devant le fait accompli…), mais il est douteux que les populations concernées l’aient voté en toute âme et conscience, sans esprit de conformisme ni beaucoup de désinformation de médias détenus par faiseurs d’opinion et des spéculateurs dont les lobbys sont de surcroît bien représentés sur les institutions européennes. Et puis le principe du suffrage universel, c’est-à-dire la loi du nombre n’est pas non plus en elle-même une garantie suffisante d’éclairage sur des sujets si vitaux.

    Ajoutons à cela que les textes de ces lois sont déjà biaisés du fait de leur initiative par la Commission européenne. Autrement dit, on vous dicte les conditions et les règles du jeu que vous devez suivre, éventuellement ajuster, mais en aucun cas refuser si elles vont à contresens de vos intérêts vitaux. C’est dans ce principe qu’a été adopté le Traité de Maastricht en 1992 lorsqu’on évoque la délégation de souveraineté, expression en elle-même très ambiguë. De la même manière, toute personne avertie sait que la valeur de l’euro a été de longue date alignée sur le mark allemand et que les banques « nationales » s’y plient, au mépris de leurs industries respectives. En bref, les dés sont pipés et la marge de consentement des peuples, si tant est qu’elle existe, est bien réduite et faussée. En vérité, le suffrage universel sans la souveraineté est inopérant et la démocratie à l’échelle d’une Europe conçue de plus en plus dans une optique d’uniformisation est stérile.

    Par conséquent, l’Union européenne démocratique restera une coquille vide si on persiste dans le déni de l’histoire des peuples européens par leurs nations, leurs affinités mais aussi leurs animosités et, il faut bien le dire, leurs désordres et leurs guerres. Car nier la guerre revient à nier l’histoire et le déni de l’histoire rend stérile et totalitaire le mécanisme de la démocratie. Il en résulte une guerre larvée, une concurrence inique et faussée, et à la fin une gestion permanente de conflits et de crises dans un ordre dysfonctionnel. La réussite de quelques individus bien établis dans des niches économiques émergentes (trop récentes pour faire leurs preuves) s’opère par la dissolution de cultures millénaires familiales, paysannes, industrielles vraiment européennes qui ont fait les preuves de leur solidité.

    Une Europe arcboutée sur les droits de l’homme et du citoyen qui l’ont inspirée est décidément une Europe sans transcendance, sans Dieu, et promise à une mort certaine. Anatole France aimait à dire que les civilisations, les hommes vivaient aussi de mensonges, mais, entre nous, on peut avancer qu’il y a des fictions plus meurtrières que d’autres. L’Union européenne a les siennes: le libre marché, Erasmus, l’écologie (sentencieuse et punitive surtout), la démocratie. À bon entendeur, salut. L’histoire en jugera.

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    1. Merci beaucoup, cher ami, pour ce commentaire documenté, détaillé, argumenté et profond ! Je devrais me poser pour y répondre point par point. J’essaierai de le faire dès que possible. En attendant, je peux déjà ébaucher quelques éléments de réponse sur ta conclusion.

      Bien sûr, la concurrence est une forme de guerre, mais je préfère perdre des parts de marché parce qu’un Portugais me les a piquées que mourir au champ d’honneur parce que l’alliance anglo-portugaise se dispute avec ma Mère Patrie quelques hectares en Normandie. Depuis la fondation de l’UE, nous n’avons pas eu de guerres entre nations sur le territoire de cette dernière, ce qui est un exploit, surtout après les deux guerres mondiales. Dans ton commentaire, tu sous-entends que cette concurrence est faussée et déséquilibrée. Sur quoi bases-tu ces accusations ? Aurais-tu des données concrètes en la matière ? Pour ma part, je dirais que, certes, les avantages comparatifs sont plus ou moins intéressants suivant les secteurs de spécialisation de tel ou tel pays. Néanmoins, l’UE prévoit des mécanismes de compensation. Le FEDER, notamment, est nourri par les taxes imposées aux États membres les plus riches pour que les régions les plus défavorisées puissent stimuler leur économie (y compris en soutenant les PME et la R&D). Plus d’infos sur ce lien : https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr/fonds-europeens-2014-2020/fonds-europeen-developpement-regional-feder

      Après, il est vrai que l’Europe d’aujourd’hui est libérale et ne revendique pas ses racines chrétiennes. Mais est-ce la faute de la construction européenne ou d’évolutions sociétales multifactorielles ? Si la démocratie me semble importante, je reconnais que les Lumières ont aussi apporté des choses contestables. Mais ce système autorise tout à fait les partis conservateurs, et même les partis eurosceptiques, non seulement à se présenter aux élections, mais aussi à remporter un nombre de sièges important (et, factuellement, de plus en plus important). La construction européenne n’est pas figée dans telle ou telle idéologie. Nous, citoyens européens, avons le pouvoir de faire pencher la balance de n’importe quel côté.

      Est-il pertinent de loger tout le monde à la même enseigne dans ce vaste territoire qui rassemble 27 nations, chacune avec son histoire, sa culture et, le plus souvent, sa langue nationale ? N’oublions pas qu’en vertu du principe de subsidiarité, les compétences peuvent être exclusives, partagées ou d’appui. La plupart des choses se décident à l’échelle nationale (voire régionale, dans les États membres à administration fédérale, comme l’Allemagne). Quant à des accords comme celui qui se prépare avec le MERCOSUR, il est vrai que cela serait imposé aux agriculteurs français par une écrasante majorité d’États membres qui n’y voient aucun problème. En tant que fils d’ancien éleveur bovin très engagé au niveau syndical, je connais bien les arguments hostiles à cet accord. Néanmoins, Macron a porté la voix des producteurs français, ce qui compte certainement dans les négociations qui déboucheront sur le texte final du traité. Et, de fait, la version actuelle de l’accord prévoit des quotas au niveau des importations de denrées alimentaires, plus restrictives sur la viande de bœuf que sur d’autres produits. En l’état, le texte législatif impose aussi aux pays du MERCOSUR des normes environnementales plus strictes, ce qui réduira la concurrence déloyale et sera moins pire pour la biosphère. D’un point de vue géostratégique, il s’agit aussi de construire un partenariat pour améliorer la croissance et construire un bloc pour que l’Europe continue à exister face aux géants étasunien et chinois, tous deux agressifs envers nous sur le plan économique. À l’heure où j’amende ce commentaire (le 4 septembre 2025 à 21h30), le Traité vient d’être amendé par la Commission européenne. Il devra aussi être adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. J’ignore si ces deux institutions pourront l’amender. Il ne devrait pas entrer en vigueur avant fin 2026.

      Par ailleurs, tu mentionnes Erasmus et l’écologie comme des choses négatives. Pourrais-tu m’expliquer ce que tu leur reproches exactement ? Pour ma part, je les vois toutes deux d’un très bon œil, du fait de mes connaissances et mon expérience relatives à l’un et à l’autre.

      Concernant l’écologie dite punitive, le rapport Draghi, rendu il y a un an, invite l’UE à assouplir sa réglementation (notamment environnementale) pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Pour ma part, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose. À ce titre, je t’invite à regarder ce débat y afférent : https://youtu.be/wPe_iuYIVmU?si=VPvYnDUo6EVCn9P6. Quoi qu’il en soit, les recommandation de ce rapport sont sur le point d’être mises en œuvre, car le Parlement est très à droite depuis juin 2024. Une autre preuve que l’Union européenne est bel et bien démocratique, pour le meilleur et pour le pire…

      Enfin, tu mentionnes très brièvement (et à juste titre) la perte d’influence russe du fait de l’expansion de l’UE. Souhaites-tu développer ce point, notamment en partageant la conférence d’une historienne reconnue que tu m’as envoyée sur WhatsApp il y a quelques jours ?

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